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jeudi, 29 mai 2008

Chronique portuaire de Nantes XCVI

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830

1821. — CHEVAL OU VAPEUR, LE BATEAU ZOOLIQUE MÛ PAR DES CHEVAUX.

Que le cheval se soit trouvé en conflit avec la vapeur pour les transports terrestres, il n'est rien que de très naturel ; mais qu'il ait eu à lutter contre elle sur eau, pour mettre des navires en mouvement autrement qu'en les halant de la berge, c'est là un fait extrêmement curieux et susceptible peut-être de laisser le lecteur moderne sceptiques! l'on ne pouvait lui présenter des preuves certaines.

Le Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure du 3 novembre 1821 insérait en effet l’avis suivant :
« Bateau zoolique. — Le sieur P.-A. Guilland, breveté de S. M. pour l'invention des bateaux mis en mouvement par des animaux, prévient Messieurs les voyageurs qu'il vient d'établir sur l'Erdre un de ces bateaux pour servir de packet-boat entre Nantes et Nort, qui fera journellement le trajet d'aller et retour entre ces deux villes... » (1).
Et, dans le même numéro, le journal publiait en partie le rapport du secrétaire de la Société académique concernant cette curieuse invention. Un certain nombre de chevaux étaient enfermés dans la cale, et piétinant sur place sur un plancher mobile qui se dérobait sous leurs pieds, lui imprimaient un mouvement circulaire utilisé pour mettre en mouvement deux roues à aubes, analogues à celles déjà employées par les premiers vapeurs,

« Plusieurs expériences auxquelles ont assisté les membres de votre commission, — écrivait le rapporteur, — ont convaincu que le bateau, tel qu'il est à présent, et très susceptible de perfectionnements, refoulerait le courant avec une vitesse de 300 toises par heure et qu'il gouvernerait fort bien ».

La date de cette invention ajoute encore à son piquant. Elle était en effet une réponse aux premiers essais de navigation à vapeur, et son auteur, en présence des résultats alors peu satisfaisants de cette nouvelle force, estimait qu'après tout, une fois le principe des roues à aubes admis, le cheval était encore un moteur préférable à la vapeur. Tel était d'ailleurs, l'avis du rapporteur de la Société académique, qui concluait :
« Espérons beaucoup, Messieurs, des essais dont je viens de vous entretenir, et ne craignons pas d'encourager les capitalistes à les seconder, au moins comme tentative : car il doit en résulter la solution de celui des problèmes qui intéressent les fortunes de Nantes au plus haut degré » (2).

(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 3 novembre 1821.
(2) Journal de Nantes et de lu Loire-Inférieure, n° du 3 novembre 1821.
Séance publique de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, tenue le 3 septembre 1821, p. 53.
Séance publique de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, tenue le 19 décembre 1822, pp. 54-55.


RAPPEL
Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

Pages scannées par grapheus tis

mercredi, 28 mai 2008

confronté encore à l'illisible

Si Guyotat et son Tombeau m'ont fait claudiquer pendant de longues années — en clair jusqu'à quasi ces dernières, Coma, Formation et ses Carnets ouvrant enfin les chemins d'accès, comme je l'ai déjà écrit hier — je me reconnais, dans mes tentatives de lectures de Guyotat, une dette à Roland Barthes et son Plaisir du texte, dette dont le bénéfice s'étendit, et s'étend encore, à d'autres lectures.
Acquis à sa parution en mars 73, chez Mollat, à Bordeaux, le mince bouquin est totalement dépaginé, tant ouvert, réouvert, lu et relu.



