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jeudi, 31 mai 2007

Chronique portuaire LIV

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1756. — DU CHAFFAULT ET " L'ATALANTE ".

Appelé en 1756 au commandement de la frégate Atalante, de 34 can., Du Chaffault capturait, aux abords de la Martinique, le vaisseau anglais le WARWICK, de 64 can., après une lutte de cinq heures. Au moment où ce navire amenait pavillon, le Lieutenant-général d'Aubigny arrivait sur les lieux avec deux vaisseaux, et reçut le pavillon du WARWICK en qualité de chef hiérarchique de Du Chaffault.
Toutefois, le capitaine vaincu déclara franchement : « Je remets mon pavillon à M. d'Aubigny, mais la prise de mon navire est due à M. Du Chaffault ». Ce dernier ramena en effet à Rochefort cette belle prise, dont il reçut le commandement.

A la suite de ce brillant fait d'armes, Louis XV lui écrivit de sa main une lettre de satisfaction, et donna l'ordre aux peintres des galeries de Versailles de consacrer un tableau à ce glorieux épisode (1).


LA GALISSONNIÈRE, " LE VAINQUEUR DE PORT-MAHON ".

Le Marquis Barin de la Galissonnière, Lieutenant général des armées navales, sortait de Toulon, le 10 avril 1756, avec une escadre de douze vaisseaux et six frégates, escortant cent cinquante navires de commerce sur lesquels étaient embarqués quinze mille hommes de troupe. Ce corps expéditionnaire, placé sous les ordres du Duc de Richelieu, s'emparaît le 17 avril, de Minorque, but de l'expédition.

Le 10 mai, une flotte anglaise de treize vaisseaux et cinq frégates commandée par l'amiral Byng attaquait la flotte française dans les eaux de Port-Mahon.
La Galissonnière, monté sur le Foudroyant, de 80 can. et 805 h., soutint bravement l'attaque, et força les Anglais à se retirer après une lutte acharnée.

Ce succès eut en France un retentissement énorme ; et si la flatterie du moment fit décerner au duc de Richelieu le titre de Vainqueur de Port-Mahon, le brave marin nantais, auquel il revenait de droit, ne tarda pas à en être investi, et ne fut plus connu que sous ce nom glorieux. Son adversaire, le malheureux amiral Byng, condamné à mort pour s'être laissé battre, fut « harquebusé » dès son retour en Angleterre (2).

Le 30 juillet, les Nantais recevaient la nouvelle de l'éclatant succès de la Galissonnière, et, dès le soir même, un Te Deum solennel réunissait à la cathédrale la population toute entière, heureuse de s'associer au triomphe de son compatriote (3).


MORT DE LA GALISSONNIÈRE.

Ce fut l'année même de son triomphe à Port-Mahon, que mourut le brave De la Galissonnière.
Le 26 août 1756, en effet, il fut enlevé par la maladie à Nemours, alors qu'il se rendait à Fontainebleau où le Roi l'avait mandé pour lui donner le grade d'amiral.
Il fut regretté de toute la marine, mais spécialement peut-être des matelots qui l'avaient toujours trouvé bon, compatissant et plein de patenelle affection, en même temps que constamment soucieux de leur bien-être.
Petit et bossu, la Galissonnière n'avait rien du marin de cour, ni même du marin de commandement ; mais, tacticien habile, il excellait à préparer et combiner les opérations du fond d'un cabinet ; parfait administrateur, il fut plusieurs années Commissaire général de l'artillerie à Rochefort ; colonisateur intelligent, il contribua largement à la prospérité du Canada, où il fut longtemps gouverneur militaire ; enfin, botaniste passionné, il profitait de ses croisières dans les colonies pour y introduire des espèces utiles ; et mainte de nos possessions lui doit encore peut-être la présence de telle ou telle plante d'usage constant (4).

On voit encore au n°1 de la rue Fénelon (ancienne rue des Saintes-Claires), l'hôtel qu'il habitait à Nantes et qui, dès le XVIIe siècle, est indiqué sous le nom d'hôtel Barin de la Galissonnière.


LE CORSAIRE " MÉNIL-MONTANT ".

