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lundi, 30 avril 2007

qui dit mieux que cet homme ?

La nuit dernière — surgissement, sur les ondes, d'une des voix les plus justes pour porter un texte, Laurent Terzieff lit la première page de Tête d'or

Me voici,
Imbécile, ignorant,
Homme nouveau devant les choses inconnues,
Et je tourne ma face vers l'Année et l'arche pluvieuse, j'ai plein mon cœur d’ennui !
Je ne sais rien et je ne peux rien. Que dire ? que faire ? '
À quoi emploierai-je ces mains qui pendent, ces pieds
Qui m'emmènent comme le songe nocturne ?
La parole n'est qu'un bruit et les livres ne sont que du papier.
Il n'y a personne que moi ici. Et il me semble que tout
L'air brumeux, les labours gras,
Et les arbres et les basses nuées
Me parlent, avec un discours sans mots, douteusement.
Le laboureur
S'en revient avec la charrue, on entend le cri tardif.
C'est l'heure où les femmes vont au puits.
Voici la nuit. — Qu'est-ce que je suis ?


Il fut Cébès.
Claudel, ainsi dans la nuit d'orage, par Terzieff ! Ce pourrait être toute une longue nuit d'insomnie.

vendredi, 27 avril 2007

la honte du juge

Ce matin, au réveil, une voix qui s'engage, hors des supputations, des commentaires bien pesés, des analyses de sondage et des ragots, une bonté juste, paisible, ferme est de retour. Enfin !
Char n'a pas eu tort : les mots lèvent les hommes.


J’en ai assez d’avoir honte de ce que je fais en tant que juge quand je maintiens dans des Centres de rétention des gens qui sont qui n'ont commis aucune infraction qui n’ont d’autre tort que d’avoir essayer de venir en France, soit pour rechercher un asile politique qu’ils n’ont pas eu, soit simplement pour des raisons de misère.
Je suis là aussi pour protester contre une politique qui me paraît fondamentalement contraire aux Droits de l’homme et à notre tradition républicaine.
Quand un ministre de l’Intérieur ose annoncer chaque année, comme dans une entreprise privée, qu’il faudra reconduire aux frontières 23 000 cette année, l’année suivante un peu plus, l’année suivante, 25 000, etc, parce qu’il faut augmenter les chiffres, j’ai honte.
Ça m’est presqu’arrivé de violer la loi parce qu’il y a des choses totalement insupportables.
Ce sont des gens qu’il faut sauver, je l’ai déjà fait, j’en suis fier !


C'était, à 7 heures 09, sur France Cul, Serge Portelli, membre du syndicat de la Magistrature, vice-président de la 12ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris qui affirmait que la désobéissance civique est la seule issue, même pour des magistrats.
Le même Serge Portelli vient de publier un bouquin qui circule aussi en format PDF sur la Toile : RUPTURES*.
Ruptures_Serge_Portelli.pdf

* Pour la petite histoire éditoriale, Michalon l'éditeur qui devait publier Ruptures écrit que : « Après lecture et considérant que ce texte était décevant tant par sa forme que par son fond, nous avons exprimé notre réserve quant à une éventuelle publication. » Ce ne serait donc point par pression du ministère de l'Intérieur, mais de l'autopublicité par le juge lui-même.
Allez savoir !
Le courageux (!) éditeur ajoute : « Il est certes plus facile, pour sa réputation, de passer pour une victime de la censure que d’être l’auteur d’un manuscrit raté. »
Rien que ça !
Quels sont les critères pour estimer un « manuscrit raté, un texte décevant tant pas sa forme que par son fond » ?
Michalon n'est certes pas lu dans les Centre de rétention.

jeudi, 26 avril 2007

Chronique portuaire L

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1744. — LE MARQUIS DE LA GALISSONNIÈRE .

Roland-Michel Barin, marquis de la Galissonnière, né au Pallet d'une vieille famille nantaise, était entré dans la marine avec son père en 1710.
Le 17 août 1744. commandant la frégate la Gloire avec le titre de capitaine de vaisseau, il coulait bas un corsaire anglais de 24 can., et amarinait les TROIS-MINISTRES, un second corsaire anglais de 22 can., ainsi que six bâtiments marchands (3).

LE CORSAIRE "L'AIMABLE-RENOTTE" .

L'Aimable-Renotte, corsaire nantais de 16 can. et 55 h., cap. Jacques Le Chantoux, et la Sainte-Thérèse, voyagaient de conserve lorsque, le 14 septembre 1744, ils rencontrèrent deux corsaires anglais. Le capitaine de la Sainte-Thérèse proposa alors de « fuir à toutes voiles », mais le brave Le Chantoux, loin de se ranger à cet avis trop prudent, ordonna le branle-bas de combat, appuyant son pavillon d'une volée de boulets. Les deux Anglais, ayant en tout 28 can., 12 pier, et 400 h., attaquèrent alors l'Aimable-Renotte, tandis que la Sainte-Thérèse se tenait prudemment à l’écart, sans prendre d'autre part au combat que« sept coups de canon qu'elle tira comme en deuil ».

