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dimanche, 20 décembre 2009

en lisant Polastron

Quand le liseur parcourt cinq cents ans en quarante pages dans les incendies et les massacres, il se perd allègrement dans l'énumération des "Ibn" et des "Al" — nous en sommes à l'Islam des origines, chapitre IV — qui brûlent les bibliothèques, coupent les têtes pour en ériger des tours — sept cent cinquante têtes par tour —, tous événements qui obligent des scribes, des calligraphes, du moins ceux qui n'ont pas eu la tête tranchée, à recopier à longueur de nuits et de jours les livres qui vont resurgir dans d'autres bibliothèques aussitôt incendiées.

 

Dans les flammes et le sang, au détour d'un paragraphe qui a érigé en deux pages les forteresses de l'État des Assassins abritant des collections d'ouvrages les plus divers, une halte  souriante qui apaise le liseur :

 

« On croirait voir Montaigne tombé dans le chaudron de Wagner. »

 

Aucune référence dans cette note à un anti-islam, souvent de mode par les temps qui courent.

Polastron lui-même clôt son chapitre IV par une phrase empreinte d'un sain esprit laïc :

 

« Les schismes et les blocages dus à la religion causèrent plus fréquemment la perte des bibliothèques arabo-musulmanes que la bêtise pure, comme les conflits européens pour la foi* sauront le faire. »

 

* Le liseur souligne.

 

RappelLivres en feu, Lucien X. Polastron, Folio Essais n°519, Denoêl,  2009.

 

jeudi, 05 novembre 2009

« Vertige de la liste » III

à Er Klasker, Augustinien qui disait ne comprendre goutte à Michaux,

l'homme de la "liste" précédente

 

C'est une lettre, une lettre comme en écrivaient ces humains du V° siècle de notre ère qui n'avaient ni Mac, ni PC, ni iPhone ou autre Blackberry, ni messagerie éléctronique. Plus de trente feuillets d'un parchemin qu'un cavalier va porter d'Hippone à Carthage.


Augustin écrit à son ami  le diacre carthaginois, le bien nommé  Quodvultdeux, "Ce que Dieu veut" :


Bien des fois, cher et saint Quodvultdeus, tu m'as instamment prié d'écrire, sur les hérésies, un livre propre à intéresser ceux qui veulent ne point tomber dans les erreurs opposées à la foi chrétienne et capables de séduire les âmes par leur faux air de christianisme. Sois-en sûr, je n'avais pas attendu jusqu'à ce jour pour y penser : depuis longtemps j'aurais entrepris cette tâche, si, après mûr examen, la difficulté et la grandeur d'un tel ouvrage ne m'avaient paru dépasser mes forces ; mais comme tu m'as, plus que personne, pressé de m'en charger, j'ai pris en considération ton nom aussi bien que tes instances, et je me suis dit : Je me mettrai à l'oeuvre...

Lorsque le Seigneur fut monté au ciel, on vit paraître :


