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Chronique portuaire LII

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1748. — DU CHAFFAULT À BORD DU " TONNANT ". Chargé d'escorter un convoi de deux cents voiles, le Chef d'Escadre des Herbiers de l'Estenduère sortait de la rade de l'île d'Aix, en octobre 1748, avec son parent Du Chaffault de Besné comme capitaine de pavillon, commandant sous ses ordres le vaisseau-amiral le Tonnant, de 80 can. Le convoi et l'escadre d'escorte composée de dix vaisseaux seulement, furent chassés peu de jours après par l'escadre anglaise de l'amiral Hawhe ; et les deux antagonistes engagèrent bientôt une lutte épouvantable qui dura huit heures. Au plus fort de l'action, un boulet emporta la tête d'un homme aux côtés de l'Estenduère, et la cervelle du malheureux rejaillit sur le visage du Chef d'Escadre. L'Estenduère se tourna sans s'émouvoir vers son fils, garde de Marine, qui se tenait près de lui, et lui dit simplement : «Donne-moi ton mouchoir » ; puis, comme le jeune homme croyant son père blessé versait des larmes, il ajouta sévèrement ; « Mon fils, apprenez que sur un champ de bataille un l'Estenduère ne doit jamais faiblir ! ». À la fin du combat, seul le Tonnant battait encore pavillon. Il avait cent seize morts ou blessés, avait reçu quatre mille boulets dont huit cents avaient porté, et en avait envoyé à lui seul plus de deux mille ; aussi, les Anglais qui n'avaient jamais vu un vaisseau fournir un pareil feu, n'appelèrent-ils plus le Tonnant que l’Enfer. Fort maltraités eux-mêmes, ils furent contraints de s'éloigner et le Tonnant, qui dut être remorqué, ramena les deux cents navires confiés à sa garde. Dès le début de l'action, le brave Du Chaffault avait été blessé au visage ; mais sans prendre le temps de se faire soigner, il était resté à son poste de combat, et ce fut grâce à son habileté dans la manœuvre que le Tonnant put échapper à ses adversaires et les forcer finalement à abandonner la lutte (1). ___________________________________________________ (1) Revue du Bas-Poitou, Année 1906, pp. 109-110. La famille des Herbiers de l'Estenduère. originaire des Herbiers (Vendée), à quelques kilomètres du Comté Nantais, fut l'une des plus célèbres familles maritimes de France, et chaque génération, pour ainsi dire, vit un ou plusieurs l'Estenduère s'illustrer sur mer.
RAPPEL Ces chroniques sont tirées de Marins et Corsaires Nantais par Paul Legrand Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs 7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

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jeudi, 17 mai 2007 | Lien permanent

Chronique portuaire LVI

Elle est brutale, cette note de Paul Legrand ; elle montre bien que le souci de "karchériser" ne date point des seules déclarations de l'actuel président de la République.
NDLR
Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1762. — LES NOIRS À NANTES EN 1762. L'Amirauté de Nantes était saisie le 22 juin 1762 d'une plainte des officiers de police, relative au grand nombre de Noirs esclaves que les capitaines et négociants introduisaient dans la ville au mépris des Règlements. Au dire de ces officiers, Nantes était envahie par une population de Nègres qui la faisaient ressembler à une ville tropicale bien plus qu'européenne. Ces esclaves, aussi inutiles que dangereux, s'assemblaient en bandes nombreuses sur les places publiques et les quais, et poussaient l'insolence jusqu'à insulter les habitants le jour, et à troubler leur sommeil la nuit par leurs querelles et leurs cris. L'Amirauté fit droit à cette requête, et fit afficher les Règlements relatifs à l'Introduction des Noirs esclaves en France (1). 1765. — LE PORT DE NANTES EN 1765. À l'article Nantes, par Louis de Jaucourt, on lit dans la première Encyclopédie de Diderot : « L'Université de Nantes fut fondée vers l'an 1460, mais c'est l'Université du commerce qui brille dans cette ville. Ils arment tous les ans plusieurs navires pour la traite des Nègres dans les Colonies françaises. Le débit de toutes sortes de marchandises est plus aisé et plus vif à Nantes que dans les autres villes du royaume » (2). CAMPAGNE DE DU CHAFFAULT EN 1765. En mai 1765, Du Chaffault, promu l'année précédente au grade de Chef d'escadre, reçut l'ordre de se porter sur les côtes marocaines et d'en détruire les villes maritimes, véritables repaires de pirates. II partit avec six vaisseaux et frégates, deux chébecs dont l'un commandé par de Suffren, et deux galiotes à bombes. Les 2, 8 et 11 juin, il bombardait Salé ; puis Larrache, les 26 et 28 juin. Malheureusement, le capitaine de Latouche-Beauregard engagea trop loin dans la rivière ses canots chargés de troupes de débarquement ; il eut la tête tranchée, et 300 hommes furent massacrés (3). ________________________________________________________ (1) VERGER, Archives curieuses de Nantes, t. III, p. 225. (2) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays Nantais, p. 292. (3) O. TROUDE, Batailles navales de la France, t. I, pp. 435-6. Revue du Bas-Poitou, année 1906, p. 119.
RAPPEL Ces chroniques sont tirées de Marins et Corsaires Nantais par Paul Legrand Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs 7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908