Plusieurs fois les corsaires, dont le plus gros était venu se placer par bâbord à portée de pistolet, tentèrent en vain l'abordage, et trois fois le feu prit à l'Aimable-Renotte. Enfin, après une lutte de six heures, le capitaine Le Chantoux dut se rendre. Il avait une partie de la jambe gauche emportée, le pied droit coupé, le bras gauche brisé et un coup de hache dans les reins ; son navire avait reçu vingt boulets dans sa coque, avait sa vergue de misaine coupée et toutes ses manœuvres hachées.
Jacques Le Chantoux survécut à ses blessures, et reçut une épée d'honneur le 2 novembre 1747 (1).

1745. — L'" ÉLIZABETH " ET LE "DU TEILLAY". LE PRÉTENDANT CHARLES-ÉDOUARD STUART.

C'est à bord d'un corsaire de Nantes, le Du-Teillay, de 150 tx., 18 can. et 14 pier., armé et commandé par Antoine Walsh, Marchand à la Fosse, que le Prétendant Charles-Edouard Stuart, déguisé en abbé, s'embarqua à l'embouchure de la Loire, le 19 juin 1745, accompagné d'un petit nombre d'amis et de partisans. Un autre navire appartenant au même armateur nantais, l'Élizabeth, capitaine Douaud, armé de 60 can. et monté de 590 h. d'équipage, lui servait d'escorte et transportait des armes et des munitions.

Le 20 juillet, les deux Nantais rencontraient une flotte anglaise de quatorze voiles escortée de trois gros vaisseaux de guerre ; et tandis que le Du-Teillay, fin marcheur, se couvrait de toile et pinçait le vent pour gagner l'Ecosse, l’Élizabeth, poursuivie par l'un des Anglais, le LION, de 74 can., lui livrait un épouvantable combat de cinq heures et le forçait à s'éloigner. Le navire Nantais, sa mâture criblée, sa roue de gouvernail brisée, et cent cinquante boulets dans sa coque, ne put le suivre, et le LION s'échappa à la tombée de la nuit. Trente officiers et cent quatorze hommes de l'Élizabeth étaient hors de combat ; le capitaine Douaud, coupé en deux par un boulet, avait été tué à son poste, criant à ceux qui se précipitaient pour le secourir : « Rangez-moi, mes amis ! » ne voulant pas que son agonie vienne distraire ses officiers du combat, ni que sa dépouille soit une gêne pour la manœuvre.
Le Du-Teillay accomplit heureusement sa traversée, et débarqua le Prétendant en Écosse le 28 juillet 1745 (2).


LE CORSAIRE L' " HERMINE ".

Pendant une seule croisière en 1745, le corsaire nantais, l'Hermine, frégate de 200 tx., 18 can., 10 pier., et 198 h., armateur Leray de la Clartais, et capitaine Faugas, amarinait : I'HÉLÈNE, le PROSPERON-EXETER et le LION, de Londres ; le CHARLES ; I'UNION ; la BONNE-INTENTION ; le JEUNE-PHILIPPE ; la SAKA-MARIA, et la PLANTATION-D'ANTIGUE (3).

LANCEMENT DE L' " APOLLON " .

Les chantiers de constructions de la Chézine ayant été jugés insuffisants, de nouveaux chantiers avaient été aménagés tout à l'extrémité du port, au pied des carrières de Miséri ; et le premier navire construit sur ces nouvelles cales fut mis à l'eau en 1745.
C'était l'Apollon, de quarante-trois mètres de long, armé de 36 canons (4).

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(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 146-151.
(2) DE LAPEYROUSE-BONFILS, Histoire de la Marine Française, t. II, pp. 281-2.
E. DUBOIS, Les derniers jours de l'exilé, pp. 190-195.
S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 164-174.
M. de la Nicollière est le seul auteur qui rapporte exactement cet épisode ; partout ailleurs on trouve le nom du DU-TEILLAY transformé en la DONTELLE ou la DANTELLE ; le capitaine Douaud devient le Marquis d'O, etc., etc
(3) A PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, pp. 169-170.
(4) VATTIER D'AMBROYSE, Le Littoral de la France, Côtes Vendéennes, p. 437.

mercredi, 25 avril 2007

« Mais si les mots sont des bêches ? »

Char centenaire


Tiré du Poème pulvérisé, Suzerain que j’ai mentionné avant-hier était précédé d’un écrit autrement plus fondamental dans le rapport à la langue :

Quand s’ébranla le barrage de l’homme, aspiré par la faille géante de l’abandon du divin, des mots dans le lointain, des mots qui ne voulaient pas se perdre, tentèrent de résister à l’exorbitante poussée. Là se décida la dynastie de leur sens.
Seuil,
Le Poème pulvérisé
.


