vendredi, 20 février 2009
le quatrième avatar et la suggestion d'un cinquième...
Il sera musical.
Ulysse s'éveille sur une grève d'Ithaque, mais il ne reconnaît point le rivage
Toutes choses à ses yeux semblaient autres,
les longs chemins, les ports de mouillage sûr,
les rocs escarpés, les bois touffus.
Il se tint debout, contemplant sans la reconnaître sa terre natale.
Il pleura. Paumes ouvertes se frappant les cuisses,
Gémissant : « Sur quel rivage, ai-je encore échoué ? »
Claudio Monteverdi livre son avant-dernier opéra, Le retour d'Ulysse dans sa patrie. Il est au sommet de son art, il est dans l'au-delà de ses soixante-dix ans, il est toujours dans le stile recitativo de son Orféo, mais la déclamation s'est approfondie.
Dans l'atelier de la Tisserande qui ignore encore l'échoué de la plage, s'élève le lamento.
Je me demande parfois, si mon cher Joachim — autre très mince, mais génial avatar — n'a pas trop anticipé le bonheur du marin.
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
Joachim Du Bellay, l'homme qui tissait déjà une toile d'amitié et de nostalgie — de "nostos", en grec, le retour —, dans ses cent quatre-vingt-onze "notes d'un blogue" qu'il intitulait Les Regrets.
C'était quasi un siècle avant l'œuvre de Monteverdi et plus de dix ans avant la traduction de l'Odyssée par Pelletier du Mans.
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jeudi, 19 février 2009
avatar III
Après le foisonnement burlesque de Joyce, le conte sensuel de Giono, voici le troisième avatar et nous pénétrons dans l'ironie sombre et la double nuit des Grands Aveugles : celle de l'Aède grec et du Bibliothécaire argentin.
Un récit si bref, vingt-cinq pages qui traversent des siècles et des continents, des fleuves et un simple ruisseau, et se dit être l'Immortel.
Personne ne peut écrire un livre. Pour
Qu'un livre soit vraiment,
Il faut l'aurore et le couchant,
Des siècles, des armes et la mer qui unit et sépare.
Homère a-t-il écrit l'Odyssée ? Ou est-ce ce tribun, Marcus Flaminius Rufus ? Ou ce Cartaphilus, antiquaire de Smyrne ? Peut-être ce mécréant de Jorge Luis Borgès, qui un jour réglera le problème de l'identité réelle de l'auteur de l'Odyssée en déclarant que l'Odyssée a été écrite par Homère « ou par un autre Grec portant le même nom » ?
Je déroge à ma petite règle du premier et dernier paragraphe de l'œuvre, je glisse le dernier paragraphe du chapitre III de ce récit qui en contient cinq, précédés d'un préliminaire et suivis d'un post-scriptum — on sait le goût raffiné de l'érudit pour les éléments du paratexte.
C'est un écrit à lire en fermant les yeux après chaque phrase, ces vingt-cinq pages qui seront la durée d'une lecture courante de l'Odyssée. Quelques secondes ? Une éternité ? Hors temps, certainement !
Il est curieux que tous ceux qui écrivent sur cet récit éprouvent le besoin de doubler, tripler, voir plus, le nombre de pages de leur commentaire, en regard de l'original.
Voilà où m'a mené ce post-it décollé, glissant d'un vieux dossier.
Autant que je me souvienne, mes épreuves commencèrent dans un jardin de Thèbes Hékatompylos, quand Dioclétien était empereur. J’avais servi (sans gloire) durant les récentes campagnes d’Égypte, tribun dans une légion en garnison à Bérénice, en face de la Mer Rouge.
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Je lui demandai ce qu'il savait de l'Odyssée. L'usage du grec lui était pénible ; je dus répéter ma question.
« Très peu, dit-il, moins que le dernier rhapsode. Il y a déjà mille cent ans que je l'ai inventée. »
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Quand s'approche la fin, il ne reste plus d'images du souvenir ; il ne reste plus que des mots. Il n'est pas étrange que le temps ait confondu ceux qui une fois me désignèrent avec ceux qui furent symboles du sort de l’homme qui m'accompagna tant de siècles. J'ai été Homère; bientôt, je serai Personne, comme Ulysse ; bientôt, je serai tout le monde : je serai mort.
Jorge Luis Borgès
L’Aleph,
L’Imaginaire/Gallimard
Post-scriptum :
L'Immortel ne fut pas ma première lecture de ce recueil, L'Aleph, que je découvris en 1968.
Ce fut lors d'une mise en scène — un comble d'audace naïve, mais en Éducation populaire, nous faisions souvent fi de la gravité des textes érudits !— d'un "Livre Vivant" sur L'Écriture du Dieu, un parmi les dix-sept récits, qui narre la découverte de la sentence qui permit au dieu la création du monde ! Rien que cela.
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mercredi, 11 février 2009
avatar II
Mon second avatar : Naissance de l'Odyssée !