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jeudi, 12 juillet 2007 | Lien permanent

à propos de ”La Frontière”

Avant-hier soir, au Lieu Unique, à propos de La Frontière, au cours d’un très clair exposé de Laurent Demanze, professeur de littérature contemporaine au collège Bayard de de Denain, il fut beaucoup question de la discontinuité du temps — mais déjà le Nouveau Roman, il y a cinquante ans ! —, des aspérités que Quignard insère dans son apparent classicisme, de son érudition — qui tant me fascine, c’est peut-être par sa faute si j’ai repris le Grec ancien — de son érudition, donc, qui autorise le retour de l’archaïque et du sordide dans une dialectique de la beauté et de l’avilissement. Bref, la soirée fut plaisante, instructive et pour moi d’autant plus gratifiante que Laurent Demanze a rapproché en conclusion les deux moments de voyeurisme involontare que j’évoquais dans ma note du 2 octobre : celle qui urine - la scène du Roi du bois, de Pierre Michon — et celle qui excrète, dans La Frontière. Un question demeure : la vision des azulejos du palais de la Fronteira sont-ils la cause de la fiction écrite par Quignard ? ou un drame bien réel fut-il illustré par les céramistes lusitaniens ? J’aurais souhaité que soit abordé plus profondément — il ne fut que nommé — le fait éditorial qui lèverait sans doute le voile : l’édition originale de l’œuvre fut publiée par les Éditions Quetzal dans une traduction portugaise, “à Lisbonne au cours d’une grande fête donnée au Palais par la marquise et le marquis de la Fronteira, Mafalda et Fernando de Mascarenhas, le 19 mai 1992”. Le bouquin parut en France un mois plus tard, en juin, publié par Chandeigne. Alors simple mais brillante flagornerie d’écrivain, creusement de déchirures intimes, balançoire d’esthète entre images/texte ou texte/images ? Serait, sans doute intéressant de questionner Quignard à ce sujet. Mais qu’y gagnerait l’imaginaire du lecteur ? Un dernier aphorisme du jeune professeur, qui commence de m’éclairer sur la notion du “post-moderne” :

À l’aède succède le scoliaste.
Depuis plus d’une semaine je me m’ébats — me débats — dans les concepts d’impureté, de réalisme lyrique, de spectralité, de minimalisme... (peinant sur un petit livre Le roman français aujourd'hui - transformations, perceptions, mythologies, chez Prétexte éditeur) Le lecteur creuse ses venelles dans l’obscurité critique, avec son bon goût et, tout autant, ses mauvais goûts ; il y reconnaît parfois des traces anciennes qui resurgissent en bribes, en éclats, dans ces écrits nouveaux. Les jeunes universitaires ont quelque brillance dans leur parler nouveau ; ça me ramène curieusement — avec un intérêt empreint de doute mais certain — à mes premières lectures du père Barthes ou du bonhomme Éco ; je n’y comprenais que dalle, mais “ça” finirait bien par se clarifier un jour... Allons ! Aborder le “Jadis”, c’est manière de “poser un regard dessillé” sur le présent.

