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lundi, 31 janvier 2005

Pour prendre l'air, une dernière fois

Vincent Riou ne pousse-t-il point trop son option Nord. Il serait, cette nuit, à la lattitude de l'estuaire de ma Vilaine bien-aimée.
Par 47°31.00' N et 17°32.08' W

Oh ! Vincent !
Dumet et Yeu ne sont pas des marques de parcours à laisser sur tribord !

Le roi Jean ou, toi, le grand dauphin ?

Dac'hlmat, Breuded Penn ar Bed !
Tenez bon, les Finisterriens !

Croire ? Savoir ? Va savoir !

Était-il venu en voisin de Ludwig Van ?
Régis Debray était à l'Espace LU, ce dimanche soir, invité par l’association Philosophia, pour causer sur “La Croyance” ; il avait proposé ce titre : "J'y crois, j'y vais ".
Dans la glane, cette idée que les églises et autres organisations religieuses - systèmes, communautés, etc - seraient "des appareils à rafraîchir les croyances", évitant ainsi les dérives fanatiques et sectaires.
Sur l'Europe, lors du débat qui suit l'intervention : peut-on "croire" en une Europe bâtie sur une procédure, la fameuse Constitution ?
Sur l'enseignement du fait religieux - c'est quand même un peu son "fonds de commerce" - il a mentionné les réticences qu'éprouvaient les philosophes à être catéchisés - je fais dans le raccourci ; mais il était difficile de ne pas songer à la rogne laïque de Onfray, jeudi dernier, dans le "7 à 9" de France Cul.

Il va me falloir faire avec ces contre-courants dans l'estime que je porte à l'un et à l'autre.

Confronté pour la seconde fois à des commentaires peu amènes - c’est parfois peu dire - et surtout anonymes.
Réaction sans doute vive : j’efface !
Quel est l’usage sur la Toile ?

D’autres semblent souvent confrontés à cette situation. Sans prétendre à leur renommée, le rédacteur quelconque - traduction très lâche de grapheus tis en grec ancien - ne voudrait point renoncer à l’incommodité que propose Vaneigem : Rien n’est sacré, tout peut se dire.
Mais l’anonymat de la signature - aucune référence à une adresse électronique, mèl ou site qui autoriserait une réponse instantanée et directe, dialogue ou affrontement - me fait renvoyer ces commentaires à des pratiques d’humanoïdes corvidés ou de chiens errants.
Ma première aventure, ce fut en décembre, le commentateur estimait (!) le "blogue nul tenu par un vieux con”. Soit, soit !
C’était signé “Dieu” : ça m’a bien arrangé. J’ai pris ma balayette et effacé la divine crotte.

dimanche, 30 janvier 2005

Durant la Folle Journée

Bien de la tradition dans tout ça !

Un éclair et beaucoup d'émotion : un long jeune homme à la longue chevelure qui joue la (!)Clair de lune et l'Appassionata comme un beau rocker.
Les trente-deux sonates pour une seule vraie folle journée avec ce pianiste-là, je veux bien !

Frank Braley ! Je serai à l'affût dans les bacs des seuls disquaires (?) qui nous restent.

Ah si ! Un violoniste, David Grimal, qui dans le concerto pour le dit instrument parvient à balancer merveilleusement les aigus tout en arrière de l'orchestre, jusque dans les cintres.
Jamais entendu cela avant ! Une joie !

La génération "rock" ravale allègrement le "jeune" Beethoven.

mercredi, 26 janvier 2005

Salut ! Robert !

...je relevai la robe de soie noire dont elle s'était débarrassée. Nue, elle était nue maintenant sous son manteau de fourrure fauve. Le vent de la nuit chargé de l'odeur rugueuse des voiles de lin recueillie au large des cotes, chargé de l'odeur du varech échoué sur les plages et en partie desséché, chargé de la fumée des locomotives en route vers Paris, chargé de l'odeur de chaud des rails après le passage des grands express, chargé du parfum fragile et pénétrant des gazons humides des pelouses devant les châteaux endormis, chargé de l'odeur de ciment des églises en construction, le vent lourd de la nuit devait s'engouffrer sous son manteau et caresser ses hanches et la face inférieure de ses seins. Le frottement de l'étoffe sur ses hanches éveillait sans doute en elle des désirs érotiques cependant qu'elle marchait allée des Acacias vers un but inconnu. Des automobiles se croisaient, la lueur des phares balayait les arbres, le sol se hérissait de monticules, Louise Lame se hâtait.