Le corsaire le Ménil-Montant, de 22 can. et 100 h,, parti de Nantes le 27 avril 1756, était pris trois jours plus tard par deux vaisseaux de guerre anglais, après une résistance héroïque. Enregistré dans la marine anglaise sous le nom de Bos-cawen. il n'y demeura pas longtemps, d'ailleurs, car peu après il fut repris par deux frégates françaises ; la Thétis et la Pomone, et ne se fit pas faute dans la suite, de faire rudement expier aux Anglais sa courte mésaventure (5).

_____________________________________________________

(1) L. GUÉRIN, Histoire maritirne de la France, t. IV, pp. 353-4.
Revue du Bas-Poitou, Année 1906, p. 117.
(2) GUIZOT, Histoire de France, t. V, pp. 170-71.
TROUDE, Batailles navales de la France, t. I, p. 331.
(3) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. V, p. 169.
(4) L. GUÉRIN, Histoire maritime de France, t. IV, p. 331.
Lycée armoricain, 10e vol. 1827, p. 114.
Annales de la Société académique, année 1868, pp. 40-48.
(5) A. PÉJU, La Course a Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 257.

mercredi, 30 mai 2007

Salut à la "Grande Vieille"

Centenaire, elle ! Et vivante.
Je parle de Germaine Tillion.
Elle eut plus de "filles et de fils" qu'elle en eût souhaité.
Je fus l'un de ses tout derniers dans l'ordre de l'Éducation de base et de la culture Aurésienne.
Dans les replis encore ignorés de l'Ahmar Khaddou, il est de Grands Vieux, les Imouqqranen, qui doivent, ce soir encore, évoquer la "Roumia" si attentive à les écouter et à "garder secret ce qui devait l'être".

Le site

mardi, 29 mai 2007

ma ville en deça de l'insignifiance

Entre le 1er juin et le 1er septembre, "On" fêterait l'Estuaire ?
Entre Nantes et l'océan, quelques insignifiances bien en deça de la petite pissoire de Duchamp...
Sans mentionner les avatars hérités d'un Royal de Luxe à l'imaginaire bricoleur exsangue.

Vivement le 2 septembre !
La beauté du Fleuve nous sera enfin rendue.

dimanche, 27 mai 2007

allumer des éclats

Char centenaire


pour me dégourdir le mental, l'Esprit-Saint m'ayant oublié par fort coup de vent de 8 à 9 Beaufort,
puisé en vrac dans les éclats d'un jeune surréaliste :


Tu es pour la feuille hypnotisée dans l'espace
À l'approche de l'invisible serpent
Ô ma diaphane digitale !
...................................

Seuls aux fenêtres des fleuves
Les grands visages éclairés
Rêvent qu'il ny a rien de périssable.
..................................

La rose violente
Des amants nuls et transcendants.
..................................

Le sang est à quai. À chaque époque ses lesteurs.
..................................

Arcade sourcilière almée de l'amoureuse.


au hasard dans
Le Mateau sans maître

vendredi, 25 mai 2007

des mots, encore des mots

Char centenaire

Dans les textes de Char, les traces sur les “mots” sont relativement tardives : il faut atteindre La Parole en archipel pour rencontrer les premiers questionnements.
Questionnements déjà en tension : accueil et soupçon et ce, dès le surgissement des traces :

On ne peut commencer un poème sans une parcelle d’erreur sur soi et sur le monde sans une paille d’innocence aux premiers mots.
Dans le poème, chaque mot ou presque doit être employé dans son sens originel. Certains, se détachant, deviennent plurivalents. Il en est d’amnésiques. La constellation du Solitaire est tendue.

La Bibliothèque est en feu,
La parole en archipel.


Rejet que l’usage quotidien imprime :

N’incitez pas les mots à faire une politique de masse.
Faire du chemin avec...,
Fenêtres dormantes et porte sur le toit.


Le poète qui versifie en marchant bouscule de son talon frangé d’écume des centaines de mots à ce coup inutiles...
Victor Brauner,
II. Alliés substantiels
Recherche de la base et du sommet.


Ô mots trop apathiques, ou si lâchement liés ! Osselets qui accourez dans la main du tricheur bien séant, je vous dénonce.
L’âge cassant,
Recherche de la base et du sommet


D’où l’incitation à être vigilant sur les sens, d’où l’incitation au travail :
Les jours de pluie, nettoie ton fusil. (Entretenir l’arme, la chose, le mot ? Savoir distinguer la liberté du mensonge, le feu du feu criminel.)
À une sérénité crispée,
Recherche de la base et du sommet


Ô la nouveauté du souffle de celui qui voit une étincelle solitaire pénétrer dans la rainure du jour ! Il faut réapprendre à frapper le silex à l’aube, s’opposer aux flots des mots.
Seuls les mots, les mots aimants, matériels, vengeurs, redevenus silex, leur vibration clouée aux volets des maisons.

