jeudi, 11 avril 2013
de Michel-Ange un sonnet aux rives de la mort
Α l'Amor
Tornami al tempo, allor che lenta e sciolta
Al cieco ardor m' era la briglia e Ί freno ;
Rendimi il volto angelico e sereno,
Onde fu seco ogni virtù sepolta,
E' passi spessi e con fatica moka,
Che son si lenti a chi è d' anni pieno ;
Tornami l'acqua e Ί foco in mezzo Ί seno,
Se vuo' di me saziarti un' altra volta.
E s' egli è pur, Amor, che tu sol viva
De' dolci amari pianti de' mortali,
D'un vecchio stanco orna' puo' goder poco:
Che l'aima quasi giunta a l'altra riva,
Fa scudi a' tuo' di più pietosi strali ;
E d' un legn' arso fa vil prova il foco.
à l'Amour
Rappelle à moi le temps où mon aveugle ardeur
détendait la bride et desserrait le frein,
rends-moi le visage angélique et serein
avec lequel toute vertu fut ensevelie,
et les pas pressés, prêts aux grandes fatigues,
qui se font si lourds à qui prend trop d'années ;
fais revenir l'eau et le feu que j'avais dans la gorge,
si tu veux de moi te repaître une fois encore.
Et s'il est vrai, Amour, que tu ne saches vivre
que des pleurs doux-amers des mortels,
d'un vieillard épuisé n'attends rien désormais.
Car mon âme à l'autre rive presque arrivée
se défend de tes traits par des traits plus touchants :
d'un bois déjà brûlé, que peut tirer le feu ?
Michel-Ange
(traduction de Georges Ribemont-Dessaigne, 1961)
Pour saluer la contrée et la langue dans lesquelles furent fabriqués ces premiers chants, Pétrarque eût été le choix le plus judicieux. Mais Pétrarque n'étant point dans l'expérience du lecteur, j'ai décidé de célébrer les origines de cette grande forme en me référant à Michel-Ange Buonarotti qui fut à travers une banale commande au Club français du livre depuis "mon piton de Rhadous" en mai 1961 une belle émotion de lecture.
J'y ai apposé un de ces dessins du grand sculpteur et peintre — il était donc aussi poète — qui illustraient le bouquin "composé d'après les maquettes de Jacques Daniel en caractères Calson corps 16 et achevé d'imprimer le 28 février mil neuf cent soixante et un sur les presses des imprimeries Paul Dupont à Paris et relié par Engel à Malakoff". C'est le n° 11480 des quinze mille exemplaires réservés exclusivement aux membres du club français du livre.
La Beauté arrivait encore dans les "djebel" algériens. Pour mes amies et mes compagnons de ce pays aimé qui m'offrirent quatre ans plus tard les Amours de Ronsard dans la modestie d'un Livre de Poche relié de rouge, je souhaite avec tendresse qu'Elle y parvienne encore !
09:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 24 novembre 2012
sortir du silence ?
sans doute, mais il est encore des allées de sombres ombrages.
Suffit-il donc que tu paraisses De l'air que te fait rattachant Tes cheveux ce geste touchant Que je renaisse et reconnaisse
Reviens visage à mon visage Mets droit tes grands yeux dans mes yeux Rends-moi les nuages des cieux Rends-moi la vue et tes mirages
Mon sombre amour d'orange amère Ma chanson d'écluse et de vent Mon quartier d'ombre où vient rêvant Mourir la mer
dans les pages d'Aragon et la voix déchirée de Ferré
en mémoire d'Elle et des nuits du BouMaad
16:36 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 mars 2012
retour de mer
Quand le MAL agit un homme : des enfants morts.
Sur les vasières de l'estuaire, les Tadornes s'accouplent. Passée l'écluse, aux rives de la Vilaine bourgeonnent, roux, les saules, les hêtres et les peupliers.
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mercredi, 29 février 2012
j'étais seul
... au théâtre Graslin, ce soir.
Pour l'Orphée de Gluck.
Mais pourquoi n'a-t-il pas plongé jusqu'au profond de la désespérance que dit le mythe ? Sans doute la musique dément-elle le chœur béat qui clôt l'opéra ?
Illusion d'un "Trionfi Amore" ! La musique sous l'apparente douceur ne chante que la mort.
23:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 décembre 2011
ce même jour, il y a vingt ans
Revenant d'une balade au bord de mer........................
MON PÈRE !
Ce pourrait être la chanson de Barbara
Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
.......................................
