jeudi, 26 juin 2008
Chronique portuaire de Nantes C
Du Commencement du XIXe Siècle à 1830
1823. — VAPEURS NANTAIS EN 1823.
Au début de la belle saison les vapeurs la Loire et la Maine, les deux premiers vapeurs construits à Nantes, partant de la cale du Port-Maillard et remontant jusqu'à Angers, et le vapeur le Courrier, desservant Paimbœuf et Saint-Nazaire, reprirent leur service. En réponse à certains bruits qui couraient dans le public, les directeurs firent publier dans le Journal qu'aucun d'eux n'était Anglais ou Américain, ainsi que leurs adversaires le prétendaient.
Une société rivale s'était en effet fondée sous le nom d' « Entreprise Française », et ses vapeurs , l'Angevin et le Nantais, partant de la cale de la Poissonnerie, desservaient également la Haute-Loire et Angers.
La première société fut incapable de soutenir la concurrence ; et dans les premiers jours d'août ses trois vapeurs étaient mis en vente et cessaient leur service. Tous ces vapeurs étaient munis de « bons restaurateurs » et ne manquaient pas d'un très grand confort (1).
LES DERNIERS NÉGRIERS : LA "PETITE BETZY", LA “VIGILANTE" & L’ ”AGOBAR”.
Le 5 mars 1823, le tribunal correctionnel de Nantes prononçait la confiscation de deux navires nantais : la Petite-Betzy, capitaine P***, armateur M. Julien D"', et la Vigilante, capitaine B***, armateur M. M*** , pour contravention à la loi prohibitive de la Traite des Noirs.
Ces deux navires chargés, le premier de 218 et le second de 345 nègres et négresses, avaient été surpris dans la rivière de Calaar, près de Boni, par les embarcations armées de la frégate anglaise I'IPHIGÉNIE et de la corvette de même nationalité le MIRMYDON,
Après un combat d'une demi-heure, pendant lequel un grand nombre de nègres furent tués ou dévorés par les requins, tandis qu'ils tentaient de gagner la côte à la nage, le lieutenant Mildmay, commandant les chaloupes anglaises, parvint à s'emparer des deux Nantais qui furent conduits en Angleterre et de là en France où ils furent condamnés et confisqués (2).
En dépit de l'étroite surveillance des Anglais qui, avant de se constituer les gendarmes de la Traite, avaient assuré l'avenir de leurs colonies par une importation formidable de noirs, et avaient organisé pour la conservation de leurs esclaves de véritables « haras » de nègres, — le mot fut maintes fois employé, comme la chose, — un certain nombre de négriers nantais continuaient encore au début du XIXe siècle leur hideux trafic.
Quelques mois, en effet, après la capture de la Petite-Betzy et de la Vigilante, un autre négrier nantais, l'Agobar, capitaine M***, était également saisi et sa confiscation prononcée par la cour spéciale d'appel de la Guyane Française (3).
Toutefois, les derniers négriers que Nantes pouvait encore posséder, ainsi d'ailleurs que Bordeaux, La Rochelle et le Havre, disparurent peu après cette date. L'on peut affirmer, semble-t-il, qu'en 1830, la Traite des Noirs était définitivement abolie, en fait comme en droit.
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 11 avril, 29 avril et 2 août 1823.
(2) VATTIER d'AMBROYSE, Le Littoral de la France. Côtes Vendéennes, pp. 409 et suiv.
(3) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 1er juillet 1824.
RAPPEL
Ces chroniques sont tirées de
Marins et Corsaires Nantais
par Paul Legrand
Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs
7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908
Pages scannées par grapheus tis
Commentaires du “scanneur” :
Pudique, notre bon chroniqueur ; sans doute, se doit-il, encore en 1908, de ménager quelques familles d’armateurs et de capitaines nantais.
D’où, les *** suivant les initiales des noms propres !
12:00 Publié dans Les chroniques portuaires | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 21 juin 2008
viatique pour un cabotage
Dimanche, j'embarque pour un premier cabotage estival : nous n'irons guère au-delà du Raz-de-Sein.
Ce sera un cabotage "studieux" je m'engage à achever ma chronique d' Algériennes* pour la fin de l'an et je souhaite poursuivre jusqu'à la sécession de Chabani en avril 1964.
J'emmène un mince viatique de lectures : le Livre II des Essais de Montaigne, Mars ou la guerre jugée de Alain, pour éclairer et creuser ce qui me paraît encore fort narratif dans l'évocation de ces années de merde et de feu.