Dieu est mort ! Soit !
Mais Char pressent qu’il nous est important de garder de l’ancienne langue qui célébrait le sacré, la ferveur première des mots.
Ne fut-ce que pour nous tentions de maîtriser l’exorbitante poussée qui nous mène de notre appropriation du monde à la démence de sa destruction ?

Plus trivialement, dans un texte lu en 1946, à la Radiodiffusion française, il avait souligné la capacité de vie et de résistance des mots aux manœuvres de mort :

Des mots échangés tout bas au lendemain de 1940 s’enfouissaient dans la terre patiente et fertile de la révolte contre l’oppresseur et devenaient progressivement des hommes debout...
La liberté passe en trombe
I. Pauvreté et privilège
Recherche de la base et du sommet.


Quels mots ? Les miens ! Les vôtres !
À chacun d’entre nous de les tirer de nos lointains, de remonter à la dynastie du sens que nous faisons nôtre.

Entends le mot accomplir ce qu'il dit. Sens le mot être à son tour ce que tu es. Et son existence devient doublement la tienne.
La scie rêveuse,
Le nu perdu
.

lundi, 23 avril 2007

dépité

Ouais ! Je suis allé voter ; un bulletin, glissé dans ce qui est encore une urne, pour éviter ne fut-ce que l'ombre du vieillard éructant et raciste.
Mais ce n'est point conviction que de voter "contre".
Cette aberration démocratique qu'est une élection présidentielle me laissait-t-elle une alternative ?
86% de votants : une fête démocratique ? Je veux bien.

Je crains qu'il ne s'agisse d'une régression à ces "sociétés hétéronomes" dont parlait Castoriadis (note du 28 mars) qui imputent la création et le fonctionnement de leur institution à une source extra-sociale, extérieure en tout cas à l'activité effective de la collectivité effectivement existante : les ancêtres, les héros, les dieux.
En l'occurence, ces ancêtres, héros et dieux revêtent désormais les oripeaux d'un appareil médiatique incapable de la moindre régulation et qui s'autosatisfait, à coup de sondages et de commentaires "experts", de fausse démocratie.
Les deux marionnettes qui vont s'agiter pendant les deux semaines à venir — j'ai voté pour l'une d'elles — sont trop heureuses de surfer sur la vague qui les portent au pouvoir désiré pour lever la moindre ambiguité au sujet de cette régression. En sont-elles, elles-mêmes conscientes ?

Mânes de Mendès, ou êtes-vous ?

Le 6 mai, je serai en mer !

dimanche, 22 avril 2007

le mot dans les écrits de Char et ...dans les nôtres

Char centenaire


Évoquer centenaire un poète que je fréquente depuis plus de cinquante ans offre quelques remises en question chez le “chasseur au carnier plat”. Par exemple, celle d’avoir été un lecteur trop hâtif, sautant d’image en image, d’aphorisme évident en aphorisme clair — qui me paraissait clair.

Je pense qu’il faut lire Char en marchant : les pulsations de ses textes sont les pulsations cardiaques d’un marcheur. J’ai trop couru.
À l’instar de Peter Handke — son témoignage dans le numéro d’Europe en janvier-février 1988, Nager dans la Sorgue – il eût fallu traduire. Traduire oblige au mot-à-mot.
Il n’y eut guère que les Feuillets d’Hypnos et la Lettera Amorosa pour échapper à mes “rapports” précipités, parce que l’un et l’autre, je me les suis mis “en bouche” pour l’Autre, les autres.
Et il y a, s’ajoutant à la cadence du marcheur, l’oralité, une oralité proférée. Avant même d’avoir écouté Char disant ses poèmes, je l’entendais déjà, je l’ai toujours “entendu”.

La lente attention est venue plus tard quand je m’interrogeais, enfin, sur mon propre comportement d’écrivant.
Plus tard ? Quand Char publia Chants de la Balandrane en 1977.
Il achevait le recueil par une sorte d’étude lexicographique, Le dos tourné, la Balandrane, démarche qu’il avait déjà inaugurée dans la Lettera amorosa avec la page finale sur l’iris, Sur le franc-bord.
Mais surtout, le quatrième texte Ma feuille vineuse allait décider d'un retour sur mes pratiques d’écriture et la première phrase sera, d’écrits en interventions, reprise comme un leitmotiv ; elle sera d’ailleurs l’exergue de ce blogue, un dimanche d’octobre 2004 :
Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. Un moment nous serons l’équipage de cette flotte composée d’unités rétives, et le temps d’un grain son amiral. Puis le large la reprendra, nous laissant à nos torrents limoneux et à nos barbelés givrés.


Plus de vingt occurences, depuis Suzerain dans Le Poème pulvérisé :
Il m’apprit à voler au-dessus de la nuit des mots, loin de l’hébétude des navires à l’ancre.


