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mardi, 25 janvier 2005

Robert DESNOS, le cinquième des...

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... quatre sans cou
Quand ils mangeaient, c'était sanglant,

Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c'était du sang.

Quand ils couraient, c'était du vent,
Quand ils pleuraient, c'était vivant,
Quand ils dormaient, c'était sans regret.

Quand ils travaillaient, c'était méchant,
Quand ils rodaient, c'était effrayant,
Quand ils jouaient, c'était différent,
Quand ils jouaient, c'était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c'était étonnant.

Mais quand ils parlaient, c'était d'amour.




Le plus grand parmi les rêveurs, écrivit André Breton dans le premier Manifeste du surréalisme :
“La prodigieuse agilité qu'il met à suivre oralement sa pensée nous vaut autant qu'il nous plaît de discours splendides et qui se perdent, Desnos ayant mieux à faire qu'à les fixer. Il lit en lui à livre ouvert et ne fait rien pour retenir les feuillets qui s'envolent au vent de sa vie”.
Il poursuivra dans les Pas perdus et dans les Entretiens radiophoniques avec André Parinaud (de mars à juin 1952), soulignant la capacité prodigieuse de Desnos à “se transporter à volonté, instantanément, des médiocrités de la vie courante en pleine zone d’illumination et d’effusion poétique”.

Grand joueur de mots
Pourquoi votre incarnat est-il devenu si terne , petite fille dans cet internat où votre œil se cerna ? Rrose Sélavy


Tour à tour, commis-droguiste, secrétaire dans une maison d’édition, comptable, courtier en publicité, caissier, journaliste, pigiste, journaliste à la radio, réalisateur avec Paul Deharme de la célèbre émission radiophonique La grande complainte de Fantomas, musique de Kurt Weill, Antonin Artaud pour la direction dramatique et le rôle de Fantomas.
Il aima le cinéma et lisait des bandes dessinées.

Il osa le Corsaire Sanglot et se fit censuré, en 1927, par le Tribunal correctionnel de la Seine
Tes lèvres font monter des larmes à mes yeux ; tu couches toute nue dans mon cerveau et je n’ose plus dormir.
La Liberté ou l’Amour


Il aima. Parfois deux amours à la fois, au moins une fois !
Dans la nuit il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer, des fleuves, des forêts, des villes, des herbes, des poumons de millions et millions d'êtres.
Dans la nuit il y a les merveilles du monde.
Dans la nuit il n'y a pas d'anges gardiens, mais il y a le sommeil.
Dans la nuit il y a toi.
Dans le jour aussi.
Les espaces du sommeil


Parfois, il ne fut pas aimé et
The night of the loveless nights

ce fut son Bateau ivre à lui

Nuit putride et glaciale, épouvantable nuit,
Nuit du fantôme infirme et des plantes pourries,
Incandescente nuit, flamme et feu dans les puits,
Ténèbres sans éclairs, mensonges et roueries.

Qui me regarde ainsi au fracas des rivières ?
Noyés, pécheurs, marins ? Éclatez les tumeurs
Malignes sur la peau des ombres passagères,
Ces yeux m'ont déjà vu, retentissez clameurs !

Le soleil ce jour-là couchait dans la cité
L'ombre des marronniers au pied des édifices,
Les étendards claquaient sur les tours et l'été
Amoncelait ses fruits pour d'annuels sacrifices.



Il fut grand enfant pour les enfants
Le blaireau
Pour faire ma barbe
Je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.

Par mes poils de barbe !
S'écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau,

Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe,
T'auras pas ma peau.


Ce sont Chantefables et chantefleurs
à faire lire par les grands-pères pour toutes les Noémie et Célia du voisinage.

Devenant le poète clandestin
Il fut Cancale, parigot à l’argot de maquereau
C'est tarte, je t'écoute, à quatre-vingt-six berges,
De se savoir vomi comme fiotte et faux derge
Mais tant pis pour son fade, il aurait dû clamser


Il fut Valentin Guillois pour célébrer les armes de justice et la fraternité de ceux qui les prirent.
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon cœur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
Même si les nuages le cachent il sera là,
Bonjour, bonjour, de tout cœur bonjour !


Il fut arrêté par la Gestapo, le 22 février 1944.
Il “fit” Fresnes, Compiègne, Auschwitz, Buchenwald, Flossenburg, Flöha.
À Térézine, il vécut, quelques jours, libre et à l’agonie.