Eu égard aux sons de la langue, l’écriture à haute voix n'est pas phonologique, mais phonétique; son objectif n'est pas la clarté des messages, le théâtre des émotions; ce qu'elle cherche (dans une perspective de jouissance), ce sont les incidents pulsionnels, c'est le langage tapissé de peau, un texte où l'on puisse entendre le grain du gosier, la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde : l'articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage. Un certain art de la mélodie peut donner une idée de cette écriture vocale ; mais comme la mélodie est morte, c'est peut-être aujourd'hui au cinéma qu'on la trouverait le plus facilement. II suffit en effet que le cinéma prenne de très près le son de la parole (c'est en somme la définition généralisée du « grain » de l'écriture) et fasse entendre dans leur matérialité, dans leur sensualité, le souffle, la rocaille, la pulpe des lèvres, toute une présence du museau humain (que la voix, que l'écriture soient fraîches, souples, lubrifiées, finement granuleuses et vibrantes comme le museau d'un animal), pour qu'il réussisse à déporter le signifié très loin et à jeter, pour ainsi dire, le corps anonyme de l'acteur dans mon oreille : ça granule, ça grésille, ça caresse, ça râpe, ça coupe, ça jouit.


Roland BARTHES
Le plaisir du texte,
p.104-105.
Seuil, 1973

mardi, 27 mai 2008

illisible ?

Je n’ai lu que des pans de Tombeau pour cinq cent mille soldats, je viens d’ouvrir seulement ces jours-ci Coma, c’est dire que je ne suis pas un lecteur assidu de Pierre Guyotat.
Ce n’est pas seulement parce que cette année, le Lieu Unique l’a inscrit dans son cours de littérature contemporaine que j’ai repris le Tombeau et acquis Coma: depuis les premières pages ouvertes et lues du Tombeau, alentour de 1967, cette écriture ne m’est pas sortie de la mémoire ; j’y suis revenu souvent par bribes.

Je me demande si mon intérêt pour Pierre Guyotat que j’ai un mal — littéralement — fou à lire, ne vient pas de la même curiosité que celle pour l’œuvre de Picasso dont je n’aime pas non plus les tableaux, qui est ma passion pour les “travaux en cours”, les “works in progress”, et que trop peu d’écrivains livrent au lecteur.
Quand Guyotat parle de son pétrin langagier, de “ses” musiques, de “ses” peintures, il me passionne.
Quand il lit ses textes, je retiens la scansion et la gravité du grain de sa voix. Mais je demeure hors de son sens, de ses sens.

Pour revenir sur cette difficulté à le lire — je n’avance pas, je n’avance plus, la notion d’illisibilité, mais sans doute suis-je un barbare indigne qui "n’ose point penser" — il y a la résistance de mes codes moraux, mais aussi, sincèrement, de ma sensualité : les logiques du maître et de l’esclave, de la prostitution, de la violence du blasphème, de la cruauté liée à la jouissance m’ont toujours questionné, sinon rejeté hors de leur penser même. Du moins m'en suis-je rejeté moi-même !
Je ne suis entré dans Tombeau pour cinq cent mille soldats que parce que et lui et moi avions en partage une sale guerre, que lui et moi, nous nous en sommes sortis par des voies autres, mais loin d’être opposées.

Mais, feuilletant Tombeau j’en pris plein la gueule.
Fin des années Soixante, vraiment non, ce n’était pas facile de tenter de telles lectures. J’en prends d’ailleurs toujours plein la gueule, mais l’âge, et chez l’auteur et chez le lecteur, doit atténuer les échardes mentales, les éraflures langagières. et les coups de cutter sexuels
Et puis, le discours universitaire, Guyotat lui-même, offrent désormais des chemins d’accès pour commenter, expliciter, élucider.
L’illisible de la langue française s’apprivoiserait-il ?

Toute mon empathie pour l’homme Guyotat se rassemble dans sa réponse au journaliste de Libé avec qui il s’entretenait en mai 2005 :
« J’ai fait si peu.»
Guyotat citait l'une des dernières paroles de Vincent-de-Paul interprété par Pierre Fresnay dans le film de Maurice Cloche, Monsieur Vincent.
Pierre Guyotat sera à Nantes demain soir. Oserai-je une adresse ?