1. Les Simoniens. 
2. Les Ménandriens. 
3. Les Saturniens. 
4. Les Basilidiens. 
5. Les Nicolaïtes. 
6. Les Gnostiques. 
7. Les Carpocratiens. 
8. Les Cérinthiens, ou Mérinthiens. 
9. Les Nazaréens. 
10. Les Ebioniens. 
11. Les Valentiniens. 
12. Les Sécondiens. 
13. Les Ptoléméens. 
14. Les Marciens. 
15. Les Colorbasiens. 
16. Les Héracléonites. 
17. Les Ophites. 
18. Les Caïanites. 
19. Les Séthianiens. 
20. Les Archontices. 
21. Les Cerdoniens. 
22. Les Marcionites. 
23. Les Apellites. 
24. Les Sévériens. 
25. Les Tatiens, ou Encratites. 
26. Les Cataphryges. 
27. Les Pépuziens, ou Quintiliens. 
28. Les Artotyrites. 
28. Les Tessarescédécatites. 
30. Les Alogiens. 
31. Les Adamiens. 
32. Les Elcéséens et les Sampséens. 
33. Les Théodotiens. 
34. Les Melchisédéciens. 
35. Les Bardésanites. 
36. Les Noétiens. 
37. Les Valésiens. 
38. Les Cathares, ou Novatiens. 
39. Les Angéliciens. 
40. Les Apostoliciens. 
41. Les Sabelliens, ou Patripassiens. 
42. Les Origéniens. 
43. Les seconds Origéniens. 
44. Les Pauliniens. 
45. Les Photiniens. 
46. Les Manichéens. 
47. Les Hiéracites. 
48. Les Méléciens. 
49. Les Ariens. 
50. Les Vadiens, ou Anthropomorphites. 
51. Les Semi-Ariens. 
52. Les Macédoniens. 
53. Les Aériens. 
54. Les Aétiens, ou Eunomiens. 
55. Les Apollinaristes. 
56. Les Antidicomarites. 
57. Les Massaliens, ou Euthites. 
58. Les Métangismonites. 
59. Les Séleuciens, ou Hermiens. 
60. Les Proclianites. 
61. Les Patriciens. 
62. Les Ascites. 
63. Les Passalorynchites. 
64. Les Aquariens. 
65. Les Coluthiens. 
66. Les Floriniens. 
67. Les dissidents sur l’état du monde. 
68. Les va nu-pieds. 
69. Les Donatistes, ou Donatiens. 
70. Les Priscillianites. 
71. Ceux ne mangeant point avec les hommes. 
72. Les Rhétoriens. 
73. Ceux prétendant que la divinité est passible. 
74. Les hérétiques pensant que dieu est triforme. 
75. Les hérétiques disant l’eau coéternelle à Dieu. 
76. Les hérétiques niant que l’âme soit à l’image de Dieu. 
77. Les hérétiques pensant que les mondes sont innombrables. 
78. Les hérétiques croyant que les âmes se changent en démons et en animaux de toute sorte. 
79. Ceux croyant que tous les habitants de l’enfer ont été délivrés par la descente du Christ en ce lieu. 
80. Ceux qui soutiennent que la génération divine du Christ a eu lieu dans le temps. 
81. Les Lucifériens. 
82. Les Jovinianites. 
83. Les Arabiques. 
84. Les Helvidiens. 
85. Les Paterniens, ou Vénustiens. 
86. Les Tertullianites. 
87. Les Abéloïtes. 
88. Les Pélagiens, ou Célestiens.


J'épargne à mes lectrices et lecteurs, les quatre-vingt-huit réfutations qui suivent cette "vraie" liste. La lettre est lisible sur le site de ces bons moines bénédictins de l'Abbaye de Saint-Benoît de Port-Valais.*

En voilà qui n'ont point attendu l'offre de Google pour scanner leur bibliothéque.


Un vrai travail de Bénédictin !


* À moins que vous ne la consultiez dans la bibliothèque de mon vieux compagnon Er Klasker, "le fouineur" en breton qui possède les œuvres complètes de Augustin d'Hippone, dans la même édition que celle de nos précieux Bénédictins..


mardi, 03 novembre 2009

« Vertige de la liste » ? Voici mon premier vertige

à Nicléane, pour la soirée du 4 août 1971

 

Éveil relativement matinal : dans les écouteurs, c'est Antoine Compagnon qui tente de désemmêler les transcendances alambiquées de la littérature selon Maurice Blanchot ! Demain, il abordera Montaigne et Stendhal. Ça ira sans doute mieux. Décidément Blanchot me sera un impénétrable.

 

L'heure qui suit pourrait être de la même eau s'il ne s'agissait que de feuilletter L'œuvre ouverte, Lector in fabula ou Les limites de l'interprétation ; car il n'est pas triste non plus le bonhomme Umberto Eco quand il théorise sur le Texte.

Quoique quelques chapitres de ces trois bouquins évoqués sont fort éclairants sur mes modestes comportements de lecteur : Le lecteur modèle, par exemple. Et puis, il a fort bien vulgarisé le tout dans les quatre-vingt-dix pages de sa mince mais savoureuse Apostille au nom de la Rose.

Ce matin, il est donc, après Compagnon et Blanchot,  le suivant. Invité sur France Cul pour ses « listes », ou plutôt son Vertige de la liste et ce qu'il met en listes au Louvre. Pourquoi, diable, s'est-il rasé la barbe ?

À chacun ses « listes » donc !

 

Il m'est difficile de larguer une enfance religieuse et mes premières listes furent les litanies :



Litanies de tous les saints
Litanies de la Vierge
Litanies du Sacré-Cœur



et leurs lancinants répons, inlassablement répétés par la foule des fidèles, soit, dans l'ordre et selon la contrée, en français, en latin et en breton :

 

Priez pour nous
Ora pro nobis
Pedet aveit-omb.

 

Litanies, répertoires, dénombrements, énumérations, classements, inventaires, catalogues. L'ivresse de leur profération fut sans doute d'abord dans l'ordre de l'oralité. Homère le donne à entendre.


οὐδ᾽ εἴ μοι δέκα μὲν γλῶσσαι, δέκα δὲ στόματ᾽ εἶεν,

φωνὴ δ᾽ ἄρρηκτος, χάλκεον δέ μοι ἦτορ ἐνείη

 

aurais-je et dix langues, et dix bouches,

et une infatigable voix, et des poumons d'airain.


