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vendredi, 30 novembre 2007

vendredi prochain

Centenaire René CHAR

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Voilà pourquoi "ça" n'écrit guère : je relis en me mettant "en goule" La Lettera amorosa.
Je scanne aussi pour un montage très nu qui se déroulera pendant la lecture : Braque et Arp bien sûr, mais aussi de Stael, Miro, Giacometti, Wilfredo Lam, Balthus.
J'ai découvert cette très belle rose de Louis Fernandez, la Rose couchée, la fleur la plus nommée dans les écrits de Char, même si l'iris domine la Lettera amorosa.
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Malgré la fenêtre ouverte dans la chambre au long congé, l'arôme de la rose reste lié au souffle qui fut là.

Front de la rose,
La parole en archipel.

jeudi, 29 novembre 2007

Chronique portuaire LXX

Période Révolutionnaire


1793. — LES NOYADES EN LOIRE.

La guillotine et les fusillades en masse aux carrières de Miséri, situées à l'extrémité du port, ne suffisant plus à exécuter le trop-plein des prisons, les membres du Comité Révolutionnaire cherchèrent un moyen plus expéditif de se débarrasser de leurs victimes ; c'est alors qu'ils eurent l'idée atroce des noyades, que, dans leur ignoble argot, ils appelèrent : déportation verticale, pêche au corail ou immersion patriotique.

La première noyade eut lieu le 17 novembre 1793. Lambertye qui l'avait préparée avait acheté, pour la somme de 200 livres, une sapine ou chaland, dans laquelle il avait fait pratiquer des sabords par des ouvriers réquisitionnés chez le constructeur Baudet.
Un peu après minuit, accompagné par Fouquet et plusieurs autres membres du Comité, il accostait la Gloire et se faisait délivrer 90 prêtres emprisonnés dans ce navire ; quelques instants après, les sabords étaient ouverts à coups de hache, et les malheureux précipités dans le fleuve.

Le lendemain de ce crime, Carrier écrivait hypocritement à la Convention : « Un événement d'un autre genre a voulu diminuer à son tour le nombre des prêtres, quatre-vingt-dix, de ceux que nous désignons sous le nom de réfractaires, étaient enfermés dans un bateau sur la Loire ; j'apprends à l'instant, et la nouvelle en est très sûre, qu'ils ont tous péri dans la rivière, quelle triste catastrophe ! »

La deuxième noyade eut lieu le 10 décembre, et Carrier l'annonçait ainsi à la Convention : « Cinquante-huit individus, désignés sous la dénomination de prêtres réfractaires, sont arrivés d'Angers à Nantes ; aussitôt ils ont été enfermés dans un bateau sur la Loire : la nuit dernière ils ont été engloutis dans cette rivière. Quel torrent révolutionnaire que la Loire ! »

Après les noyades de prêtres, vinrent les noyades de prisonniers du Bouffay et de l'Entrepôt, accompagnées de raffinements de cruauté dignes de cannibales. C'est alors que furent inventés les bateaux à soupapes, fabriqués par le charpentier Affilé; les prisonniers étaient entassés dans la cale et les panneaux cloués sur eux, puis, au milieu du fleuve, les soupapes étaient ouvertes et le bateau s'enfonçait lentement, tandis que les noyeurs coupaient à coups de sabre les bras et les mains qui passaient à travers les interstices de planches ou fracassaient à coups de gaffe. le crâne de ceux qui parvenaient à s'échapper et tentaient de se sauver à la nage ; c'est alors aussi que furent imaginés les mariages républicains : un homme et une femme, — les noyeurs choisissaient de préférence un vieillard et une jeune fille, ou un jeune homme et une vieille femme, — étaient attachés ensemble, nus, et précipités dans le fleuve ; c'est alors enfin que Carrier et ses séïdes osèrent dîner avec des courtisanes sur le pont de l'une de ces gabares au fond de laquelle gémissaient leurs victimes, et assister en personne à ces horribles exécutions.

Les historiens comptent jusqu'à vingt-trois de ces noyades en Loire, plusieurs exclusivement composées de femmes et même d'enfants ; et l'on estime qu'elles engloutirent près de 9.000 malheureux.

La Loire charriait des cadavres en si grand nombre que le Département dut faire défense de boire de son eau, et de manger de son poisson, les berges, depuis Nantes jusqu'à la mer, étaient couvertes de débris humains que déchiquetaient les mouettes et les corbeaux ; et les navires quittant le port ramenaient avec leurs ancres des grappes hideuses de corps déchirés (1).