Lombes,
Aromates chasseurs



Quand j’ai commencé ces quelques notes sur les mots, avais-je lu ? avais-je oublié l’intervention de Georges Mounin dans Europe (janvier-février 1988) sur Char et le langage, élargissant le thème à la relation langage/poésie, à partir de la préface de Jean Roudaut dans la Pléiade et faisant une référence appuyée à l’entretien de France Huser et René Char, Sous ma casquette amarante ?

Char, un “linguiste”, mais d’atelier. Un poète, quoi !
les mots... redevenus silex.

jeudi, 24 mai 2007

Chronique portuaire LIII


Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1751. — OURAGAN EN LOIRE.

Le 27 mars 1751, les commerçants de Nantes adressaient à Mgr Rouillé, à la Cour, une lettre par laquelle ils demandaient leur dégrèvement des taxes et droits, en raison des dommages considé-rables qu'ils avaient éprouvés du fait du « Houragan qui s'elleva la nuit du 14 au 15 de ce mois avec une impétuosité dont on trouve peu d'exemples... »
À cette lettre étaient joints plusieurs états des navires coulés ou échoués, et des marchandises perdues. On y relève treize navires coulés en rade de Paimbœuf, vingt-six navires échoués sur les rives du fleuve, et dix-neuf démâtés ou fortement endommagés.
En 1756, un nouvel ouragan fut l'occasion d'une demande similaire de dégrèvement (1).


1754. — RÈGLEMENT DE L'AMIRAUTÉ SUR LES LOCMANS.

Un règlement de l'Amirauté de Nantes, en date de septembre 1754, organisait le corps des Pilotes lamaneurs ou Locmans, et fixait ainsi leur nombre ; douze au Croisic, dix à Bourgneuf, quarante-huit à Saint-Nazaire, et soixante de Paimbœuf à Nantes. Il rappelait in fine qu'aux termes de l'Ordonnance de la Marine, le lamaneur qui aurait fait échouer un navire par ignorance serait puni du fouet, et que celui qui aurait agi par malice serait condamné à mort et son corps attaché à un mât près du lieu du délit (2).
L'ancienne législation, on le voit, était des plus sévère à l'égard des pilotes ignorants de leurs devoirs ; peut-être faudrait-il par contre accuser nos lois actuelles d'un excès tout opposé, et réclamer l'atténuation de la non-responsabilité de fait dont bénéficie trop souvent le corps des pilotes au préjudice des capitaines, qui ne peuvent sinon se passer d'eux, du moins se dispenser de payer les droits de pilotage.

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(1) Le Chercheur des Provinces de l'Ouest, Année 1902. Questions et Réponses, p. 378.
(2) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. III, p. 155.

samedi, 19 mai 2007

la librairie telle qu’en elle-même

Char centenaire

note adressée à JCB, en espérant qu'il lui reste encore une boite de chocolats

A Bordeaux, à l'angle des rues Porte-Dijeaux et Vital-Carles, Mollat est toujours Mollat.
J’avais entre les mains la Correspondance Camus-Char que, déjà, je voyais sur une table Le père Diogène de Ryner. Mais j’étais là pour Char.
Je m’évite une “montée” à Paris : j’ai mis dans mon panier le catalogue de l'exposition Char à la BNF. Toutes les toiles exposées n’y sont pas et je manquerai la contemplation de certaines peintures — il y a belle lurette que j’ai composé mon Musée imaginaire en collectionnant les cartes postales, plus tard les livres, souvent offerts — ; cependant, je regretterai les "Nicolas de Stael" et les "Vieira Da Silva".

Je retiendrai une photographie très poignante de Giacometti dessinant le visage de Braque mort : le profil émacié du sculpteur laissant deviner une tendresse attentive.
Je n’oublie pas son dessin évoqué dans ma note du 28 février sur le serpent et la femme ; il me faut encore écrire une ou deux notes sur les mots dans les textes de Char — près de vingt occurences —avant de revenir au Serpent, le troisième Fascinant, que je lis toujours comme le contre-sens du mythe adamique — vous savez, cette histoire de la Genèse (III,1-24) où il est question d’une pomme, d’une femme, d’un serpent, d’un homme, de la connaissance, du bien et du mal, tous ces êtres sans majuscules !

