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dimanche, 05 décembre 2010

lire un bouquin serait ne pas lire un livre

« — Et ça, il me  semble que quelque chose arrive à la littérature quand un livre devient un bouquin. J'ai même le sentiment très vieux jeu, très collet monté, que ceux qui lisent un livre comme livre et ceux qui le lisent comme bouquin ne lisent pas le même livre...

..........(gloussements d'acquiescement en fond sonore).................

— Ça, c'est un rapport spécifiquement vulgaire aux œuvres d'art en général.»

 

Trois messieurs, sans doute fort bien et pas du tout du genre vulgus (ou vulgum ou vulgare)pecus s'entretenaient hier matin de l'art de la lecture : en quelques mots, voici résumée l'atmosphère de la conversation que diffusait "Répliques". Des références stendahliennes, flaubertiennes, nietzschennes, barthésiennes — pas tout à fait les miennes. — deleuziennes. C'était de bon ton — déjà trop ? — mais je peux encore entendre. Et puis dans les dernières minutes, l'animateur qui déboule avec cet "Et ça..."

Et là, c'est trop : je suis issu — "je monte", aurait dit Veuillot — de la classe du "vulgaire" ; je lis plus souvent des bouquins que des livres; je n'ai pas lu l'introduction à l'analyse structurelle du récit, l'horizon restreint de mon vulgus (ou vulgum ou vulgare) pecus ne m'a apporté que le Plaisir du texte plus accessible, financièrement ; mais Montaigne est loin de "m'emmerder"*.

Ce qui, hier matin, n'a pas été le cas de deux de ces messieurs. Qui m'ont au plus profond, donc viscéralement — je ne prolonge que la "rumination bovine" nietzschenne, à laquelle il fut noblement fait allusion — EMMERDÉ !

Cet irrespect, ce mépris, cette morgue, cette impudence, ! Dantzig* et Finkielkraut sont parfois — souvent ? — des personnages indignes.

Finkielkraut a bien tenté d'atténuer sa morgue en lisant cette citation de Proust. Mais quelle sincérité attendre de cette bouche dédaigneuse ?

Dans la lecture, l'amitié est soudain ramenée à sa pureté première. Avec les livres, pas d'amabilité. Ces amis-là, si nous passons la soirée avec eux, c'est vraiment que nous en avons envie. Eux, du moins, nous ne les quittons souvent qu'à regret. Et quand nous les avons quittés, aucune de ces pensées qui gâtent l'amitié : Qu'ont-ils pensé de nous ? - N'avons nous pas manqué de tact ? - Avons-nous plu ? - et la peur d'être oublié pour tel autre. Toutes ces agitations de l'amitié expirent au seuil de cette amitié pure et calme qu'est la lecture.



Marcel Proust
Sur la lecture, p.45 
Actes Sud, mars 1988 


Alentour de cet ordinateur, mes bons vieux BOUQUINS sont, pour la plupart, des rivages chaleureux. Leur "rumination" m'autorise paisiblement cette humeur.

 

 

* Référence à la fatuité du monsieur, naguère en septembre 2005, à propos de Montaigne.

dimanche, 03 octobre 2010

au hasard des tables de nuit

Quand j'évoquais les bornes WiFi, je pensais à l'écriture. Loin des lectures !

Et voilà que la table de nuit de la chambre qui m'accueille chaque fois aux rivages aquitains chez Col et mon vieux compagnon Er Klasker m'invite à relire Daewo.

J'ai mis entre parenthèses mon Jammes et mon Giono.

 

La circulation intense de la parole ouvrière, le lancinant des fermetures de "boites" en cinq pages litaniques.

Dans l'humilité et le respect :

« Fouiller la benne aux archives, j'ai pensé, c'est comme si j'avais été prendre des papiers directement dans leur poche, et je n'ai pas osé. »

 

Dans l'accueil de l'interpellation :

« Vous me lisez, là, ce que vous avez gribouillé ? »

 

Dans le percutant du témoignage :

« Moi, je parle pour ces visages. »

 

En ces temps de manifs, de cortèges indénombrables, dans le miteux lettré de la rentrée littéraire, où est-elle la Parole d'en bas ?