Listes closes, listes ouvertes qui faussement s'achèvent sur des points de suspension ou mieux sur un « et cætera », mais alors sans les points de suspension qui seraient une erreur typographique.

 

Une note de blogue pourra difficilement rendre lisibles les six pages de l'Iliade en son Chant II, 490, célébrant la flotte grecque qui mouilla sous Illion. Entendons les  vaisseaux noirs, les vaisseaux creux, les vaisseaux aux joues fardées de rouge.

 

Laissons aussi les cent jeux de Gargantua et ses cinquante façons de se torcher le cul.

 

Il est vrai que je n'ai lu intégralement que les quatre-vingt dernières pages de l'Ulysse de Joyce. J'aurai donc raté jusqu'à ce jour les inventaires et autres énumration qui meublent les cent pages précédentes.

 

Et encore Prévert et Borgès dans les chaos et les ruptures.

 

Ce soir, je livre ma première « liste ». Blason du corps plus que nu, elle est litanique, elle est amoureuse, elle est incantatoire, elle vibre de toutes les sensualités minérales, végétales, animales.

Ce sont mille langues, mille bouches au cœur de mille nuits qui seules peuvent la proférer, la murmurer.

 

Ma femme à la chevelure de feu de bois

Aux pensées d'éclairs de chaleur

A la taille de sablier

Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre

Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de
 dernière grandeur

Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche

A la langue d'ambre et de verre frottés

Ma femme à la langue d'hostie poignardée

A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux

A la langue de pierre incroyable

Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant

Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle

Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre

Et de buée aux vitres

Ma femme aux épaules de champagne

Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace

Ma femme aux poignets d'allumettes

Ma femme aux doigts de hasard et d'as de coeur

Aux doigts de foin coupé

Ma femme aux aisselles de martre et de fênes

De nuit de la Saint-Jean

De troène et de nid de scalares

Aux bras d'écume de mer et d'écluse

Et de mélange du blé et du moulin

Ma femme aux jambes de fusée

Aux mouvements d'horlogerie et de désespoir

Ma femme aux mollets de moelle de sureau

Ma femme aux pieds d'initiales

Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats qui boivent

Ma femme au cou d'orge imperlé

Ma femme à la gorge de Val d'or

De rendez-vous dans le lit même du torrent

Aux seins de nuit

Ma femme aux seins de taupinière marine

Ma femme aux seins de creuset du rubis

Aux seins de spectre de la rose sous la rosée

Ma femme au ventre de dépliement d'éventail des jours

Au ventre de griffe géante

Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical

Au dos de vif-argent

Au dos de lumière

A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée

Et de chute d'un verre dans lequel on vient de boire

Ma femme aux hanches de nacelle

Aux hanches de lustre et de pennes de flèche

Et de tiges de plumes de paon blanc

De balance insensible

Ma femme aux fesses de grès et d'amiante

Ma femme aux fesses de dos de cygne

Ma femme aux fesses de printemps

Au sexe de glaïeul

Ma femme au sexe de placer et d'ornithorynque

Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens

Ma femme au sexe de miroir

Ma femme aux yeux pleins de larmes

Aux yeux de panoplie violette et d'aiguille aimantée

Ma femme aux yeux de savane

Ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison

Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache

Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre et de feu.


André Breton

L'union libre

Clair de terre (1931)

 

vendredi, 23 octobre 2009

Mais, Carla, qu'attendez-vous pour le quitter ?

 

Et faites vôtre, si vous en avez encore la capacité, cette assertion qu'Euripide met dans la bouche de Mélanippe la philosophe* :

 

Eg≈ gunÆ m°n eimi noËw d'§nesti moi

Certes je ne suis qu'une femme, mais l'entendement aussi est mien !

 

 

* Moins facile à trouver en librairie que la Princesse de Clèves ; il est possible, cependant, de lire quelques fragments de cette tragédie sur la Toile. C'est écrit plus de quatre siècles avant notre ère ; nous nous situons donc dans ce que Séverine Auffret nomme l'archéologie du féminisme.


mercredi, 21 octobre 2009

un adolescent poli

« Pourquoi tenir un site ?

— Par politesse ! »


C'était une bribe du dialogue entre Régis Debray et Marc Voinchet sur le France Cul de ce matin. J'ai apprécié !

En écho "papier" — décidément, je suis en pleine médiologie, — Ouest-France ouvrait ainsi sa rubrique "Ados" : Pourquoi se raconter sur Internet ?