J'allégerai les heures d'écriture avec le Cendrars de chez Seghers dont je compte bien publier la note dans "Poètes, vos papiers !" pour septembre.
J'avoue que je troue ma chronologie de découverte des poètes, sautant et Pessoa et Reverdy ; je les remettrai sur l'établi à l'automne.
Curieusement, je laisse sur ma table trois petits bouquins, acquis hier après beaucoup de tergiversations.
Souvent, j'hésite à confronter à des lectures universitaires des lectures qui me furent — et me sont encore — des chemins de traverse n’appartenant qu’à moi seul, inaugurées seules sans jalons autres que les premières pages et quelques lignes glanées au gré des feuilletages, qui sont peut-être mes lectures des trois derniers auteurs achevant le cycle des découvertes du siècle passé, qui me creusent et m’amplifient.
Les écrivants du XXIe m’indiffèrent, me laissent froid.
Je lis Annie Ernaux depuis 1974, et mon commencement, ce fut Les armoires vides.
Je lis Pascal Quignard depuis 1987, et je ne sais quoi de La leçon de musique, ou des Tablettes de buis d’Apronenia Avitia m’amena à accumuler, en poche, les Petits Traités et autres minces recueils.
Je lis François Bon depuis 1990, et La folie Rabelais, Daewo ,Tumulte , respectivement, me relancèrent dans mon adolescence qui se rêvait rabelaisienne, dans mes traces vécues de culture ouvrière et dans le tohu bohu d’un monde écrit qui advient.
Ils seront, en septembre, tous trois, sur la table du retour et leurs livres dégringoleront des étagères pour les confrontations, qui, je ne le nie point, lèveront des horizons que, solitaire, ma lecture n’eût pas découverts.
J’aavoue qu’au fond du sac marin, il y aura, comme à chaque départ, un Char pour les rocs et un Saint-John Perse pour les houles.
Le sang est à quai. À chaque époque ses lesteurs.
René CHAR
Moulin premier, XXXI
Que les vents vous soient favorables !
* Quelques extraits d'Algériennes sont lisibles sur le site SPIP — rudimentaire ! — de grapheus tis
10:52 Publié dans les lectures, les marines, quelquefois Quignard | Lien permanent | Commentaires (3)
jeudi, 19 juin 2008
Chronique portuaire de Nantes XCIX
Du Commencement du XIXe Siècle à 1830
1822. — LE BATEAU ZOOLIQUE.
Malgré l'apparition de services réguliers de vapeurs, le bateau zoolique, toujours mu par ses chevaux, n'en continuait pas moins son service de Nantes à Nort.
Le 15 septembre 1822, en effet, le propriétaire-inventeur de ce bizarre attelage nautique, auquel on avait reproché d'avoir négligé de se porter au secours d'un noyé, malgré ses cris, répondait par la voie du Journal, qu'il n'avait pu les entendre, en raison du tapage de ses passagers, qui « s'avisèrent, suivant une pitoyable manie trop fréquemment pratiquée sur la rivière d'Erdre, de proférer des paroles grossièrement injurieuses, qui pourtant n'avaient aucune direction connue », et — ajoutait-il, — lorsqu'il avait pu faire cesser leurs « vociférations », il n'avait plus entendu aucun appel.
En homme éminemment pratique, d'ailleurs, le sieur Guilbaud, inventeur du bateau zoolique, ajoutait : « Je profiterai de cette occasion pour faire connaître que le bateau zoolique continue à faire avec exactitude le trajet de Barbin à Nort comme par le passé » (1).
VAPEUR À RAMES ET MOTEUR SANS PISTON.
Dès 1821, M. Testier avait présenté à la Société Académique un modèle de rames à charnière, que M. Fautrat appliqua de suite à un bateau qu'il fit construire, et pour lequel il prit un brevet d'invention (2).
En 1822, la Société Académique constatait que ce dernier, qui « travaille avec une louable persévérance au problème de la navigation de la Loire eu égard à son peu de profondeur », avait présenté un rapport extrêmement intéressant, dans lequel il exposait à la Société Académique deux de ses inventions récentes.
« L'une, — expliquait le Secrétaire de la Société, -—- a pour objet la substitution des rames à charnières, imitant le mouvement des palmipèdes, aux roues à aubes déjà connues », l'autre visait « un nouveau moteur dont l'eau, réduite en vapeur, serait le ressort, mais dont la construction, ne comportant point de piston, serait infiniment plus simple que celle de toutes les machines à vapeur construites jusqu'à présent (3).