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Post-scriptum :
Un bon, très bon dossier sur remue net et une vidéo de Guyotat à Paris VIII

samedi, 24 mai 2008

« Je vais t'apprendre à me lire. »

J'avoue, que dans la minute où, cette nuit, j'ai entendu, lors de l'émission de Veinstein, Du jour au lendemain, cette affirmation de Claro, j'ai failli m'arracher les écouteurs de mon MP3 des oreilles et bondir hors du lit, mon mental de lecteur libertaire profondément choqué par cette objurgation.
Cet homme que j'avais rencontré quinze jours auparavant au Lieu Unique et qui m'avait diablement séduit par sa conception de la traduction, avec qui j'avais échangé chaleureusement trop rapidement après son entretien avec une certaine Isabelle Rabineau aux belles cuisses d'albâtre — je partais en mer, le soir même, et "la marée n'attend pas le Roi "— cet Claro, donc, osait donc prétendre à la suprématie de l'Auteur sur l'absolue liberté du Lecteur.
C'était trop vite oublier que cet homme aux œuvres étranges est aussi sur son établi de traducteur un lecteur et la sentence — ce que j'avais entendu comme sentence — était précédée et... suivie de nuances qui rétablissaient le dialogue.
C'était à propos de Madman Bovary, objet de l'émission :


« Madman Bovary, c'est un livre sur l'expérience de la lecture... c'est un jeu perpétuel avec le lecteur,...un pacte...qui dit "Là, n'oublie jamais ; tu es en train de faire une lecture et je te le rappelerai en tant qu'auteur" parce que, à ce moment-là, mon écriture agit comme une lecture. Ce que je demande à un lecteur, c'est ce que j'aime bien qu'un auteur ME demande : "Si tu lis mon livre, je voudrais que tu apprennes à lire ma langue Claro, comme tu as aimé apprendre d'autres langues, parce que c'est moi qui vais te donner mes règles syntaxiques, mes règles grammaticales, mon rythme, mes sonorités."
C'est une forme d'apprentissage, une forme de confiance, une forme aussi de cécité, d'abandon...
J'ai une écriture qui essaie de cogner comme une porte contre le lecteur.
»


Ayant entendu cela et l'ayant, je crois, ressenti compris, j'ai pensé à Jean-Louis Godard, à cette séquence d'À bout de souffle, Belmondo au volant de sa voiture, détourne son regard de la route et nous regarde, nous, spectateurs interpellés, Godard, à l'instar de Claro, nous disant : « Je fais du cinéma, vous êtes au cinéma ! ».*

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Ce que Claro auteur, traducteur, dit et écrit de notre rapport à la Langue, à nos "langues" m'a préparé à la confrontation prochaine avec l'homme du Tombeau pour cinq cent mille soldats, cette épopée infernale que j'ai vécue, en ses fins sans doute de manière autre que celle de Pierre Guyotat, que d'aucuns disent homme d'une impensable douceur.
Comme Claro d'ailleurs et sa si jolie compagne, la cinéaste Marion Laine dont le film "Un cœur simple" aurait mérité de demeurer quelques semaines de plus sur les écrans nantais.
Un Flaubert filmé aux antipodes de son "voyou langagier" de compagnon ! Mais l'harmonie des contraires, c'est aussi ce qui fait le bonheur de rencontrer certains couples et leurs œuvres.


• Aller lire le Clavier cannibale. Dommage la "Femme au perroquet" de Gustave Courbet n'y est plus !

*Plus trivialement, Godard fait dire à son héros : « Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la campagne, allez vous faire foutre ! »

jeudi, 22 mai 2008

un iMac : le dernier Mac ?

Il est bien beau, l'iMac, le cinquième dans la généalogie de "mes" Mac.