Bon, je me sens plus près de l'adolescence que de la médiologie, bien que j'aie eu quelqu'accointance, ancienne, avec l'homme Debray en notre jeunesse de l'année 1963 — les CinéPop dans l'Algérie indépendante, quand René Vautier transportait, dans ses valises à caméras, un jeune futur révolutionnaire encore normalien — et que l'aphorisme de Mac Luhan, « le médium est le message », fût longtemps objet de mes préoccupations de métier.

 

Ouest-France* n'écrit pas sur la politesse des adolescents, mais sur leur capacité à utiliser la Toile (blogues, forums) comme arme du virtuel pour affronter le réel. Et d'ajouter — et c'est là que j'ai eu quelques frémissements de sympathie :

 

...ce qui pousse de nombreux ados à éditer plusieurs blogues sous des identités distinctes, parfois radicalement différentes. Une façon de vérifier qu'ils pourraient aussi exister autrement.


Revenait l'ombre de l'homme aux soixante-treize — et sans doute plus — hétéronymes**, Fernando Pessoa, alias Alberto Caeiro, alias Ricardo Reis, alias Alavaro de Campos, alias Bernado Soares, alias..., alias... , un vrai vaisseau des Argonautes, qui descendrait le Tage, à lui seul.

 

Allez, ami(e)s blogueuses et blogueurs, combien d'hétéroblogues tenez-vous ?

 

Quant à moi, je suis du côté des adolescents. L'ai-je quitté d'ailleurs cet âge ? Peut-être y suis-je revenu ?

Marcel Détienne, dans l'invention de la mythologie, traduisant, en tordant quelque peu Platon, n'écrit-il point :

 

παῖδες πρεσβῦται
les enfants du vieil âge

in Lois, IV,712.***

 

* Hélas ! la rubrique qui se tient en collaboration avec Phosphore et Okapi (!!!) ne peut s'achever qu'en eau de boudin moralisatrice, avis de psychanalyste à l'appui.

 

** Certains amis blogueurs citeraient plus volontiers Volodine.

 

*** Je n'y échappe plus. Le Grec ancien revient en force chez le vieil adolescent ? Qu'au moins ce ne soit point marque d'impolitesse !

 

 

samedi, 10 octobre 2009

cinq ans déjà ! ou de trop ?

Cinq ans à parsemer la Toile de petits cailloux, joyeux ou tristes, selon les vents, les pluies, les lectures, les pensers, un chant, des musiques, un regard.


Pour inaugurer cette sixième année — peut-être à suivre —, en voici trois :

• Μηδὲν ἄγαν σπεύδειν *

Théognis de Mégare, poète didactique et élégiaque, vers 540 avant notre ère.

 

Il aimait placer son bonheur dans le foulard parfumé d'une femme ou sous une pierre oubliée au bord du chemin.

Amin Zaoui, auteur algérien de La chambre de la vierge impure.**



• à René Guy Cadou


De bas brouillards tremblaient aux vallées de l'automne
Les chiens jappaient sans fin sur le bord des ruisseaux
On entendait rouiller leurs abois dans l'écho
A des lieues et des lieues, sur des pays sans borne.

Le vent sentait la pierre rêche et le gibier
II était dur et vif à nous trancher la gorge.
Nous nous hâtions vers quelque grange, dont le porche
Offrait déjà l'abri à des coqs qui chantaient

Lorsque, sur le revers d'un coteau, nous trouvâmes
La jaune apaisante caresse des raisins.
Bien à l'écart du vent, des grappes plein les mains
Nous bûmes longuement, renversés sur la flamme.


Luc Bérimont, Le vin mordu***

 


* Les latins auraient écrit : "In medio stat virtus".

François de Sales aurait traduit : "La vertu se tient au milieu".

Le bon (?) sens populaire, au choix : "Point trop n'en faut !"  ou "Ni trop, ni trop peu !"

Et pour revenir aux Grecs qui ont l'art de la plus grande concision, ils font, parfois, sauter le "σπεύδειν" et vous livrent ainsi un bref "Μηδὲν ἄγαν".


 ** Une lecture de ces jours-ci.


*** Une lecture d'il y a plus de cinquante ans, quand je découvrais la poésie contemporaine d'alors, que je découpais des poèmes dans le Figaro littéraire (???), un poème relu dans Les Cahiers Cadou et de l'École de Rochefort-sur-Loire, parus dans l'été 2009, aux éditions du Petit Véhicule.

 

 


 

vendredi, 04 septembre 2009

l'ile "à Dionysos"


Je retourne en mer.

 Dac'hlmat2 - copie.JPG


Mais l'écoute récente du Bon Plaisir de Marcel Détienne m'a remis dans la tête ce passage de Strabon qui peut concerner celles et ceux qui hantent les parages de cette mer que je ne traverse plus, quand je me contente de couper et recouper sans fin les sillages précédents de Dac'hlmat.