Robert Desnos
La Liberté ou l'Amour
Les profondeurs de la nuit


Belle manière d'assècher la Camarde !

mardi, 25 janvier 2005

Robert DESNOS, le cinquième des...

.

... quatre sans cou
Quand ils mangeaient, c'était sanglant,

Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c'était du sang.

Quand ils couraient, c'était du vent,
Quand ils pleuraient, c'était vivant,
Quand ils dormaient, c'était sans regret.

Quand ils travaillaient, c'était méchant,
Quand ils rodaient, c'était effrayant,
Quand ils jouaient, c'était différent,
Quand ils jouaient, c'était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c'était étonnant.

Mais quand ils parlaient, c'était d'amour.




Le plus grand parmi les rêveurs, écrivit André Breton dans le premier Manifeste du surréalisme :
“La prodigieuse agilité qu'il met à suivre oralement sa pensée nous vaut autant qu'il nous plaît de discours splendides et qui se perdent, Desnos ayant mieux à faire qu'à les fixer. Il lit en lui à livre ouvert et ne fait rien pour retenir les feuillets qui s'envolent au vent de sa vie”.
Il poursuivra dans les Pas perdus et dans les Entretiens radiophoniques avec André Parinaud (de mars à juin 1952), soulignant la capacité prodigieuse de Desnos à “se transporter à volonté, instantanément, des médiocrités de la vie courante en pleine zone d’illumination et d’effusion poétique”.

Grand joueur de mots
Pourquoi votre incarnat est-il devenu si terne , petite fille dans cet internat où votre œil se cerna ? Rrose Sélavy


Tour à tour, commis-droguiste, secrétaire dans une maison d’édition, comptable, courtier en publicité, caissier, journaliste, pigiste, journaliste à la radio, réalisateur avec Paul Deharme de la célèbre émission radiophonique La grande complainte de Fantomas, musique de Kurt Weill, Antonin Artaud pour la direction dramatique et le rôle de Fantomas.
Il aima le cinéma et lisait des bandes dessinées.

Il osa le Corsaire Sanglot et se fit censuré, en 1927, par le Tribunal correctionnel de la Seine
Tes lèvres font monter des larmes à mes yeux ; tu couches toute nue dans mon cerveau et je n’ose plus dormir.
La Liberté ou l’Amour


Il aima. Parfois deux amours à la fois, au moins une fois !
Dans la nuit il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer, des fleuves, des forêts, des villes, des herbes, des poumons de millions et millions d'êtres.
Dans la nuit il y a les merveilles du monde.
Dans la nuit il n'y a pas d'anges gardiens, mais il y a le sommeil.
Dans la nuit il y a toi.
Dans le jour aussi.
Les espaces du sommeil


Parfois, il ne fut pas aimé et
The night of the loveless nights

ce fut son Bateau ivre à lui

Nuit putride et glaciale, épouvantable nuit,
Nuit du fantôme infirme et des plantes pourries,
Incandescente nuit, flamme et feu dans les puits,
Ténèbres sans éclairs, mensonges et roueries.

Qui me regarde ainsi au fracas des rivières ?
Noyés, pécheurs, marins ? Éclatez les tumeurs
Malignes sur la peau des ombres passagères,
Ces yeux m'ont déjà vu, retentissez clameurs !

Le soleil ce jour-là couchait dans la cité
L'ombre des marronniers au pied des édifices,
Les étendards claquaient sur les tours et l'été
Amoncelait ses fruits pour d'annuels sacrifices.



Il fut grand enfant pour les enfants
Le blaireau
Pour faire ma barbe
Je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.

Par mes poils de barbe !
S'écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau,

Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe,
T'auras pas ma peau.


Ce sont Chantefables et chantefleurs
à faire lire par les grands-pères pour toutes les Noémie et Célia du voisinage.

Devenant le poète clandestin
Il fut Cancale, parigot à l’argot de maquereau
C'est tarte, je t'écoute, à quatre-vingt-six berges,
De se savoir vomi comme fiotte et faux derge
Mais tant pis pour son fade, il aurait dû clamser


Il fut Valentin Guillois pour célébrer les armes de justice et la fraternité de ceux qui les prirent.
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon cœur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
Même si les nuages le cachent il sera là,
Bonjour, bonjour, de tout cœur bonjour !