En 1991, le LC 2, qui façonna les minces brochures des Ateliers du Gué, les manuels de maraîchages pour les centres d'alphabétisaton de la Communauté rurale de Baalu et leurs Groupements féminins.
En 1994, le PowerBook 150, qui fit le Sahel avec un petit panneau solaire qui rechargeait la batterie ; il fut sûrement le premier ordinateur à fréquenter ces rives du Sénégal aux confins du Mali et de la Mauritanie ; je l'embarquai pour les Iles-sous-le vent, les Marquises et la traversée du Pacifique. Il me suivit dans les rias de Bretagne, des Asturies et de Galice
En 1996, le Mac Perfoma 6320 fut l'ordinateur de la petite édition et des premiers surfs sur La Toile à l'aide d'un Olicom Speed'Com 2000, celui de la lecture des premiers CD et de l'installation, fin 2000, du premier site Dac'hmat ; c'était sur AOL et il en reste quelques vestiges.
En 2002, l'iBook 15 pouces embarqua, sur le voilier, pour la virée ibérique, petit Mac des premières images numériques et des balbutiements informatiques de Noémie et de Célia.

Les uns et les autres avaient été précédés, dès 1987, par deux énormes Thomson TO 16 avec une unité centrale sans disque dur, à double lecteur de disquettes — une "système", le DOS, une "programmes" : les ELMO de l'Association française de lecture — ; ils s'ajoutaient aux caisses de bouquins, chargées de poètes, de philosophes, d'historiens, de romanciers, d'anthropologues, d'ethnologues, de sociologues, d'ornithologues, de botanistes, de jardiniers, de grammairiens, de musiciens, d'essayistes, de peintres, de photographes, de voyageurs, de pédagogues, avec des modes d'emplois pour mieux lire, mieux écrire, mieux vivre.
Tous objets dont le transport quasi hebdomadaire ne lubrifiat point la charpente vertébrale du bonhomme, mais apportèrent quelque facilité de vivre et de penser à celles et ceux qui feuilletèrent les bouquins et déroulèrent les écrans..

J'avoue avoir eu autant de bonheur à ouvrir le carton de mon bel iMac que, naguère, j'en avais à déchirer les papiers des colis de bouquins que je recevais au fin fond de ma forêt côte-d'ivoirienne et sur les pitons d'Algérie.

Il est là, avec dans la minceur de sa dalle, les poètes, les philosophes, les historiens, les romanciers, les anthropologues, les ethnologues, les sociologues, les ornithologues, les botanistes, les jardiniers, les grammairiens, les musiciens, l les essayistes, les peintres, les photographes, les voyageurs ; moins de pédagogues depuis que j'ai foutu la pédagogie aux orties ! Le livre des Feux et l'Annuaire des marées !
Il est ma bibliothèque-cinéma-librairie-centre documentaire. Il est mes postes et télécommunications, je ne veux pas qu'il soit la télévision. Il est mon écritoire, mon lutrin, mon agenda, mon livre de bord, mon scriptorium. Les règlages, les "migrations" de disques durs à son disque dur, les sauvegardes, les chargements... les raffinements m'ont bien pris sur le temps du blogue une bonne semaine. Ce n'est pas tout à fait achevé.

Mais voici, je me mets à écrire ! Enfin.

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Chronique portuaire de Nantes XCV

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1820. — LE BRICK NANTAIS LES " DEUX-SŒURS ".

Le baron de Vaux, vice-consul de S. M. Britannique à Nantes, adressait, en janvier 1820, au Préfet de la Loire-Inférieure, une lettre par laquelle il lui témoignait toute la satisfaction avec laquelle le gouvernement anglais se plaisait à reconnaître le dévouement du capitaine Lucet et des matelots du brick nantais les Deux-Sœurs, dans le sauvetage du brick anglais FRIENDS, chaviré en mer le 29 novembre 1819.
Il lui transmettait, pour l'équipage du navire nantais, une gratification de 1.247 fr, 50 provenant du Lloyd et des intéressés ; et le priait de lui faire connaître les noms des officiers et matelots les plus méritants, que S. M. Britannique désirait récompenser spécialement (1).


LE VAPEUR AMÉRICAIN LE " TRITON ".