 

« Ἐν δὲ τῷ ὠκεανῷ φησιν εἶναι νῆσον μικρὰν οὐ πάνυ πελαγίαν, προκειμένην τῆς ἐκβολῆς τοῦ Λείγηρος ποταμοῦ· οἰκεῖν δὲ ταύτην τὰς τῶν Σαμνιτῶν γυναῖκας, Διονύσῳ κατεχομένας καὶ ἱλασκομένας τὸν θεὸν τοῦτον τελεταῖς τε καὶ ἄλλαις ἱεροποιίαις (ἐξηλλαγμέναις). Οὐκ ἐπιβαίνειν δὲ ἄνδρα τῆς νήσου... »

« Posidonius parle d'une petite île située dans l'Océan, non pas tout-à-fait en pleine mer, mais vis-à-vis de l'embouchure de la Loire : elle est habitée par les femmes des Samnites, qui sont possédées de Dionysos et qui cherchent à se rendre ce dieu propice par des cérémonies mystiques et autres pratiques sacrées singulières. Aucun homme n'aborde en cette île...»


Strabon, Géographica, Livre IV, 4, 6
.


Et lire Strabon est une bonne entrée en matière pour reprendre la rentrée des vieux héllénistes.


Cette petite ile ? Le Pilier dans le sud de l'estuaire ? Dumet au large de Piriac ? Houat ? Hoëdic ?
J'inclinerais pour cette dernière.
N'y a-t-il pas  les traces d'une maison que les Hoëdicais nomment la "Maison des Femmes perdues" !
Depuis quarante ans, je hante cette pointe, dite Beg Er Faût, dans le sud de l'ile.
Alors, une fois de plus laisser vagabonder la pensée des Grecs aux Celtes ?
En tout cas, je glisse Détienne dans la bibliothèque du bord.

* L'image fut prise par l'autre "vieux marin", AH, patron du Marche Avec.
** Je ne souhaite point effaroucher les puristes : la préposition "à" est souvent  dans le parler gallo substituée à "de" pour indiquer, sinon l'appartenance ou la possession, du moins le droit d'usage souvent reconnu par la coutume locale.

mercredi, 10 juin 2009

la "vita Merlini" 2

Puisque je suis parti dans la geste de Merlin, j'y vas !

 

Il y a deux ou trois siècles d'écrits qui dévoilent, ajoutent, recréent, brodent, glosent, commentent une histoire dont la source semble être un écrit de langue brittonne, fixant des traditions orales datant du VIe siècle, puis traduit en latin par Geoffroy de Monmouth, érudit gallois latinisant — s'inspirant lui-même d'un certain Nennius scribe du IXe siècle — qui fut dans la mouvance des ducs de Normandie, puis des Plantagenêts devenus rois d'Angleterre. L'ouvrage, la Vita Merlini, daterait de 1132. Le même érudit gallois écrira une Historia regum Britanniæ (qui développe l'histoire de Merlin en fondant ce qui allait devenir l'histoire du roi Arthur, de la Table Ronde, du Saint-Graal, francisée par Robert Wace en 1155, réécrite, par l'inévitable Chrétien de Troyes — lequel ignore et c'est aussi bien — la geste de Merlin qui sera amplifiée par Robert de Boron vers 1200.

 

Vers 1230, Le Lancelot-Graal — l'Estoire Saint Graal, l'Estoire de Merlin, le Lancelot propre, la Queste del Saint Graal, la Mort le Roi Artus — achève la vaste épopée arthurienne, laquelle s'est considérablement enrichie — ou appauvrie ! — des lectures très chrétiennes de scribes anonymes ou pas, moines des scriptoria ou écrivains de cour. Ce dernier ensemble semble assez cohérent et original pour laisser supposer l'existence d'un auteur, ou tout au moins d'un petit atelier unique de scripteurs.

 

Je n'ai pas parlé du Tristan de Béroul, de celui de Thomas, vers 1170/1190, le dernier plus conforme à l'idéologie amoureuse dominante de l'époque, ni du Peerlevaus (Perceval)



Donc, Merlin — ou  en gallois « Myrddin » ou « Myrdhin », en breton « Merzhin », en cornique « Marzhin », en latin Merlinus : un homme, barde, devin ou prophète, sans doute ayant été roi — le casqué d'Excalibur, le film de Boorman me paraît juste —, né d'un homme-fée (un diable, diront les chrétiens) et d'une pucelle, fille de roi et druidesse ou nonne, selon, avec toutes interrogations et interprétations.