Jusqu’à l’entretien de 1980, Sous ma casquette amarante, avec France Huser :

Les mots... Le malheur intérieur qui favorise la poésie n'a ni politesse ni majesté. C'est attiser un feu dans un endroit aride. On s'émerveille de la fumée, des taches bleues, des flammes vasculaires, de la liberté météorique. J'ai d'abord une représentation, avec mes cinq sens, des choses advenues. Voici les mots exactement comme si je participais à un bal. Bons voleurs ! Ils valsent, hésitent, fouettent l'air, déploient leurs facettes, et soudain j'arrive sur leur amande intérieure : leur amarre — c'est-à-dire le sens le plus propice à celui qu'exige le poème sur lequel je suis penché. Il y a le sens originel du mot, mais aussi ses attirances, ses répulsions, et cette logique de la poésie qui n'est jamais ni absente ni gangrenée.


Au sortir du maquis, Char pensera le mot en artisan, en fabricant, l’interrogeant, le caressant, le rudoyant, le repoussant, dans la colère, la rudesse, le doute, la tendresse, malgré lui — parfois — rejoignant le linguiste et tous ces êtres langagiers que nous sommes, vous et moi, dans cette incessante tension de la Parole et de la Langue.

notre parole
comme cri
larme
souffle
délire
rire
geste

de notre nécessité vitale

notre langue
comme cadres
règles
rigueurs

de nos nécessités sociales

harmonie de nos déchirures


Merci à Char de garder “force de mots jusqu’au bord des larmes”.
Nous allons continuer de remuer ce terreau.

samedi, 21 avril 2007

avant d'entrer dans l'isoloir

Char centenaire

On oublie trop que ce ne sont pas des doctrines qui sont au pouvoir, mais des individus et des tempéraments. L'arbitraire, l'évolution ou le bien-être obtenus dépendent plus de la nature particulière des hommes que de l'exercice et des objectifs des idées. Mais à la longue, le dard sourd des idéologies...

À une sérénité crispée

jeudi, 19 avril 2007

Chronique portuaire XLIX

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution



1738. — LE NÉGRIER L' " AMPHITRYON "

La mortalité à bord des négriers était parfois effrayante, et l'exemple le plus saisissant peut-être en est donné par le négrier l'Amphitryon, parti de Nantes en 1738, et qui, sur une cargaison de 450 Nègres en perdit 209, soit près de la moitié (1).


1740. — MORT DE JACQUES CASSARD.

Cassard, que Duguay-Trouin appelait le plus grand marin de son temps ; Cassard, « qui faisait plus avec un seul navire qu'une escadre entière » ; Cassard, l' « un des plus grands capitaines dont notre marine s'honore » ; Cassard, qui dès le début de sa carrière se signala « avec un tel éclat que son nom est acclamé par notre marine entière, que tous nos ports le saluent avec enthousiasme » (2).

Cassard, le hardi Corsaire nantais, mourut en prison, au fort de Ham, le 21 janvier 1740.

Parmi tant de gloires éphémères que les siècles qui passent effacent peu à peu, celle de Cassard au contraire semble grandir à mesure que se rapetissent et disparaissent tous ces héros d'un jour ; et de plus en plus se réalise cette parole de Richer, son historien : « Ses exploits militaires paraîtront comme des fables dans l'éloignement des temps » (3).


1743. — LA TRAITE DES NÈGRES EN 1743.

Le plus gros chiffre total de Nègres traités par les navires de Nantes se rencontre peut-être en 1743, où les négriers de notre port transportèrent le nombre énorme de 18.000 Noirs. Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui vit l'apogée de la Traite, ce commerce employa une moyenne de 10.000 marins, tandis que 15.000 ouvriers fabriquaient dans les ateliers de Nantes et des environs, les marchandises d'èchange : faïences, toiles peintes, poteries, clous, eau-de-vie, que les navires échangeaient ensuite sur la côte de Guinée, contre du « bétail humain ».

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(1) AUGEARD, Étude sur la Traite des Noirs avant 1790, au point de vue du commerce nantais, pp.43-5.
(2) VATTIER D'AMBROYSE, Le Littoral de la France. Côtes Vendéennes, pp. 421-423.
(3) RICHER, Vie de Cassard, p. 117.

RAPPEL
Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908
scannées pour le blogue Grapheus

lundi, 16 avril 2007

insomnie pour une embellie matinale

Trois heures trente, dans la nuit, insomnie qui dure, écouteurs, des voix anciennes, une diction trop déclamatoire, façon années 1950.
Gide et son salut de boxeur, Gérard Philippe, la raucité de Maria Casarès : c'est Henri Pichette et ses Épiphanies !