C'est écrit, de 1919 à 1923, par un jeune homme qui revient de guerre, de la Grande, celle qui ne sera pas la dernière, il est un modeste employé dans une banque de Manosque qui le nomme à son agence de Marseille.« Ce livre a été écrit dans un souterrain... Cétait une place à la conservation des titres ; ces titres se conservaient dans des coffres et ces coffres se conservaient dans le sous-sol. C'est là que je travaillais. »*
Ce pourrait être une "pagnolade" avant la lettre. De l'aveu même de Giono, « il ne faut considérer ce livre que comme un jeu littéraire... Vers l'époque 1920, je n'avais qu'un Blible, revenue blessée à mort de la guerre, et l'Odyssée. C'est cette Odyssée bleue et verte, toute mouillée des bavures de l'eau que j'allais lire en colline pour me calmer le cœur. »* Il avouait avoir fréquenté, dans son adolescence, la Bible, Homère et les Tragiques grecs, Virgile, achetés et lus dans les Classiques Garnier — j'en ai encore, jaunis, défraîchis, décousus, une cinquantaine si j'y ajoute les "Hatier", serrés tout au bas d'une étagère ; et encore consultés.
"Pour (se) calmer le cœur," Giono s'enfonça plus loin encore dans l'écriture.
Il a pris le pli homérique des images et s'empare du mouvement de la grande narration occidentale : Naissance de l'Odyssée, ce sera la gestation des grands récits futurs. Viendront Le Chant du Monde, Le Hussard sur le toit, Les Grands chemins, Le Bonheur Fou, L'Iris de Suse, ces sortes de "road movies" comme on le dit des films.**
C'est la saveur et la cruauté, la langue gorgée de sang, de vin, de sexe et d'eau salée, d'aridité ! Tout s'inclut déjà dans les premiers et derniers mots, premières et dernières phrases, premiers et derniers pragraphes.
Aplati sur le sable humide, Ulysse ouvrit les yeux et vit le ciel. — Rien que le ciel ! Sous lui, la chair exsangue de cette terre qui participe encore à la cautèle des eaux.
La mer perfide hululait doucement : ses molles lèvres vertes baisaient sans relâche, à féroces baisers, la dure mâchoire des roches.
Il essaya de se dresser : ses jambes, des algues ! Ses bras, des fumées d'embruns ! Il ne commandait plus qu'à ses paupières et, elles étaient ouvertes sur la désolation du ciel ! Il ferma les yeux. — Le désespoir se mit à lui manger le foie.
Des claquements de petits pieds battirent, puis des exclamations, si humaines, qu'elles étaient comme fleuries.
Les voix voletaient au-dessus de son corps. Sa peau entendait la tiédeur de ce souffle que pétrissait la langue. Il releva un peu ses paupières : il était entouré par un cercle de jambes nues. Son regard fit le tour puis monta au long d'elles. Les jarrets sculptés par l'effort derrière l’araire, les cuisses... Deux montaient sans poils sous la tunique, deux cuisses ombrées de bleu !
Son regard échela : des seins ! C'était une femme !
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On chanta derrière les cyprès. Une chanson sauvage, comme hachée par des dents qui voulaient mordre. Elle parlait de « tripes au soleil » et de « gueule écrasée à coups de talon».
Ulysse à pas feutrés s'approcha de la sombre barrière. II écarta doucement le feuillage : Télémaque !
Il était encore tout ruisselant de l'orage passé : ses cheveux plats serraient son crâne comme un casque.
Résolu et grave, il appointait soigneusement à la serpe un épieu en bois de platane.
Jean Giono,
Naissance de l’Odyssée.
* Tiré des préfaces à Naissance de l'Odyssée écrites par Giono entre 1930 et 1960,
pp. 843-846, Œuvres romanesques complètes, tome I, La PLéiade, 1971
** Sont loin d'être oubliées les Géorgiques à la manière de Virgile : Colline, Un de Baumugnes, Regain, Que ma joie demeure, etc, et les chroniques à la Stendhal : Un roi sans divertissement, Le moulin de Pologne, Noé, Les âmes mortes, Ennemonde et autres caractères, Voyage en Italie , etc. Œuvres souvent comme autant d'Odyssées immobiles
Sites :
• Centre Jean Giono de Manosque.
• Le voyageur immobile
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lundi, 09 février 2009
intermède à des avatars
Le matin d'une tempête, il importe d'être éveillé à l'aube.
Quand, il y a quelques jours, j'ai entrepris cette petite odyssée portative, je suis allé un peu vite en besogne en mentionnant brièvement la possible existence d'un quelconque navet hollywodien qui s'avérera être un parfait péplum italien.
J'avais occulté mes propres souvenirs au bénéfice de la donne mal maîtrisée de la Toile qui dans une recherche trop rapide par "moteurs" — google, exalead, clusty ou autre lycos, bref encore des avatars — ne mentionnait ni 2001 : l'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick, ni l'œuvre cinématographique de Théo Angelopoulos : Le regard d'Ulysse, L'Éternité et un jour et Éléni, La terre qui pleure, premier volet d'une trilogie en cours de création.