Merci, François, pour tes flopées de guillemets ouvriers !

 

 

Post-scriptum : Est annoncée l'adaptation télévisée par lui-même, Gérard Mordillat, de son bouquin "Les vivants et les morts", pour le 6 de ce mois.

 

mardi, 09 mars 2010

féministe et gérontophile

C'est Charles Fourier, célébré par André Breton

 

...Fourier

Toi debout parmi les grands visionnaires

Qui crus avoir raison de la routine et du malheur

Ode à Charles Fourier (1947)


En thèse générale : Les progrès sociaux s'opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté, et les décadences d'ordre social s'opèrent en raison du décroissement de la liberté des femmes.  L'extension des privilèges des femmes est le principe général de tous progrès sociaux (I, 132-133).



fourier2.jpgIls s'alarment si l'on élève les femmes à la culture des sciences ou des arts ; ils ne voudraient chez les jeunes personnes d'autre goût que celui d'écumer le pot-au-feu ; telles sont leurs propres paroles, qu'ils font entendre jusque sur les théâtres. Ils ne sont occupés qu'à contrarier l'amour du plaisir ; ils n'entrevoient que des cornes dans l'avenir ; ils sont hargneux et tracassiers sur les goûts des femmes, ombrageux comme les eunuques autour des odalisques (I, 133-137).


On a lieu de s'étonner que nos philosophes aient hérité de la haine que les anciens savants portaient aux femmes et qu'ils aient continué à ravaler le sexe, au sujet de quelques astuces auxquelles la femme est forcée par l'oppression qui pèse sur elle ; car on lui fait un crime de toute parole ou pensée conforme au vœu de la nature.
Tout imbus de cet esprit tyrannique, les philosophes nous vantent quelques mégères de l'Antiquité qui répondaient avec rudesse aux paroles de courtoisie. Ils vantent les mœurs des Germains, qui envoyaient leurs épouses au supplice pour une infidélité ; enfin, ils avilissent le sexe jusque dans l'encens qu'ils lui donnent. (X, vol. 2, 173)

 

(Tiré des Œuvres complètes, réédition Anthropos, 1967 -

choix par Daniel Guérin, in Vers la liberté en amour, Idées Gallimard, 1975)

 

Les premiers textes datent de 1808.

 

Hélène Cixous, invitée sur france Cul pour la Journée du droit des Femmes et pour la réédition de son Rire de la Méduse,  évoquait, hier matin, l'existence du nouveau Continent Noir qu'est la vieillesse — par d'autres appelé Continent Gris — espace délaissé qui demeure à explorer ; à la suite de Fourier, nous faudrait-il revendiquer « le service amoureux dû aux vieillards » ?

lundi, 25 janvier 2010

Haïti, presque comme un silence

Quinze jours de fracas, les paroles, les images, les appels, l'argent, la plainte, les enfants, les adoptants...

 

Est-ce bien dans tout ce fatras que se situe le sentiment humain d'être proche de la femme désincarcérée des tôles de sa cabane, du jeune qui, onze jours, a survécu à coup de cocacola, celles et ceux qui ont cesser de respirer ces dernières heures, sous des tonnes de fatras  ? — À sept ans, remontant la rue du Calvaire qui n'est plus qu'un amas de décombres après le bombardement du 23 septembre 1943, j'entends les hurlements assourdis. Huit jours plus tard, les décombres toujours et le silence — .

 

L'adoption, les adoptants ? M'inquiètent cette propension à adopter, cette aisance dans l'abandon ?

Gens d'Haïti, que faites-vous ?

 

Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
dans les entrailles de ma race dans
le gisement musculaire
de
l'homme noir.
Voilà de nombreux siècles
que dure l'extraction
des merveilles
de cette race,
Oh couches métalliques de mon peuple
mînerai inépuisable de rosée humaine
combien de pirates ont exploré de leurs armes
les profondeurs obscures de ta chair
combien de flibustiers se sont frayés leur chemin
à travers la riche végétation de
clartés de ton corps
jonchant tes années de tiges mortes
et de flaques de larmes

Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
comme une terre
en labours
peuple défriché pour l'enrichîssement des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
nul n'osera plus couler des canons
et des pièces d'or dans le noir métal de ta colère en crues !