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Le poète dit encore :
C'est le livre du monde, le vent tourne la page, voici le fragment du cœur singulier, voici les pluriels dans leur unisson, c'est l'espèce par tous les temps du verbe et la mise à jour sous l'œil immémoriaL

L'amoureuse poursuit :

Les bergères des nuages
les cristalliers de la neige
les archers du soleil pacifique
Les pontonniers de l'arc-en-ciel
Les vents oiseleurs
les artificiers d'aurore boréale
les pilotes d'étoiles filantes
les plénipotentiaires de l'orage
les navigateurs de l'azur précis


Bonheur matinal de rouvrir Les Épiphanies et de plonger dans une profusion d'images.

vendredi, 13 avril 2007

outils de menuiserie : un lecteur au travail

Char centenaire


Lors du dernier atelier “Jalons pour une éthique”, fin mars, l'animateur propose Ricœur et son approche de l’aporie du Mal, illustré par le mythe adamique, Ève et Adam, le paradis terrestre, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, la pomme et le serpent.
Le 11 avril, me procurant Paradisiaques de Quignard en poche, la première de couverture est une miniature extraite des très Riches Heures du Duc de Berry, représentant “Adam et Ève dans le jardin d’Éden”, miniature qu'il faudra confronter au fusain de Giacometti (notre du 28 février 2007)

Voici donc, insistant, le retour du Serpent, le maudit de la Genèse, le messager du Satan, antagonique au débonnaire serpent de René Char.

Mais je pense qu’avant de livrer ma lecture du serpent et la contre-lecture de l’histoire d’Adam et d’Ève, que propose Char, il me faut évoquer — ce qui eût dû être présenté quand j’ai inauguré cette évocation du Char centenaire — les outils que le poète conseille à son lecteur et son comportement face aux “mots”. Enfin, ce que, moi, je perçois et comprends comme outils et comportement.

Et d’abord la relation de lecture, les rapports écrit Char :

Salut, chasseur au carnier plat !
À toi, lecteur, d’établir les rapports.

Merci, chasseur au carnier plat !
À toi, rêveur, d’aplanir les rapports.

Moulin premier, 68


Suis-je, lecteur, un chasseur au carnier plat ?
C’est ce que souhaite le poète : rencontrer un lecteur, certes en chasse, mais qui inaugure un geste de lecture, allégé de toute connaissance ou expérience antérieures à leur rencontre, le carnier plat.
D’un geste volontaire, le lecteur choisit de lire, d’établir. Décision de lier les deux expériences.

Le poète remercie pour l’entrée du lecteur ; désormais, il le laisse libre à sa rêverie — rêveur de mots, écrit Bachelard du lecteur de poèmes — mais à une rêverie active, travailleuse, tout entière à la tâche de se confronter aux mots et aux images, à aplanir. Rencontre devenant au fil de la rêverie sans aspérités.

Rapports qui ne peuvent être que pluriels, impensables d’être ramenés à une singularité, à une univocité.

Établir et aplanir : l’établi et la plane, instruments de menuiserie, introduisent dans l’artisanat du poète.

Avant de retrouver le débonnaire serpent, il me faudra bien m’attarder, le moment d’une note ou deux, à cette confrontation aux mots qui surgit tout au long de l’œuvre d’un Char artisan.

Vint un soir où le cœur ne se reconnut plus dans les mots qu’il prononçait pour lui seul.
Le poète fait éclater les liens de ce qu’il touche. Il n’enseigne pas la fin des liens.

À faulx contente, 1972.

jeudi, 12 avril 2007

introduction aux traites négrières

J'ouvre une assez longue incise dans les Chroniques portuaires de Nantes.
Paul Legrand, dans son ouvrage doublement titré Marins et Corsaires nantais en couverture et Annales de la Marine Nantaise en page de titre, consacre une longue introduction à quatre aspects de l'activité portuaire : Les chantiers de constructions navales, les Armateurs, les Corsaires, les Négriers.
Dans la publication des chroniques portuaires, nous arrivons dans la période de la Traite négrière en pleine expansion. Or Legrand, chronologiquement, ne mentionne celle-ci qu'en abordant l'année 1738 ; il est évident qu'elle a commencé beaucoup plutôt ; cependant il aborde l'activité dans son introduction. Son approche pourra nous paraître élémentaire, tenant plus du constat que de l'analyse. Soyons indulgents, nous sommes en 1908 !
Pétré-Grenouilleau viendra plus tard et, par les Anneaux de la Mémoire, Nantes sera, en 1992, le premier port européen à reconnaître sa trop grande participation à l'horreur.
Revoir ma note du 9 mai 2006
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LES NÉGRIERS


Il faut bien l'avouer,— quelque pénible qu'en puisse être l'aveu,— c'est dans la Traite des Nègres, dans le Commerce du bois d'ébène, que Nantes a trouvé la source première de sa prospérité, a développé son esprit d'entreprise et d'initiative, et a puisé sa fortune et celle de ses habitants.