Il fut arrêté par la Gestapo, le 22 février 1944.
Il “fit” Fresnes, Compiègne, Auschwitz, Buchenwald, Flossenburg, Flöha.
À Térézine, il vécut, quelques jours, libre et à l’agonie.

.... J’ai rêvé tellement fort de toi,
J’ai tellement marché.................




Je crois bien que c’est Cadou qui me mena à Desnos.
J’étais dans mes années de merde et de feu à Tamloul et l’arme que j’avais, en mains, n’était point de justice : nous tentions d’être propres.
Depuis 1956, les lieux que j’habitais n’avaient pas de librairies, mais la Poste délivrait encore les paquets de bouquins au fin fond de la forêt tropicale et jusqu’aux secteurs postaux des pitons d’Algérie.
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Dans le dernier cahier de certains “Poètes d’aujourd’hui”, Pierre Seghers écrivait : “Demandez à votre libraire habituel de faire, lui aussi, un effort en faveur des poètes. Commandez-lui nos ouvrages. Si nous n’avez pas de librairie à votre disposition, écrivez-nous”.
Depuis cinq ans, je lui écrivais et il m’envoyait les poètes.

C’était un temps déraisonnable !

ROBERT DESNOS, c’était une première de couverture, blanche avec des lettres noires, qui rompait avec les autres bouquins de la collection.
Comme un livre de deuil !
C’était le n°16, une édition nouvelle, avec une étude de Pierre Berger. Dans un avertissement cet homme se défendait d’avoir fait un essai. « La seule ambition de son auteur est d’avoir fait acte de camaraderie.
Il ne s’agit donc pas de littérature. D’ailleurs Desnos détestait cela. »
Un livre de “copain” !
Il entrelaçait la vie quotidienne d’un Desnos aux petits métiers, grandes misères et les nuits fabuleuses, les amours, les querelles, les injures du grand bazar surréaliste.
N’était pas encore venu le temps de la sémiologie, de la stylistique, des thèses.

Berger rapporte deux faits :
Après l’arrestation de Desnos, lors d’un dîner en ville entre un haut-fonctionnaire, des écrivains et journalistes de la presse du moment (!), un dénommé Alain Laubreaux hurle à propos de Desnos :
« Pas déporté... vous devriez le fusiller. C’est un homme dangereux, un terroriste, un communiste.»
Berger poursuit
“Alain Laubreaux est actuellement chez Franco.
Mais SI ON LE REPREND...”

C’était en 1949.

Laubreaux est-il encore vivant ?

Le second fait est rapporté par André Verdet, poète et compagnon de déportation :
“À Auschwitz, devant la chambre à gaz, les dix-huit cents camarades du transport attendaient la mort. Abrutis de fatigue, de faim, d’angoisse, la plupart demandaient qu’elle vint vite. Tout à coup il se passa quelque chose : un homme parcourait furtivement les rangs du bétail, prenait les mains de chacun..., examinait les lignes de vie et de chance, prédisait une existence longue et heureuse, la fin des misères, prophétisait encore... C’était Robert Desnos”.


Je ne sais qui est Pierre Berger, il a écrit dans la même collection une introduction à Pierre Mac Orlan, à René Char.

Vous avez le bonjour de Robert Desnos !


Post-scriptum
Le rédacteur du blogue, très troublé par le soixantième anniversaire de la libération des camps nazis, a modifié l’ordre de parution de ces retours sur les “POÈTES D’AUJOURD’HUI”, qui devaient suivre l’ordre de ses découvertes. Cette nuit-même, est projeté en continu, sur une chaîne nationale, SHOAH de Claude Lanzman.

Le temps de mon enfance fut le temps des assassins :

Robert Desnos,
arrêté le 22 février 1944, mort à Térézine, le 8 juin 1945.

Max Jacob,
arrêté le 24 février 1944, mort au camp de Drancy, le 5 mars 1944.

Précédés par
Federico Garcia Lorca, fusillé à Viznar près de Grenade, le 19 août 1936
.

Sangs féconds


Pour lire Robert Desnos aujourd'hui
• 3 recueils dans Poésie/Gallimard
• Des liens
- œuvre et biographie de Desnos
- Desnos déporté
- Desnos célébré (!)
- Desnos chanté
- Desnos chanté bis

lundi, 24 janvier 2005

Et si l'on revenait au début ?