.... J’ai rêvé tellement fort de toi,
J’ai tellement marché.................




Je crois bien que c’est Cadou qui me mena à Desnos.
J’étais dans mes années de merde et de feu à Tamloul et l’arme que j’avais, en mains, n’était point de justice : nous tentions d’être propres.
Depuis 1956, les lieux que j’habitais n’avaient pas de librairies, mais la Poste délivrait encore les paquets de bouquins au fin fond de la forêt tropicale et jusqu’aux secteurs postaux des pitons d’Algérie.
medium_desnos.3.jpg
Dans le dernier cahier de certains “Poètes d’aujourd’hui”, Pierre Seghers écrivait : “Demandez à votre libraire habituel de faire, lui aussi, un effort en faveur des poètes. Commandez-lui nos ouvrages. Si nous n’avez pas de librairie à votre disposition, écrivez-nous”.
Depuis cinq ans, je lui écrivais et il m’envoyait les poètes.

C’était un temps déraisonnable !

ROBERT DESNOS, c’était une première de couverture, blanche avec des lettres noires, qui rompait avec les autres bouquins de la collection.
Comme un livre de deuil !
C’était le n°16, une édition nouvelle, avec une étude de Pierre Berger. Dans un avertissement cet homme se défendait d’avoir fait un essai. « La seule ambition de son auteur est d’avoir fait acte de camaraderie.
Il ne s’agit donc pas de littérature. D’ailleurs Desnos détestait cela. »
Un livre de “copain” !
Il entrelaçait la vie quotidienne d’un Desnos aux petits métiers, grandes misères et les nuits fabuleuses, les amours, les querelles, les injures du grand bazar surréaliste.
N’était pas encore venu le temps de la sémiologie, de la stylistique, des thèses.

Berger rapporte deux faits :
Après l’arrestation de Desnos, lors d’un dîner en ville entre un haut-fonctionnaire, des écrivains et journalistes de la presse du moment (!), un dénommé Alain Laubreaux hurle à propos de Desnos :
« Pas déporté... vous devriez le fusiller. C’est un homme dangereux, un terroriste, un communiste.»
Berger poursuit
“Alain Laubreaux est actuellement chez Franco.
Mais SI ON LE REPREND...”

C’était en 1949.

Laubreaux est-il encore vivant ?

Le second fait est rapporté par André Verdet, poète et compagnon de déportation :
“À Auschwitz, devant la chambre à gaz, les dix-huit cents camarades du transport attendaient la mort. Abrutis de fatigue, de faim, d’angoisse, la plupart demandaient qu’elle vint vite. Tout à coup il se passa quelque chose : un homme parcourait furtivement les rangs du bétail, prenait les mains de chacun..., examinait les lignes de vie et de chance, prédisait une existence longue et heureuse, la fin des misères, prophétisait encore... C’était Robert Desnos”.


Je ne sais qui est Pierre Berger, il a écrit dans la même collection une introduction à Pierre Mac Orlan, à René Char.

Vous avez le bonjour de Robert Desnos !


Post-scriptum
Le rédacteur du blogue, très troublé par le soixantième anniversaire de la libération des camps nazis, a modifié l’ordre de parution de ces retours sur les “POÈTES D’AUJOURD’HUI”, qui devaient suivre l’ordre de ses découvertes. Cette nuit-même, est projeté en continu, sur une chaîne nationale, SHOAH de Claude Lanzman.

Le temps de mon enfance fut le temps des assassins :

Robert Desnos,
arrêté le 22 février 1944, mort à Térézine, le 8 juin 1945.

Max Jacob,
arrêté le 24 février 1944, mort au camp de Drancy, le 5 mars 1944.

Précédés par
Federico Garcia Lorca, fusillé à Viznar près de Grenade, le 19 août 1936
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Sangs féconds


Pour lire Robert Desnos aujourd'hui
• 3 recueils dans Poésie/Gallimard
• Des liens
- œuvre et biographie de Desnos
- Desnos déporté
- Desnos célébré (!)
- Desnos chanté
- Desnos chanté bis

Commentaires

C'est un bel hommage à Desnos que vous avez fait là. Moi aussi, je suis assez troublée par ces événements du 60e anniversaire de la libération des camps. Troublée surtout parce que j'aime Robert Desnos...

Merci.

Écrit par : France L'Heureux | lundi, 31 janvier 2005

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