J’ai glissé dans le panier, juste avant de passer à la caisse, Poèmes en archipel, anthologie de textes de René Char (en Folio, pas en Poésie/Gallimard) ; à Nantes, je l’avais plusieurs fois feuilleté et chaque fois reposé sur la table ; je n’aime guère, hors les miennes ou celles de très proches, les anthologies. Celle-ci, introduite par Pascal Charvet, est fencore ortement dominée par madame Char et Paul Veyne et annonce clairement son projet pédagogique “pour le grand public et particulièrement pour le public scolaire”. Et pourquoi pas ?
Ne sais trop qu’en penser ? Brève introduction au poème, précédée d’une introduction au recueil, en fausse page, de belles illustrations que l’on retrouve dans tous les bouquins sur Char : ça peut aider. Le choix ne cède pas à la facilité. Madame Char et monsieur Veyne acceptent à nouveau l’aphorisme.
Mais réduire les Dentelles de Montmirail à quatre d’entre eux m’évoque plus une amputation qu’une anthologie.
Quelle aurait été mon entrée dans Char avec un tel livre, il y a cinquante ans ? Je ne regrette pas le lyrisme obscur du bouquin de Pierre Berger ; il en rajoutait, mais n’atténuait point l’éclat du logos.

Ce logos de Char qui serait fichu de me faire à nouveau pratiquer la vertu théologale de l’espérance.
Mais non !

Revenir de tout l’avenir au présent et le garnir de son espoir même jamais réalisé.

lettre de Char à Camus du 4 octobre 47

vendredi, 18 mai 2007

après une belle soirée d'amitié à la Hume*

J’ai été frappé par un syndrome décrit par François Mauriac dans les Mémoires intérieurs... Il explique être arrivé à l’âge où les héros de roman de ne font plus rêver, il dit : «... à mesure que le temps s’écoule, que notre avenir temporel se réduit, lorsque les jeux sont faits, que l’œuvre est achevée et la copie remise, que l’aventure humaine touche à sa fin , alors les personnages de roman ne trouvent plus en nous d’espace où se mouvoir... Voici le temps où Julien, Fabrice, Dominique, Lucien, quand je m’efforce de les arracher au gouffre, ne me racontent plus que des histoires à dormir debout. » Je suis arrivé à une certain âge moi-même. Le roman, le roman contemporain, n’arrive plus à me ravir.

Jean-Claude Zylberstein
dans Libé-Livres d’hier.


Ça ne m’explique point ma désaffection pour le roman d’aujourd’hui ; ça me conforte dans mon désintérêt : je ne serais donc pas le seul à être atteint par ce syndrome mauriacien.
Demeurent les fascinations déjà anciennes : l’Angelo de Giono, le Moravagine de Cendrars, le Meursault de Camus, la Desqueyroux de Mauriac, l’ombre de certains personnages chez Gracq... sans doute quelques autres... que ma mémoire, loin de sa librairie, ne fait point remonter.

J’irais quand même bien voir du côté du Père Diogène d’Han Ryner sur qui écrit Robert Maggiori, dans le même Libé-Livres, Ryner étant pour moi à ce jour inconnu. Mais ce n’est point dans l’ordre du roman contemporain.

Trouverai-je Ryner, cet après-midi, chez Mollat, qui m’est une espèce de pélerinage, me ramenant à mes pratiques “lectorales” (!) des années 70 ?

Il n’y a pas que les bouquins ; dans Le Monde d’hier, un article sur un sympathique Tariq Krim, bêtement titré “le nouveau gourou du Web”, titre démenti par la vision que Krim semble affirmer sur les rapports en l’Internet et l’éducation. Un patriote du Net, comme, naguère on disait un citoyen du monde !
J’avoue avoir encore certaines difficultés à mettre son agrégateur Netvibes en œuvre.

* Er Klasker et Grapheus tis chez Cœur de Ptah, les compagnes, trop silencieuses en blogosphère, mais seulement en blogosphère, étant bien plus que (!) présentes.

jeudi, 17 mai 2007

Chronique portuaire LII

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1748. — DU CHAFFAULT À BORD DU " TONNANT ".