Dans le courant de 1820, le bateau à vapeur américain le Triton, venu de Bordeaux, remonta la Loire et vint à Nantes où il fit une excursion à Paimbœuf à la vitesse alors considérable de près de deux lieues à l'heure.
Le Triton excita une admiration très grande en ville et un nombre considérable de curieux vinrent le visiter.
La même année, un membre de la Société académique, M. Testier, avait déjà présenté « un modèle de canot ou embarcation contenant un appareil de mouvement propre à lui faire remonter le courant des rivières, et qui pouvait être mis en jeu par une pompe à feu ou par quelqu'antre agent qu'on y adapterait. »
M. de Tollenare, un autre membre de la Société académique, profita de la présence du Triton à Nantes, pour réclamer rétablissement à brève échéance de bateaux à vapeur sur la Loire (2).
_______________________________________________________________________
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n°du 23 février 1820.
(2) Séance publique de la Société académique du département de la Loire-Inférieure, tenue le 3 août 1820, pp. 79-83.
Annales de la Société académique, Année 1838, p. 90.

jeudi, 15 mai 2008

Chronique Portuaire de Nantes XCIV

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1819. — NAUFRAGE DE LA " SOPHIE ".

Parti de Nantes, le 14 mai 1819, pour Bahia, le brick la Sophie, de 131 tx., armateurs MM. Le Quen et Cie, capitaine Robert Séheult, faisait naufrage au commencement de juin dans les environs de Ouled-Limi, à dix ou douze journées de Mogador. Une partie de l'équipage s'embarqua dans une chaloupe, et fuyant la côte inhospitalière du Maroc, se dirigea vers le Sud, et fut assez heureux pour atterrir aux Canaries, après une longue et dangereuse traversée.
Le capitaine Séheult, un passager du nom de Clochelet, deux autres Français et deux Portugais, dont un prêtre, restèrent à bord du navire désemparé qui ne tarda pas à venir à la côte et s'échoua sur la plage africaine.
Une nuée d'Arabes l'entourèrent bientôt, le mirent complètement au pillage, et, s'emparant des six naufragés, les vendirent à un cheik du nom de Biruch, qui les emmena dans l'intérieur.

La peste faisait rage alors dans cette contrée, et le cheik, craignant de perdre ses prisonniers et de n'en tirer aucun profit, leur facilita les moyens de négocier leur rachat.
Ignorant la présence à Mogador d'un agent français, les naufragés de la Sophie firent parvenir au consul anglais de cette ville un exposé de leur situation, exprimant l'espoir d'être promptement arrachés à leur captivité. Ce fonctionnaire avisa son collègue français, et les deux gouvernements s'empressèrent de donner des ordres pour le rachat des captifs et entamèrent des négociations avec le cheik qui, indisposé contre ses prisonniers par suite de l'indélicatesse de l'un d’eux qui lui avait dérobé douze roublons, et averti, d'autre part, de leur état de fortune et de leur rang par leurs imprudentes paroles, exigeait pour leur rançon la somme énorme de 3.000 piastres fortes.

Pendant les pourparlers, le Roi de Maroc, instruit de l'événement par le pacha de Suz, mit tout en œuvre pour hâter la délivrance des captifs faits sur ses côtes, et voulut payer lui-même leur rançon. Il compta au cheik Biruch 500 piastres fortes par prisonnier, et le 13 novembre, les six naufragés de la Sophie entraient en rade de Tanger, d'où un navire de Marseille les ramena en Europe (1).
___________________________________________________________________________
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n°3 des 28 septembre, 9 et 11 octobre 1819, et 4 janvier 1820.

jeudi, 08 mai 2008

en mer

Matin lavé comme l'épouse. Et la couleur au monde restituée : entremetteuse et mérétrice ! La mer est là, qui n'est plus songe.

Saint-John Perse


Ce, jusqu'à mercredi 14 mai.

Chronique Portuaire de Nantes XCIII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1818.— LE PAQUEBOT NANTAIS L' " HYPPOMÈNE ".