Nous n'avons nullement l'intention de défendre ce trafic, pas plus d'ailleurs que celle de l'attaquer ; la défense en est impossible, quant à l'attaque, elle a été trop copieusement faite pour que l'on puisse lui fournir des armes nouvelles. Nous dirons donc simplement que la Traite des Nègres était légale ; pratiquée par toutes les nations possédant des colonies ; réglementée par les Ordonnances et les Édits ; et, bien plus, ouvertement encouragée par les Rois, qui tantôt accordaient une prime par tête de nègre débarqué aux colonies (arrêt du 27 septembre 1720), et tantôt envoyaient aux Traitants des témoignages non équivoques de leur satisfaction : « Sa Majesté, — voyons-nous dans une Déclaration Royale en date du 11 octobre 1722 et relative au commerce des Nègres, — a vu avec satisfaction les efforts que les négociants de la Ville de Nantes ont fait pour étendre ce commerce autant qu'il était possible...»

L'origine de la Traite des Nègres est des plus simples. Les colonies nouvelles d'Amérique manquaient de bras ; d'autre part, les Blancs ne pouvaient encore supporter leur climat débilitant ; toutes les puissances se tournèrent alors vers l'Afrique, où l'on savait qu'un grand nombre de nègres étaient vendus ou mis à mort à la suite des batailles incessantes que se livraient ces peuplades sauvages.

Puisqu'il existait déjà un marché de nègres, les gouvernements européens songèrent tous à s'y approvisionner de travailleurs ; bien plus, et c'est ce qui explique pourquoi la Traite fut acceptée par tous, les philosophes et les moralistes du temps la déclarèrent bonne et humaine, parce qu'elle arrachait les nègres à la mort, ou du moins substituait un esclavage acceptable à un esclavage épouvantable.
À ces idées s'ajouta celle du prosélytisme religieux ; les nations catholiques y virent un moyen d'arracher à l'erreur une multitude d'êtres humains, et cette préoccupation est constante dans les Ordonnances des Rois, qui prescrivent le baptême pour tous les esclaves importés aux colonies.

Sans doute, l'on ne tarda pas à comprendre toute la fausseté et l'inanité de ces sophismes. La source première de la Traite : les nègres déjà esclaves, les prisonniers de guerre et les condamnés à mort manquèrent bientôt complètement, et c'est alors que les traitants, ou du moins leurs fournisseurs, les petits Rois Africains, organisèrent de véritables chasses à l'homme, des razzias de plus en plus fréquentes, dans lesquelles des villages entiers ; hommes, femmes et enfants, étaient arrachés à la liberté, conduits en troupeaux humains jusque sur les côtes, et parqués pêle-mêle, en attendant qu'un navire d'Europe vienne les emporter à destination des Antilles. Mais, à ce moment, la Traite était tellement entrée dans les mœurs qu'il était impossible de la supprimer ; l'intérêt général des États, l'intérêt particulier des traitants et des armateurs étouffèrent le cri de la conscience, et l'horrible et inhumain commerce du bois d'ébène fut définitivement admis et pratiqué par toutes les nations européennes,

En France, la Traite ne fut réglementée qu'en 1664, lors des Édits royaux suscités par Colbert. Elle fut tantôt monopolisée, c'est-à-dire exclusivement permise à certaines grandes Compagnies de Commerce ; et tantôt libre, c'est-à-dire abandonnée à tous les particuliers sous le contrôle de l'État.

Nantes fut, sans contredit, de tous les ports de France et du monde, celui qui se livra le plus activement à ce commerce. Ce fut Nantes qui défendit le plus énergiquement la Traite chaque fois qu'elle fut menacée ; Nantes qui réclama toujours la liberté de la Traite lorsqu'elle fut monopolisée ; Nantes à qui les rois et les ministres s'adressèrent toujours avant d'en modifier les règlements, prenant rarement une décision avant d'avoir consulté ses députés ; Nantes, enfin, qui refusa le plus longtemps de se soumettre à la suppression de la Traite, et qui posséda peut-être les derniers Négriers.

Cette triste supériorité de Nantes sur les autres ports du royaume s'explique d'ailleurs très aisément. De tous les ports de France, Nantes était de beaucoup celui qui trafiquait le plus avec nos possessions d'Amérique, et qui y avait engagé les plus gros capitaux. II était donc naturel à nos navires, alimentant déjà les Antilles de denrées et de produits manufacturés, de les alimenter également de cette autre marchandise, le bois d'ébène ; comme il était naturel à nos armateurs, souffrant du manque de bras, de songer les premiers à fournir de nègres leurs plantations de cannes à sucre, source la plus importante de leur commerce et de leur richesse,

Les Négriers nantais accomplissaient ce que l'on appelait des voyages circuiteux. Partant de Nantes avec une cargaison de cotonnades voyantes, fusils, perles et poteries fabriquées spécialement pour ce commerce, ils l'échangeaient sur les côtes d'Afrique contre une cargaison de nègres, la transportaient aux Antilles, et en revenaient avec une troisième cargaison, composée le plus souvent de balles de sucre. Ces marchandises ne payaient que la moitié des droits d'entrée dans tous les ports de France, de telle sorte que les armateurs, pour pouvoir soutenir la concurrence, se voyaient forcés, s'ils commerçaient avec les Antilles, de se livrer à la Traite ainsi favorisée par le Pouvoir royal.