LE LIEUTENANT DE VAISSEAU LE COUR.

Le Lieutenant de vaisseau nantais Le Cour, commandant une corvette de î'Etat, reçut en pleine Terreur l'ordre de porter des dépêches par delà l'Atlantique, en même temps que trois passagers étaient conduits à son bord. Les instructions les concernant étaient closes, et le lieutenant ne devait les ouvrir qu'à cent lieues au large.
Le jour venu, Le Cour en prit connaissance ; elles contenaient l'ordre de fusiller les passagers sur le bossoir. Le Cour, incapable de cette lâcheté, les garda à bord et, de retour en France sa mission accomplie, écrivait fièrement au ministre ; « Je ne suis pas un bourreau, je vous ramène vos prisonniers, que la République les fasse tuer par qui elle veut ! ».
Ce brave officier mourut à Nantes, le 16 janvier 1861, âgé de cent deux ans (2).
___________________________________________________________
(1) LALUÉ, Les Noyades de Nantes.
CRÉTINEAU-JOLY, Histoire de la Vendée militaire, t. II, p. 40 et suiv,
(2) JOS. DE TREMAUDAN, Histoire anecdotique de la ville de Nantes, pp. 375-6.

mercredi, 28 novembre 2007

mais comment le scribe est-il passé de la bille à la tablette ?

Hier après-midi, à l'Université Permanente*, dans un parcours qui nous mena de "l'hominidé" se dressant debout jusqu'à l'établissement de l'alpabet grec, Bergougnoux fut brillant, disert avec des incises longues, érudites, — célébrant "ces jeunes gens" du début du XXe siècle, qui ébranlèrent nos schémes de pensée : Einstein" l'éberlué", Saussure, "l'ivrogne", Lévy-Strauss "le professeur de philosophie provincial", aujourd'hui dans la maturité du grand âge !
Il agence fort bien des données biologiques, paléontologiques, physiques, climatiques ; il s'écoute sans doute toujours autant discourir, il oublie de gérer son intervention, lancé dans ses brillances. Je le retrouve, comme naguère à la radio, causant aussi bien qu'il écrit. Mieux peut-être.
Mais l'ajustage de ses savoirs est intéressant. Je ne me suis point ennnuyé, n'ayant rien appris. Il a des belles formulations : "la stupeur bienheureuse des bêtes... les empires hydrauliques..."
Il n'a pas eu le temps d'aborder les Grecs, je pense qu'en décembre, il les approchera avec autant de passion qu'il mit à nous promener des piémonts himalayens aux finisterres celtes, des jardins babyloniens aux ports phéniciens .
Je reviendrai donc l'écouter le 18 décembre.

Demeure pour moi une question : comment "l'écriveur subalterne" qu'était le scribe est-il passé, au seuil des greniers, des billes d'argile dénombrant les céréales, le bétail et autres denrées que les paysans serfs de Mésopotamie étaient dans l'obligation de déposer dans les réserves du Prince, à la tablette de même argile ?
Dans mon insomnie habituelle, je me suis façonné une réponse possible.

* Les six interventions de Pierre Bergougnoux porteront sur "la grande prose européenne".

dimanche, 25 novembre 2007

se reSSaisir par les mots

Centenaire René CHAR

Dans les poèmes aussi, certains mots sont là qui mémorisent les entrailles.

Sous ma casquette amarante

vendredi, 23 novembre 2007

ainsi chaque fin novembre

...depuis quarante-trois ans, ces jours — l'avant-veille, la veille, le jour même, le lendemain, le surlendemain, tous ces jours — de gorge nouée, de larmes aux yeux, d'impossible effacement, de vide glacé.

...................................................................
Il fait beau sur les crêtes d'eau de cette terre
...................................................................
Il fait beau sur les cirques verts inattendus
...................................................................
Il fait beau sur le plateau désastreux nu et retourné
Parce que tu es si morte
Répandant des soleils par les traces de tes yeux
Et les ombres des grands arbres enracinés
Dans ta terrible Chevelure celle qui me faisait délirer.