En août 1818, le trois-mâts l’Hyppomène, de 400 tx., armateur Bryand, construit par Bonnissant et lancé le 20 juillet, quittait Nantes pour se rendre à Paimbœuf, où il devait terminer son armement et prendre ses derniers passagers. Il était commandé par le capitaine Ailliot, et devait se rendre à la Nouvelle-Orléans en touchant à la Havane.
« Ce paquebot,— écrivait la Feuille Commerciale de Nantes,— a des formes très agréables et paraît promettre une bonne marche ; il est orné en dehors, aux deux extrémités et dans l'intérieur, avec un goût infini. Les portes de la chambre dite du conseil sont en fer et en forme de flèches, et les trumeaux des fenêtres sont en glaces. Cette chambre est décorée en sculptures de pâte dorée ou peintes. Ce genre de décorations rappelle celles du navire la Loire, capitaine Gautreau. Un nombre infini de curieux ont été voir, avant son départ, l'Hyppomène, qui, distribué à la manière des paquebots anglais, peut contenir jusqu'à 80 passagers » (1).


SECOURS AUX NOYÉS ET ASPHYXIÉS EN 1818.

Le Joumal de Nantes et de la Loire-Inférieure des 12, 15 et 19 juillet 1818 contient une amusante polémique entre deux étudiants en médecine et le professeur Darbefeuille au sujet dutraitement applicable aux noyés et asphyxiés par immersion.
Tandis que les premiers, s'appuyant sur les autorités médicales alors en honneur à l'École et sur l’enseignement de leurs professeurs, préconisaient la saignée à la jugulaire et le lavage de l'intestin à l'essence de tabac, le second, au contraire, combattait ces deux médications ; la saignée comme n'ayant d'autre résultat que d'affaiblir encore plus le malade, et l'emploi du tabac comme capable tout au plus de l'empoisonner.
Sans doute on ne s'étonnera nullement de voir figurer la saignée dans le cas d'asphyxie, étant donné qu'elle figurait encore dans la plupart des traitements médicaux ; mais, en ce qui concerne l'emploi du tabac, soit en lavages, soit en fumigations, quelqu'étrange que cela puisse sembler, on lui reconnaissait alors une influence très salutaire en cas d'asphyxie par immersion ; des boîtes de fumigation contenant les préparations de tabac et les appareils destinés à les employer étaient même placées de distance en distance le long des quais, par ordre du gouvernement, et au même titre que les gaffes et ceintures de sauvetage.

Après de nombreuses discussions pour et contre, le journal terminait la polémique par une lettre humoristique d'un pseudo-malade ; ce dernier, forcé par son médecin à prendre de nombreux bains en rivière, et soucieux de sa conservation, avait toujours, expliquait-il, pris le soin de se baigner à proximité des boîtes de fumigation et en présence d'un médecin ; mais, — ajoutait-il, — la polémique récente lui ouvrant les yeux sur l'incapacité de la médecine, il se jurait bien, désormais, de ne se mettre à l'eau que le plus loin possible des docteurs et des « boëtes de fumigation », pour éviter qu'un médecin ne se crût obligé de le saigner à blanc pour le rappeler à la vie, ou ne l'empoisonna de gaieté de cœur en lui brûlant sous le nez des quintaux de tabac (2).
_________________________________________________________________________
(1) Feuille Commerciale de Nantes, n°du 17 août 1818.
Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 21 juillet et 18 août 1818.
(2) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 12, 15 et 19 juillet 1818.

mardi, 06 mai 2008

dans les chemins creux de mes lectures

Je me suis laissé prendre au jeu des douze âges de mes lectures.
Ce FB est un ensorceleur qui appuie sur les sensibles touches et déclenche des mouvements littéRéticulaires de première bourre. Mais ce jeu a réellement commencé par une émouvante photographie de petite fille lectrice, manière de séduction de celle qui est une agitatrice notoire de LittéRéticularité quand contradictoirement elle a nommé son blogue Lignes de fuite.
(Pour ce concept, lire le blogue de son inventeur Berlol).
Allons donc sur tiers-livre tracer ou retracer nos "chemins creux de lecture".

