Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 07 décembre 2009

suivre "Copenhague" à ma manière I

c'est-à-dire en lisant un poète :

 

Nous errons près de margelles dont on a soustrait les puits.


René Char

Feuillets d'Hypnos, 91

mercredi, 13 mai 2009

la nichée s'est envolée

Floués, les chats ! Ce matin, ils passaient sous le nichoir sans s'arrêter.

Nulle cavatine d'oisillons affamés. Hier, toute cette fébrilité des branches du bouleau aux arbustes du jardin, c'était donc l'envol !

 

Oiseau jamais intercepté

Ton étoile m'est douce au cœur

Ma route tire sur sa raie

L'air s'en détourne et l'homme y meurt.

 

René Char

Entre trente-trois morceaux, I

mardi, 12 mai 2009

je veille sur un nid de mésanges

 

Car les chats, et ils sont plus nombreux dans le voisinage, sont à l'affût.

La mésange qui annonça à René Char la mort de Pablo Picasso.

 

À sept reprises ce 8 avril, une toute bête mésange solliciteuse a heurté du bec le carreau de la fenêtre, me faisant filer de l'attention matinale à l'alerte de midi. Une nouvelle tantôt ? À quatre heures, je l'appris. Le terrible œil avait cessé d'être solaire pour se rapprocher plus encore de nous.


Picasso sous les vents étésiens,

in Fenêtres dormantes et porte sur le toit.

 

Je ne dis pas que la mésange est un oiseau du malheur.

nid.jpg

lundi, 31 décembre 2007

achever 2007 et un centenaire dans l'ombre d'une chandelle

Centenaire René CHAR


Il ne me déplaît point d'achever ce centenaire avec un cet objet naguère si quotidien et de plus tout autant héraclitéen qu'une bougie, qui donne lumière et ombre et de rapprocher une fois encore un poète d'un autre. Après Camus et Gracq, voici Michaux accoté à Char.
Ainsi sont-ils sur les étagères de " ma librairie" !

La nuit s’imposant, mon premier geste fut de détruire le calendrier nœud de vipères où chaque jour abordé sautait aux yeux. La volte-face d’une bougie m’en détourna. D’elle j’appris à me bien pencher et à me redresser en direction constante de l’horizon avoisinant mon sol, à voir de proche en proche une ombre mettre au monde une ombre par le biais d’un trait lumineux, et à la scruter.
René Char
Éclore en hiver,
La nuit talismanique.

9ef8f9dfd1c3cbddaa6b88e816d68071.jpg


Dans les pays de forte lumière comme les pays arabes, l’émouvant, c’est l’ombre, les ombres vivantes, individuelles, oscillantes, picturales, dramatiques, portées par la flamme frêle de la bougie, de la lampe à huile ou même de la torche, autres disparus de ce siècle.
Henri Michaux
Émergences-Résurgences


Nous sommes déroutés et sans rêve. mais il y a toujours une bougie qui danse dans notre main. Ainsi l’ombre où nous entrons est notre sommeil futur sans cesse raccourci.
René Char
La nuit talismanique


À la lueur d'une autre chandelle, Char écrit encore à l'usage du lecteur, et cet aphorisme que j'offre au partage avec les lectrices et lecteurs de ce blogue, je le fais mien, pour clôre ce centenaire et pour l'an qui s'annonce dès cette nuit, aux marges, héraclitéennes donc, de la flamme et de l'obscur :
Tenir son livre d'une main sûre est malaisé.

jeudi, 27 décembre 2007

Char lecteur de Gracq

Centenaire René CHAR

Je pensais clore ces notes sur le centenaire de René CHAR, par des textes de Michaux et Char sur la lumière des bougies. Ce sera pour le premier jour de l'an 2008.
La mort de Gracq me fait reporter cette conclusion “lumineuse” au centenaire.
Il n’est pas si fréquent qu’un lecteur puisse trouver dans ses horizons des auteurs qu’il puisse “joindre” sans avoir le cœur fendu des disharmonies entre les uns et les autres.
Par exemple, Char appréciait le poète Michaux, mais Michaux faisait tout — ou presque — pour éviter Char.
Dans les chemins creux de mes lectures, ce manque d’accord me fend, parfois, le mental. Mais, bonheur paradoxal, les livres se côtoient sur les étagères !