Pendant plus d'un demi-siècle, les Négriers nantais débarquèrent annuellement aux colonies de dix à douze mille nègres en moyenne ; et les bénéfices que les armateurs retiraient de ce commerce oscillaient entre 30 et 40 millions. L'unité de nègre, la pièce d'Inde, comme on disait alors, c'est-à-dire un noir de 15 à 30 ans, sain, robuste, bien fait, et qui a toutes ses dents, valait de 600 à 1.000 francs, suivant la provenance, les besoins des colonies et l'époque.

Au commerce du bois d'ébène, les Nantais empruntèrent cet esprit d'initiative, ce goût des aventures qu'ils développèrent ensuite dans la guerre de Course, Souhaitons que ces ressorts d'énergie, appliqués à de plus louables entreprises que la Traite, permettent à Nantes de reprendre le rang qu'elle occupait jadis parmi les ports de France et du monde.

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Pour clôre cette incise, il faut signaler la parution récente d'un gros, beau bouquin sur l'histoire des étrangers à Nantes, ouvrage collectif de trente auteurs, Alain Croix en assurant la coordination et responsabilité scientifique.


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Voir sur le site des éditions des Presses Universitaires de Rennes

mercredi, 11 avril 2007

rien à voir avec la note précédente... ou si peu

Hier, journée "livres".
Dépôt du CD pour l'édition de Une Centenaire, la Société coopérative des pêcheurs... Eh, oui ! On ne dépose plus un manuscrit ; mais j'ai encore de vieux restes de "jeune" maquettiste quand l'informatique des années 80-90 et PageMaker nous autorisaient à toutes les utopies de "circulation phalanstérienne" des écrits ; j'ai donc accompagné le CD d'une maquette, décidée avec le groupe de Passay, que reprendront, je l'espère, les infographistes de Siloë.

De la rue des Carmélites à la Petite Hollande, je passe par la Place Royale — du Peuple, en mai 68 — la fontaine est ruitelante, ruisselante. Normal, sa rénovation vient d'être achevée et elle célèbre autour de la Loire, les fleuves de France. Dommage, le trident d'or que brandissait la Loire s'est mué en vulgaire trident de métal noir. J'ai oublié le petit nikon.

Rue de la Fosse, halte intéressée chez Coiffard : je commande "Visites aux vivants" de Cathie Barreau et le bouquin, recommandé par un Litorien, "Un laboratoire de littératures", aux éditions de la BPI.
Plongeant dans les rayons "poche" de l'autre côté de la rue, je cherche "L'Amour, la Fantasia" de Djebbar, je tombe sur les tomes IV et V du Dernier Royaume de Quignard. Le bonheur ! Je retarde ainsi mes plaisirs de lecture en attendant la parution en poche et ce n'est point par seul souci d'économie. À côté, le dernier paru en poche... de Sollers. J'hésite, le Carnet de nuit me reste encore en travers des... yeux, mais je sais déjà que je prendrai la Vie divine la semaine prochaine quand Djebbar, Barreau et BPI seront livrées.
L'addiction du collectionneur ! Si cette vie divine était absente de mon étagère “Sollers en poche”....

J’achève, torturé par un tour de rein qui me tord, devant les éventaires des bouquinistes — c’est récent à Nantes — place de la Bourse, dans l’ombre de la statue de Villebois-Mareuil ; ce sera un lieu à fréquenter. Sympathique contre-point à la FNAC proche. Fin de journée chaudement ensoleillée.

Villebois-Mareuil, ce colonel vendéen qui aida les Boers dans leur lutte contre les Britanniques, me ramène à ma lecture actuelle de Aveuglantes lumières.

Les rejetons du siècle apaisant n'aiment pas la guerre, et c'est tout à leur honneur. Ils répugnent à la penser, et ce n'est pas à leur crédit.

Régis DEBRAY

lundi, 09 avril 2007

lecture pour quasi rien

Ça tient plus de la démarche du collectionneur : j'achète les bouquins de Sollers qui paraissent en poche.
Acheté en mars, feuilleté ces jours-ci : Carnet de nuit, édité en 1989, publié en Folio (n°4462).
Des notes d'une ligne à une page entre du salace, du lettré, du croyant, du bordel, du critique... Point trop de citations — le précédent Folio Illuminations qui se voulait "un livre d'heures pour temps de détresse" (?) n'était cousu qu'avec du Rimbaud, du Nietzsche, du Novalis et pour faire exotique du Parménide, du Tchouang-tseu, d'autres... ce pouvait être une table d'orientation.
Avec Carnet de nuit, si peu. Ce que je ressens comme une arnaque éditoriale : ou le "collectionneur s'est fait avoir ou le lecteur sélectif a perdu son efficacité.
Quand monsieur Joyaux paraîtra en Pléiade je pourrai déchirer les 106 pages de ce carnet. Si jamais, monsieur Joyaux dit "Sollers" paraît en Pléiade... de mon vivant !
Enfin ! Il y a deux pages et demi de "vers à Baudelaire", comme mes pêcheurs de Grand-Lieu disent le "bouquet à Rubis" :


Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

vendredi, 06 avril 2007

vendredi-saint : de vieux restes et une émotion certaine

à l'homme du Lycosthène et à sa compagne

Le vendredi-saint, ma grand-mère ne descendait jamais laver le linge des autres à la rivière.
Laver un drap aurait été laver un suaire.