La dernière (?) traduction de l'Odyssée serait celle de Frédéric Mugler, publiée par Actes Sud dans sa collection de poche Babel en 1995.
Au prochain avatar !
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dimanche, 08 février 2009
avatar I
note dédiée à Th qui, dans le texte, peut
— mais ne veut ? — lire Ulysses de ce James Joyce.
Premier avatar de l'Odyssée : l'espace maritime méditérrannéen — au delà, sans doute — et la longue durée de l'errance se réduisent à l'étroite géographie urbaine de Dublin et à la seule journée d'une déambulation citadine.
Les quatre cents pages d'un Folio homérique s'épaississent en mille cent trente cinq pages d'un autre Folio, joycien celui-là. Et voilà le lecteur confronté à l'application de l'adage appliqué par Roland Barthes à Proust : « Bonheur de lire (Joyce) on ne saute jamais les mêmes passages ! »
Humble aveu : de ce gros bouquin, je n'ai lu intégralement que les vingt premières et les soixante dix-huit dernières pages— celles-ci pour la seule raison qu'elles ne sont que l'unique phrase non ponctuée d'un long monologue paragraphé de Marion Bloom, dite Molly, la Pénélope dévergondée, sublime et ravageuse de l'Odyssée irlandaise.
Pour le reste, trois ou quatre ou cinq pages, de ci, de là, au hasard des heures et des saisons. Donc, je n'ai pas encore tout lu. À fortiori, quand je pratique fréquemment la relecture des pages mentionnées. C'est ainsi que je n'ai pas encore rencontré Bella Cohen qui serait la patronne d'une maison de passe, avatar gaélique de la grotte de Circé.
Ne voici que les cinq premières et dix dernières lignes de ce monstrueux, délirant, inépuisable feuilletage où, à l'adresse à la Muse, se substitue le parodique "introïbo" d'un Buck Mulligan, version irlandaise d'un Hermès bouffi, avant que n'entrent, entre autres, en scène, Stephen Dédalus, moderne Télémaque et au chapitre II, son père, Léopold Bloom, époux cocu de la dévergondée Molly, le héros qui, plus tard à la page 741 désirera être mère et dont le nonce du pape, en uniforme de zouave pontifical énoncera la généalogie à la page suivante : Leolpodi autem generatio...
Majestueux et dodu, Buck Mulligan parut en haut des marches, porteur d'un bol mousseux sur lequel reposaient en croix rasoir et glace à main. L'air suave du matin gonflait doucement derrière lui sa robe de chambre jaune, sans ceinture. Il éleva le bol et psalmodia :
— Introïbo ad altare Dei.
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.... O et la mer la mer écarlate quelquefois comme du feu et les glorieux couchers de soleil et les figuiers dans les jardins de l'Alameda et toutes les ruelles bizarres et les maisons rosés et bleues et jaunes et les roseraies et les jasmins et les géraniums et les cactus de Gibraltar quand j'étais jeune fille et une Fleur de la montagne oui quand j'ai mis la rose dans mes cheveux comme les filles Andalouses ou en mettrai-je une rouge oui et comme il m'a embrassée sous le mur mauresque je me suis dit après tout aussi bien lui qu'un autre et alors je lui ai demandé avec les yeux de demander encore oui et alors il m'a demandé si je voulais oui dire oui ma fleur de la montagne et d'abord je lui ai mis mes bras autour de lui oui et je l'ai attiré sur moi pour qu'il sente mes seins tout parfumés oui et son cœur battait comme fou et oui j'ai dit oui je veux bien Oui.
James Joyce
Ulysse, (titre original : Ulysses)
Folio/Gallimard
Voilà le premier avatar, véritable tohu bohu langagier..
Qui se clôt sur une interrogation : certaines méchantes langues suspectant l'acquiescement final de Molly Bloom de ne pas être à l'adresse de Léopold ?
Mais qui est sûr de la fidélité de Pénélope, la fileuse d'Ithaque : certaines autres — les mêmes ? — laissent entendre qu'elle n'aurait point été insensible au "lumineux" Amphinomos.
Et si James Joyce bouleversait des siècles d'orthodoxie homérique ?
Télémaque ne s'interroge-t-il pas, lui-même, sur sa filiation : « Ma mère dit que je suis bien son fils, mais, moi, je n'en sais rien. » C'est sa réponse à Mentès dont Athéna a revêtu l'apparence de prince pirate, (in Odyssée, I, 213-216).
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vendredi, 06 février 2009
avatars de traduction
Je ne mesurerai point mon petit chantier sur l'Odyssée et ses avatars à la réflexion de Borgès, qui, sur les traductions de l'Odyssée, confesse son "ignorance opportune du grec" et se réjouit de leur abondance :
« On peut imputer cette richesse hétérogène et même contradictoire...à la seule longueur de l'original, aux écarts ou à la capacité diverse des traducteurs, mais plus encore à cette circonstance qui doit être particulière à Homère ; la difficulté catégorique de savoir ce qui appartient au poète et ce qui appartient à la langue. C'est à cette heureuse difficulté que nous devons la possiblité de tant de versions, toutes sincères, auhentiques et divergentes. »
Les traductions d'Homère,
en marge de Discussions, La Pléiade, p. 290.