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vendredi, 20 octobre 2006 | Lien permanent

Chronique portuaire de Nantes XXII

Au XVIIe siècle
1616. — LE PORT DE NANTES EN 1616. Josse Sincère (Jean Zinzerling), décrit ainsi Nantes dans son : « Itinerarium Galliœ », publié en 1616 : « C'est une ville commerçante à cause de la commodité de son port sur la Loire, où le flux marin commence à se faire sentir. Les navires qui parcourent l'Océan montent jusque là ; mais non les grands qui sont obligés de s'arrêter à cinq ou six lieues au-dessous » (1). Paimbœuf était en effet, à ce moment, l'avant-port de Nantes. On y voyait parfois, nous disent les chroniqueurs, plus de cent grands vaisseaux ancrés dans sa rade ; et son quai et môle étaient, si on les en croit, parmi les plus beaux du monde. Paimbœuf était d'ailleurs une simple succursale de Nantes ; les commerçants et armateurs de cette ville y possédaient des magasins et des agents ; les constructeurs de navires y avaient établi leurs cales pour les grands vaisseaux ; les navires dépassant un certain tonnage s'y armaient et s'y désarmaient, et les cargaisons qu'ils embarquaient ou qu'ils débarquaient venaient de Nantes ou s'y rendaient sur des gabares et des barges. Mais tout ce mouvement maritime se rattachait à Nantes ; la petite bourgade de Paimbœuf ne possédait par eIle-même aucune activité commerciale ; et devait retomber dans le calme et le sommeil dès que l'amélioration du fleuve permit aux Nantais de se passer de leur avant-port. 1617. — PIRATES BARBARESQUES. Le commerce était encore peu sûr et les mers infestées de pirates. L'embouchure de la Loire, en particulier, semblait le rendez-vous de ces écumeurs de mers, attirés par les riches cargaisons entrant à Nantes. En 1617, trois navires de Nantes, armés en société par les Marchands à la Fosse, furent ainsi enlevés à leur sortie de la rivière par des pirates barbaresques ; c'étaient le Saint-Pierre, de 200 tonneaux, le Saint-Nicolas, de 50 tonneaux et la Renée, de 40 tonneaux. La perte était évaluée à 200.000 livres ; les équipages prisonniers ; et le Saint-Pierre, monté par ses capteurs, prit rang parmi les plus terribles pirates de ces régions. Ces trois prises, qui eurent lieu coup sur coup, causèrent à Nantes un émoi considérable ; et le Bureau de Ville adressa même une lettre au Roi pour le supplier de purger l'embouchure de la Loire de ces pirates. Cette réclamation demeura sans effet ; on peut supposer cependant que les équipages revinrent à Nantes, grâce aux Frères de la Merci ; association charitable dont le but était de racheter les malheureux tombés entre les mains des infidèles et des pirates (2). ___________________________________________________________________________________ (1) DUGAST-MATIFEUX, Nantes ancien et le pays Nantais, p. 143. (2) S. de la NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 132-3.

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jeudi, 14 septembre 2006 | Lien permanent