René Depestre
Minerai noir
Anthologie de la Belle Jeunesse

 

Oui, Haïti, presque comme un silence ! Ou un long cri ?

jeudi, 21 janvier 2010

ce jour où nos ancêtres ont guillotiné un roi

...et deux mois après, soit ils le regrettent, soit ils en ont déjà marre des "bourgeois" et vont se mettre en route pour en massacrer quelques-uns, façon de  signifier à ceux qu'ils épargnent leur désaccord devant l'accaparement des terres soustraites à leurs anciens maîtres, les comtes, marquis et autres ducs.

 

Ce matin, non, je n'ai point assisté en la Cathédrale, à la messe célébrée en l'honneur du ci-devant Louis Capet, messe suivie d'un dépôt de gerbe à la colonne Louis XVI toute proche. C'est ainsi chaque année.

Enfin ! depuis que les ducs, marquis et autres comtes, accueillis par leurs valets, sont revenus quelques décades plus tard !

 

Je suis allé à la Médiathèque Jacques Demy lire quelques traces de ces méchants potaches d'En avant mauvaise troupe, qui avaient noms Vaché, Hublet, Sarment, suivis de plus jeunes qui emboitèrent le pas de Breton, entre autres Péret, Cahun, Baron, Viot.

J'ai noté du dernier nommé :

 

Il y a des magiciens chez nous comme il y a des poètes, et parmi les savants, certains qui ne savent rien.

 

Mes ancêtres ne m'ont point laissé Dieu et le Roi en héritage.

Je leur en sais gré.

 

 

 

 

 

jeudi, 07 janvier 2010

"camusien", eh, oui !

Sans doute, est-il plus facile d'être "camusien" dans les brumes actuelles. Quoique tout ce tintamare peut conduire à la saturation !

 

Camus moraliste, Camus philosophe, Camus journaliste, Camus théâtreux, Camus romancier, Camus amant et cœtera.

 

Me souviens des ricanements, sourires en coin quand en 1970, nous avions, avec quelques-uns de mes bibliothécaires animateurs en formation, organisé des coins de lecture, aux quatre... coins d'une... caserne charentaise.

Me souviens de la voix de Taos Amrouche qui soutenait les lectures et éclairait des panneaux architecturés en masses blanches et noires, une espèce de plasticité austère que nous avions tirée de notre lecture de L'Étranger que nous avions aussi "mis en procès".

 

J'ai au moins en commun avec cet homme qui me fut une lanterne loin devant dans la fin des années cinquante, d'avoir été dans l'adolescence footballeur et gardien de but.

 

« Nous sommes quelques-uns qui ne voulons faire silence sur rien.»

réponse de Camus à Gabriel Marcel, à propos de l'État de siège.

 

Char est si proche !


samedi, 19 décembre 2009

"Copenhague" en jus de boudin

Ces messieurs annoncent soit un accord "significatif mais insuffisant", soit un accord "positif mais pas parfait".

Pour pallier la banalité de la langue de bois et assumer modestement notre citoyenneté planétaire, la brièveté du poète :

 

Dans nos jardins se préparent des forêts.

 

René Char

Les compagnons dans le jardin

La Parole en archipel

mercredi, 16 décembre 2009

"Copenhague" VII

 

Ne permettons pas qu'on nous enlève la part de la nature que nous renfermons. N'en perdons pas une étamine, n'en cédons pas un gravier d'eau.

 

René Char

Les compagnons dans le jardin,

La parole en archipel.

mardi, 15 décembre 2009

"Copenhague" VI

à Ja et Pi, compagnons de marche

 

Je pensais un peu vaine la publication de ces notes, appuyées sur des textes de René Char que j'estime empreints d'une sagesse enracinée dans une pensée terrienne qui n'est pas si éloignée d'un sens cosmique que seuls détiennent les laboureurs, les marcheurs et les jardiniers. Sinon tous, du moins les attentifs.