L'Argentin songeait aux traductions surtout anglaises, « car les lettres en Angleterre ont toujours sympathisé avec cette épopée de la mer. » et souligne l'admirable jeu des qualificatifs homériques.
De combien d'épithètes fut affublé Ulysse ?
Parmi les vingt-quatre traductions françaises recensées, j'en ai privilégié une par siècle depuis celle de Pelletier du Mans en 1570, qui fut première en France. Et une femme parmi ces mâles héllénistes, Anne Dacier, née Lefèbvre !
Enseigne moi, Muse, le personnage,
plein d’entreprise et de savoir en son age
Lequel après qu’il eut saccagé
Troye la grand’, a longtemps voyagé,
Et en errant les villes à passées
D’hommes divers, & compris leurs pensées :
Qui a souffert maints travaux périlleux
Dessus la mer, avec soing merveilleux
De rachetter sa vie & de donner
Moyens aux siens de pouvoir retourner
Pelletier du Mans, 1570
Muse raconte moy l’homme fin & rusé
Qui long temps erra, depuis qu’il eut rasé
Le sacré mur de Troye, & d’hommes & de villes
Remarqua les façons farrouches & civiles,
il eut en son esprit en courant sur les mers
Des douleurs en grand nombre & des travaux amers
Pour garder plein de soin & de peyne infinie
Sa vie, & ramener ceux de sa compagnie.
Salomon Certon, 1604
Muse, contez-moi les aventures de cet homme prudent
qui, après avoir ruiné la ville sacrée de Troie, fut errant
plusieurs années en divers pays, visita les villes de différents peuples,
et s'instruisit de leurs coutumes et de leurs mœurs.
Il souffrit des peines infinies sur la mer pendant qu'il travaillait à sauver sa vie
et à procurer à ses compagnons un heureux retour.
Anne Dacier 1716
Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps,
après qu'il eut renversé la citadelle sacrée de Troie.
Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ;
et, dans son cœur, il endura beaucoup de maux, sur la mer,
pour sa propre vie et le retour de ses compagnons.
Leconte de Lisle, 1867
C'est l'Homme aux mille tours, Muse, qu'il faut me dire,
Celui qui tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte,
Celui qui visita les cités de tant d'hommes et connut leur esprit,
Celui qui, sur les mers, passa par tant d'angoisses,
en luttant pour survivre et ramener ses gens.
Victor Bérard, 1924
Secrètement, la seule satisfaisante serait celle de la lectrice ou du lecteur !
Mais je reviendrai, un jour à venir, sur Borgès et Ulysse.
Post-scriptum :
À propos de cinéma, mais bien sûr ! Existe un méchant film italien en technicolor, oui, avec Silvana Mangano, Rossana Podesta, Kirk Douglas, Anthony Quinn et Daniel Yvernel (!).
Poseïdon d'encore fulminer et Athéna d'en trembler, enfin, de...jalousie !
17:26 | Lien permanent | Commentaires (3)
jeudi, 05 février 2009
quelques avatars d'Ulysse
Aprè la Folle Journée et un retour studieux à l'Anabase, un signet orange a glissé d'un classeur : j'y avais rapidement noté, il y a cinq ou six ans, les première et dernière phrases de certains avatars de l'Odysée pour quoi j'ai quelque passion.
Je me livre à une petite entreprise de publication en étoffant le thème, car l'Odyssée (Ulysse, donc !) c'est de la musique, de la bande dessinée, des mangas, une série télévisée... et plus sans doute — doit bien exister un vieux navet hollywodien !
Le choix se resserrera sur quatre ou cinq de ces avatars. Au jour le jour !
Voici les premiers versets du Chant I.
J'avoue que pour les cinq derniers, je ne sais si je jouerai le jeu. En quête d'une traduction satisfaisante — c'est celle de Philippe Jacottet, ici proposée — j'en ai découvert plus de vingt*, de celle de Pelletier du Mans en 1570 à celle de Jacottet en 1955.
De plus récentes ? Une traduction mienne — mais pour ces cinq vers seulement — à moins que ce ne soit la vôtre, vous qui parcourez cet écran.
Donc, Ulysse d'HOMÈRE, encadré par un premier avatar, celui de Homère (sic), Lob et Pichard**.
Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροΐης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσε·
πολλῶν δ’ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω,
πολλὰ δ’ ὅ γ’ ἐν πόντῳ πάθεν ἄλγεα ὃν κατὰ θυμόν,
ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων.
Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif :
celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra,
voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages,
souffrant beaucoup d’angoisses dans son âme sur la mer
pour défendre sa vie et le retour de ses marins.
* Sur un site à couper le souffle du plus homérique des lecteurs français.
** Dans la Collection Mythologie, édition Glénat, 1981.
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mercredi, 14 janvier 2009
la poulie coupée
Entre Apollonios de Rhodes, ses Argonautica et l'auteur breton de la chanson à virer "À Nantes vient d'arriver", plus de deux mille ans d'écart, mais le constant d'un machisme avéré : les marins redoutaient la présence féminine à bord.