Poézibao, le beau blogue de Florence Trocmé m’a donné quelque idée pour une chronique régulière, hebdomadaire.
Partager “mes” poètes, mon cheminement de lecteur, mon intérêt pour la chose éditoriale.
Le développement de Poésie/Gallimard, plus de trois cents titres, l’anthologie en “jeans” de Delvaille, celle, plus maigre, du jeune Espitallier, les naissances et morts des revues traditionnellement sur papier ou “en ligne” permettent, à ce jour, de mesurer la vie en expansion ou en régression du poème ; je ne sais si la mémoire culturelle a déjà exercé son tri et retenu les 10% de ce que, habituellement, elle estime de valeur.

Il est des gens fort intéressants qui font, ces temps, paraître de doctes livres sur la lecture et le lecteur : entre autres, Alberto Manguel avec Une histoire de la lecture et son Journal d’un lecteur.
Ce sont d'excellents guides routiers pour grande littérature, mais qui se rapprochent plus du manuel pour fins lettrés - ainsi Lanson en son époque - et se tiennent dans l'espace susdit de la mémoire culturelle.

Je connais des lectrices et des lecteurs qui n’ont point attendu la parution de ces ouvrages pour, depuis plus de vingt ans, pratiquer cet exercice qu’en jargon pédagogique nous nommons “l’autobiographie du lecteur”.
ET l'on s'y retrouve à des milles des horizons lettrés.

Son apprentissage terminé sachant lire, sachant surtout pourquoi il lit, le lecteur commence un lent et long - ce que je lui souhaite - labeur d’autodidaxie, enrichi, appauvri, régénéré, selon, par ses rencontres avec la famille, les instituteurs, les bibliothécaires, les journalistes, les professeurs de collège de lycée, d’université, avec les bons et, tout autant, avec les mauvais.
Pour certains - beaucoup ? -, la trilogie professorale n’aura été qu’une maison très éloignée
Plus que le lecteur lettré, ce lecteur hors des classes aura pratiqué le “lire : un braconnage” de Michel de Certeau.
Lecteur solitaire, il est un farouche libertaire et son mutisme peut fort bien se comprendre comme un vigoureux bras d’honneur au magistère de toutes littératures.

Intimement, cette autoformation - la “face nocturne” de la formation, dirait Gaston Pineau - se construit dans l’affrontement de son questionnement de vie avec les écrits lus et comparés....

Ce blogue est celui d’un lecteur qui depuis qu’il fut alphabétisé, exerce quasi quotidiennement son “braconnage” de liseur, au gré des bonheurs, des rages, des passions, des ennuis.
Peu me chaut la rigueur de la critique - un lapsus m’a fait saisir la “crotique” , “o” trop proche de “i” sur le clavier !-
Il ne s’agira point, ici, de valeur littéraire ; plutôt de goûts : de bons mais aussi de mauvais goûts. S’agira-t-il de littérature ? de poésie ?
Je ne sais. D’écrits, oui, avec certitude.

J’ai commencé ce chemin consciemment, j’avais sept ans ? huit ans ?
Le tout premier ? Le Moricaud par Amélie Perronnet, à la Librairie d’Éducation de la Jeunesse, sans date ; c’était, je crois, le Premier prix d’Écriture de Augustine-Marie Bretaudeau, ma grand-mère.

La récitation de l’école élémentaire n’a laissé que peu de traces ; dans les années cinquante, c’est l’entrée dans cet écrit qu’est le poème : de Charles d’Orléans à Rimbaud, mais à la sauce des bons pères.
De la poésie propre, nette, pure, plus encore pour l’exercice de mémoire que pour le travail sur la langue. Poésie du décor !

Je pris le maquis en classe de seconde, je devais avoir dix-sept ans. J’avais, cependant, soumis à la signature du préfet de discipline, un homme ouvert, lettré, passionné de Racine et de La Fontaine, un livre acheté avec l’argent de poche que ma mère me remettait pour acquérir les classiques Larousse ou de Gigord à la procure du lycée ; j’avais rogné sur l’achat des dits classiques. Je posais le livre sur son bureau : la signature fut apposée, non sans réticences, avec beaucoup de recommandations quant à ma fréquentation future de cet auteur : c’était Paul Claudel, Cinq grandes Odes. Acheté chez Beaufreton, passage Pommeraye.

Je lus, ivre :

Possédons la mer éternelle et salée, la grande rose grise ! Je lève un bras vers le paradis ! je m’avance vers la mer aux entrailles de raisin !


Je me suis embarqué pour toujours !