Chronique portuaire de Nantes XIII

Des origines à la fin du Moyen-Âge
1493. — LA " BOURSE ET ESCAPPE " ET LA CONTRACTATION. Un des premiers actes de Charles VIII à Nantes, au lendemain de son mariage avec la Duchesse Anne de Bretagne, fut de rétablir, par Lettres patentes du 29 décembre 1493, la « Bourse et Escappe » que les marchands espagnols possédaient autrefois à la Fosse, mais qu'ils avaient transportée à la Rochelle pendant les dernières guerres (1). Par ces mêmes Lettres, le Roi confirmait l'alliance particulière des commerçants de Nantes et de Bilbao, connue sous le nom de « Contractation », alliance qui durait déjà depuis plus d'un siècle et ne devait disparaître qu'en 1733. Lors de sa création, cette association possédait même plusieurs navires communs aux deux nations, et appelés « navires de la Contractation », mais elle y renonça dans la suite. Son but était d'assurer aux deux contractants l’échange réciproque de leurs produits, au prix le plus bas possible, et sans aucune des innombrables entraves résultant des droits et péages locaux. Les Espagnols demandaient à Nantes tout ce dont ils avaient besoin et c'est ainsi que, dans une lettre du sieur de Lusançay, commissaire du Roi à Nantes, on peut lire : « Messieurs de Bilbao ont écrit icy de leur envoyer un maître de danse pour « apprendre à danser à la française ». La Contractation était en même temps confrérie religieuse, et possédait un autel aucouvent des Cordeliers où se tenaient ses réunions (2). 1496. — " CARAQUES " NANTAISES. En 1496, Charles VIII demanda à la ville de Nantes de lui fournir deux grandes « caraques » destinées a transporter ses munitions et son artillerie en Italie, où il faisait campagne. La Ville fut obligée d'emprunter 3.750 livres, monnaie de Bretagne, pour la construction de ces deux vaisseaux, jaugeant chacun 1.000 tonneaux (3). La « caraque » était le bâtiment de charge par excellence ; rond, massif et solidement lié. Elle avait fait son apparition dès le XIVe siècle, réalisant deux perfectionnements importants sur les types de navires précédents : la présence des haubans tels qu'ils existent encore de nos jours, et celle du gouvernail fixé à l'étambot. 1498. — " GALIOTES " NANTAISES. La ville de Nantes possédait plusieurs « galiotes», et lors de la visite du Prince d'Orange, Gouverneur de Bretagne, et de sa femme, elle en fit ponter et décorer une et la mit à leur disposition pour les conduire à Tours (4). Ces « galiotes» ou « felouques » étaient de petites galères, fines et rapides. Toutefois, on désignait également sous ce nom de « galiotes » des bâtiments de transport, de formes rondes et d'origine hollandaise. ________________________________________________________________ (1) LE BEUF, Du Commerce de Nantes, p. 28. (2) Théodoric LEGRAND, Apunte sobre el commercio de Bretana con Espana. De la revista de Archivos Bibliotecas y Museos. GABORY, La Marine et le Commerce Nantes au XVIIe siècle et au commencement du XVlIIe siècle, p. 61. (3) G. TOUCHARD-LAFOSSE, La Loire historisque, pittoresque et biographique, t. IV, p. 103. (4) TRAVERS, Histoire de Nantes, t II, p. 238.

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jeudi, 06 juillet 2006 | Lien permanent

un appel non dénué d'incongruité

Quand les ancêtres redoublent de férocité, écrivait Kateb Yacine ! Aurons-nous assez de rage pour les entendre ? Reçu d'une amie qui le donna à une amie qui me le donne cette nuit.
L'appel des résistants Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n'a pas totalement disparu et notre colère contre l'injustice est toujours intacte. Nous appelons, en conscience, à célébrer l'actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d' accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne jamais : Nous appelons d'abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des " féodalités économiques " , droit à la culture et à l'éducation pour tous, une presse délivrée de l'argent et de la corruption, des lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l' Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie. Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau " Programme de Résistance " pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l'intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales. Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n'acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944. Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection : « Créer, c'est résister. Résister, c'est créer ». Signataires
Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.
à prolonger en alllant à alternatives-images.net

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dimanche, 02 avril 2006 | Lien permanent

Un vrai vracquier

En vrac ! Je me fais l’effet certains jours d’être un vieux “vracquier”* qui charge en désordre dans ses cales toutes choses n’ayant guère de rapport entre elles. Ainsi, une journée comme hier, occupée