Chargé d'escorter un convoi de deux cents voiles, le Chef d'Escadre des Herbiers de l'Estenduère sortait de la rade de l'île d'Aix, en octobre 1748, avec son parent Du Chaffault de Besné comme capitaine de pavillon, commandant sous ses ordres le vaisseau-amiral le Tonnant, de 80 can.
Le convoi et l'escadre d'escorte composée de dix vaisseaux seulement, furent chassés peu de jours après par l'escadre anglaise de l'amiral Hawhe ; et les deux antagonistes engagèrent bientôt une lutte épouvantable qui dura huit heures. Au plus fort de l'action, un boulet emporta la tête d'un homme aux côtés de l'Estenduère, et la cervelle du malheureux rejaillit sur le visage du Chef d'Escadre. L'Estenduère se tourna sans s'émouvoir vers son fils, garde de Marine, qui se tenait près de lui, et lui dit simplement : «Donne-moi ton mouchoir » ; puis, comme le jeune homme croyant son père blessé versait des larmes, il ajouta sévèrement ; « Mon fils, apprenez que sur un champ de bataille un l'Estenduère ne doit jamais faiblir ! ».

À la fin du combat, seul le Tonnant battait encore pavillon. Il avait cent seize morts ou blessés, avait reçu quatre mille boulets dont huit cents avaient porté, et en avait envoyé à lui seul plus de deux mille ; aussi, les Anglais qui n'avaient jamais vu un vaisseau fournir un pareil feu, n'appelèrent-ils plus le Tonnant que l’Enfer. Fort maltraités eux-mêmes, ils furent contraints de s'éloigner et le Tonnant, qui dut être remorqué, ramena les deux cents navires confiés à sa garde.
Dès le début de l'action, le brave Du Chaffault avait été blessé au visage ; mais sans prendre le temps de se faire soigner, il était resté à son poste de combat, et ce fut grâce à son habileté dans la manœuvre que le Tonnant put échapper à ses adversaires et les forcer finalement à abandonner la lutte (1).
___________________________________________________

(1) Revue du Bas-Poitou, Année 1906, pp. 109-110.
La famille des Herbiers de l'Estenduère. originaire des Herbiers (Vendée), à quelques kilomètres du Comté Nantais, fut l'une des plus célèbres familles maritimes de France, et chaque génération, pour ainsi dire, vit un ou plusieurs l'Estenduère s'illustrer sur mer.



RAPPEL


Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

mardi, 15 mai 2007

Dans la luzerne...

Char centenaire


Écrit sur
Dans la luzerne de ta voix tournois d’oiseaux chassent soucis de sécheresse.

Afin qu’il n’y soit rien changé, 3
Seuls demeurent

in Fureur et mystère.



Soucis de sécheresse

Un soir de désert une aridité de ronces au feu de la gorge je garde mémoire d’un visage nomade ses yeux brûlent
le lendemain accédant au haut-plateau l’horizon ardent des chaumes l’air crisse de soleil au midi effarant

Hamada de Tinrhert, Sahara oriental



Tournois d’oiseaux

Un soudain bruit de vent spirale piaillante et gaie aussitôt entendue et déjà si lointaine revient bientôt cette trombe duveteuse qui agite le ciel d'orage obscurci aile immense de plaisir en l’air palpitant frais

Baie de Cadix, Andalousie atlantique




Dans la luzerne de ta voix

Coupé à large faulx dans le matin d’été ce fourrage humidité tiède d’abondance sensuelle À rouler de désir dans cette charretée de provende odorante comme parole de FEMME

Pré-gras du Pont-Ligneau, rive de Sèvre

dimanche, 13 mai 2007

quand le jardinier sarcle son poème

Char centenaire

pour Maguitte, Gasconne retirée aux confins du Pays Pourlet


Quand l'homme qui s'est approprié les aphorismes héraclitéens* se meut en fabuliste, on se dit que Char aurait pu être aussi un La Fontaine provençal.

N’égraine pas le tournesol,
Tes cyprès auraient de la peine,
Chardonneret, reprends ton vol
Et reviens à ton nid de laine.

Tu n’es pas un caillou du ciel
Pour que le vent te tienne quitte,
Oiseau rural ; l’arc-en-ciel
S’unifie dans la marguerite.