Apollonios :
Jason prit ensuite un long javelot, gage d'hospitalité qu'Atalante lui avait donné sur le mont Ménale. La jeune héroïne voulait alors marcher elle-même à la conquête de la Toison d'or, mais Jason l'en détourna, craignant que sa beauté ne charmât les Argonautes et n'excitât parmi eux la discorde.
Livre I, 750.
La chanson à virer des marins nantais :
La Belle, sur les trois-mâts carrés
On n'embarque point d'poulies coupées.
Point n'est nécessaire de commenter longuement la "poulie coupée", qui, donc en argot marin, clairement métaphore allusive, nomme le sexe féminin et désigne la femme en général ; avec plus de précision, parfois, la femme "facile".
Curieusement dans son anthologie de La poésie érotique, Marcel Béalu ne mentionne pas le terme parmi les quelques deux cents qu'il recensa. Je ne le retrouve point non plus dans Les mots et la chose de Jean-Claude Carrière.
La courtoisie est pour le Grec, la trivialité chez le Nantais.
Mais cette hantise de la femme à bord n'était pas encore éteinte, il y a quelques années encore et un navigateur à la grande gueule ne se gênait guère pour clamer l'incompatible de la femme et de la mer.
Isabelle Autissier, Elen Mac Arthur, Samantha Davies, Dee Caffari, Anne Liardet sont des femmes de mer qui ont démenti l'affirmation de la "grande gueule". Mais ces femmes naviguent plus en solitaire et équipage féminin qu'en équipage mixte. Quoique...
Toujours rôde la crainte, que dans le grand large, " la beauté ne charme et n'excite la discorde".
Post-scriptum : Apollonios de Rhodes prend en défaut Wikipédia. Saississez Atalante ! Et lisez. À moins que pour le périple mythique, il y eût d'autres commentateurs...
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de la concision de Quignard
Pour me reposer d'une traduction ardue d'un passage de Platon, dans ION , à propos de l'origine du poème — souffle ineffable des Muses ou sueur de l'artisan langagier, j'ai lu quelques pages de Boutès, un des derniers opuscules de Quignard ?
Ce foutu Platon, sous couvert de retranscrire la sagesse de Socrate, il emberlificote la pensée du Maître dans une syntaxe qui use et abuse des particules pré et postpositives. À en perdre son...Grec !
Ce Grec que je retrouve avec un plaisir un peu pervers d'hélléniste sur le retour, tant Quignard parsème son texte de citations et grecques et latines.
Mais aussi a-t-on pratiqué avec autant de virtuosité l'art de l'ellipse dans les proses romanesques ?
Sa concision, au détour d'une digression, ouvre souvent des horizons innombrables. Le lecteur lève les yeux de la page, s'égare dans le songe marin,
Ainsi :
Je raconte brièvement l'histoire de la Grèce : partir sur la mer, foncer dans le vent, fonder une ville, coloniser un rivage, sacrifier un homme en le poussant du haut d'un promontoire, avoir honte du sang qui a coulé, se purifier, repartir d'une autre grève, d'un autre comptoir, d'une autre citadelle.
Au contraire des Grecs, les Romains de l'Antiquité éprouvaient le regret du jardin, des fleurs, des fauves, le regret de l'ombre originaire, des chênes, de la source, du sauvage, du limes, de l'outre-forêt...
Boutès, ch. III
Boutès ? Celui des Argonautes qui saute du vaisseau pour rejoindre les sirènes chantant sur les écueils, écrit Apollonios de Rhodes au chant IV des Argonautica.
Le lecteur, attisé, persiste en son songe tout en s'en allant vérifier sur les écrans la justesse de l'érudition et découvre le possible d'autres fictions.
Car si Quignard, n'ayant point retenu le saut de Boutès, mais avait rencontré Atalante, cette femme si belle à qui Jason refusa la montée à bord d'Argos, craignant, bien avant la rencontre des Sirènes, le trouble sexuel de ses compagnons, quelle fiction se serait esquissée entre les mains du lecteur et en son regard suspendu ?
ἀλλὰ γὰρ αὐτὸς ἑκὼν ἀπερήτυε κούρην, δεῖσεν δ' ἀργαλέας ἔριδας φιλότητος ἕκητι.
mais celui-ci (Jason) l'en détourna, craignant que sa beauté ne charmât ses compagnons et n'excitât parmi eux la discorde.
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jeudi, 08 janvier 2009
lire le Grec ancien
J'ai tant à lire et relire — La Presse à Nantes de 1757 à nos jours de Cozic & Garnier, Tout sur le Web 2.0 d'une certaine Capucine Cousin, La double pensée de Michéa, Boutès de Quignard, Le guide des nouvelles lectures de la Bible de Lacocque, Pierre Reverdy de Rousselot & Manoll , le dossier Roland BARTHES du Magazine littéraire de ce mois-ci — que je ne sais plus quoi écrire sur le blogue.
