dimanche, 20 mars 2011
quand meurt un poète
Soixante ans que Cadou est parti.
Plus de cinquante ans que je brasse mes mains, mes larmes, mes rires dans les mots de cet homme de même terre et de mêmes vents.
Ses rues furent mes rues, ses quais furent mes quais.
L'hiver, je quittais la maison sitôt déjeuner ; le soleil longeait nonchalamment les quais en vieil habitué et comme un authentique pêcheur de brochet le feutre un peu baissé sur les yeux, le fil de soie de la lumière sur l'index tendu.
J'allais me perdre quelque part derrière des chantiers de construction navale et des entrepôts de bois du Nord. J'avais onze ans le soleil était doux et je me sentais une envie de chanter. Je sortais, enfouie
dans la doublure de mon pardessus, une cigarette dérobée à mon père; assis sur une pierre plate, béatement; je fumais. Et lorsque je pense à des heures calmes, des heures d'intense quiétude, je revois un petit enclos plein de plantes desséchées, une barrière difficile, là-bas dans le quartier sud de la ville où c'est déjà l'aventure.
Rêveur, si je l'étais ! Je m'empourprais des joues, je dévalais l'unique pente semée de mâchefer et de seaux en émail qui menait au royaume interdit.
Mon enfance est à tout le monde, 1947
Peut-être l'ai-je rencontré — je n'étais qu'un petit garçon — dans les années 41-43, quand je hantais, à la recherche du rêve aventureux, les rues entre place Bretagne, quai Hoche et Cours Saint-Pierre, ce jeune homme au visage de lumière.
Mais ce jour du 20 mars 1951, c'est un compotier qui fait signe au rêveur.
PEUT-ÊTRE dans quelque maison basse de ville usée
Moi qui ai tant aimé les jardins
Lorsqu'il a plu dans la soirée
Et que parmi les myosotis pèse soudain
La lourde mamelle de la lune !
A bout de persuasion peut-être
Quand le filin du jour me glissera des doigts
Si je n'ai plus pouvoir d'orienter les fenêtres
Alors adieu garçon ! et que ce soit
Par un matin couleur de melon d'eau !
Tout dort
J'entends marcher au loin mille animaux
Et mon cœur doucement aura cessé de battre
A cause d'un compotier de pommes sur la table
Tandis qu'un coq et un sergent
Là-bas
Font respecter le règlement.
René Guy Cadou
Dur à vivre
Les biens de ce monde, 1951
19:00 Publié dans Cadou toujours, Les nocturnes, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
... Je n'abordais la mer que par des éboulis de roches sur la côte sauvage entre Pornic et La Bernerie. Un étroit sentier, coupé en certains endroits par l'érosion, suivait la falaise. Des lézards venaient se chauffer, entre les touffes d'ajoncs, sur les pierres plates, des oiseaux criaient ; au loin, dans la brume, on apercevait les contours de l'île de Noirmoutier et la masse sombre du bois de la Chaise ...
Et la dansante beauté des jours sur les vieilles marches de l'écluse du Collet
Écrit par : PatBdM | dimanche, 20 mars 2011
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