Ce matin, ma crainte a été démentie, lors de notre marche hebdomadaire dans la vallée, blanche de givre ensoleillé.

 

Alors,  quand s'annonce la déglingue d'une conférence mondiale qui risque l'échec, il est peut-être nécessaire de continuer la profération du philosophe et poète :

 

Pour l'ère qui s'ouvre : « À la fin était le poison. Rien ne pouvait s'obtenir sans lui. Pas le moindre viatique humain. Pas la plus palpable récolte. » Ainsi fulmine la terre glauque.

 

René Char

Pause au château cloaque,

Retour amont.

vendredi, 11 décembre 2009

"Copenhague" V



L'heureux temps. Chaque cité était une grande
famille que la peur unissait; le chant des mains à
l'œuvre et la vivante nuit du ciel l'illuminaient. Le
pollen de l'esprit gardait sa part d'exil.

Mais le présent perpétuel, le passé instantané, sous
la fatigue maîtresse, ôtèrent les lisses.

Marche forcée, au terme épars. Enfants battus,
chaume doré, hommes sanieux, tous à la roue ! Visée
par l'abeille de fer, la rose en larmes s'est ouverte.


René Char

Aux portes d'Aerea,

Retour amont

jeudi, 10 décembre 2009

"Copenhague" IV

 

Nous sommes, ce jour, plus près du sinistre que le tocsin lui-même. C'est pourquoi il est grand temps de nous composer une santé du malheur. Dût-elle avoir l'apparence de l'arrogance du miracle.

 

René Char

À une sérénité crispée

mercredi, 09 décembre 2009

"Copenhague" III

 

L'homme n'est qu'une fleur de l'air tenue par la terre, maudite par les astres, respirée par la mort ; le souffle et l'ombre de cette coalition, certaines fois, le surélèvent.


René Char,

Les compagnons dans le jardin

mardi, 08 décembre 2009

"Copenhague" II

Je connais des copines et des copains, des "citoyen(ne)s vigilant(e)s",  qui maintiennent depuis des mois un piquet, quai Ceineray, devant le Conseil général de Loire-Atlantique pour dire non à un futur monstre aéroportuaire.


Je connais, au sein de ce Conseil, une amie et un ami, élus lucides et... vigilants, qui demandent avec ténacité un moratoire pour enfin sagement renoncer à cette excroissance.

 

Je leur adresse cette parole de poète.

 

Viendra le temps où les nations sur la marelle
de l'univers seront aussi étroitement dépendantes
les unes des autres que les organes d'un même corps,
solidaires en son économie.

Le cerveau, plein à craquer de machines, pourra-t-il
encore garantir l'existence du mince ruisselet
de rêve et d'évasion? L'homme, d'un pas de somnambule,
marche vers les mines meurtrières,
conduit par le chant des inventeurs.


René Char

Feuillets d'Hypnos, 127

 

Nota-bene !!! : En 2005, déjà Airbus chassait le dernier vigneron de ma petite commune.

lundi, 07 décembre 2009

suivre "Copenhague" à ma manière I

c'est-à-dire en lisant un poète :

 

Nous errons près de margelles dont on a soustrait les puits.


René Char

Feuillets d'Hypnos, 91

jeudi, 19 novembre 2009

on appelle ça tricher

En football, quand un joueur du champ touche volontairement de la main le ballon, il triche. Non ?

 

J'avoue attendre cyniquement la protestation suffoquée du sieur Raoult : le tricheur est bien le capitaine d'une équipe nationale qui représentera ce pays où je suis né (avouerais-je que ça m'est insuffisant pour m'identifier "nationalement" ?). Saurai-je un jour la somme de mes identités ?

 

Je suis du côté d'Héraclite, le Flux changeant, contre Parménide, l'Être absolu.

Lire quelques fétus de philosophie à propos de l'identité, la patrie, la nation et tutti quanti dans Libé de ce jour.

 

D'ailleurs, je m'en fous : l'Algérie est, elle, qualifiée. Mais ce n'est pas pour cela que contre la "francité", je revendiquerais "arabité" ou "berbérité".