Faites vite
il y a peu d'espoir
il a demandé à vous voir
Ce pourrait être un poème de Luc Bérimont
J'étais faible, mon père, et tu m'avais quitté
Sans savoir que minuit roulerait sous sa patte
Cet enfant au front lourd dont les larmes tremblaient
ou de Jean Claude Renard
Père dans cette nuit où la mort nous retient
et dans ce sang pareil à un pays brûlé
• Luc Bérimont, Le grand viager.
• Jean Claude Renard, Père, voici que l'homme.
17:50 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 12 décembre 2011
hier à l'aube
La voix de Mau dans le gris du petit matin : « Étienne est mort ».
J'ai froid. C'était mon Copain !
En boucle dans ma tête, ces bribes du texte de Char :
« Son visage parfois vient s'appliquer contre le nôtre, ne produisant qu'un éclair glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n'est nulle part. Toutes les parties — presque excessives — d'une présence se sont d'un coup disloquées. »
18:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 25 novembre 2011
ce 25 novembre 1964 « dans le noir sera sa mémoire »
Il est des temps où devant le vide, face à l'énigme, même les mots ne montent plus pour évoquer, pour creuser. Les larmes seules ! Et encore ?
Et seule la musique
le chant peut-être ?
Celui de cette femme, Montserrat Figueras, morte un de ces jours passés, avant-hier ou hier, dont la voix questionnera longtemps l'énigme du visage glacé de ma désormais si lointaine amour qui demeure au creux de mes mains.
À la mémoire de Rabéa, ce chant.
14:09 | Lien permanent | Commentaires (4)
dimanche, 20 mars 2011
quand meurt un poète
Soixante ans que Cadou est parti.
Plus de cinquante ans que je brasse mes mains, mes larmes, mes rires dans les mots de cet homme de même terre et de mêmes vents.
Ses rues furent mes rues, ses quais furent mes quais.
L'hiver, je quittais la maison sitôt déjeuner ; le soleil longeait nonchalamment les quais en vieil habitué et comme un authentique pêcheur de brochet le feutre un peu baissé sur les yeux, le fil de soie de la lumière sur l'index tendu.
J'allais me perdre quelque part derrière des chantiers de construction navale et des entrepôts de bois du Nord. J'avais onze ans le soleil était doux et je me sentais une envie de chanter. Je sortais, enfouie
dans la doublure de mon pardessus, une cigarette dérobée à mon père; assis sur une pierre plate, béatement; je fumais. Et lorsque je pense à des heures calmes, des heures d'intense quiétude, je revois un petit enclos plein de plantes desséchées, une barrière difficile, là-bas dans le quartier sud de la ville où c'est déjà l'aventure.
Rêveur, si je l'étais ! Je m'empourprais des joues, je dévalais l'unique pente semée de mâchefer et de seaux en émail qui menait au royaume interdit.
Mon enfance est à tout le monde, 1947
Peut-être l'ai-je rencontré — je n'étais qu'un petit garçon — dans les années 41-43, quand je hantais, à la recherche du rêve aventureux, les rues entre place Bretagne, quai Hoche et Cours Saint-Pierre, ce jeune homme au visage de lumière.
Mais ce jour du 20 mars 1951, c'est un compotier qui fait signe au rêveur.
PEUT-ÊTRE dans quelque maison basse de ville usée
Moi qui ai tant aimé les jardins
Lorsqu'il a plu dans la soirée
Et que parmi les myosotis pèse soudain
La lourde mamelle de la lune !
A bout de persuasion peut-être
Quand le filin du jour me glissera des doigts
Si je n'ai plus pouvoir d'orienter les fenêtres
Alors adieu garçon ! et que ce soit
Par un matin couleur de melon d'eau !
Tout dort
J'entends marcher au loin mille animaux
Et mon cœur doucement aura cessé de battre
A cause d'un compotier de pommes sur la table
Tandis qu'un coq et un sergent
Là-bas
Font respecter le règlement.
René Guy Cadou
Dur à vivre
Les biens de ce monde, 1951
19:00 | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 19 mars 2011
« à cause d'un compotier de pommes sur la table »
Il est dit que la veille au soir, le 19 mars 1951, Francis Caridel, le secrétaire de mairie de Louisfert, rendant visite à Hélène et René Guy Cadou dans leur "maison d'école", leur avait apporté un panier de pommes ; elles furent déposées dans un compotier.
Le lendemain...
12:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 24 novembre 2010
l'ombre portée...