 

Donc naît Merlin. Alla de grande Bretagne en petite Bretagne, conseilla, prophétisa, tomba amoureux de Viviane et vit encore— cet an 2009, encore, si,si ! — en lieu ignoré de la forêt de Brocéliande — en pays Gallo, nous disons plus prosaïquement  "forêt de Paimpont". D'où, suivant le conseil de Du Bellay, des récits qui suivront celui de Geoffroy de Bornemouth. Que voici, rédigé par un certain médiéviste, Jacques Boulenger*  :

 

Et, ayant ainsi travaillé, il se rendit en la forêt de Brocéliande auprès de Viviane, sa mie.
Quand elle le vit, elle fit paraître une grande joie, et lui, il l'aimait si durement que pour un peu il serait devenu fou.
— Beau doux ami, lui dit-elle, ne m'enseignerez-vous pas quelques nouveaux jeux, et comment, par exemple, je pourrais faire dormir un homme aussi longtemps que je voudrais sans qu’il s’éveillât ?
Il lui demanda pourquoi elle voulait avoir cette science, et elle ne lui confessa point la raison véritable, mais,hélas! il connaissait bien toute sa pensée.
— Parce que, dit-elle, toutes les fois que vous viendrez, je pourrai endormir mon père Doynas et ma mère: ils me tueraient s'ils s'apercevaient jamais de nos affaires. Et, de la sorte, je vous ferai entrer dans ma chambre.



Bien souvent, durant les sept jours qu'il passa avec elle, la pucelle lui renouvela cette demande. Une fois qu'ils se trouvaient tous deux dans le verger nommé
Repaire de liesse, auprès de la fontaine, elle lui prit la tête en son giron et, quand elle le vit plus amoureux que jamais:
— Au moins, dit-elle, apprenez-moi à endormir une dame.

Il savait bien son arrière-pensée; pourtant il lui enseigna ce qu'elle désirait, car ainsi le voulait Notre Sire. Et beaucoup d'autres choses encore: trois mots, par exemple, qu'elle prit en écrit, et qui avaient cette vertu que nul homme ne la pouvait posséder charnellement lorsqu'elle les portait sur elle; par là se munissait-elle contre Merlin lui-même, car la femme est plus rusée que diable. Et il ne pouvait s'empêcher de lui céder toujours.

Enfin, après une semaine, il la quitta tristement pour aller où il devait être, et ce fut dans la forêt de l'Epinaie aux environs de Logres.

Là, il prit l'apparence d'un vieillard tout croulant d'âge, monté sur un palefroi blanc, vêtu d'une robe noire et coiffé d'une couronne de fleurs, dont la barbe était si longue qu'elle faisait trois fois le tour de sa ceinture et, ainsi fait...
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Rêvant ainsi, Gauvain était entré dans la forêt de Brocéliande. Tout à coup il s'entendit appeler par une voix lointaine et il aperçut devant lui une sorte de vapeur qui, pour aérienne et translucide qu'elle fût, empêchait son cheval de passer. 

— Comment! disait-elle, ne me reconnaissezvous plus? Bien vrai est le proverbe du sage : qui laisse la cour, la cour l'oublie!
— Ha! Merlin, est-ce vous? s'écria messire Gauvain. Je vous supplie de m'apparaître, et que je vous puisse voir.
— Las! Gauvain, reprit la voix, vous ne me verrez plus jamais, et après vous je ne parlerai plus qu'à ma mie. Le monde n'a pas de tour si forte que la prison d'air où elle m'a enserré.
— Quoi! beau doux ami, êtes-vous si bien retenu que vous ne puissiez vous montrer à moi? Vous, le plus sage des hommes!

— Non pas, mais le plus fol, repartit Merlin, car je savais bien ce qui m'adviendrait. Un jour que j'errais avec ma mie par la forêt, je m'endormis au pied d'un buisson d'épines, la tête dans son giron; lors elle se leva bellement et fit un cercle de son voile autour du buisson; et quand je m'éveillai, je me trouvai sur un lit magnifique, dans la plus belle et la plus close chambre qui ait jamais été.
« Ha! dame, lui dis-« je, vous m'avez trompé! Maintenant que deviendrai-je si vous ne restez céans avec moi?
— Beau doux ami, j'y serai souvent et vous me tiendrez dans vos bras, car vous m'aurez désormais prête à votre plaisir. » Et il n'est guère de jour ni de nuit que je n'aie sa compagnie, en effet. Et je suis plus fol que jamais, car je l'aime plus que ma liberté.

 

Mes sources

pour cette note

• Merlin l'enchanteur, Jean Markale, Retz, 1981.

• Les romans de la Table Ronde, tome 1, Jacques Boulenger, préface de Joseph Bédier, UGE, 10/18, 1971

reprise d'une édition Plon, 1941.