Je me suis dit que je publierais bien le courriel que je viens d'expédier à mes "condisciples" en Grec ancien. Qui sait ? Peut-être des visiteuses et visiteurs seraient-ils intéressés par ces renseignements d'entr'aide.
Voici la "chose" :
1. http://hodoi.fltr.ucl.ac.be/concordances/
extrait du site de l'Université de Louvain dont voici le portail :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/default.htm
2. http://remacle.org/index2.htm
extrait du site plus complexe
http://www.remacle.org/
3. http://juxta.free.fr/spip.php?rubrique1,
numérisation d'éditions anciennes (fin XIXe-début XXe), quasi des fac-similés, que vous pouvez charger sur votre disque dur
4. http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/lettres/LanguesAnciennes/Textes/biblio_lycee.htm
Si vous êtes passionné(e)s par les Pères de l'ÉGLISE, proposés l'an dernier :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/bibliotheque.htm
mais on n'y dispose que du texte en français.
Enfin, le site de Robin Delisle de l'académie de Versailles, qui regroupe la plupart des sites abordant la Grèce en tous ses états antiques (!),
in-con-tour-nable :
http://www.usenet-fr.net/fur/lettres/adresses-langues-anc...
Il y en a certainement d'autres, beaucoup d'autres, anglo-saxons, hispaniques, germaniques et ...grecs.
Les 1 & 2 me paraissent répondre le mieux à nos ...attentes d'étudiants à la recherche de quelques facilités pour apprécier la lecture du Grec ancien..
Il est évident que sur les sites, il faut d'abord retrouver l'auteur, puis l'œuvre, puis les pages du texte que notre...bon Maître nous a proposé.
Un excellent entraînement à la recherche documentaire sur la Toile, qui nous serait, selon un récent article d'Ouest-France*, à nos âges, profitable.
Pour les deux textes à venir qu'a bien voulu déjà (!) nous saisir Gym, je vous donne les "adresses précises" des pages :
•"L'inspiration poétique..." de Platon dans ION p.36-37 du bouquin à télécharger :
http://juxta.free.fr/spip.php?article133
• "Le passage du Rubicon" d'Appien dans Les Guerres civiles, Livre II, § 34-35
http://hodoi.fltr.ucl.ac.be/concordances/appien_guerres_c...
.
N'hésitez point à m'écrire si vous avez besoin d'un "vieux"marin" qui ne barre pas trop, trop mal dans les courants de l'Internet.
grapheus tis
* Internet bon pour le cerveau
Des scientifiques américains ont découvert qu'effectuer régulièrement des recherches sur Internet stimulait les centres-clés du cerveau chez les personnes de plus de 50 ans : surfer sur la Toile mobilise davantage de circuits neuronaux que la simple lecture et améliore le fonctionnement du cerveau.
Ouest-France du samedi 18/10/2008
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dimanche, 21 décembre 2008
solstice d'hiver
Ce midi, à 12 heures 05 TU, par 47°10 Nord et 1°37 Ouest, le soleil était au plus bas de sa course, sa déclinaison était de moins 23°43.
Seul, le parterre au fond du jardin était ensoleillé.
Après-demain, le rai de lumière s'élargira et les bulbes, sous terre, à nouveau tiédiront..
Au solstice d'hiver, la remontée du soleil !
De grandes œuvres à façon, de grandes œuvres, durement,
se composent-elles aux antres de l'An neuf ?
Et l’Hiver sous l'auvent nous forge-t-il sa clef de grâce?
« ... Hiver bouclé comme un bison, Hiver crispé
comme la mousse de crin blanc,
Hiver aux puits d’arsenic rouge, aux poches d'huile
et de bitume,
Hiver au goût de skunk et de carabe
et de fumée de bois de hickory,
Hiver aux prismes et cristaux dans les carrefours
de diamant noir,
Hiver sans thyrses ni flambeaux, Hiver sans rosés ni piscines,
Hiver ! Hiver ! tes pommes de cèdre de vieux fer !
tes fruits de pierre ! tes insectes de cuivre !
Tant de vers blancs d’onyx, et d'ongles forts,
et de tambours de corne où vit la pieuvre du savoir,
Hiver sans chair et sans muqueuse, pour qui toute fraîcheur gît
au corps de la femme... »
Et la terre ancillaire, mise à nu, refait au Ciel d'hiver
le lit de sa servante.
Saint-John-Perse,
Vents II, 2.
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vendredi, 12 décembre 2008
Héraclite "nobélisé"
Le dernier homme que cite Le Clézio, lors de son discours de réception* du Nobel 2008, est Héraclite.
Héraclite dit :
Le temps est un enfant qui joue en déplaçant les pions : la royauté d'un enfant.**
Le Clézio ne dissout-il point la tension polémique de l'aphorisme dans l'innocence d'un futur que susciterait une enfantine royauté ?
La grande bonté est naïve : faut-il pour autant l'en amoindrir ?
* Merci à FB pour avoir mis en ligne une version propre et nette .