……l'ombre portée de SA mort qui chaque année s'étend sur ces jours de novembre……
10:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 10 août 2010
pour saluer Mad Mesnard
à Yoelenn, sa compagne
avant d'acquérir ma forme définitive,
il m'en souvient très clairement.
J'ai été une lance étroite et dorée,
je crois en ce qui est clair,
j'ai été goutte de pluie dans les airs,
j'ai été la plus profonde des étoiles,
j'ai été mot parmi les lettres,
j'ai été livre dans l'origine,
j'ai été lumière de la lampe,
Pendant une année et demie,
j'ai été un immense pont
jeté sur trois vingtaines d'abers.
J'ai été chemin, j'ai été aigle,
j'ai été bateau de pêcheur sur la mer,
j'ai été victuaille du festin,
j'ai été goutte de l'averse,
j'ai été une épée dans l'étreinte des mains,
j'ai été bouclier dans la bataille,
j'ai été corde d'une harpe,
ainsi pendant neuf années.
Dans l'eau, dans l'écume,
j'ai été éponge dans le feu,
j'ai été arbre au bois mystérieux.
Le combat des arbres
Cet après-midi du 5 août, je sortais du golfe en tirant des bords.
Une voix, celle de Mau : « Mad est mort ! »
Nous fûmes, plus de trente ans durant, compagnons d'Éducation populaire, cette si belle utopie, issue de la résistance aux nazis — MAD en fut et jusqu'à hier, j'ignorais qu'il fut un de ces jeunes passeurs d'armes* — cette utopie qui se voulait ouverture de toutes et de tous aux savoirs et à la beauté.
De lui, je sus l'Andro, l'HanterDro et la Dañs Plinn. Nous relûmes les anciens Bardes.
Une fois de plus, la déchirante énigme !
* dans les jours qui suivirent la rédaction de cette note, je reçus d'un de ses très proches la précision suivante :
« En fait,, il n'était pas passeur d'armes, mais un membre actif de la résistance. Le docteur Verliac (Paulus) en avait fait son adjoint militaire. Lors de l'épisode évoqué (à ses funérailles), la barque, trop lourde, ne put pas franchir les lignes à Lavau. Tout le monde se cacha. La zone était surveillée par une canonnière allemande. Mad fut envoyé pour prendre contact avec les combattants à l'extérieur de la poche de Saint-Nazaire. Quand il revint, il n'y avait plus personne. Ses compagnons avaient été arrêtés.
Mais de tout cela Mad ne parlait pas, ou si peu. »
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dimanche, 04 juillet 2010
la justesse d'une voix
Escale à Port-Haliguen, dans le bel anticyclone des Açores.
Avant la météo marine, l'annonce de sa mort.
Terzieff !
Récemment, j'avais écouté Philoctète. Bien des années auparavant, aux temps vifs de notre jeunesse, c'était Tête d'or.
Y eut-il plus juste scansion du poème ?
Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t'inclinant
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
René Char
Commune présence
Le Marteau sans maître, 1934
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lundi, 22 février 2010
nostalgie, nostalgie...
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samedi, 28 novembre 2009
rien n'est clos
ce 28 novembre 1964
cet absurde qui se clôt en une seule ligne, froide, glacée sur le carton marron passé d'une entreprise funéraire.
cimetière de Pantin, 74e division, 4e ligne, n°4.
Là où je ne suis plus jamais allé après avoir recouvert la terre de brassées de glaïeuls rouges sang.
Et sans doute aujourd'hui dans l'ossuaire, rejoignant — par un burlesque tragique, la littérature me rattrapant — dans le même amas de poussière qui s'y accumule depuis plus de deux siècles, un certain Isidore Ducasse, comte de Lautréamont.
Ce matin, j'ai cueilli dans l'olivier que m'ont offert pour mon entrée dans l'adolescence du grand âge mes cousin vignerons, la centaine d'olives noires et charnues que nous accorde, cette année, l'indulgence de nos brumes d'ouest.
ELLE, je L'ai imaginée enfant dans l'oliveraie de son grand-père sur les flancs du Zaccar.
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mardi, 24 novembre 2009
continuer de creuser l'énigme
Cet après-midi du 24 novembre 1964, un atroce papier bleu déposé sur la table de travail, qui, déchiré, déplié, quelques secondes efface le monde !
..........................................
Dans la mort que je contredis.
René Char
Montagne déchirée
La sieste blanche, in Les Matinaux
18:21 | Lien permanent | Commentaires (1)