Embarqué, je le fus. Mais si Claudel, le grand poète catholique, inquiétait mes maîtres, de quoi s’agissait-il donc dans la poésie contemporaine pour les effaroucher et laisser cois ?
Je ne soumis plus aucun de mes livres au “nihil obstat” de mes bons pères. J’entrais en lecture clandestine.
Et devins un familier, lors des sorties libres du jeudi, de la librairie du passage Pommeraye.

En juin 1954, m’échoit dans les mains un dépliant qui présente un poète nantais : quelques photographies, quelques poèmes en... vers libres. Je dois prendre le train pour Ancenis, j’attends l’heure, je vais m’asseoir sur un banc du Jardin des Plantes - je sais encore aujourd'hui lequel, je le revois de temps à autre. Je lis un poème. Les poèmes. Je ne suis pas ivre. Je suis ailleurs. Je ne me souviens plus de quels poèmes précisément ?
Oh, si ! Je me souviens d'un titre, Tristesse et de ce verset qui est mon entrée dans le poème contemporain :

Je prends dans mes deux mains vos deux mains qui s’éteignent
Pour qu’elles soient chaudes et farineuses comme des châtaignes
Quand la braise d’hiver les a longtemps muries



Cadou ne me quittera plus.

medium_cadou.4.jpgEn janvier 55 - cinquante ans déjà, non ? - j’ai, entre la grammaire grecque de Ragon et le manuel de psycho de Cuvillier, dissimulé dans mon pupitre de la salle d’études, un bouquin jaune, format 13x16 cm, René Guy Cadou, par Michel Manoll, Poètes d’aujourd’hui n°41, aux éditions Pierre Seghers, 1954. Le poète, un jeune homme un peu joufflu, a “une clope au bec”.



En avril, le rejoint, au format identique, sous une couverture marron, le n°22. Le poète, un homme mûr au front large, tient “sa clope entre index et majeur”, il ressemble à mon père, c’est pour cette ressemblance et cette beauté que je l’ai choisi. C’est René Char ! Les premiers mots lus tiennent de l’aveuglement ; je n’y comprends rien, mais c’est beau :
O monnaie d’hélium au visage lauré !

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Il faut bien les deux dictionnaires de tout bon élève de Classique A, le Bailly et le Gaffiot, pour dissimuler ce qui me semble une charge explosive.

Toute la lente appropriation du poème s’est bâtie sur ces deux livres : parce qu’il y avait alors un authentique éditeur de poètes, Pierre Seghers et qu’à la fin du René Char était relié un cahier, catalogue de l’édition qui offrait des avenirs insoupçonnés de lectures.

Quand, à l’automne, je partis pour la Côte d’Ivoire, ma cantine était lourde d’une bibliothèque naissante et j’avais en guise de viatique pour mes lectures désormais libérées de toute signature, une table d’orientation qui, d’un format plus grand, 19x14 cm, mais en couverture, de mise en page identique m’ouvrait l’espace du poème :
le Panorama critique des nouveaux poètes français
de Jean Rousselot
achevé d’imprimer le 26 mars 1953,
pour le compte des Éditions Pierre Seghers.


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Chaque mardi, je retirerai donc, du rayon où ils s'alignent, un d'entre ceux qui furent naguère.... les POÈTES D'AUJOURD'HUI.

vendredi, 21 janvier 2005

Quand le soleil est levé

Les matins de France Cul ? Noémie me dirait : « Papy, c'est "trop" ! »

Nicolas Demorand invite François Jullien : de la philosophie chinoise ravivant la philosophie occidentale et de l'idéogramme fécondant la linéarité alphabétique.
À lire donc, Nourrir sa vie qui sort "en poche" au Seuil, Points/essais.

(La Martinière n'a pas encore tout écrasé.)


Beaucoup de commentaires sur les ondes et dans la presse à propos du discours d'investiture du président américain : entre le creux ou le plein, il n'est pas facile de se situer.
Il a dit, c'est maintenant écrit :
"Notre objectif est plutôt d'aider les autres à parler de leur propre voix, obtenir leur propre liberté et tracer leur propre voie"

Le simple et modeste citoyen que je suis ne peut oublier qu'avec les amis américains, il ne faut effacer, ni Hiroshima et Nagasaki*, ni le Chili et Allende.