En 1950, Empédocle, la revue (dans le n°1 ou 7 ?) fondée par Camus, Char et Grenier, avait publié La littérature à l’estomac, ce texte qu’on nomme pamphlet dans lequel Gracq, ulcéré par l’éreintement de la critique à propos du Roi pêcheur, se fendit d’une belle volée de bois vert. L’écrit fut, la même année, éditée par Corti.

La relation entre Char et Gracq remontait à la parution des Feuillets d’Hypnos.
L’un et l’autre avaient vécu la “drôle de guerre”. Le second écrira plus tard Un balcon en forêt.
Char, dès 1945, publiera, refaçonnés, ses carnets de maquis et Gracq fut sensible à ce “non-récit de guerre” :
« Il est étrange que votre livre, écrit dans de telles circonstances, me donne une impression aussi absolument contemplative. J’aimerais parler de cela avec vous. »


Voici donc dans cette avant dernière-note, un Char lecteur de Gracq* :
À propos des Eaux étroites :
« Ces quelques dizaines de pages pèsent et pèseront plus lourd que les tonnes de littérature vide qu’on trouve actuellement à profusion et dont l’épaisseur est à la mode. Julien Gracq ne se manifeste que par son œuvre, comme Henri Michaux. C’est un rebelle et un discret. »


À propos de En lisant, en écrivant :
« Mes goûts ne sont pas forcément les mêmes que les siens, mais j’ai pour Julien Gracq une estime qui n’est pas seulement littéraire : elle est aussi morale, au sens le plus complet de ce mot dont nous avons tant besoin aujourd’hui. »


À propos du Rivage des Syrtes :
« J’avais cru lire Le Rivages des Syrtes, mais il est possible que je ne l’aie pas lu. Si vous avez raison, ce serait dans ce cas l’ouvrage politique le plus profond qu’on ait écrit en France pour les temps obscurs où nous sommes. »


* J’ai recueilli ces propos dans le livre de Jean Pénard, rencontres avec rené char, Corti, 1991

samedi, 22 décembre 2007

au solstice d'hiver

Centenaire René CHAR

8858c0ac4c20735e2a772df0cbd50422.jpg
...pas un...qui n'ait, passant la porte, brûlé les yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l'emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d'ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours

baf471394c22fda5235712bc6df497bc.jpg


...le poignard de la flamme...






La flamme des chandelles qui tremble dans les tableaux de Georges de La Tour hantent les nuits de René Char et de son lecteur.
Depuis le 20, chaque soir, le soleil s'attarde une minute de plus au bord de l'horizon.
Pour moi, l'électricité est loin d'être "haïssable" ; à preuve, cet écran et ces signes qui s'y affichent !
Mais pourquoi, sur nos murs et dans nos rues, ces clignotements absurdes me tiennent-ils éloigné de la flamme chaleureuse ?

7c82487b6508564cc17ecebbfa4258ba.jpg

Servante ou maitresse, proche du souffle et de la main, rasante et meurtrie, cette flamme dont j’avais besoin, une bougie me la prêta, mobile comme le regard.
L’eau nocturne se déversa dans le cercle verdoyant de la jeune clarté, me faisant nuit moi-même...

La nuit talismanique

vendredi, 21 décembre 2007

marche dans la vallée

Centenaire René Char
l'antépénultième note


Marche très matinale. La tasse de thé vert tient chaud au ventre.
Les étoiles paraissent encore si proches.
Les étoiles sont acides et vertes en été ; l'hiver elles offrent à notre main leur pleine jeunesse mûrie.


Parvenu à la rive du fleuve, dans l'enfilade glacée du Nordet, les roselières de la Sangle s'inclinent :
Oiseaux qui confiez votre gracilité, votre sommeil périlleux à un ramas de roseaux, le froid venu, comme nous vous ressemblons.


Je rentre à la maison, passant par le jardin, herbes gelées de givre.
Fourche couchée, perfection de la mélancolie.

lisant
La nuit talismanique


Ce soir, une dépression portuguaise nous ramène par le Suet les douceurs atlantiques.

dimanche, 16 décembre 2007

« Bien égaux » ? Non ! deux biographies

Centenaire René CHAR
(ça va bientôt s'achever !)


