mardi, 27 mai 2008
illisible ?
Je n’ai lu que des pans de Tombeau pour cinq cent mille soldats, je viens d’ouvrir seulement ces jours-ci Coma, c’est dire que je ne suis pas un lecteur assidu de Pierre Guyotat.
Ce n’est pas seulement parce que cette année, le Lieu Unique l’a inscrit dans son cours de littérature contemporaine que j’ai repris le Tombeau et acquis Coma: depuis les premières pages ouvertes et lues du Tombeau, alentour de 1967, cette écriture ne m’est pas sortie de la mémoire ; j’y suis revenu souvent par bribes.
Je me demande si mon intérêt pour Pierre Guyotat que j’ai un mal — littéralement — fou à lire, ne vient pas de la même curiosité que celle pour l’œuvre de Picasso dont je n’aime pas non plus les tableaux, qui est ma passion pour les “travaux en cours”, les “works in progress”, et que trop peu d’écrivains livrent au lecteur.
Quand Guyotat parle de son pétrin langagier, de “ses” musiques, de “ses” peintures, il me passionne.
Quand il lit ses textes, je retiens la scansion et la gravité du grain de sa voix. Mais je demeure hors de son sens, de ses sens.
Pour revenir sur cette difficulté à le lire — je n’avance pas, je n’avance plus, la notion d’illisibilité, mais sans doute suis-je un barbare indigne qui "n’ose point penser" — il y a la résistance de mes codes moraux, mais aussi, sincèrement, de ma sensualité : les logiques du maître et de l’esclave, de la prostitution, de la violence du blasphème, de la cruauté liée à la jouissance m’ont toujours questionné, sinon rejeté hors de leur penser même. Du moins m'en suis-je rejeté moi-même !
Je ne suis entré dans Tombeau pour cinq cent mille soldats que parce que et lui et moi avions en partage une sale guerre, que lui et moi, nous nous en sommes sortis par des voies autres, mais loin d’être opposées.
Mais, feuilletant Tombeau j’en pris plein la gueule.
Fin des années Soixante, vraiment non, ce n’était pas facile de tenter de telles lectures. J’en prends d’ailleurs toujours plein la gueule, mais l’âge, et chez l’auteur et chez le lecteur, doit atténuer les échardes mentales, les éraflures langagières. et les coups de cutter sexuels
Et puis, le discours universitaire, Guyotat lui-même, offrent désormais des chemins d’accès pour commenter, expliciter, élucider.
L’illisible de la langue française s’apprivoiserait-il ?
Toute mon empathie pour l’homme Guyotat se rassemble dans sa réponse au journaliste de Libé avec qui il s’entretenait en mai 2005 :
« J’ai fait si peu.»
Guyotat citait l'une des dernières paroles de Vincent-de-Paul interprété par Pierre Fresnay dans le film de Maurice Cloche, Monsieur Vincent.
Pierre Guyotat sera à Nantes demain soir. Oserai-je une adresse ?
Post-scriptum :
Un bon, très bon dossier sur remue net et une vidéo de Guyotat à Paris VIII
16:13 Publié dans les lectures, Parfois un film, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
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