Alors les beaux mots d'un discours ?
Il faudrait sans doute, comme le propose Jullien, confronter notre linéarité alphabétique à l'ordre du "bas et haut" de la pensée idéographique.
Désaliéner la Bonté ?


* La mairie propose aux Nantais, jusqu'au 27 février, un événement (expositions, conférences, témoignages) :
Hiroshima 8 H 15
Nagasaki 11 H02


La pyramide des martyrs obsède la terre
écrit René Char.

10:35 Publié dans Les graves | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 18 janvier 2005

Prendre l'air

Des... qui n'ont point les bras raccourcis, ce sont celles* et ceux qui brassent les vents du monde. Les premiers du Vendée Globe sont déja sur le point de rentrer dans notre hémisphère.
J'avais un faible pour la simplicité rude de Jean Le Cam, mais le bizuth qu'est Vincent Riou est un sacré marin.

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Dac'hlmat, Breuded Penn ar Bed !

Tenez bon, les Finisterriens !
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* L'une d'elles, Anne Liardet, vraie "marine".

D’une légère escroquerie poétique

Début décembre, je trouvais en collection de poche une anthologie de la poésie française aujourd’hui, Pièces détachées d’un certain Jean-Michel Espitallier. Heureux de ma trouvaille, mince certes, je la mis dans mon panier, après avoir parcouru quelques textes. Roubaud, Stéfane, Tarkos, Hocquard, Prigent : ma foi !
J’eus quelques doutes avec Rossi et la dame Nathalie Quintane qui déjà m’avait roulé dans la supercherie d’un titre : L’Année de l’Algérie* (40 pages à 5 €, 0,125 € la page).
Chère, très chère page, quand je compare aux 36 € pour 1140 pages de quartiers de ON ! par onuma nemon, avec des images, des hors-texte, des vignettes en marge et un disque compact, en prime.
Enfin, j’aurai appris le mot occuré attaché, semble-t-il, à un herpès, et dont il faut sans doute chercher le sens dans un “dico” médical ; car ignoré dans le petit Robert et introuvable dans le Trésor de la Langue Française informatisé.

Revenant à Pièces détachées, il me faut aller à la septième page de la composition des trains - poétique, non, pour une introduction - pour apprendre que la sélection fut opérée à l’intérieur d’un corpus exclusivement constitué d’auteurs ayant publié au moins une fois dans la revue “Java” ; le “compositeur” excuse bien la minceur en qualifiant son anthologie “d’imparfaite cartographie...de Meccano multicolore...de trente-trois pièces détachées”.
N’empêche que la “cueillette des discours” n’est point immense brassée. Monsieur Espitallier est, sans doute, atteint d’un raccourci chronique des bras.

Ô la couverture en “jeans” de La Nouvelle Poésie Française ! En 1972, Bernard Delvaille “ne consacrait pas”, il “pariait”. Mais sur plus de quatre-vingt dix noms.
Je garde de cette moisson l’ami Daniel Biga, André Velter, James Sacré, Frank Venaille, Denis Roche, Georges Drano, Marc Cholodenko, Alain Borer...
Plus de trente ans déjà !

*Inventaire/Invention, pôle [ multimédia ] de création littéraire, revue en ligne qui assure “l’édition de textes courts”. Y sont édités, parfois, des gens que j’aime bien, que j’ai parfois fréquentés, de loin, de près, sur la Toile : François Bon, Cathy Barreau, Albane Gellée. On y retrouve un certain Jean-Michel Espitallier. Tiens donc !
C’est précis, propre. Un peu exsangue. Ça ressemble curieusement à une littérature d’atelier d’écriture**, quoi !
On semble vite avoir le souffle court dans les jeunes éditions.

** "De mon temps”, nous appelions prosaïquement cette activité : “stage d’expression écrite”. Il me faut me méfier ; je deviens peut-être un vieux con !
Pardon, Cathy ! Pardon, François Bon !

dimanche, 16 janvier 2005

Dans l'almanach

L'almanach du marin breton, bien sûr !
Pris hier chez "Sauve qui peut", mon accastilleur préféré. Avec une tentative de modernisation. Une tentative. Il est illustré de photographies aériennes des ports, certes utiles et lisibles, mais d'une tonalité verdâtre....
En guise de préface, une méditation épistolaire de Mr. Hervé Hamon sur horizon et large - manière sans doute de "mariniser" les citadins et les touristes qui, en achetant l'almanach, verseront à la bonne Œuvre du Marin Breton.