J'ai sur ma table depuis jeudi soir la seconde biographie de René CHAR, par Danièle Leclair. La semaine précédente, intrigantes dans le Nouvel Obs, quelques lignes de France Huser : « Enfin la biographie que méritait Char ! Elle retrouve la vérité, même la plus diffcile à dire. »
En 2004, Greilsamer, le premier biographe n’avait point un total satisfecit ; le livre était très journalistiquement rédigé, des dialogues recréés comme de faux décors. J’y notai, alors, la “présence” de madame Char : quand on lit Char depuis cinquante ans et qu’on sait les points de vue passés du poète sur la conjugalité, on esquisse un sourire — enfin, j’esquissais un sourire. Bref ! La suite de la vie éditoriale de l'œuvre verra souvent apparaître le nom de Marie-Claude Char, accompagné assez souvent de celui de Paul Veyne, l’homme, latiniste distingué, auteur d’un René Char en ses poèmes, qui ne peut accompagner que maigrement le lecteur.

La nouvelle biographie semble remettre quelques pendules à l’heure ; elle convoque des témoins, des proches. J’ai commencé de lire par larges tranches : ça éclaire "à distance"et je n’ai point trop le sentiment de regarder par le trou de la serrure.
Il y a, par exemple, entre la page 266 et la page 295, un parallèle Camus/Char, À UNE SÉRÉNITÉ CRISPÉE/L'HOMME RÉVOLTÉ, d'une grande force ; le chapitre VII, une fin de vie très sombre, peut atterrer, même le lecteur de Jean Pénard — voir Rencontres avec René Char, chez Corti.
Quand je place les deux livres l’un près de l’autre, trivialement, “il n’ y a pas photo” pour les premières de couverture. Il suffirait de lire titre et sous-titre pour estimer le registre et de l’une et de l’autre. L'austérité de mes goûts m'incline pour l'autre.

48f251ba494631a9f364b7f50e6bdae8.jpg
8bfc7f4ff30ce9b2405b9cfb4e4e6834.jpg



J’ignorais jusqu’à ce jour les éditions Aden ; peut-être que le nom de Robert Bréchon comme directeur de collection (Collection "le Cercle des poètes disparus") m’assure d’une certaine crédibilité ; il est l’auteur d’un Henri Michaux dans Pour une Bibliothèque idéale de Gallimard (1959). Diable d’homme ! quel âge a-t-il ?

Avouerai-je, quand même, que je suis très heureux d'avoir été un lecteur "nu" de René Char, de René-Guy Cadou, d'Henri Michaux, avant que ne paraissent des années plus tard après mes découvertes de jeune lecteur des biographies, qui, certes, peuvent mener sur des chemins d'accès mais tant encombrer l'intangible relation des expériences qui se confrontent silencieusement entre écriture et lecture.

Entre légende et mythologie ? À propos de Bob Dylan, François Bon prononçait ces mots, hier sur France Cul, dans Projection privée.
L'autobiographie dévoile et éclaire, mais cache et crypte, elle exalte et démystifie, elle est hagiographie et appareil critique, elle contemple l'étendue des hauteurs mais, accroupie derrière la porte, elle guette par le trou de la serrure.
Fassent les divinités tutélaires de la Littérature qui n'existent pas, qu'elle ne trouble point la nue modestie du lecteur !
Et ce qui vient d'être écrit sur les ouvrages de monsieur Laurent Greisalmer et madame Danièle Leclair ne sont que le ressenti "d'un lecteur en son jardin"... gelé !
D'un "grapheus tis" qui souhaitait écrire, ce soir, sur le poème Biens égaux et sur l'angle fusant d'une rencontre, d'où est partie cette aventureuse lecture d'un poète, qui ne fut et n'est pas seulement une simple lecture, mais une vie d'homme tout aussi simplement.

mardi, 11 décembre 2007

« soleils jumeaux »

Centenaire René CHAR


aux amis présents pour la lecture de la Lettera amorosa

L'année du centenaire s'achève. S'espaceront les chroniques, mais ne faiblira point la lecture entreprise, il y a plus de cinquante ans. Une des dernières évocations de la soirée de vendredi dernier aborda l'amitié si forte qui lia Char et Camus. Et la communauté constante de leur pensée.