Les heures précédentes, j'étais plongé dans les petits séismes langagiers que, désirant soigner une catastrophe amoureuse provoqué par le départ d'une certaine Esté, un certain Claro ébranle, ayant lu et relisant Madame Bovary et écrivant Madman Bovary, à l'instar de Gustave F. son ami ancien qui affirmait qu'il ne faut plus « être soi, mais... circuler dans toute la création dont on parle ».
Ce que réussit fort bien Claro, circulant, tour à tour, en élève studieux, en puce, en voyeur, en lecteur (quand même), en cinéaste — je ne cite pas les successives métamorphoses du § 93, page 82 & 83 — dans une radioscopie du roman de Flaubert, cette brute aussi sensible qu'une jacinthe et une plongée dans les remous d'une passion qui s'enfuit.

Au mitan du livre, l'apothéose d'une transsubstantiation : Claro, en 38 pages et 101 paragraphes à la numérotation décroissante de 100 à 0, s'approprie Homais, le corps d'Homais, l'âme d'Homais, le sexe d'Homais, qui rencontre Gustave F. qui l'entraînera chez Kuchuk-Hanem — mais est-ce bien la même hétaïre ? ... avant que le pseudo-Homais ne se suicide — suicidé ou mort d'un cancer du testicule gauche (siège pinéal du remords) ? — pour assister à ses propres funérailles et prononcer son propre éloge funèbre. .
La scène finale, « L'art scénique » ! réunit sous l'œil d'une caméra Emma et Esté (MA et ST ?).

Mais est-ce si sûr, ce que je viens d’écrire ? Dans le tohu bohu, le charivari des chapitres, des paragraphes à l’endroit, à l’envers, en miroir, des énumérations, des calembours et tous autres procédés littéraires, dans l'entrelacement ou la confusion volontaire des siècles XIXe, XXe et XXIe qui s’entrechoquent, ce n’est pas à l’arsenic que Claro s’est “shooté”, c’est à la Langue.
Et ça, ça me plaît.


Dans les nacelles de l’enclume
Vit le poète solitaire
Grande brouette des marécages.
René Char

lundi, 05 mai 2008

humeur, mais brève

Sur France Cul, évocation de ce que les journalistes appellent la "droitisation" des électorats européens.
Quand s'interrogeront-ils sur le glissement droitier des partis, naguère dits "de gauche" ?

Ô mânes de Jaurès !
(évoquées de ci, de là...)

Et un certain Moscovici d'un parti, qualifié encore (?) socialiste, professionnel en politique et ancien conseiller de la Cour des Comptes, qui en rajoute sur la nécessité du "CHEF" — il souhaiterait le devenir —.

Ô mânes des vieux Grecs ! (de ceux d'avant Philippe de Macédoine et de son fils Alexandre, bien sûr).
Ô cendres de Louise Michel et de mon bon Fernand Pelloutier !

dimanche, 04 mai 2008

Ganzo ? des mots qui inaugurent

Hier matin en lisant nonchalammment le programme des "ÉTONNANTS VOYAGEURS" pour la fin de semaine prochaine, à Saint-Malo, un nom qui surgit à propos d'un prix de poésie, Robert Ganzo... des textes qui remontent à la gorge, de lourde sensualité... les nuits sous les Tropiques...la Première femme... mots comme sculptures vivantes, polis comme des laves qui gardent brûlure des origines.
Je songe à un maraé marquisien envahi de fougères et de lianes, aux caféiers en fleur du Moronou, à l'irruption brutale et salvatrice des premières tornades qui ferment les saisons sèches.

..Et chante aussi que tu m'es due
comme mes yeux, mes désarrois,
et tes cinq doigts d'ocre aux parois
de la roche où ta voix s'est tue.
Le silence t'a dévêtue
— chemin d'un seul geste frayé —
et mon orgueil émerveillé
tourne autour d'une femme nue.

Première et fauve quiétude
où je bois tes frissons secrets
pour connaître la saveur rude
des océans et des forêts
qui font faite, toi, provisoire,
île de chair, caresse d'aile,
toi, ma compagne, que je mêle
au jour continu de l'ivoire.