Pour éclaircir le sombre du "large", donc, connaître les heures de marée, identifier les feux et préparer les navigations à venir.

En prime, en haut de page - naguère, à chaque page - une sentence, un dicton, selon !
À croire que désormais, la littérature des Lumières circule dans les Foyers du Marin, c'est Diderot qui coiffe les pages 190-191 :

Le repos modéré rend à l'âme sa verve ; prolongé trop longtemps, il l'accable et l'énerve.

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On ne glisse point impunément de la morale catholique - et bretonne toujours - à l'éthique théiste.
Décidément, c'est du côté populaire que surgit la verve :
Quand le coq chante à la veillée, il a déjà la queue trempée !


À bon entendeur, salut.

Post-scriptum : J'aime bien l'almanach du marin breton.

samedi, 15 janvier 2005

Mémoire et souvenir

J’avoue être fort remué par le soixantième anniversaire de la libération des camps nazis.
Deux documents, parmi d'autres, à l’appui de ce trouble :
j’ai revu hier soir Nuit et brouillard sur Antenne 2 et j'achève de lire le texte de Boris Cyrulnik, les Anges exterminateurs dans le Nouvel Obs de cette semaine.

J’avais neuf ans en 1945 ; au début de l’année 1946, les Frères de Ploermel nous avaient emmenés au musée des Beaux-Arts où était présentée une expo sur ce qu’on nommait alors la “Déportation”.
Je me souviens de cette visite parce que les images me renvoyaient à des bribes de paroles entendues dans les années de guerre et au malaise qui ronge encore ma tendresse pour mes parents bien-aimés.

...jusqu’aux effluves plus malsaines de pétainisme et d’antisémitisme qui affleuraient dans sa famille mais qu’il acceptera mal parce qu’il ressentait, tout môme, une injustice cruelle dans le sort auquel le petit peuple “catholique et nantais toujours” renvoyait ces gens qu’ils appelaient avec dédain les Juifs et, avec plus de mépris encore, les Youpins.

Il n’avait pas oublié une conversation sur le marché Talensac quand sa mère et d’autres s’étonnaient de ce que les Burons, - « Oui, vous savez, nos voisins, qui sont banquiers » - ne la portaient pas cette étoile jaune et que le curé de Saint-Similien avait osé dans son prône du dimanche assurer que le Christ était juif.
Il n’avait pas oublié le premier vieux monsieur accompagné d’un jeune enfant, croisés dans la rue, l’énorme étoile cousue, côté cœur, sur leurs manteaux.

Quelques mois plus tard, dans une certaine allégresse de libération quand les soldats américains lui donnent chocolat et chewing-gum, il pleure parce que, place Viarme, des hommes sur une estrade tondent violemment quatre femmes. Il ne comprend pas, mais il est révulsé par ces étoiles jaunes et ces crânes rasés. Plus tard encore sur le chemin de l’école, deux ou trois fois, il a croisé, au sortir du Palais de Justice, un homme encadré par deux gendarmes ; son regard s’est arrêté sur les poignets de l’homme menotté.

Sourd ressentiment de la violence et de l’humiliation...

dans les derniers § d' Algériennes.



Cette “ambivalence...au cœur de la condition humaine” que pose si fortement Cyrulnik, quand il glisse trois phrases sur le lynchage d’un milicien, me renvoie au projet d’une lecture publique, “Une heure avec...” que j’ai l’intention de faire à partir des Feuillets d’Hypnos de René Char.
Une longue interrogation avec Chris en décembre sur la nécessité de la violence n’avait fait que me renforcer dans ce désir d’approcher cette incontournable ambivalence et de proposer à d’autres cette approche dans l’abrupt de l’aphorisme, le laconisme des scènes vécues et la beauté s’étendant jusqu’à l’obscur.

La mémoire est sans action sur le souvenir. Le souvenir est sans force contre la mémoire. Le bonheur ne monte plus.
Feuillets d'Hypnos, aphorisme 102

17:20 Publié dans Les graves | Lien permanent | Commentaires (2)

jeudi, 13 janvier 2005

Sans commentaire

Depuis trois nuits, des voix revenues des parages de l'humiliation, de l'horreur, de la mort.

Et ce matin, les borborygmes d'un vieux mec qui a... peur d'être oublié !
Faire silence.