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 15 septembre 1822.
(2) Procès-verbal de la séance publique de la Société Académique, tenue le 3 septembre 1821, pp. 52-3.
(3) Procès-verbal de la séance publique de la Société Académique, tenue le 9 décembre 1822, pp. 57-9.
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mercredi, 18 juin 2008
retour à Essénine
Ces temps-ci, il y a quelque activité dans les commentaires autour de ma note sur Sergueï Essénine, le 17 octobre 2005 ; il est vrai que Google répertorie grapheus tis en première page entre Wikipédia et Poézibao.
Je ne me fais aucune illusion sur la notoriété de mon blogue ; cette fréquentation, assidue — quand je consulte les mots-clés utilisés par mes visiteurs — et souvent chaleureuse, n’est due qu’à la rareté des écrits en langue française sur le poète russe. Et puis je ne faisais en cette note que rendre compte de ma fréquentation régulière d’un vieux bouquin (1959) de chez Seghers.
Je ne suis guère, ces jours, constant dans l’écriture du blogue. Les Rencontres du Fleuve et la préparation des petites errances marines de l’été, les expositions qui bouclent les activités annuelles des ateliers fréquentés par Nicléane et les soins exigés par un jardin qui jusqu’alors n’avait guère été aussi “cultivé” accaparent en le fatiguant légèrement le bonhomme qui rechigne au clavier du soir.
Mais ces deux ou trois commentaires sur la note d’Essénine m’incitent à remercier ces visiteurs en rendant doublement hommage et à René Guy Cadou qui m’amena au poète russe et à Essénine lui-même, en publiant l’intégrale de l’Ode à Serge Essénine que l’instituteur et poète nantais écrivit en 1949.
L’Ode est sans doute un peu longue pour une lecture sur blogue, bien au-delà des deux “écrans” que j’estime être le possible de lisibilité.
À dérouler le “volumen” vertical, donc, lentement au rythme nostalgique des quatrains.
Il y a tant d’affinités entre ces deux-là dans la sensualité des campagnes, le goût des boissons fortes et l’amitié des bêtes.
Ode à Serge Essénine
Qui se souvient des journaux de 1925 ?
Une feuille égarée fait rage dans la cour
Et l'automne l'automne démantelle les tours
Le poète Essénine s'est tué
À cinq ans j'appris à lire
Avec maman dans le journal
Oh sûrement j'ai lu mon Serge
L'annonce de ta mort brutale
Un soir de lampes à pétrole
Et de tableaux mal effacés
Là-bas dans la petite école
A la limite du passé !
Mon fils sera — noblesse oblige !
Instituteur dans un hameau
Qui reconnaît pas dans la neige
Saura dénouer liens du cerveau !
Ainsi parlait Père Essénine
Dans la Russie de Nicolas
Ignorant certes que Pouchkine
Sur son cheval menait son gars
À travers nuit gel et villages
Et dans le temps cerclé de fer
Vers un château de sept étages
Sous les mélèzes de l'enfer !
J'ai vécu comme toi parmi les hordes villageoises
Ô Serge et j'ai bien écouté
Les chiens qui boivent dans l'écuelle de la lune
À l'odeur d'églantine et de menthe coupée
Je t’apporte un printemps tout neuf ô mon Poète
Et tel que n'en connut la ferme de Riazan
Alors que ceint de cuir tu promenais tes bêtes
Le long d'un abreuvoir de lumière et de sang
Ah ! dis bonjour à cousin Serge cheval triste
Par ton amour au moins qu'il soit récompensé
D'avoir osé prétendre à la flamme des lys
Quand le jour s'est éteint sur des poissons séchés !
L'Impératrice a beau sourire il faut qu'il chante
L'étable de famille et le monde écrasé
Sa tristesse d'enfant ses cheveux pleins de lentes
Alors que la nature est si belle à côté
Essénine Augustin ! le Serge du Grand Meaulnes
Lorsqu'il eut parcouru mille lieues avec toi
La bride sur le cou de son cheval fantôme
Se retrouva plus seul et plus pauvre à la fois
Mais là-bas quelque part en la Russie du rêve
Dans les salles du temps préparées pour un bal
Tu te dresses soudain et tu brises les verres
Comme un voyou d'enfant jette en passant des pierres
Un soir de nostalgie dans les vitraux du lac
Et tu ris sans cesser de pleurer sur toi-même
Voleur d'un astre d'or par le brouillard volé
Qui traînes tout au long des nuits et des semaines
Le regret d'un pays et d'un cœur embaumé
Maints crapauds chantent sous la lune
On dirait un piano cassé
Un morceau de songe qui flotte
Au bord d'un ciel tout rapiécé
Père Essénine pense à Serge
Quand il était encor gamin
Entortillé de bonne serge
Que mère tailla de sa main
Où est-il ce pauvret bizarre
Qui délaissant bœuf et cheval
S'agenouillait au bord des mares
Comme un atteint du cérébral ?