Pierre Jean JOUVE
Hélène
Matière Céleste

jeudi, 22 novembre 2007

Chronique portuaire de Nantes LXIX

Période Révolutionnaire


1793- 1794. — CHASSE-MARÉE ARMÉ CONTRE LES ROYALISTES.
Le 6 avril, on apprit à Nantes que les Royalistes occupaient la baie de Bourgneuf.
Aussitôt le citoyen Antoine Picory demanda l'autorisation d'armer un chasse-marée pour aller les combattre ; sa proposition fut accueillie avec enthousiasme et plusieurs gardes nationaux se joignirent volontairement à lui pour cette expédition (1).

NAVIRES TRANSFORMÉS EN PRISONS.

Les prisons de Nantes, et mêmes celles improvisées dans les couvents désaffectés ou les entrepôts de marchandises regorgeaient de détenus ; chaque jour inaugurant dans Nantes de nouvelles arrestations, tandis que les Colonnes Infernales y ramenaient après chaque battue dans la campagne de véritables caravanes de malheureux : hommes, femmes et enfants, incarcérés pêle-mêle dans les ignobles geôles du Bouffay ou de l'Entrepôt.

De bonne heure, le Comité Révolutionnaire songea à utiliser les navires ancrés dans le port pour suppléer à l'insuffisance des prisons pourtant si vastes.
Dès 1792, la Municipalité de Nantes avait demandé au Représentant du Peuple, Carrier, l'autorisation de faire transférer dans un ou plusieurs navires une partie des Brigands renfermés à l'Entrepôt : « leur séjour dans ladite maison donnant les plus grandes craintes pour la santé des citoyens par les miasmes putrides dont leur rassemblement empoisonne l'air » (2).
Le 5 juillet 1793, le navire la Thérèse reçut les prêtres vieux et infirmes dispensés de la déportation, et précédemment internés au couvent des Petits Capucins. L'Émilia-Louisia fut peu après affectée au même usage, et reçut les suspects Jusqu'au 13 septembre. La Gloire, l'Intention, la galiote Louise, et un certain nombre de galiotes hollandaises et françaises furent de la même manière transformées en prisons. Dans tous ces navires, les malheureux détenus étaient pressés les uns contre les autres dans d'infects entreponts, privés d'air et de lumière, empestés de miasmes putrides, et vivants et morts gisant pêle-mêle dans le même fumier. La mortalité était par suite effrayante dans ces prisons flottantes, auprès desquelles les pontons anglais, de sinistre réputation pourtant, auraient semblé des palais (3).

Aussi, en novembre 1793, sur le rapport du chirurgien Larue, exposant que les détenus embarqués sur les navires périssaient en grand nombre, dans l'impossibilité où l'on était de les y soigner, le Conseil arrêta qu'on les transférerait dans l'ancienne maison des Écoles Chrétiennes, Mais cet ordre, s'il fut exécuté, ne le fut qu'imparfaitement, car à la date du 22 mars 1794, soixante-seize prêtres détenus dans un navire hollandais en face de la Sécherie, adressaient au Comité Révolutionnaire de Nantes une lettre lamentable dans laquelle ils faisaient le tableau affreux de leur situation, et demandaient leur transfert dans une prison plus spacieuse et plus salubre.
Cette demande, apostillée par le Comité, fut renvoyée le 25 mars à la Mairie, qui y fit droit en ordonnant la translation des détenus dans la maison des Irlandais (4).
___________________________________________________________________

(1) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, p. 179.
(2) Le Chercheur des Provinces de l'Ouest, Année 1902. Chroniques et Documents, p. 64.
(3) LALLIÉ, Les Prisons de Nantes pendant la Révolution, pp. 60 et suiv.
(4) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t, 1, p. 26 ; t, V, p. 398.

vendredi, 16 novembre 2007

à un "vieux" compagnon

JPD reprend sa liberté — chez "nous", on ne prend pas sa retraite —, je fus un de ceux qui l'accueillirent en 1981 dans l'euphorie d'une Éducation Populaire qui se croyait enfin reconnue, fut-ce à travers une bien curieuse dénomination : le "Temps libre".
Nous ne prenons pas de retraite, ai-je écrit. Je lui glisse dans sa "caisse à outils" cette brochure* que MJ, Cl et moi, avons commis cet été, avec l'aide du Centre de l'Histoire du travail, pour accompagner nos copains, les pêcheurs du lac de Grand-Lieu qui fêtaient les cent ans de leur Coopérative.
Sur la page de faux-titre, j'ai tracé quelques mots :