** La traduction proposée est celle de Marcel Conche ; dix autres pourraient être offertes : les pions — "pesseuône"— sont objet de variations. Les hellénistes sont de vieux grands enfants qui n'achèveront jamais leur jeu de ...gloses.
Post-scriptum :
J'aime beaucoup dans la signature du bas de dernière page la notation du lieu : J.M.G. Le Clézio, Bretagne, 8 novembre 2008.
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samedi, 08 novembre 2008
prière d'insérer
Voilà que ces jours derniers, dans la tête du blogueur, se mêlent et l'atelier de Grec ancien et le VendéeGlobe et la littérature. Ce ne sont qu'histoires de mer !
Tout a commencé jeudi matin avec un travail de reprise en douceur sur le texte rebattu de l'Anabase de Xénophon : Thalassa ! Thalassa !
Je passe, rue de la Fosse, chez Coiffard, je dois y retirer Les quatre saisons de Ronsard, et de Mallarmé, Divagations, en Poésie/Gallimard, je cherche en vain les Carnets d'un vieil amoureux, je tombe sur Boutès, déjà feuilleté en octobre et qui m'avait frappé par un pré-texte que je pensais être une introduction ou un exergue, qui s'avère être un prière d'insérer, un vrai, feuillet encarté — ainsi jadis adresse de l'éditeur au critique —, Boutès narré par Pascal Quignard, ce lecteur fasciné et fascinant des Latins et des Grecs — je me demande si ce n'est pas sous l'influence de mes lectures de Quignard que j'ai repris l'étude du Grec ancien.
Un prière d'insérer qui concentre en quinze lignes le mythe des Sirènes, les Argonautes et Ulysse et qui s'achève dans la concision d'une chute :
« Seul Boutès sauta.»chute paradoxale qui ne ferme pas, mais ouvre en surprenant le lecteur ignorant. Ce prière d'insérer comme une vie pré-natale du texte qui nous est offert dans les pages suivantes — Quignard explorateur de notre vie "ante". N'en déplaise à Gérard Genette*, cette page est bien adresse non au critique, mais au lecteur;
Boutès**, l'un des cinquante Argonautes, me relance vers ces trente Argonautes contemporains qu'entre deux phrases de version grecque, quelques poèmes de Mallarmé et les dix chapitres du Boutès de Quignard, je vais suivre passionnément, trois mois durant.
* Gérard Genette, Seuils, coll. Poétique, au Seuil, 1987 : un merveilleux bouquin sur l'alentour du livre, le "paratexte", tout ce qui enserre le texte et lui fait référence, mais qui n'est pas le texte?
** Apollodore dans La Bibliothèque, I, 9, 25.
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vendredi, 08 février 2008
mais où trouver le texte grec ?
À propos d'Héraclite et Aristote ? j'ai pris une journée de retard.
Il y a déjà quelque temps qu'une anecdote sur Héraclite, rapportée par Aristote, me turlupine.
Elle est reprise dans le Magazine littéraire, en introduction du dossier sur Aristote, par un monsieur dont je ne puis douter du sérieux, Michel Crubelier ; le texte est paré d'un titre savoureux : Des dieux dans la cuisine et relate ce qu'aurait écrit Aristote :
«On dit qu'Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l'ayant trouvé se chauffant au feu de sa cuisine, hésitaient à entrer, dit : "Entrez, il y a des dieux aussi dans la cuisine". Eh bien, de même, entrons sans dégoût dans l'étude de chaque espèce animale : en chacune, il y a de la nature et de la beauté. »
...Aurait écrit Aristote... ! Selon Michel Crubelier, qui se situe très pudiquement dans la lignée d'une longue tradition de commentateurs et d'Héraclite et d'Aristote. Pudibonds effarouchés : on ne philosophe point avec son corps !
Car Héraclite n'était point dans sa cuisine, il était dans ses chiottes !
Ce qui justifie le "Entrons sans dégoût" d'Aristote qui n'était point le bégueule dont ses successeur en philosophie ont souhaité nous laisser le souvenir.
C'est du moins ce que propose Jean-François Pradeau, dans son Héraclite, Fragments (citations et témoignages), paru chez Garnier-Flammarion en 2002, pages 193 et 324.
« On dit qu'Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l'ayant trouvé occupé dans ses toilettes, hésitaient à entrer, dit cette remarque : "Ici aussi, il y a des dieux". Eh bien, de même, entrons sans dégoût dans l'étude de chaque espèce animale : en chacune, il y a de la nature et de la beauté. »
Pradeau, qui souligne avec humour que "la localisation domestique d'Héraclite a donc longtemps erronée", ajoute que Diogène Laërce propose une réminiscence explicite de cette anecdote qui concerne Diogène de Sinope, le Cynique, l'homme du tonneau, des harengs, des éternuements "gauchistes" et autres branles publiques :
À qui lui reprochait d'entrer dans des lieux impurs, il dit :"Le soleil pénètre bien dans les latrines et pourtant il ne se souille pas.”
Francs, triviaux et sains anciens Grecs !