Les uns disent qu'il se promène
Dans la grand'ville en chapeau rond
Avec des femmes pas honnêtes
Qui lui auront tripe et rognons !
Mais Serge a mal de vivre ainsi Le grand poète
Se souvient de la ferme adorée et du prêtre
Qui officiait tous les dimanches au hameau
Où son passé est frais comme un cœur de bouleau
II est ivre il a pris un fiacre sans un sou
II se sent l'âme négligée et dans la chambre
Titubant de douleur il se jette à genoux
Devant l'icône pâle et le bougeoir à branches
« Mon Dieu ! Mon bon copain ! Petit Père ! Ô mon Dieu !
Quelle nuit ! Quelle nuit ! Je meurs si je m'accuse
Ferme sur mon présent l'herbe bleue de tes yeux
Je suis damné ! Mais si tu crois que je m'amuse !
Rengagé du destin dans la gare du doute
Sur la banquette étroite et glacée du matin
J'attends de voir paraître au détour de la route
Comme un ballon de rhum la lanterne du train
J'arrive dans le jeu de quilles du village
Ah ! pauvre pauvre chien ! Tel qui songe à des os
Trouve un croûton de lune amère qui surnage
Sur la coupe d'un ciel immanquablement beau
II a neigé durant trois ans
Sur le visage de ma mère
Et ses cheveux sont aussi blancs
Que les cailloux du cimetière
Ayez pitié d'un faux aveugle
Qui délaissant mère et maison
S'en est allé veule et tout seul
Frapper à l'huis des horizons
J'ai connu Moscou la cruelle
Et les matins en troïka
Lampe à gaz ne vaut point chandelle
Quand elle brûle tout là-bas
Au bord du monde entre deux saules
Et que dans l'aube pour mourir
Elle se penche sur l'épaule
D'un enfant en mal de dormir !
Adieu charmante Isadora
Qui dansait comme on tord un linge
Serge mort tu le danseras
Devant un parterre de singes
Tu diras à l'Américain
Pourvoyeur de destins illustres
Que j'ai soufflé un beau matin
Les vingt-neuf bougies de mon lustre
Que je suis mort d'avoir aimé
La beauté mon pays natal
Pauvre homme d'ange fourvoyé
Parmi les enfants de la balle ! »
VIII, 1949
in Hélène ou le règne végétal (1960)
Post-scriptum :
Le lundi 26 mai de cette année, ARTE a diffusé un documentaire sur le dernier (?) grand amour de Essénine : Isadora Duncan : je n'ai fait que danser ma vie. En fin d'émission, une trop brève allusion à la passion de la chorégraphe et et du poète.
13:56 Publié dans Cadou toujours, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 12 juin 2008
Chronique portuaire de Nantes XCVIII
Du Commencement du XIXe Siècle à 1830
...et en l'an 2008 !
1822. — " LA LOIRE " LE PREMIER VAPEUR CONSTRUIT À NANTES.
Le Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure du 25 mai 1822 publiait l'avis suivant :
« Le premier bateau à vapeur construit dans cette ville, dans le chantier de M. Guibert, et qui sera lancé très prochainement est, dit-on, destiné à la navigation de Nantes à Paimbœuf ».
Ce navire appelé la Loire, et construit pour le compte d'une société, dont MM. Strobel et Fenwick, consuls des États-Unis, l'un à Bordeaux, l'autre à Nantes, étaient les promoteurs, fut lancé le jeudi 6 iuin 1822, « en présence d'un immense concours d'habitants, répandus de toutes parts sur la Loire dans de petites embarcations, sur les îles voisines du chantier, et sur tous les quais de la Fosse.»
Après des essais très satisfaisants, auxquels assistèrent le Préfet et les autorités de la ville, la Loire fut livrée au public ; et MM. Strobel et Fenwick organisèrent, le 21 juin, un premier voyage dans la Basse-Loire.