À Jean-Paul,

cette mince brochure pour lui écrire :
Compagnon,
Il est encore des chantiers d'Éducation populaire à prolonger, à ouvrir
pour un homme de "ton" métier.
Et ce, dans la grande et belle liberté
d'un citoyen enfin délié de toute attache institutionnelle.
À La Plinguetière, ce 16 novembre 2007




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* Disponible dans les deux "vraies" librairies de Nantes, Vent d'Ouest et Coiffard. Elle est même, chez cette dernière, en vitrine. Et la vente est au seul profit de la Coopérative de pêche.
Ceci n'est pas une publicité. Ni pour la brochure, ni pour les anguilles du lac !
Cette brochure fait suite à un "chantier" entrepris avec les gens du village de Passay, de 1990 à 2000, qui s'acheva avec la publication d'un livre "À Grand-Lieu, un village de pêcheurs"; l'aventure est brièvement relatée dans les "ruines" d'un site, bâti en 2000 et encore consultable, Dac'hlmat.

jeudi, 15 novembre 2007

premières gelées

Comme chaque automne avec les premières gelées, ce n'est pas René Char, c'est René Guy Cadou qui revient à mes lèvres avec son Chant de solitude. Parce qu'il y a ce vers qui évoque le dahlia dont les tiges s'inclinent alourdies des pétales brutalement fanées par cette première nuit de gel.


.................................................
Les fumures du Temps sur le ciel répandues
Et le dernier dahlia dans un jardin perdu !
Dédaignez ce parent bénin et maudissez son Lied !
.................................................



C'est à cause de ce vers que chaque printemps, je plante un parterre de dahlias et que chaque automne, je maintiens le plus tard en novembre un "dernier dahlia" comme témoin nostalgique de l'été...

Chronique portuaire LXVIII

Période Révolutionnaire


1793. — CORSAIRES NANTAIS EN 1793.

Dès le lendemain de la déclaration de guerre à l'Angleterre, le 31 janvier 1793, tous les ports de France rivalisèrent de zèle et d'entrain dans leurs armements de corsaires, Nantes fut loin de rester en arrière dans ce mouvement de patriotisme ; et presque tous ses long-couriers ou négriers furent armés en Course.

C'est ainsi que du 7 février au 27 juillet, les armateurs nantais expédièrent une vingtaine de corsaires contre les Anglais.
Cossin et Dupuy armèrent : l'Eugénie, de 300 tx., 16 can., 12 pier. et 120 h. d'équipage (deux croisières), l’Espérance, de 150 tx., 12 can., 8 pier. et 100 h. et la Musette, de 300 tx., 22 can. et 180 h.
Clair Ricordel : l'Espoir, de 300 tx,, 14 can. et 130 h.
Pierre Ricordel : la Georgette, de 300 tx., 16 can. et 120 h.
Guertin et Ouvrard : le Neptune, de 200 tx., 16 can, et 4 pier. (deux croisières).
Pierre Ragideau : la République, de 300 tx., 18 can. et 200 h.
Margerain Chesneau : le Porhin, de 300 tx., 10 can., 10 pier et 80 h.
Perrotin père et fils : le Robert, de 300 tx., 18 can., 12 pier. et 100 h.
René Nau aîné : la Didon, de 300 tx; 14 can, et 100 h.
François Delamare : le Sans-Culotte-Marseillais, de 100 tx., 10 can., 8 pier. et 86 h,
L. et F. Richer frères : le Père-Duchesne, de 14 can., 12 pier. et 120 h.
C.A. Jalabert et Rousset : le Jean-Bart, de 500 tx., 22 can. et 225 h.
J.-B.-René Anizon ; le Breton, de 350 tx., 24 can., 4 pier., 6 obusiers et 170 h,
P. Laporte, négociant et courtier ; le Sans-Culotte-Nantais, de 100 tx., 12 can. et 100 h. (1).
Touzeau et Abautret ; le Tyrannicide, ainsi nommé par le Comité qui en avait accepté le parrainage sur la demande des armateurs (2),
Enfin, sans dénomination d'armateur : le Furet, de 12 can., 10 pier. et 75 h., et le Mandrin, de 200 tx., 16 can., 12 pier. et 120 li.

Le plus célèbre de ces corsaires fut le Sans-Culotte-Nantais, qui, armé en février, et ainsi appelé par autorisation municipale, amarina douze ennemis en moins de six mois. II était commandé par le capitaine Plunkett (3).


TRIBUNAL DE COMMERCE & COMITÉ DE MARINE.