J'ai retrouvé dans mon dossier "Char" une coupure de presse de juillet 1990, signée A.V. sans doute, André Velter ; l'article, intitulé SOLEILS JUMEAUX, Char-Camus : deux hommes révoltés citait un extrait de la préface de Camus à l'édition allemande des Poésies de Char :

Certaines œuvres méritent qu’on saisisse tous les prétextes pour témoigner même sans nuances, de la gratitude qu’on leur doit...
Dans l’étrange et rigoureuse poésie que Char nous offre, notre nuit elle-même resplendit, nous réapprenons à marcher. ce poète de tous les temps parle exactement pour le nôtre. Il est au cœur de la mêlée, il donne ses formules à notre malheur comme à notre renaissance : « Si nous habitons un éclair, il est le cœur de l’éternel.» La poésie de Char habite justement l’éclair, et non seulement au sens figuré. L’homme et l’artiste qui marchent du même pas, se sont trempés hier dans la lutte contre le totalitarisme hitlérien, aujourd’hui dans la dénonciations des nihilismes contraires et complices qui déchirent notre monde. Du combat commun, Char a accepté le sacrifice, non la jouissance. « Être du bond, ne pas être du festin, son épilogue. » Poète de la révolte et de la liberté, il n’a jamais accepté la complaisance, ni confondu selon son expression, la révolte avec l’humeur. On ne dira jamais assez, et tous les hommes tous les jours nous le confirment, qu’il est deux sortes de révolte dont l’une cache d’abord une aspiration à la servitude, mais dont l’autre revendique désespérément un ordre libre où, selon le mot magnifique de Char, le pain sera guéri. Char sait justement que guérir le pain revient à lui donner sa place, au-dessus de toutes les doctrines, et son goût d’amitié. Ce révolté échappe ainsi au sort de tant de beaux insurgés qui finissent en policiers ou en complices. Il s’élèvera toujours contre ceux qu’il appelle les affûteurs de guillotine. Il ne veut pas du pain des prisons, et juqu’à la fin le pain chez lui aura meilleur goût pour le vagabond que pour le procureur.


Albert Camus, 1959.

lundi, 10 décembre 2007

en merci

Centenaire René CHAR


En merci à celles et ceux qui, amicaux et rares, ont répondu à l’invitation de la soirée-lecture de la Lettera amorosa,
un des textes de René CHAR, que je n'ai pas lu, qui me paraît bien résumer nos échanges de l’autre soir :
les thématiques fondamentales
celle de la nature — la “phusis” au sens grec — dans l’approche de la campagne — l'accoudoir de solitude —, du jardin, des végétaux — attentif aux sèves —, de l’intervention humaine — la main infirme de hommes, — jusqu’en sa dimension esthétique — baisant des yeux formes et couleurs

celle de l’amour en tout ses états, dans l’incomplétude et la fusion — hymne raboteux —, l’absence et le retour — chétive volte-face
.

BIENS ÉGAUX


Je suis épris de ce morceau tendre de campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mât duquel un visage perdu, par instant s'éclaire et me regagne. De si loin que je me souvienne, je me distingue penché sur les végétaux du jardin désordonné de mon père, attentif aux sèves, baisant des yeux formes et couleurs que le vent semi-nocturne irriguait mieux que la main infirme des hommes. Prestige d'un retour qu'aucune fortune n'offusque. Tribunaux de midi, je veille. Moi qui jouis du privilège de sentir tout ensemble accablement et confiance, défection et courage, je n'ai retenu personne sinon l'angle fusant d'une rencontre.

Sur une route de lavande et de vin, nous avons marché côte à côte dans un cadre enfantin de poussière à gosier de ronces, l'un se sachant aimé de l'autre. Ce n'est pas un homme à tête de fable que plus tard tu baisais derrière les brumes de ton lit constant. Te voici nue et entre toutes la meilleure seulement aujourd'hui où tu franchis la sortie d'un hymne raboteux. L'espace pour toujours est-il cet absolu et scintillant congé, chétive volte-face? Mais prédisant cela j'affirme que tu vis; le sillon s'éclaire entre ton bien et mon mal. La chaleur reviendra avec le silence comme je te soulèverai. Inanimée.

Le poème pulvérisé,
Fureur et mystère.