L’homme fusille, cache-toi ;
Le tournesol est son complice.
Seules les herbes sont pour toi,
Les herbes des champs qui se plissent.

Le serpent ne te connaît pas,
Et la sauterelle est bougonne ;
La taupe, elle, n’y voit pas ;
Le papillon ne hait personne.

Il est midi, chardonneret.
Le séneçon est là qui brille.
Attarde-toi, va, sans danger :
L’homme est rentré dans sa famille !

L’écho de ce pays est sûr.
J’observe, je suis bon prophète ;
Je vois tout de mon petit mur,
Même tituber la chouette.

Qui, mieux qu’un lézard amoureux,
Peut dire les secrets terrestres ?
O léger gentil roi des cieux,
Que n’as-tu ton nid dans ma pierre !

Complainte du lézard amoureux
les Matinaux.


On retrouve le jardinier, un "jardinier transcendental", qui éclaircit, sarcle, bine. À preuve, en lisant ce poème dans le hors-série récent que Télérama** consacre à Char, pp.76-77, ma mémoire de lecteur assidu se met à claudiquer :

à la strophe III
Quand l'homme gronde, cache-toi ;
Le tournesol est son complice...


à la strophe IV
...La taupe, elle, n'y voit pas ;
Là, tu n'as à craindre personne.


à la strophe V
...Le séneçon est là qui brille ;
Préfère-le aux noirs cyprès
À la semence des charmilles
.

à la strophe VI
Les chats de ce pays sont sûrs
Écoute,
je suis bon prophète ;
Je vois tout de mon petit mur...


à la strophe finale
Ô léger gentil roi des cieux,
Le tournesol n'est plus ton maître.


Il me semble qu'il s'agit d'une version antérieure, sous forme d'épreuve, que s'est proposé d'illustrer Miro pour une édition italienne (?)
Dans la version définitive, la strophe II a été ajoutée, les V et VI inversées. La tâche du jardinier a donné force à la fable et corrigé les écarts de rythme. Je regrette peut-être l'effacement des chats, mais l'innocent papillon me console dans cet aujourd'hui de "vainqueurs".

C'est quasi la rigueur aphoristique qui resurgit en un rythme octosyllabique ; le jardinier esquisse un pas de gavotte —deux fois quatre temps, à la mode de Bretagne — et n'oublie point que l'harmonie des contraires, basse continue des écrits de Char, — un petit reptile amoureux d'un petit oiseau — provoque la beauté.

* Dans La Sorgue et autres poèmes, madame Char et monsieur Veyne estiment que le terme "aphorisme" est impropre et trompeur. J'ose renvoyer Paul Veyne, professeur au Collège de France, aux définitions du terme grec "aphorismos" que propose "le Bailly", qui n'est peut-être plus le dictionnaire grec de référence ; mais c'est le mien !

** Télérama ? Hélas ? N'est-ce pas, Dame du Tout à fait décousu ! Pas de regards neufs, sinon Jérôme Prieur, Pascal Charvet ; la mise en page et l'iconographie et l'ensemble des textes offrent un beau portail d'entrée pour une première approche.

jeudi, 10 mai 2007

Chronique portuaire LI

« Trop longues... inintéressantes... du copiage... » Critiquées, ces chroniques ! Je persite cependant, car scanner les pages d'un vieux bouquin qui ne bénéficia que d'une édition très locale m'est une modeste contribution à la sauvegarde d'un patrimone nautique qui baigna mon enfance et dont mes errances des jeudis d'après-guerre sur le quai de la Fosse demeurent un si beau souvenir.
J'avoue prolonger ce bonheur ancien et combler ainsi mon ignorance d'alors.


Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution


1746. — LE "MARS" ET LA " BELLONE ".
Le 11 avril 1746, deux frégates nantaises: le Mars et la Bellone sortaient de la Loire, chargées d'annes et de munitions pour le Prétendant Charles-Edouard Stuart, et faisaient voile vers l'Écosse.
Le Mars, de 300 tx., 30 can. et 266 h., appartenait à M. de Seigné, et était commande par le capitaine Antoine Rouillé, de Nantes ; la Bellone, de 350 tx., 36 can. et 350 h., avait pour capitaine Claude Lory, également de Nantes.