Le Tribunal de Commerce fut installé à Nantes le 11 février 1793. Il était composé des citoyens ; Alexis Mosneron, Rosier, Guesdon, Dehergne jeune, Claude Lory, Bonamy, d'Haveloose aîné et Lornoier (4).
Au mois d'avril de la même année, un Comité de Marine, composé des citoyens : Passant, Bailly, Berthault, Bourmaud, Suet, Chevert, Bridon et Cathelineau, était constitué dans le but de sauvegarder les intérêts maritimes et commerciaux de Nantes.
À peine réuni, ce Comité s'efforçait d'assurer la liberté de la navigation troublée par les Rebelles. Il envoyait d'abord vers Indret un ponton armé et monté par cinquante hommes ; puis présentait un plan de bateaux stationnaires armés au Comité Central qui l'approuvait et ordonnait la mise en adjudication immédiate de deux de ces bateaux.
Enfin, il armait quatre chaloupes canonnières, avec deux pièces de canon chacune, pour faire la police du fleuve de Paimbœuf à Nantes (5).


COCARDE TRICOLORE REMISE AU CAPITAINE AMÉRICAIN HUBLE.

Le Conseil communal de Nantes avait décidé de profiter de l'arrivée du capitaine Huble, commandant l'Amitié, venu de la Nouvelle-Angleterre avec un chargement de blé, pour manifester dans sa personne la fraternité des citoyens de Nantes et de ceux de la République de la Nouvelle-Angleterre. Une cocarde tricolore, avec cet exergue : « La Ville de Nantes au citoyen Huble », lui fut solennellement remise le 21 février, par le maire Baco, qui profita de cette occasion pour prononcer un discours énergique contre « la superbe Albion » (6).

EMBARGO

En raison des bonnes relations existant alors entre la France et les Etats-Unis, et de l'empressement que ces derniers avaient mis à expédier, des subsistances, le Conseil autorisait, le 4 octobre, quatre navires américains à sortir du port avec leur cargaison de vin, sucre, café, et leur provision de biscuit, bien que l'état de disette de la ville eut fait interdire l'exportation et la sortie d'aucun produit alimentaire.
Par contre, la République était en guerre avec les Villes libres, et le 1er mars, une lettre du Ministre de la Marine avait ordonné de mettre l'embargo sur les navires d'Hambourg, de Brème et de Lubeck, ancrés en Loire ; encourageant les corsaires nantais à donner de leur côté la chasse à ceux qu'ils rencontreraient en mer (7).

___________________________________________________________________
(1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 244 et suiv.
(2) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. V, p, 453.
(3) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. VII, p. 107.
(4) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. VII, p. 106.
(5) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. V, pp. 434-5.
GUIMAR, Annales Nantaises, p. 602.
(6) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, p. 111.
(7) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. V, pp. 322-384

mardi, 13 novembre 2007

Camus à propos du bouquin de Berger sur Char

Centenaire René CHAR

Cabris, le 25 février 1951

... J'ai lu rapidement avant mon départ, pour le laisser à Francine qui me le demandait, le livre de Berger. C'est bien qu'il ait été fait, le choix des poèmes est efficace. Je regrette peut-être que Berger vous ait parfois paraphrasé, dans sa prose, au lieu de conduire le lecteur pas à pas. Il s'agissait de vous traduire en langage critique, non de vous répéter. Après tout, la poésie c'est vous. La prophétie, c'est vous.
Je le comprends d'ailleurs. Certaines œuvres, si on sait les aimer, il est impossible de s'en défendre, d'inventer pour elles un nouveau langage. Elles ne sont grandes que parce qu'elles ont créé leur propre langage et démontrent par là qu'elles ne pourraient être, ni parler, autrement. Au reste, Berger a réussi l'essentiel, faire comprendre la signification présente, et décisive, de votre œuvre.
Albert Camus


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Il s'agit bien du n°22 de la collection Seghers "Poètes d'aujourd'hui". L'exemplaire que j'ai date du second trimestre 1953 : la linguistique n'est pas encore à l'œuvre dans l'approche critique des poètes, même si l'essai de Georges Mounin, Avez-vous lu Char ? est paru en 1946.
Je ne pense pas que cette démarche soit déjà dans le projet éditorial de Pierre Seghers : « Rapprocher les poètes de leur public ».