Une lecture à voix haute, simple lecture de lecteur, à hauteur des mots, suffit parfois pour donner l’essor aux poèmes et l’écoute attentive est un miroir qui lance de minces éclats de lumière dans l’obscur des aphorismes et chez celles et ceux qui écoutent et chez celui qui lit.
Sans négliger les jaillissements des images qui agrandissent le sens de notre langue quotidienne.
Sans oublier la pensée “politique” quand Char rejoint son ami Camus dans la tension entre liberté et justice.
Nous aurions pu achever la soirée sur la parole d’Héraclite l’Éphésien :
Le Maître dont l’oracle est à Delphes ne dévoile, ni ne cèle, il donne signes.

mercredi, 05 décembre 2007

Être le premier venu

Centenaire René CHAR


« La lecture de la Lettera amorosa, précédée et suivie de quelques autres poèmes », voici ce que j'annonce pour vendredi soir.
Oh ! j'ai bien quelques idées pour les textes qui précéderont : A***, La compagnie de l'écolière, Bora, Congé au vent, Marthe, La compagne du vannier , j'évite Le visage nuptial, je crains d'effaroucher (!) ; j'ai très envie de commencer, après l'écoute du madrigal de Monteverdi, ce chanté-récité poignant — un "sprechgesang" qui a quatre siècles d'avance — par Pedro Liendo du Clémencic Consort, dans le silence qui suivra et la pénombre qui se sera établie autour de la petite table, de la lampe et du livre par ce premier texte :

Être
Le premier venu.
L'Amour
Arsenal

comme cri ? comme murmure ?
Aurai-je le culot ? J'ai promis : « Ni cours, ni spectacle, une lecture nue, quelques dessins et peintures des "Alliés substantiels" du poète, projetés.
Fuyant le théâtral, sur quelle image ?
Poser la voix, mais dans quel silence précédent et suivant ce :

Être
Le premier venu.
?

dimanche, 02 décembre 2007

où l’on retrouve le serpent

Centenaire René CHAR


Adam et Ève, la condition humaine : Todorov signe dans le Monde des Livres de vendredi, un brève présentation d’un bouquin de François Flahault : celui-ci y analyse l’universalité de l’histoire d’Ève et d’Adam et l’opposition fondamentale qui traverse l’histoire de l’Occident, sinon de l’humanité, entre deux grandes conceptions de la condition humaine... L’une des traditions, celle du paganisme, pour qui le mythe dit l’incomplétude de notre nature humaine, à la fois manque mais aussi chance, car grâce à elle, nous rencontrons les autres et nous en jouissons. L’autre, celle des religions monothéistes, qui y voit le récit de la chute, l’apparition du mal et l’émergence du salut à condition de choisir “dieu”.

Me voilà renvoyé tout droit

à ce texte de Ricœur, dans Le conflit des interprétations (1969), que j’ai abordé avec l’ami Bal, lors de l’atelier Jalons pour une éthique, en mai :
C’est pourquoi le mythe adamique... introduit dans le récit la figure hautement mythique du serpent. Le serpent représente, au cœur même du mythe adamique, l’autre face du mal que les autres mythes tentaient de raconter : le mal déjà là, le mal antérieur, le mal qui attire est séduit l’homme. Le serpent signifie que l’homme ne commence pas le mal. Il le trouve. Pour lui, commencer, c’est continuer. Ainsi, par-delà la projection de notre propre convoitise, le serpent figure la tradition d’un mal plus ancien que lui-même. Le serpent, c’est l’Autre mal humain.


et, au IIIe Fascinant de René Char et à la civilisation serpentaire (notes des 24 et 28 février de cette année)

Prince des contresens, exerce mon amour
À tourner son Seigneur que je hais de n'avoir
Que trouble répression ou fastueux espoir.

Revanche à tes couleurs, débonnaire serpent,
Sous le couvert du bois, et en toute maison.
Par le lien qui unit la lumière à la peur,
Tu fais semblant de fuir, ô serpent marginal !


Je ne veux pas opposer Char et Ricœur, qui dans ce texte, en quête des origines du Mal, démonte le mythe adamique dans son contexte judéo-chrétien.
L’apposition des deux textes souligne simplement le refus fondamental de Char de la tradition monothéiste.
Char se dresse à contresens de la foi religieuse - refus du salut, fastueux espoir et de la damnation, trouble damnation .