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mardi, 11 janvier 2005

Africa et ...théologie fantastique

Hier, au soir.
D’abord, à Nantes-histoire, Pascal Blanchard, un fringant et jeune conférencier sur l’Imaginaire colonial.
Un uppercut en plein plexus pour le jeune colonial qui avait, heureusement, dans sa malle, Victor Ségalen, Henri Michaux et Gide (quoique !). Plus tard vinrent s’ajouter Kateb Yacine, Aimé Césaire, Franz Fanon... D’autres.
Et surtout la Première femme :

Nigra sum sed formosa !

En plein exotisme, oui. Mais aussi, en totale "contre-épreuve" comme l'écrit Ségalen.
J'y reviendrai un autre jour avec images et petits récits.

Prolongement tard dans la nuit autour de Baalu, notre communauté amie aux confins arides du Mali et de la Mauritanie : l’alphabétisation, le développement de la lecture, le “banco stabilisé”....

Dédié à mes vieux copains Jop et Chris qui sont souvent (trop ?) plongés dans les monothéismes, ce dialogue entre Ernesto Sabato et Jorge Luis Borges :
Sabato : Mais dites-moi, Borges, si vous ne croyez pas en Dieu, pourquoi écrivez-vous autant d’histoires théologiques ?
Borges : C’est parce que je crois en la théologie comme littérature fantastique. C’est la perfection du genre.

dimanche, 09 janvier 2005

Lire, mais aussi écouter et lire à nouveau

Dans le serpent d’attente de la Folle journée, j’écoutais France Cul. Ah ! ces nuits ! Une voix haut perchée - un homme ? une femme ? - qui parle d’un dénommé Joubert. J’aime bien ces écoutes du hasard où se dévoilent, au fil des minutes, les thèmes, les personnages, l’interviewé et son interviewer. Suspens des savoirs : le "google" de l'écoutant balaie les souvenirs pour tenter l'identification.

Cette nuit de vendredi à samedi, donc : Parler en prose et le savoir. C’est Sipriot qui s’entretient avec Jean Guitton. On est dans le "naguère" : le ton radiophonique, l'expression orale sans faille, l’affirmation des idées, des valeurs ; ça semble vieillot, suranné, passé de mode. Mais se glissent beaucoup de subtilités délicates. Et Guitton s’en retourne plus loin encore jusqu’à un certain Joseph Joubert... Accroissement du raffinement.

Une heure qui a effacé la nécessaire patience de la file d’attente et les premières risées d’un vent de suroît.

Et en ce dimanche sombre de janvier, quand Le pavé dans la mare s'exerce sur la symphonie n°6 de Schubert (France Mu), cette facilité inouïe de la Toile, qui évite le report à plus tard d'une recherche en bibliothèque, pour savoir qui est Joubert Joseph...

Sans avoir été un lecteur assidu de Guitton, même au temps de mon catholicisme d’adolescent, je dois dans mon autodidaxie une fière chandelle au vieux philosophe qui publia en 1951 Le travail intellectuel, sous-titré conseils à ceux qui étudient et à ceux qui écrivent.

Il y parle des cahiers de chevet qui me renvoient à la notion du blogue et du travailleur en cellule qui me fait reprendre l’expression de Pascal Quignard sur l’entrée en anachorèse.

D’ailleurs, je me demande si, depuis Les petits traités (1990), et peut-être même avec des bouquins précédant ceux-ci, Quignard n’est pas à situer dans une archéologie des blogues de lecteurs.

Post-scriptum
À propos de ces auteurs "rares, tel Joseph Joubert, j'attends avec impatience l'intervention de Michel Onfray sur Saint-Èvremond, mardi 11.

samedi, 08 janvier 2005

La folle journée

Au mitan de la nuit, dans le serpentin d'attente de la Folle journée "Beethoven".
Le coup de vent n'était pas encore arrivé et à six heures du matin, je recevais le 328ème ticket... pour revenir réserver les places, en début d'après-midi.
Je n'ai jamais écouté "en vrai" la IXe : Ludwig Van peut bien exiger une demi-nuit blanche.

Quignard aurait écrit, mais je ne l'ai point trouvé dans le Dernier Royaume :
« Le silence qui suit Beethoven, c'est encore du... Haydn ! »
Croche-pied musicolo-littéraire un peu facile.

À midi,

J'ai quasi tous les concerts souhaités par les amis : la IXe, le concerto pour violon, le Ve concerto "l'Empereur", les sonates et Barbara la belle Négresse qui eût été en d'autres temps une "Immortelle Bien-Aimée" probable !