Quand je feuillette les bouquins de la collection, je ressens bien la critique de Camus : la langue du poète imprègne celle du commentateur :
Charbonnier, qui pourtant rompt la charte éditoriale, avec Artaud, René Micha avec Jouve, Soupault avec Lautréamont, Théophile Briant avec Saint-Pol-Roux, Manoll avec Cadou sont plus dans la paraphrase identitaire, le commentaire chaleureux que dans la démarche critique que souhaite Camus. Même beaucoup plus tard, en 1975 : il suffit de feuilleter le Michel Deguy par Pascal Quignard.
Je reviendrai sur quelques-uns quand j'aurai mené à bon port mon projet de parcourir les cinquante et deux Seghers qui m'attendent sur l'étagère des Poètes d'aujourd'hui. J'en suis encore à Pierre-Jean Jouve, le seizième précédant Pessoa et... Reverdy — celui-là, j'appréhende vraiment, il va me falloir me faire "aider" !

Pour celles et ceux qui souhaiteraient lire ou... relire les quinze bouquins déjà présentés, il suffit de cliquer dans la catégorie "Poètes, vos papiers !" : toutes les notes.
Moi-même, c'est clair, je n'y échappe point à l'imprégnation et du poète et de son commentateur !

dimanche, 11 novembre 2007

dans un matin toujours gris

Prolongeant le réveil en lisant sous la couette — "la musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas", nous sommes le 11 novembre ; pour commémorer, mieux valait regarder sur Arte, Les sentiers de la gloire — lisant donc des poètes bédouins de la période anté-islamique, je m'enfuis de l'automne brumeux vers les jours passés— naguère ? jadis ? — dans l'aridité du grand Erg oriental.
Sans doute fallait-il cette extrême aridité des pierres et des sables pour atteindre à une telle concision du désir. La sexualité est peut-être le domaine où la langue résiste le plus à l'effet du temps.
D'emblée, ces hommes des déserts atteignent la beauté ; ils sont dans l'avant de Bagdad, de l'Andalousie, des Troubadours, des Renaissants, des Romantiques, de nos textes contemporains.
J'ai souvenir que Ricœur dans un numéro d'Esprit— en 1960 ? — avait écrit de fortes intuitions sur sexualité et langue. À retrouver pour creuser ces "poèmes- étendards" dont certains seraient "poèmes suspendus" sur les murailles cachées de la la Ka'aba*.

Oui, demain, aujourd'hui, ainsi qu'après-demain,
Sont autant de gages de ce que tu ne sais pas.

Elle te laisse voir, quand tu la surprends, seule
Et qu'elle est à l'abri des yeux des gens haineux,

Lee deux bras d’une blanche chamelonne au long col
À la robe racée, qui n’a jamais porté,

Un sein comme un ciboire, taillé dans l'ivoire, tendre
Et que jamais aucune paume n'a touché,

Les deux versants d’un dos doux, doux, svelte et allongé,
À 1a croupe charnue, et parties contiguës,

Un haut de hanches tel qu'étroite en est la porte
Un flanc, dont possédé je fus, à la folie

Deux colonnes, [pour jambes], d'albâtre ou bien de marbre
Où les bijoux cliquètent: sonore cliquetis !


‘Amr ben Khultûm al Taghlib (?-vers 600)

extrait des Mu’allaqat,
(poèmes-étendards ou poèmes suspendus de la période anté-islamique)

traduction de Pierre Larcher


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*Abdallahh AKAR, Les poèmes suspendus, peintures et calligraphies, Collection Grand pollen Éditions Alternatives, 2007

samedi, 10 novembre 2007

de ci de là

J'ai repris les séances d'aquagym — on ne peut y lire, même avec deux "frites" sous les aisselles, dommage ! — j'ai planté un mahonnya, un cornouiller, une clématite, demain, je planterai trois rosiers, un Sheila's Perfume, un Westerland ancien, un Double Delight, j'écoute Mozart dans ses symphonies de jeunesse, j'ai envoyé plus de trente courriels aux proches, aux amis pour Hors Saison, la dernière chorégraphie de Gianni, filmée par Patrik, j'ai rédigé huit billets à de vieux amis sahéliens que Ja qui part demain pour Baalu leur remettra s'ls ne sont pas en voyage ou morts, ce soir nous sommes invités pour les quinze et vingt ans de nos jolies voisines, je lis Lettre à D., d'André Gorz, je suis "empoigné", je pense très fort à leur commune mort volontaire.