« Ils y avaient réuni vendredi dernier, — rapportait le Journal, — une nombreuse et brillante société de dames pour faire la promenade de Nantes à la Basse-Indre. Nous y avons compté cent-cinquante-quatre personnes placées sur le pont par groupes sans symétrie, cependant toutes à l'aise, et laissant entre elles des intervalles suffisans pour une commode circulation. Le bateau présentait alors le coup-d'œil d'une grande corbeille de fleurs flottant au milieu des eaux.
Tout en remarquant l'heureuse disposition des appartements destinés au passagers, on saisissait sur la physionomie des assistans un sourire approbateur, donné à l'élégance des salons communs, et notamment à celui réservé pour les dames. On voyait que ce sourire exprimait quelque gratitude pour des canapés bien moelleux, pour des glaces répandues avec profusion, enfin pour mille petits actes de prévoyance, dont l'absence aurait peut-être passée inapperçue, mais dont la jouissance, une fois connue, sera désor mais une nécessité......
Tout le monde se plaira à rendre justice à MM. Strobel et Fenwick, en affirmant qu'aucun mouvement de progression n'est
plus doux que celui imprimé par leur machine à vapeur...... La secousse périodique des rameurs, l'impulsion intermittente du vent même sur les voiles seront désormais considérées comme des inconvéniens, quand on les comparera à l’égalité constante de la marche du nouveau bateau. Aucune dame n'a pu se plaindre un seul instant de la moindre incommodité.....
Promptitude, agrément et sécurité, voilà ce que nous offre le bateau la Loire. Il y a lieu d'espérer que ces motifs feront multiplier le nombre des voyageurs, condition nécessaire pour le maintien de l'entreprise ; il serait en vérité trop fâcheux que, faute d'être remplie, Nantes ne put conserver le précieux avantage que lui promet ce nouveau véhicule. »
Le 23 juin, la Loire, dont le confort était supérieur à celui de nos bateaux similaires modernes, qui n'ont ni profusion de glaces, ni salons pour les dames, entrait en service régulier de Nantes à Paimbœuf ; en même temps qu'elle accomplissait, de temps à autre, des voyages d'excursion dans la Haute-Loire et jusqu'à Angers.
En août 1822, le Journal annonçait que deux nouveaux vapeurs, plus grands que la Loire, étaient en construction au chantier Guibert, pour le compte de la même Société ; et qu'ils étaient destinés à faire le service régulier de Nantes à Angers. En septembre, un quatrième vapeur était commandé par MM. Strobel et Fenwick pour doubler la Loire, et l'on annonçait que cette Société se proposait d'en faire construire de nouveaux pour remonter la Loire au-delà d'Angers, tandis qu'une Société rivale en faisait construire trois autres aux chantiers de Paimbœuf.
Les constructeurs Trenchevent, Gaillard et Vince, suivirent bientôt l'exemple de Guibert ; et de nombreuses compagnies de navigation ne tardèrent pas à se fonder sur la Haute et Basse-Loire (1).
_______________________________________________________________________
(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 25 mai, 11 et 24 juin, 31 août,
28 septembre et 12 novembre 1822.
Annales de la Société Académique, Année 1898, p. 90
COMMENTAIRES de grapheus tis
Il est évident que notre cher Paul Legrand s'éloigne de plus en plus de son projet initial : recenser les chroniques des "polygraphes qui se sont occupés du passé maritime nantais" et plus particulièrement des marins et corsaires nantais.
Les navigations maritimes et fluviales, les constructions navales, les projets des armateurs, le comportement des marins et des voyageurs sont ébranlés par l'intrusion de la vapeur.
Toutes évolutions soulignées par Paul Legrand qui prennent, cent années après, l'allure d'une savoureuse contradiction. Et d'autant plus ces jours-ci quand la Loire "fluviale et maritime" connaît une animation rarement contemplée depuis cinquante ans.
D'autre part la navigation sur un bateau du type "côtre sardinier à gréement aurique" nécessite du temps consacré à l'amitié marine, aux manœuvres véliques et quelques efforts physiques qui pertubent la publication des notes de ce blogue.
L'écrivailleur ne peut être, à la fois, sur l'eau et dans son jardin !
Nota-bene : Les photos ont été prises par Nicléane à bord du « Marche-Avec », sardinier concarnois, patron A. Hémon.
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jeudi, 05 juin 2008
Chronique portuaire de Nantes XCVII
Du Commencement du XIXe Siècle à 1830
1822. — LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE ET LA NAVIGATION À VAPEUR.