Comme un chœur très très lointain, en hommage aux vieux copains partis avant ce printemps, la musique de Jean Sébastien Bach :
Wir setzen uns mit Tränen nieder

Nous nous asseyons en pleurant
Et sur ton tombeau, nous te disons :
Repose doucement !
Repose doucement !
Reposez, membres épuisés !
Dans la joie suprême, se ferment alors les yeux.

Höchst vergnügt schlummern da die Augen ein.

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Semana santa, Rota - Andalousie, mars 2002, de Nicléane

jeudi, 05 avril 2007

Chronique portuaire XLVIII

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1735. — PROJET DE BASSIN À FLOT À PAIMBŒUF.

On lit dans un Mémoire du Commerce de Nantes, daté de 1735 : « Les malheurs passés et les naufrages ont fait souhaiter aux habitants de Nantes la construction d'un bassin à Paimbœuf, pour y mettre leurs vaisseaux, leurs barques et leurs bateaux en sûreté » (1).

ÉMEUTE DE MARINIERS.

Le Bureau de Ville avait interdit aux portefaix, mariniers et gabariers d'entrer dans l'intérieur de la Bourse pour parler à leurs patrons, pendant les heures de réunion, afin de ne pas troubler les commerçants et armateurs par leur conversation bruyante. Ils prirent très mal la chose, et lorsqu'un gabarier eut été expulsé, le 12 août 1735, tous les mariniers et gabariers vinrent à la rescousse, firent irruption dans la Bourse et lacérèrent les affiches leur en interdisant l'entrée. La Milice, immédiatement mise sur pied eut grand peine à les rappeler à l'ordre, et deux gabariers seulement purent être saisis et emprisonnés (2).

1736. — EMPRISONNEMENT DE JACQUES CASSARD.

À plusieurs reprises, Cassard avait armé des vaisseaux à ses frais, et avancé des sommes importantes à Marseille et au gouvernement pour assurer le ravitaillement des côtes de Provence. Marseille, qu'il avait sauvée deux fois de la famine, se montra, à sa honte, d'une inconcevable ingratitude, et refusa toujours de le rembourser sous les prétextes les plus misérables.
Quant au gouvernement, loin de lui payer ce qu'il lui devait, il lui réclama avec dureté la valeur de quelques mauvais agrès et appareaux qu'il avait pris à l'arsenal de Toulon pour armer ses navires.

Cassard était pauvre et avait besoin de ce qui lui était dû ; il était, de plus, Breton, c'est-à-dire têtu ; d'autant plus têtu qu'il savait avoir raison. Aigri par les refus perpétuels qu'on lui opposait, réduit à la misère, jouet de la Cour qu'il haïssait et des cabinets de ministres où d'imbéciles laquais, incapables de comprendre l'homme se riaient du costume, Cassard était nevenu morose et irrité. En 1736, grâce à quelque protection, il obtint enfin une audience du ministre Fleury. Que se passa-t-il dans cette entrevue ? Le rude Nantais menaça-t-il réellement le ministre ? ou ce dernier résolut-il de se débarrasser d'un gêneur, solliciteur perpétuel, assez naïf pour croire que les coffres de l'Etat pouvaient en même temps s'ouvrir pour les courtisanes avides et pour les héros qui avaient faim ? On ne le saura sans doute jamais. Toujours est-il qu'en sortant de chez le ministre, Cassard, le grand capitaine, fut enfermé, le 5 février, au séminaire de Notre-Dame-des-Vertus, puis transféré, le 21 juillet, à la prison d'Etat du fort de Ham (3).


LE PORT DE NANTES EN 1736.

Les Étrennes Nantaises et de la Province de Bretagne pour l’année 1736 décrivent ainsi le port de Nantes : « La Fosse, ainsi appelée vulgairement, est le port où se fait le grand commerce ; les navires marchands qui s'y trouvent toujours en grand nombre y arrivent avec le flux de la mer. Elle consiste en un quai très large et long à proportion, bordé d'un côté de maisons magnifiques où logent les marchands qui trafiquent sur mer : la plupart de ces maisons ressemblent à des palais » (4).

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(1) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 162.
(2) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. V, p. 3.
(3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, Jacques Cassard, pp. 150-2.
(4) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays nantais, p. 224.


RAPPEL
Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

scannées pour le blogue grapheus tis