Quant on songe aux multiples représentations picturales de la Chute d’Adam et d’Ève, le serpent séducteur dans l’arbre dominant Ève et un Adam, à l'écart hors du "coup", et au mince vipéreau qui émerge des broussailles pour converser avec l’Ève de Giacometti*, surprise mais attentive et sensuelle, on ne peut que s’émerveiller de la convergence entre le plasticien, illustrant Le Visage nuptial, et le poète, dans la révision de nos habitudes millénaires de penser le monde humain et nous-mêmes et de l'invite "serpentaire" à porter un autre regard sur la condition de notre double humanité, non récit d'une chute mais d'un avènement.
a1c09ca01611343722064fec722899bb.jpg


* Mais où donc est passé Adam ? Sans doute, est-ce Char écrivant le poème ? Giacometti traçant le dessin ?

vendredi, 30 novembre 2007

vendredi prochain

Centenaire René CHAR

c334960369862c3d952785fb7d679f6f.jpg


Voilà pourquoi "ça" n'écrit guère : je relis en me mettant "en goule" La Lettera amorosa.
Je scanne aussi pour un montage très nu qui se déroulera pendant la lecture : Braque et Arp bien sûr, mais aussi de Stael, Miro, Giacometti, Wilfredo Lam, Balthus.
J'ai découvert cette très belle rose de Louis Fernandez, la Rose couchée, la fleur la plus nommée dans les écrits de Char, même si l'iris domine la Lettera amorosa.
699787ae57abf580e44f76d95becd2c4.jpg


Malgré la fenêtre ouverte dans la chambre au long congé, l'arôme de la rose reste lié au souffle qui fut là.

Front de la rose,
La parole en archipel.

dimanche, 25 novembre 2007

se reSSaisir par les mots

Centenaire René CHAR

Dans les poèmes aussi, certains mots sont là qui mémorisent les entrailles.

Sous ma casquette amarante

mardi, 13 novembre 2007

Camus à propos du bouquin de Berger sur Char

Centenaire René CHAR

Cabris, le 25 février 1951

... J'ai lu rapidement avant mon départ, pour le laisser à Francine qui me le demandait, le livre de Berger. C'est bien qu'il ait été fait, le choix des poèmes est efficace. Je regrette peut-être que Berger vous ait parfois paraphrasé, dans sa prose, au lieu de conduire le lecteur pas à pas. Il s'agissait de vous traduire en langage critique, non de vous répéter. Après tout, la poésie c'est vous. La prophétie, c'est vous.
Je le comprends d'ailleurs. Certaines œuvres, si on sait les aimer, il est impossible de s'en défendre, d'inventer pour elles un nouveau langage. Elles ne sont grandes que parce qu'elles ont créé leur propre langage et démontrent par là qu'elles ne pourraient être, ni parler, autrement. Au reste, Berger a réussi l'essentiel, faire comprendre la signification présente, et décisive, de votre œuvre.
Albert Camus


602219b53cdb484bbf832551da3c0908.jpg


Il s'agit bien du n°22 de la collection Seghers "Poètes d'aujourd'hui". L'exemplaire que j'ai date du second trimestre 1953 : la linguistique n'est pas encore à l'œuvre dans l'approche critique des poètes, même si l'essai de Georges Mounin, Avez-vous lu Char ? est paru en 1946.
Je ne pense pas que cette démarche soit déjà dans le projet éditorial de Pierre Seghers : « Rapprocher les poètes de leur public ».

Quand je feuillette les bouquins de la collection, je ressens bien la critique de Camus : la langue du poète imprègne celle du commentateur :
Charbonnier, qui pourtant rompt la charte éditoriale, avec Artaud, René Micha avec Jouve, Soupault avec Lautréamont, Théophile Briant avec Saint-Pol-Roux, Manoll avec Cadou sont plus dans la paraphrase identitaire, le commentaire chaleureux que dans la démarche critique que souhaite Camus. Même beaucoup plus tard, en 1975 : il suffit de feuilleter le Michel Deguy par Pascal Quignard.
Je reviendrai sur quelques-uns quand j'aurai mené à bon port mon projet de parcourir les cinquante et deux Seghers qui m'attendent sur l'étagère des Poètes d'aujourd'hui. J'en suis encore à Pierre-Jean Jouve, le seizième précédant Pessoa et... Reverdy — celui-là, j'appréhende vraiment, il va me falloir me faire "aider" !

Pour celles et ceux qui souhaiteraient lire ou... relire les quinze bouquins déjà présentés, il suffit de cliquer dans la catégorie "Poètes, vos papiers !" : toutes les notes.
Moi-même, c'est clair, je n'y échappe point à l'imprégnation et du poète et de son commentateur !