à écouter - tout en regardant, merveille du dvd - un opéra, l’Orféo de Monteverdi, puis l’abécédaire de Gilles Deleuze que m’a prêté Ét, à lire et écouter, lu par Cuny, le Van Gogh d’Artaud, à lire Le bonheur fou de Giono et la Littérature française du Moyen-Âge, à traduire avec quelque peine l’Andromaque d’Euripide....
Et la vie tout autour, belle parfois - longue et lente promenade avec Nicléane sur les rives du canal de la Martinière dans un soleil de fin d’hiver - mais souvent ces jours-ci trébuchante :
les amis, Jc, Cl, Je, et le compagnon de Fra, qui luttent à coup de “chimiothérapies” accompagnées de leurs inévitables complications contre la Sournoise, Jej qui repasse au bloc pour qu’on lui “lave” un stimulateur infecté...
S’élève le chant d’Orphée :
Où t’en vas-tu, ma vie ?
Parfois comme une gêne d’être en insolente santé. Ainsi pour aller déguster de la pomme de terre au coin de la rue des Halles et de la rue des Carmes, dans un joli “caboulot” dénommé À l’amour de la pomme de terre, où l’on vous sert le tubercule en tous ses états. Selon votre gourmandise ! On vous propose un vin d’Alicante, grenat et dense Ainsi en ouvrant le Libé-livres - il est souvent des semaines mornes, sans titres, sans auteurs, sans “clientèle” dirait Deleuze parlant des époques de sécheresse - celui d’aujourd’hui me comble avec ses lectures à venir - le printemps s’annonce
avec Quignard et un art de rompre, Villa Amalia, avec Coetzee et l’Homme ralenti, avec Patrick Roegiers et le Cousin de Fragonard, Honoré l’homme aux écorchés - j’avais beaucoup aimé sa Géométrie des sentiments -, avec Derrida et l’Animal que donc je suis - pour penser les vivants autres qu’humains, à l’heure où nous nous préparons à massacrer des millions de volatiles, rééditant nos sanglantes tueries bovines -, avec enfin, il fait la Une, David Le Breton avec La saveur du monde. Une anthropologie des sens.
« L’homme ne va pas sans la chair qui le met au monde.»
Je pressens que cette lecture qui ne nie point le dualisme occidental du corps et de l’esprit est une tout aussi belle entreprise de conciliation de l’un et l’autre que ne tentent de la faire les assertions hédonistes un tantinet forcées de Onfray. Marongiu qui signe la critique commence ainsi :
« À l’origine, une homologie manifeste a relié dans la langue, le savoir et la saveur... En latin par exemple, le verbe sapere dit à la fois ce qu’on sait et ce qu’on sent. »
Je tairai la chronique d'Édouard Launet, la gardant, et pour cause, en mon for intérieur ; elle est titrée Vive l'agonie. "La plume, au seuil du néant, devient (peut-être) d'une extrême acuité". À mon usage futur, je ne refuse point. Je préfère bien mieux que mes vieux copains puissent encore, et pour longtemps, conjuguer le verbe “sapere”, même si certains n’entendent point le latin ! * Cargo qui souvent fait du cabotage en transportant les matériaux et denrées les plus divers.

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jeudi, 02 mars 2006 | Lien permanent

Immigré mon ami

La mort n’est pas loin. À quelques pas d’ici, de mon jardin qui n’est pas encore rétréci, il y a mon copain exsangue, cireux, immobile sur un lit, certains diront son corps, d’autres son cadavre, moi, je dis encore « mon copain » ! Hier, je voulais parler de cet après-midi de samedi dernier, un après-midi de solidarité ; flottait le drapeau du Thibet ; je n’aime plus les drapeaux, mais ceux des pays qu’on veut rayer des cartes, je pense qu’il est sensé de les faire flotter ! Ce fut donc de la solidarité avec les immigrés. Ateliers, tables rondes. Moi, je me suis occupé de livres : j’étais, pour un après-midi, libraire-et-bibliothécaire. Je n’aime guère le commerce, s’il me fallait une psychanalyse, ce serait pour ma relation à l’argent. J’ai vendu pour 560 €. Meilleurs scores pour la Fracture coloniale, La révolte des banlieues ou les habits nus de la République (petit brûlot sur les événements de novembre), Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Histoire des Français venus d’ailleurs, ... Pour un qui donnerait plutôt les bouquins, pas trop mal ! Deux amis de Baalu témoignaient. Baalu, une communauté de dix villages au profond du Sénégal oriental, aux confins du Mali et de la Mauritanie, au confluent du Sénégal et de la Falémé, depuis dix siècles, réservoir de l’émigration, depuis l’implosion de l’empire du Ghana, pour cause de serpent maléfique et de vierge forcée, pour l’or épuisé, pour le désert qui s’avance. Bref, le commencement de la diaspora Soninké : Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Europe, ils sont désormais à New-York, recommercialisent Harlem et touchent déjà la côte Ouest ! Dans l’urbs parisienne, ils sont sans doute les plus nombreux, balayeurs, ingénieurs, magasiniers, informaticiens, chauffeurs de taxi, sociologues, mais É M I G R É S ! Mamadou D et Al-Hadji K ont témoigné. Ce dernier qui alla à l’école française jusqu’à l’âge de douze ans a dit ce texte, qu’il nous a confié ; c’est simple et nu.