« J'écrivais pour conjurer l'angoisse. N'importe quoi. J'étais un écriveur. L'écriveur deviendra écrivain quand son besoin d'écrire sera soutenu par un sujet qui permet et exige que ce besoin s'organise en projet. Nous sommes des millions à passer notre vie à écrire sans jamais rien achever ni publer. »

André Gorz, Lettre à D., Histoire d'un amour, récit, pp.32-33, Galilée, 2006


Je ne serai pas un écrivain, je serai toujours un écriveur !
Paisible tristesse d'une soirée grise d'automne.

vendredi, 09 novembre 2007

littérature et blogue, mêmes aléas

Dates sans note ! Notes blanches comme page blanche, comme copie vierge.
Les "filles" ont regagné leur Gascogne, elles ont largement meublé les jours, mais guère facilité l'accès à hautetfort.com.

Centenaire René CHAR

Le poète et son lecteur, à cinquante ans de distance, sont soumis aux mêmes douleurs dentaires.
Char à Camus, en novembre 1956 :

...j'ai eu des ennuis dentaires désagréables et fulgurants ces jours-ci. J'étais chez mon dentiste tous les matins.
Peut-être m'avez-vous téléphoné...

le mardi suivant :

Mon dentiste, au cas vous désireriez en changer, s'appelle : Dr Y. Le Chanjour, 151 Boulevard Haussman, Téléphone Élysée 70-93 (2° étage). De ma part — simplement de la vôtre — il vous recevra sur-le-champ.

Voilà qui rapproche Char d'un autre génie du quotidien et du trivial, Montaigne qui, de ses coliques néphrétiques à l'indocilité de sa queue en passant par le pet, écrit de son corps sans gêne aucune :

Le corps a grand'part à notre être, il y tient un grand rang... Ceux qui veulent déprendre nos deux pièces principales et les sequestrer l'une de l'autre, ils ont tort.

(II, XVII)

Pour ne point quitter nos deux pièces principales, partant en promenade, j'ai tracé sur l'ardoise qui accueille nos visteurs dans le couloir d'entrée :

Dès que la campagne surgit, il y a une chance de peser moins, à condition qu'on ne nous détruise pas en nous ce fil de la vierge qui naît au matin...

Lettre de Char à Camus, le 28 jullet 54.


Post-scriptum :
Ce n'est point la fonction d'un post-scriptum de mentionner une dédicace, mais lisant et rédigeant les différents objets de cette note, j'ai beaucoup pensé à la belle liberté dont fait preuve Berlol dans son blogue à propos d'indigestions, de transpirations vélocipédiques et autres petits avatars corporels qui ponctuent, parfois altérent ou dynamisent, notre mental.
Je ne donnerai pas l'adresse de Jeannot, mon dentiste qui est né le même jour que moi, seulement dix ans plus tard, qui est un excellent et doux dentiste, et qui naguère m'initia à la régate.

mercredi, 07 novembre 2007

Chronique portuaire LXVII

Période Révolutionnaire


1792. — EMBARQUEMENT DE PRÊTRES.

Le 26 août 1792, l'Assemblée Législative avait voté une Loi ordonnant de déporter à la Guyane les prêtres insermentés qui ne se seraient pas expatriés d'eux-mêmes dans un délai de quinzaine.
Un grand nombre d'ecclésiastiques s'embarquèrent alors individuellement ; quant à ceux déjà internés au Château, ils demandèrent et obtinrent, aux termes de la loi, l'autorisation de s'expatrier dans un pays de leur choix.
Quelques jours avant leur départ, le 7 septembre, le Conseil chargea les deux Commissaires de semaine de les visiter pour les engager, dans l'intérêt de leur sûreté, à changer de costume et surtout, en ce qui concernait les ex-capucins, à faire couper leurs barbes. Le 10, ils furent conduits à Paimbœuf, escortés par un bataillon de la Garde nationale, et furent embarqués à destination de l'Espagne qu'ils avaient choisie comme lieu de résidence (1).

Le Télémaque, cap. Pierre David, en reçut 38 et les débarqua à Bilbao et à Saint-Sébastien.
Le Marie-Catherine, cap. Hidulfe Masson, en reçut 44 et les débarqua à Santona, près de Santander le 24 septembre.
Le Bon-Citoyen, cap. d'Aspilcouet, en reçut 5 qu'il débarqua à Saint-Sébastien.
Et le Saint-Gédéon, cap. *** en reçut 8 qu'il débarqua sur la même côte (2).