• Histoire littéraire de la France, I. Des origines à 1600, sous la direction de Pierre Abraham & Roland Desne,  Les Éditions Sociales, 1971.

à feuilleter l'estoire de Merlin.


 

mercredi, 18 mars 2009

génèse du monde selon Héraclite

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γῆς θάνατος ὕδωρ γενέσθαι καὶ ὕδατος θάνατος ἀέρα γενέσθαι καὶ ἀέρος πῦρ καὶ ἔμπαλιν.

Mort de la terre de devenir eau
mort de l'eau de devenir air
mort de l'air de devenir feu.
Et inversement.
cité par Marc-Aurèle, Pensées, IV, 46.

Il est une autre version citée par Maxime de Tyr

ζῇ πῦρ τὸν ἀέρος θάνατον καὶ ἀὴρ ζῇ τὸν πυρὸς θάνατον, ὕδωρ ζῇ τὸν γῆς θάνατον, γῆ τὸν ὕδατος.

Le feu vit la mort de la terre,
et l'air vit la mort du feu,
l'eau vit la mort de l'air,
et la terre vit la mort de l'eau.


Le devenir du monde est une suite de naissances et de morts, de morts et de naissances. Le καὶ ἔμπαλινet à l'inverse — de la version de Marc Aurèle aggrave l'incessant devenir.

Les dieux et leurs sbires se taisent.
Enfin !

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lundi, 16 mars 2009

dans les pas d'Héraclite

à FV qui m'envoya mince mais précieux viatique
pour ce voyage.


οὐ γὰρ φρονέουσι τοιαῦτα (οἱ) πολλοί, ὁκοίοις ἐγκυ­ρεῦσιν, οὐδὲ μαθόντες γινώσκουσιν, ἑωυτοῖσι δὲ δοκέουσι.
La plupart ne prennent pas garde à ce qu'ils rencontrent ; ils ont appris, mais ne savent pas. Il leur semble !

C'est sans doute ainsi, trente-cinq touristes français dans un circuit qui mêle les sites grecs et romains, les paysages fastueux et les hôtels de faux luxe, les mosquées Seldjoukides et la danse du ventre, les tanneurs, les tisserandes et la rapacité des marchands de tapis.

Cependant.
Il fut bon de rêver sur les plus hauts gradins d'Éphèse : Héraclite descendant vers ce qui était encore la mer Ionienne. Il y a vingt-cinq siècles.

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ὁδὸς ἄνω κάτω μία καὶ ὡυτή.
Le chemin descendant montant est un et le même.


Mais ce fut l'austère nudité du paysage alentour et ce site de Laodicée en son état de "ruine intacte" qui menait peut-être au-delà du semblant.

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ψυχῆς πείρατα ἰὼν οὐκ ἂν ἐξεύροιο, πᾶσαν ἐπιπορευόμενος ὁδόν· οὕτω βαθὺν λόγον ἔχει.
Aussi loin que tu mènes ton chemin,
tu ne sauras point parvenir aux marges de ton "souffle",
si inatteignable est le LOGOS dont il émane
.







jeudi, 12 mars 2009

second jalon pour le voyage d'Éphèse

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ὁ ἄναξ οὗ τὸ μαντεῖόν ἐστι τὸ ἐν Δελφοῖς, οὔτε λέγει οὔτε κρύπτει  aλλὰ σημαίνει.

Le maître à qui appartient l’oracle de Delphes, ni ne dit ni ne cache, il signifie.


Héraclite d'Éphèse
,
Cité par Plutarque, Sur les oracles de la Pythie

mardi, 10 mars 2009

premier jalon pour le voyage d'Éphèse


ζησάμην ἐμεωυτόν.

Je me suis cherché moi-même.


vendredi, 06 mars 2009

à celui qui part

Hier, dans le lien de la "philia" grecque qui rassemble quelques-unes et quelques-uns de ma petite cité, j'ai reçu, en viatique, d'une amie très chère, cet écrit pour le voyage.
Elle ajoutait :
« Pour la route que tu prends et pour le retour... »

Lorsque tu te mettras en route pour Ithaque,
souhaite que long soit le chemin
et riche de péripéties, riche d'enseignements.
Quant aux Lestrygons, aux Cyclopes,
aux colères de Poséidon, ne les crains pas :
jamais tu ne trouveras rien de tel sur ta route
si reste haute ta pensée, si elles sont choisies
les émotions qui touchent ton esprit et ton corps.
Les Lestrygons ni les Cyclopes,
ni le farouche Poséidon ne surgiront à ta rencontre
si toi-même tu ne les portes en ton âme,
si ce n'est ton esprit qui les suscite devant toi.