IMMIGRÉ Être immigré, c’est vivre loin de chez soi, Laissant parents, amis et coutumes, Se retrouver dans un autre lieu, Dont on ignore en général La mentalité et le mode de vie de ce nouvel endroit. Cest aussi vivre dans la solitude, l'ennui, Et l’inquiétude des gens qui t'entourent Car la chaleur humaine n’est toujours pas la même. Que ce soit dans le bonheur ou le contraire, On est appelé à le supporter dès qu’on a choisi d’émigrer. La nostalgie des siens gagne du terrain de jour en jour, Parfois même, le retour au bercail se fait sentir, Mais le courage devrait emporter là-dessus, Pour faire remonter le moral. On en profite pour s’instruire, La rencontre avec un nouveau monde, Une nouvelle culture est toujours enrichissante. Parce que voyager veut dire aussi ça ! Al-Hadji Kanouté
Je n'ai pas encore parlé de l'iniquité de la loi Sarkozy, gros étron chié des accords de Schengen, et de ses circulaires d'application ! Ce soir, la mort est encore notre voisine et persiste la tristesse .

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mercredi, 15 mars 2006 | Lien permanent

Chronique portuaire LIX

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1772.— LE PORT DE NANTES EN 1772. Dans son Voyage de la Raison en Europe, publié en 1772, le Marquis Carracioli, racontant ses voyages comme étant accomplis par le personnage imaginaire de Lucidor, écrit de Nantes : « Les négociants de Nantes ne voulurent point laisser partir Lucidor sans l'introduire dans la maison particulière où ils s'assemblent. On y lit, on y converse, on y joue ; et c'est un lieu très commode pour se mettre au courant de la littérature et des nouvelles. II seroit à désirer que toutes les villes de commerce imitassent un pareil exemple ; et surtout celui de faire honneur à leurs affaires. Nantes est une place des plus sûres du Royaume. Quoiqu'elle ne compose qu'un tout informe, ses différentes parties ont des beautés qui satisfont l'étranger. La Fosse est trop irrégulière pour pouvoir plaire aux connaisseurs. C'est une suite de maisons inégales ; et dont les balcons sont presque toujours défigurés par le linge qu'on y étale. On diroit que c'est le quartier des Blanchisseuses. La police devroit y veiller. On lui parla tant de fois des vents qui retardent les vaisseaux ou qui les amènent, qu'il se croyoit dans la caverne d'Eole. C'est assez la conversation quotidienne des gens de mer....» (1). 1776. — CAPITAINE NANTAIS ANNOBLI APRÈS SA MORT. Dans les derniers mois de 1776 mourait à Nantes l'un de nos plus célèbres capitaines Corsaires : Rolland Thiercelin. Successivement appelé au commandement du Mars, puis de la Bellone, il avait accompli une carrière des plus brillantes. Son fait d'armes le plus saillant fut le combat qu'il soutint en 1745, à bord de la Bellone, de 36 can., contre un vaisseau de guerre anglais de 60 can., l'Augusta, qu'il obligea à fuir. Au moment de sa mort, le Roi, en récompense de ses services, se disposait à lui conférer les lettres de noblesse. Par dérogation à l'usage, et à la demande de la Ville, elles lui furent accordées cependant, et Rolland Thiercelin fut ainsi annobli après sa mort (2). 1777. — LANCEMENT DE LA "ROSIERE D'ARTOIS". Le Comte d'Artois, depuis Charles X, assistait le 24 mai 1777 à la mise à l'eau du superbe navire la Rosière d'Artois, construit aux chantiers de la Chézine. À l'issue du lancement, le Prince reçut une députation des «dames poissonnières » de la ville, et leur avoua que : « sur sa parole d'honneur il n'avait jamais vu femmes plus belles et plus jolies, ni d'une plus avenante corpulence. » Les « dames poissonnières » furent enchantées du Prince qui les embrassa fort galamment ; cependant elles avouèrent plus tard qu'elles le trouvaient : « trop égrillard » (3). La Rosière-d'Artois fut traîtreusement enlevée par les Anglais à sa sortie de la Loire, et sur quatre-vingt-deux navires expédiés par Nantes en 1777, seize furent ainsi pris par eux avant toute déclaration de guerre (4). _____________________________________________________________________ (1) Le Chercheur des Provinces de l'Ouest. Année 1902. Questions et Réponses, p. 528. (2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 155-161. (3) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, t. V., p. 257. (4) MELLINET, La Commune et la Milice de Nantes, p. 259,