Lorsque les délais d'expatriation volontaire furent expirés, la loi de déportation fut appliquée dans toute sa rigueur.
Le 21 septembre, les prêtres de Nantes, auxquels on avait joint ceux du Mans et d'Angers, furent embarqués à Paimbœuf, à bord de la Didon. cap. Lebrec, et du Français, cap. Le Goguet. Trois-cent-trente prêtres montèrent sur le premier navire et soixante-deux sur le second. Avant de partir, le capitaine de la Didon avait reçu des Commissaires du département une lettre soigneusement cachetée qu'il ne devait ouvrir qu'après plusieurs jours de traversée. Elle contenait l'ordre de jeter tous ses passagers à la mer, et vraisemblablement, le capitaine de l'autre navire devait avoir reçu des ordres semblables.
Le brave marin, incapable d'exécuter cette lâche action, alla s'échouer volontairement sur les côtes de Gallice et débarqua tous les prêtres sains et saufs à Santander. De son côté, le capitaine du Français, par une manœuvre semblable, débarqua ses passagers à la Corogne (3).


L'ÉQUIPAGE DE l’ “ALEXANDRE " À LA SOCIÉTÉ POPULAIRE.

Le 19 janvier 1792, La Société Populaire des Amis de la Constitution recevait en séance solennelle le capitaine Malingre et l'équipage du brick l' Alexandre, de Saint-Valéry-sur-Somme. Ce navire, tout désemparé par deux tempêtes successives, n'avait pas hésité cependant à se porter au secours d'une corvette espagnole la Sainte-Hyacinthe, prête à couler, et avait réussi, au prix de mille efforts, à sauver son équipage.
Incapable de gouverner, l’Alexandre avait été poussé par les vents contraires vers l'embouchure de la Loire, où il était rentré pour réparer ses avaries. Le capitaine Malingre fut décoré d'une couronne civique, et tous ses hommes reçus membres de la Société des Amis de la Constitution. (4)
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(1) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. V, pp. 288-9.
(2) ABBÉ DENIAU, Histoire de la Vendée, t. I, p. 199.
A. LALLIÉ, La déportation des prêtres emprisonnés à Nantes.
(3) ABBÉ DENIAU, Histoire de la Vendée, t. 1, pp. 205-6.
Revue de l'Anjou, Année 1853, t. II, p. 561.
(4) Journal de la Correspondance de Nantes, Année 1792, n°24.

jeudi, 01 novembre 2007

Chronique portuaire LXVI

Période Révolutionnaire


1791. — INAUGURATION DU PAVILLON NATIONAL SUR LE PORT.

Le Pavillon tricolore fut inauguré solennellement sur la Fosse le 10 avril 1791, en présence de toutes les troupes de la garnison rangées sur le quai, et d'un immense concours de population.
À l'issue de la messe célébrée à bord du Cerbère, et après un discours du maire Kervégan, ce navire reçut un baptême nouveau et prit le nom du Mirabeau. À ce moment, il amena le drapeau blanc, et hissa à la corne le pavillon tricolore ; la manœuvre fut ensuite exécutée par tous les navires du port, au milieu des vivats et des acclamations (1).


PROTESTATIONS CONTRE LE PROJET DE SUPPRESSION DE LA TRAITE.

Le Journal de la Correspondance de Nantes publie, à la date du 27 février, une lettre du citoyen Pierre Legris, répondant à ceux « qui ont assez de noirceur » pour l'accuser d'être favorable à l'abolition de la Traite. Comme preuve du mal fondé de cette accusation, Legris rappelait le projet d'adresse contre la motion tendant à abolir la Traite des Noirs dont il avait donné lecture quelques jours auparavant, le 19 février, à la Société des Amis de la Constitution. Dans ce projet d'adresse, il s'efforçait de prouver que le maintien de la Traite était conforme à « l'humanité et à l'intérêt de l'Etat » (2).
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(1) Journal de la Correspondance de Nantes, Année 1791, n° 33, p. 523.
(2) Journal de la Correspondance de Nantes, Année 1791, n° 14, p. 215.

Rappel
Scan de l'ouvrage
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908



Note du scanneur : À peine hissé, le drapeau tricolore des bourgeois nantais se teinte déjà d'un futur qui dans le droit fil de la Traite annonce l'Empire colonial « conforme à l'humanité et à l'intérêt de l'État » !