Souhaite que long soit le chemin
et que nombreux soient les matins d'été
où — avec quelle délectation, avec quelle joie —
tu feras ton entrée dans un port nouveau pour tes yeux.
Touche à des comptoirs phéniciens
et acquiers de belles marchandises,
ambre et corail, nacre et ébène ;
des parfums capiteux aussi, de toute sorte,
autant de capiteux parfums que tu pourras.
Visite des villes égyptiennes en grand nombre,
apprends, apprends sans cesse auprès de ceux qui savent.

Que toujours Ithaque demeure en ta pensée :
y parvenir, voilà ta fin.
Mais à faire le voyage, n'apporte aucune hâte.
Mieux vaut qu'il dure de longues années
et qu'enfin, sur le tard, tu jettes l'ancre près de l'île,
riche de tout ce que tu as gagné en chemin,
n'attendant point d'Ithaque d'autres richesses.

Ithaque t'a donné le beau voyage,
tu n'aurais pas, sans elle, pris la route.
Maintenant, elle n'a plus rien à te donner.

Et si elle te paraît chétive, au moins elle ne t'a pas leurré.
Sage comme tu l'es, après tant d'expérience,
tu as déjà compris ce qu'elles signifient, les Ithaques.

Constantin Cavafis
Ithaque



jeudi, 05 mars 2009

rien de nouveau sous le soleil

La décision du Conseil Constitutionnel semble considérer comme normales les prérogatives que s'attribue l'homme de l'Élysée de nommer les responsables des services publics de radio et de télévision. Il n'y a pas à s'étonner de cette entaille.

En faisant mes bagages pour aller quelques jours à Éphèse, je feuillette Héraclite ;

μάχεσθαι χρὴ τὸν δῆμον ὑπὲρ τοῦ νόμου ὅκωσπερ τείχεος.
Le peuple doit combattre pour la Loi comme pour ses murailles.

Le peuple (τὸν δῆμον) doit (χρὴ) combattre (μάχεσθαι) pour (ὑπὲρ) la loi (νόμου) comme (ὅκωσπερ) pour ses murailles (τείχεος).
cité par Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 2.


Ça fait un sacré bail que le peuple ne se préoccupe plus de ses murailles, mais de son ventre. Alors la Loi ?

lundi, 23 février 2009

le récit athée

L'Odyssée, à l'instar de l'Iliade, est considéré comme un grand récit fondateur des structures narratives occidentales. Mais n'était-ce point là, manière d'occulter la portée philosophique d'Homère ?
S'opposant à l'épopée de Gilgamesh — s'en inspirant sans doute — s'opposant aux livres de la Genèse et de l'Exode, il est déjà confrontation du récit laïc aux récits religieux.
Premier récit "laïc" qui refuse l'immortalité, donc la foi et l'espérance qui sous-tendent l'aller à la Terre Promise des récits religieux.
L'Odyssée est l'épopée du "retour", retour et affirmation de la condition humaine et un refus de tous les Jardins d'Éden et d'ailleurs*.

Revenons maintenant à ce qui a été dit tant de fois d'Homère éducateur de la Grèce : qu'il est le germe de tout ce qu'on trouvera après. C'est le lieu commun classique, et c'est strictement vrai. Cela, nous le constatons avant même de commencer l'examen du contenu des poèmes, en voyant ce que sont ces textes, leur statut.
On peut le dire en très peu de mots : le texte « sacré » de la Grèce n'est pas un texte sacré. C'est déjà là une différence fondamentale par rapport à pratiquement toutes les cultures historiques que nous connaissons. Ce texte n'est pas religieux ni prophétique, il est poétique; l'auteur n'est pas un prophète, c'est un poète, c'est le poète. Ou, si vous préférez : le prophète de la Grèce, c'est un poète qui n'est pas aussi un prophète. Et, en un sens, quand on a dit cela, tout est dit.
Il est le poète, celui qui fait être. Et ce poète n'interdit rien, n'impose rien, ne donne pas d'ordre, ne promet rien : il dit. Et ce faisant, il ne révèle rien — il n'y a pas de révélation —, il rappelle.
Il rappelle ce qui a été et ce qui est en même temps le linéament de ce qui est, de ce qui peut être. Cela, il le rappelle à la mémoire des hommes...


Cornélius Castoriadis
Ce qui fait la Grèce
I. D'Homère à Héraclite
,p. 95.

* Dans le Livre de la Genèse, à la sortie du Jardin, refusant l'immortalité en transgressant la règle de la connaissance divine, l'Ève et l'Adam hébraïques sont encore sur la voie grecque d'Ulysse, mais, dans le même Livre, le retour au religieux va se faire très vite avec Abram et l'acceptation de la promesse du dieu.