Ton torse lentement se cambre
et ton destin s'est accompli.
Tu seras aux veilleuses d'ambre
de notre asile enseveli,
vivante après nos corps épars,
comme une présence enfermée,
quand nous aurons rendu nos parts
de brise, d’onde et de fumée.


Oui, vraiment, la femme Première
lors de mon premier et naïf matin du monde !

Le jour. Regarde. Une colline
répand jusqu'à nous des oiseaux,
des arbres en fleurs et des eaux
dans l'herbe verte qui s'incline.
Toi, femme enfin — chair embrasée
comme moi tendue, arc d'extase,
tu révèles soudain ta grâce
et tes mains saoules de rosée.
Tes yeux appris au paysage
je les apprends en ce matin
immuable à travers les âges
et, sans doute, jamais atteint.
Déjà les mots faits de lumière
se préparent au fond de nous;

et je sépare tes genoux,
tremblant de tendresse première...

Lespugue

jeudi, 01 mai 2008

Chronique Portuaire de Nantes XCII

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830


1817. — LE DUC D'ANGOULÈME ET LE " FILS-DE-FRANCE ".

Les 3, 4 et 5 novembre 1817, Nantes recevait dans ses murs le Duc d'Angoulème, Grand Amiral de France. Après avoir visité la Bourse, où il reçut les compliments du Commerce nantais, le Prince suivit la Fosse et se rendit aux chantiers Jollet où, à la demande de la Chambre de Commerce, il devait poser la quille d'un navire de 7 à 800 tx., destiné au commerce des Indes Orientales, et construit pour le compte de l'armateur Dobrée, consul des Villes Hanséatiques.

Arrivé au chantier, le Prince descendit de cheval et prit place sur l'estrade placée sous une tente magnifique qui couvrait toute la longueur de la quille. Cent ouvriers « uniformément vêtus » vinrent soulever l'énorme assemblage de madriers et, tandis qu'ils la portaient, le Prince, descendu de son siège, posa la main sur la quille et l'y maintint jusqu'à ce que les ouvriers l'eussent placée sur les tins.

Dobrée lui présenta alors une masse d'argent et le supplia d'enfoncer les premiers clous ; le Prince s'exécuta de bonne grâce, et, faisant le tour de la quille, frappa de sa masse d'argent les huit clous d'écarves préparés à l'avance, et qu'un maître charpentier vint ensuite assujettir. À la demande de Dobrée, le Prince consentit à ce que ce navire portât le nom du Fils-de-France ; puis il quitta le chantier au milieu des acclamations, après avoir félicité Dobrée de l'initiative qu'il avait montrée en tentant de nouveau l'armement des baleiniers et exprimé les vœux qu'il faisait pour que le Nantais, alors en cours de campagne, répondît à ses légitimes espérances (1).

Le Fils-de-France partit de Nantes le 4 juin, sous le commandement du capitaine Collinet, à destination de la Chine ; en 1819, il était sous les ordres du comte de Saint-Belin(2).

Le Fils-de-France fut longtemps considéré comme le type le plus parfait des long-courriers destinés au commerce de Chine ; et en 1869, M. de Connink, négociant au Havre, le prenait encore comme modèle du genre, dans son ouvrage sur la Marine à voile. Comme tous les navires construits à Nantes, il était loin d'avoir le « chic » des Bordelais ; mais, par contre, il était sensiblement meilleur marcheur que les navires sortis des chantiers de la Gironde.
Le capitaine Dubois-Violette qui le commanda, et en était l'armateur avec Dobrée, fut le premier capitaine européen qui pénétra dans le port de Canton quand il fut ouvert de nouveau aux Européens ; ce fut également ce même capitaine qui rapporta en Europe les premières mandarines (3).
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(1) Relation officielle de ce qui s'est passé à l’occasion du séjour de S. A. R. Monseigneur le Duc
d'Angoulême dans la ville de Nantes, les 3,4 et 5 novembre 1817.

(2) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 20 juin 1818.
(3) Communiqué par M. François Josso, petit-neveu du capitaine Dubois-Violette.