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jeudi, 06 septembre 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)

Chronique portuaire LXI

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1779.— DE LA GALISSONNIÈRE LE FILS DU " VAINQUEUR DE PORT-MAHON ". Le 21 février 1779, Barin de la Galissonnière, le fils du vainqueur de Port-Mahon, et Nantais comme lui, escortait avec la frégate de 32 can. la Blanche, un transport de l'Etat, lorsqu'un gros vaisseau anglais de 50 can, s'empara du transport sans daigner répondre aux coups de canon de la frégate. Furieux, La Galissonnière, « s'exagérant ses devoirs », cingla sur l'énorme masse, le combattit en désespéré pendant trois heures, bord à bord, lui tua son capitaine, et le força à fuir honteusement avec sa prise. Le Nantais, voyant tout le fruit de sa victoire lui échapper, se lança résolument à sa poursuite et parvint à lui reprendre le transport qu'il ramena triomphalement au port (1). LE CORSAIRE LA " JEUNE-AGATHE ". Le senau nantais la Jeune-Agathe, armateur Vilmain, cap. Louis-Simon Berthault de la Bossère, armé de 8 can. et monté par 29 h. ; un tout petit corsaire, mais un vaillant petit navire, rencontrait le 2 avril trois corsaires anglais qui lui donnèrent la chasse. À force de voiles, la Jeune-Agathe en distançait deux et se retournant contre le troisième, une grosse goélette de 14 can., 16 pier. et 80 h., le forçait à s'éloigner après un combat de deux heures, À peine était-elle remise de ses émotions, ses canons amarrés, ses câbles et drisses débossés et ses sabords aiguilletés, que, le 5 du même mois, elle était encore poursuivie par un gros corsaire anglais de 10 can., 16 pier. et 80 h. Malgré l'infériorité de ses forces, elle repoussa sept fois l'abordage, mit hors de combat 39 h. du corsaire anglais et finalement l'obligea à se retirer (2). PERDU SANS NOUVELLES. Le 18 février 1779, le corsaire nantais le Marquis-d'Aubeterre, de 250 tx., 22 can. et 170 h., commandé par le jeune et hardi capitaine Jean-Marie Loisel de la Quinière, âgé de 26 ans, mettait gaiement à la voile « allant en course contre les ennemis de l'Etat pour quatre mois. » Jamais depuis l'on entendit parler du corsaire, ni des cent soixante-dix Nantais qui le montaient (3). ________________________________________________________________ (1) DE LA PEYROUSE-BONFILS, Histoire de la Marine Française, pp. 114-116. (2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 12-14. (3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 16. A. PÉJU, La Course à Nantes aux XVIIe et XVIIIe siècles, pp. 173-74

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jeudi, 20 septembre 2007 | Lien permanent | Commentaires (1)

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