Parmi les questions d'études figurant au concours de la Société Académique de Nantes pour l'année 1822, on relève en première ligne la suivante :
« Est-il possible d'appliquer à la navigation de la Loire jusqu'à Orléans l'invention des bateaux à vapeur, soit comme moyen de transport, soit comme remorqueurs ?... L'emploi des bateaux à vapeur offrirait-il de grands avantages, soit pour la célérité des transports, soit pour le moindre prix du fret ?
Leur établissement serait-il essentiellement nuisible au système actuel de navigation et à la formation des marins pour le service de l'Etat ?
Le prix, consistant en une médaille d'or, ne fut décerné qu'en 1823, au constructeur Trenchevent, non pour avoir répondu aux questions posées ; mais « pour avoir exécuté le premier (en mars 1823) à ses frais, risques et périls, sur le bateau à vapeur le Nantais un voyage dont la possibilité pouvait être mise en doute » (1).
(1) Annales de la Société Académique, Année 1838, p. 90.
Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 12 septembre 1820.
Note du scanneur :
Deux cents ans plus tard, ces jours-ci, pour les rencontres du Fleuve, certains d'entre nous recréent la navigation à voile à bord des gabarres, toues et autres fûtreaux ! Ce n'est pas le moindre paradoxe.
Note publiée à l'heure où, à Concarneau, le Marche-Avec largue les amarres pour le quai des Chantiers, sur le bras de la Madeleine.
08:00 Publié dans Les chroniques portuaires | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 03 juin 2008
les Rencontres du Fleuve
Demain, à Concarneau pour convoyer dans la fervente amitié marine, Le Marche-Avec, sardinier concarnois, qui remontera vendredi l'estuaire de la Loire pour participer aux Rencontres du Fleuve.
Aux quais des anciens Chantiers de la Loire, puis en semaine de Nantes à Paimbœuf, la batellerie fluviale croisera avec les vieux gréements de travail de la Bretagne-sud et du nord Vendée, sur un fleuve enfin assaini de la pollution de mars.
Et les Vikings seront de retour !
19:46 Publié dans les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 01 juin 2008
de la bonne chanson à l'opéra : pourquoi pas ?
Agréable, fort agréable soirée avec les ami(e), d’Arc-en-Sol. Ils ont fait des progrès énormes depuis l’an dernier : enfin des attaques bien marquées. Un programme nostalgique et doux à souhait avec la Ballade irlandaise, le Tourbillon de la vie, la Maman des poissons de Lapointe, Emmène-moi au bout de la terre qui évoquera toujours pour moi plus que le sympathique Aznavour, le torrentueux Blaise Cendrars, qui, lui, nous emmena au bout du monde.
Away, Haul Away manquait un peu de nerf : les gars d’Arc-en-Sol ne sont point hisseurs de drisse, ni brasseurs d’écoutes.
Mais cette soirée m’a glissé une foutue tristesse au cœur et je n’ai pu m’empêcher de penser à JeanJo qui, les autres années, mettait en page affiche et programme.
Vacheries maudites de la “Parkinson”, du désespoir et de la camarde !
Ce matin, par hasard, sur Arte, La grande parade d’Olivier Py : voilà un jeune (!) homme qui me raccorderait avec le théâtre, dont je ne gardais jusqu’alors que les vieux Grecs, Racine et Claudel.
J’ai le dvd de Tristan et Isolde qu’il avait monté pour le Grand Théâtre de Genève et qui sera joué à Nantes en mai 2009.
J’ai feuilleté sa traduction de l’Orestie qu’il met en scène d’ailleurs ces jours-ci,... mais à Paris.
Ah ! si Puig nous proposait de tels travaux de traduction en atelier de Grec ancien pour novembre prochain. nous avons terminé l’année sur le Phédon et les inévitables "Chant du Cygne" et "mort de Socrate."..
J’ai achevé la matinée par le premier acte de Cosi fan tutte, monté par Chéreau à Aix : à se diluer de bonheur — toujours dans la dominante nostalgique — à l’écoute de ces duos, trios, quintettes. Il y a du suave et du radieux dans ce génie de mettre en scène l’art de la réciproque tromperie amoureuse.
À ne rien comprendre aux crimes passionnels. Cosi, c’est l’anti-Tristan.
Quand Chéreau montera-t-il Tristan et Py, Cosi ?
La journée s’achève sur des suavités plus graves : celles que nous fait entendre depuis plus de quarante ans, Gustav Leonhardt auquel France Mu a consacré le dimanche en son entier.
Bref, une fin de semaine apaisante après les lectures tourmentées, mais dans un profond encore ignoré, salutaires, de Pierre Guyotat, lui-même passionné de musique.
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