Qu'auraient-ils (elles) dit du cul de Simone de Beauvoir, notre moderne Hipparchia, découverte en couverture d'un certain hebdomadaire, laquelle fit tournebouler nos collègues de la Toile ? (à lire dans Diogène Laërce, pp.760-761 dans la Pochotèque, l'histoire d'Hipparchia, pas les blogues scandalisés de nos compagnons de Toile.)
Quand même, j'aimerais un jour avoir entre les mains le texte d'Aristote "Parties des animaux"* ; en grec ancien, bien sûr ! Je me précipiterais sur mon "Bailly".
*Il y aurait une édition et traduction par J.M. Leblond, chez Aubier (Paris, 1945). Trouvable sur la Toile ?
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jeudi, 04 octobre 2007
Je continue de m’instruire
Voilà enfin achevée la seconde rénovation de la Basse Bouguinière ; le peintre a enlevé ses échelles et autre échafaudage.
Une année aura été nécessaire, mais ce qui vient d’être fait nous mènera bien encore aux trente ans qui s’annoncent — je ne doute de rien quant à ma longue vieillesse !
la Basse Bouguinière, 30 ans après sa première rénovation
Le jardin a rétréci, mais la “librairie” a un bel escalier et je continue de m’instruire.
Avant-hier, inscription à l’Université Permanente, dans les locaux des anciens Chantiers de la Loire, près des grandes Machines Nantaises - vous avez bien entendu parlé des suites de Royal de Luxe, de l’Éléphant, des Anneaux de Buren, d’Estuaire 2007 et du Hangar à bananes, d'où de trop beaux jeunes gens, hélas, partent, ivres, se noyer en Loire.
Naguère — enfin, jadis — pour moi, il y avait “le” Pont-Transbordeur, et là où le père construisait des bateaux, le fils vient y faire du Grec.*
Je me suis promis une meilleure assiduité. Enfin ! l'an écoulé, j’avais quelques excuses : un trou béant en place du vieil escalier, des bâches plastiques sur les rayons de livres, l’inaccessibilité au “ Bailly” et le petit “Mac”, sa LiveBox et son imprimante descendus dans la salle de séjour.
Donc, du Grec et un soupçon — six séances — d’approche architecturale autour du Palais de Justice, le nouveau, celui de Jean Nouvel et du Passage Pommeraye, l'ancien, de Jean-Baptiste Buron et Hippolyte Durand-Gasselin : le XIXe et le presque XXIe siècle confrontés !
Et puis, pour persévérer dans les lieux branchés — parfois le petit Nantais du marché Talensac se demande ce qu’il vient y foutre — l’Université Pop’ (sic) du Lieu Unique (l’ancienne biscuiterie LU) et ses cours de littérature contemporaine gérés par Bruno Blanckeman de l’Université de Haute-Bretagne, un homme à la belle gestuelle un tantinet ecclésiastique, à la diction fort précieuse, aux “hein !” subtilement glottés, qui renvoie dos à dos Tzvetan Todorov qui déplore la disparition de la littérature, et les tenants de la Littérature-Monde — Le Bris, Rouaud et les Antillais qui “claironnent la vitalité retrouvée” de cette même littérature, Blanckeman, lui, se contentant d’habiller de mots neufs — littérature consentante/littérature résistante — le vieux, très vieux, conflit entre bonne et mauvaise littérature, tout en faisant glousser les belles vieilles rombières du Lieu Unique, — j’en suis un des vieux fourbes —, sur "Alexandre Nothomb et Amélie Jardin, sur Max Réza et Yasmina Gallo" (à moins que ce ne soit Alexandre Réza, Amélie Gallo, Max Nothomb et Yasmina Jardin, je ne sais plus ! À votre guise !) et les retours "polnarefiens"de littérateurs "qui montrent leur vécu à tous les passants" (sic).
Bref ! Un beau menu avec Didier Daeninck, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Jacques Jouet, Linda Lê, Olivier Rolin, Assia Djebar, Pierre Guyotat et quelques autres... un bref passage de Pascal Quignard qui s’était abstenu, l’an dernier et... un “arrêt sur ouvrage” d’un certain Mark Z. Danielewski traduit par un non moins incertain Claro...
De quoi satisfaire mes plaisirs de lutte contre l’érosion de la langue, de déconstruction et reconstruction des formes, de confrontation à l’obscur, “le tâtonnement expressif” de mon “éveilleur d’échos” de la semaine dernière, Michel Chaillou, homme toujours en avant, “pas encore mort, pas encore très âgé et pas trop souffrant”, dirait le professeur Blanckeman.
Assia Djebar et Pierre Guyotat, qui viendront nous rendre visite, m’auraient largement comblé et le professeur ci-dessus cité est, au-delà de son brillant, un homme de littérature fort perspicace !
Suffirait que notre bon professeur de Grec ancien, plus qu’excellent helléniste, veuille mettre un peu plus d’andragogie (pédagogie des adultes, vue du Québec)) dans sa méthode pour que je puisse me dire :
« Décidément, je m’offre une belle année. »
* Affirmation dite et redite...
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