Lorsque les deux frégates arrivèrent sur les côtes d'Ecosse, elles apprirent la défaite du Prétendant à Culloden, et la présence de trois navires ennemis dans les environs : elles se hâtèrent en conséquence de débarquer leurs munitions. Le 14 mai, au moment où elles se disposaient à repartir, les trois Anglais étaient en vue et faisant voile vers la baie où les deux frégates étaient en panne, se préparèrent au combat ; c'étaient la frégate le LÉVRIER, de 36 can., le senau BALTIMORE, de 18 can., plus un certain nombre de pierriers, fauconneaux et espingoles ; enfin un dogre de 16 can. Les deux Nantais, à bord desquels venait de monter le généralissime de l'armée du Prétendant, Milord Jean Drummond, Duc de Perth, accompagné d'un certain nombre de partisans du Prince, firent leur abattée afin de présenter le flanc à leurs adversaires ; et bientôt un mémorable combat s'engageait en vue des côtes entre le Mars et la Bellone et leurs trois antagonistes. Finalement les deux frégates nantaises l’emportaient, et faisaient voile vers Nantes tandis que les Anglais fuyaient au large. Le 22 mai, le Duc de Perth, mort la veille à bord du Mars, recevait la sépulture des marins ; et le 6 juin les deux frégates rentraient en Loire, non sans avoir amariné au passage le WILLES, de 400 tx. et 20 can., et le PEMBROKE, de 200 tx. et 16 can., venant de Saint-Christophe avec de riches cargaisons (1).

___________________________________________________________

(1) DE LA PEYROUSE-BONFILS, Histoire de la Marine française, t. II, pp. 282-8.
L. GUÉRIN, Histoire maritime de la France, t. IV, pp. 226 et suiv.

mercredi, 09 mai 2007

la suite du 6 mai 2007


Obéissez à vos porcs qui existent. Je me soumets à mes dieux qui n'existent pas.
Nous restons gens d'inclémence.


Contrevenir
La parole en archipel.

René Char

vendredi, 04 mai 2007

carénage et autres

On n'abat plus en carène ; je le fis naguère : on échouait le bateau sur une plage, d'un côté à marée basse, puis de l'autre à la marée suivante. Aujourdh'hui, on sort le voilier de l'eau et on le pose sur un ber.
Il est beau, Dac'hlmat sur son ber.
Donc carénage et ponçage, lessivage et lasurage : modestes chantiers tardivement entrepris dans un printemps précoce !

Certain(e)s ne pourront plus me taxer d'incivisme, je suis revenu sur ma décision "nihiliste" : je voterai par procuration.
Entre deux deux banalités, y'a pas le feu ! L'eau féminine est la moins trouble ! Mais elle me semble encore lointaine, cette VIe République.

Le blogue est donc remisé, quelques jours, dans la cabane du jardin, le blogueur redevenant vieux marin.

Et même, point de chroniques portuaires : ça en réjouira certaines, en attristera d'autres.
Ainsi vont les eaux des océans et des rivières.
Ce pourrait un aphorisme d'Héraclite. À moins qu'un Char...

Tenez, de Char, pour son centenaire :

Quand on a mission d'éveiller, on commence par faire sa toilette dans la rivière. Le premier enchantement comme le premier saisssement sont pour soi.

mardi, 01 mai 2007

Il y a en a qui en veulent à mai 68 ?

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Nous sommes rentrés d'Algérie, le 13 mai 68, un comble, je ne devrais donc point me sentir directement concerné par les jappements aigrelets de certain candidat... Je n'avais pu faire Mai 68.
Je me souviens même avoir rétorqué à un quidam qui, dans les embarras de la circulation, pensait m'injurier en me traitant de "post-soixante-huitard attardé" — cheveux longs et barbe à la Marx ou... à la Verne, caractérisant le jeune homme d'alors — « Non, monsieur, je suis un pré-soixante-huitard ! ». Mais il est vrai que ce que nous avions vécu entre 1961 et 1968 dans une Algérie encore euphorique, nous inclinait à une fort grande sympathie pour ces poings levés et ces places rebaptisées "Place du Peuple".
Comme j'aime bien les marque-page que m'offre en abondance un de mes libraires préférés — Coiffard, rue de la Fosse — je lui dis ainsi merci.
Et, par la même occasion, merde — encore une légende nantaise — aux "anti-soixante-huitards précoces". Manière de fêter un Premier Mai de paresse et non de travail.