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mercredi, 28 mai 2008

confronté encore à l'illisible

Si Guyotat et son Tombeau m'ont fait claudiquer pendant de longues années — en clair jusqu'à quasi ces dernières, Coma, Formation et ses Carnets ouvrant enfin les chemins d'accès, comme je l'ai déjà écrit hier — je me reconnais, dans mes tentatives de lectures de Guyotat, une dette à Roland Barthes et son Plaisir du texte, dette dont le bénéfice s'étendit, et s'étend encore, à d'autres lectures.
Acquis à sa parution en mars 73, chez Mollat, à Bordeaux, le mince bouquin est totalement dépaginé, tant ouvert, réouvert, lu et relu.



Eu égard aux sons de la langue, l’écriture à haute voix n'est pas phonologique, mais phonétique; son objectif n'est pas la clarté des messages, le théâtre des émotions; ce qu'elle cherche (dans une perspective de jouissance), ce sont les incidents pulsionnels, c'est le langage tapissé de peau, un texte où l'on puisse entendre le grain du gosier, la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde : l'articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage. Un certain art de la mélodie peut donner une idée de cette écriture vocale ; mais comme la mélodie est morte, c'est peut-être aujourd'hui au cinéma qu'on la trouverait le plus facilement. II suffit en effet que le cinéma prenne de très près le son de la parole (c'est en somme la définition généralisée du « grain » de l'écriture) et fasse entendre dans leur matérialité, dans leur sensualité, le souffle, la rocaille, la pulpe des lèvres, toute une présence du museau humain (que la voix, que l'écriture soient fraîches, souples, lubrifiées, finement granuleuses et vibrantes comme le museau d'un animal), pour qu'il réussisse à déporter le signifié très loin et à jeter, pour ainsi dire, le corps anonyme de l'acteur dans mon oreille : ça granule, ça grésille, ça caresse, ça râpe, ça coupe, ça jouit.


Roland BARTHES
Le plaisir du texte,
p.104-105.
Seuil, 1973

Commentaires

Barthes parle de l'illisible et du scriptible dans son "S/Z" -étude de la nouvelle de Balzac "Sarrasine". Les cinq premier chapitres refèrent à leur manière au "plaisir du texte".
Barthes...

Écrit par : Yo Chluck | jeudi, 24 juillet 2008

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