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mardi, 09 juin 2009

Merlin versus Ulysse 1

L'ami Joachim, dans sa Deffence et illustration de la langue francoyse, ne conseille-t-il pas :

« Choisy moy quelque un de ces beaux vieulx romans Francoys, comme un Lancelot, un Tristan, ou autres : & en fay renaître au monde un admirable Iliade & laborieuse Eneïde ».

 

Ce sacré Apollinaire avec son cœur aussi gros qu'un cul de dame damascène m'a entraîné dans la relecture de L'Enchanteur pourrissant qui jouxtait donc les Chants de Mihyar le Damascène.

 

Et ce laisser-aller au courant de lectures divaguant de rayon en étagère me ramène après une trop longue absence à ces textes qu'on dit "celtiques", ou plus savamment "matière de Bretagne". L'adolescence fut bercée par Tristan et, dissimulée, Yseult. L'âge venant a lentement conduit à Merlin, et, cachée, Viviane.

 

Merlin, le versus celte de l'Ulysse grec ; je me vois bien dans ce recto/verso. J'avoue que le guerrier Arthur et ses chevaliers m'indiffèrent. Bien que Guenièvre dans l'amitié de ses hanches...? Et Morgane qui n'est pas si éloignée !

Du Bellay fut de bon conseil. Je ne veux pas énumérer ceux qui s'aventurèrent sur la voie proposée. J'ai dans ma musette certains noms contemporains ou presque qui me furent de bon usage  pour creuser mes petits imaginaires celto-hellènes.

 

Et puis j'ai une image qui hanta quelques nuits d'adolescence et le souvenir du trouble avec lequel mon amoureuse d'alors me rendit l'Apollinaire par lui-même que je lui avais confié. Sans doute fallait-il peu d'audace pour émouvoir la sensualité de notre jeunesse trop catholique ?

Mais la Viviane que grava Derain pour L'Enchanteur pourrissant est telle

 

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que la libre sexualité que nous allions bientôt découvrir demeurera marquée par cette puissance accroupie et ouverte.
 
La geste de Merlin l'enchanteur enchanté est aussi, à l'instar d'Ulysse, un chant du Retour.
Vers la Forêt qui deviendra ainsi l'Ile.
 
En guise de pirouette, l'un et l'autre de nos enchanteurs — et les femmes qui les enchantèrent — ne sont pas loin d'avoir agi de très loin dans cette poussée verte et écologique qui, ces jours, remue notre vieille Europe.
 
(...à suivre).

dimanche, 19 octobre 2008

retour à à la Possonière, terre de Ronsard

Ce matin un commentaire d'Alain B. et voilà mon projet de note autour de Montaigne et de l'émission de jeudi dernier, Une vie, une Œuvre, repoussé à un autre jour, parce qu'Alain cite un voyage en Vendômois, à la Possonière, manoir de Ronsard.
J'ai, à la suite de mes lectures de Michel Chaillou le "sentiment géographique" très développé qui m'est un puissant excitant à l'ouverture d'une œuvre.
Je ne quitterai donc point ce cher XVIe siècle, j'ouvre les Amours de Marie, cette brune Fleur angevine, paysanne pucelle de quinze ans. Alain soutient que Ronsard est le poète le moins superficiel de la langue française ; ça me chiffonne un peu pour mon Du Bellay préféré.
J'ai passé un après-midi enchanteur et ensoleillé dans les allitérations, les pétraquismes, les yeux, les poils, les roses, les herbages, les tétins, les aporismes et l'élégie la plus ivre : je suis revenu avec ce geste désespéré que j'adresse à Alain, mon compagnon de bord de mer qui a le mal de mer, mais célèbre si bien dans ses images et la mer, et les roses, et la femme.


Je veux, me souvenant de ma gentille Amie,
Boire ce soir d'autant, et pource, Corydon,
Fais remplir mes flacons, et verse à l'abandon
Du vin pour réjouir toute la compagnie.

Soit que m'amie ait nom ou Cassandre ou Marie,
Neuf fois je m'en vais boire aux lettres de son nom,
...........................................................
..........................................................
Gagnons ce jour ici, trompons notre trépas :
Peut-être que demain nous ne reboirons pas.
S'attendre au lendemain n'est pas chose trop prête.



et trois sonnets plus loin, cette épitaphe désespérée


Celui qui gît ici sans cœur était vivant,
Et trépassa sans cœur, et sans cœur il repose
.



Le moins superficiel ? Ne sais. L'un des plus graves, souventes fois.

vendredi, 30 juin 2006

fleuve blond

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C'était hier ou avant-hier, lors des Rencontres du Fleuve* qui, depuis une semaine, célèbrent le passé, le présent, les paysages, les bateaux, les vins, les femmes et les hommes, un futreau et une gabarre remontaient la Loire. La vallée me semblait blonde et je croyais enfin comprendre la fascination de l'ami Joachim Du Bellay pour l'or des belles chevelures.
À moins que ce ne fût pour ce vin d'Anjou en robe d'or que secrète le cépage chenin blanc !
Au choix donc, ou le vin ou la Dame Et puis non ! Pourquoi un choix ? Et la Dame et le vin.

.....................................
Je vois le blanc et vermeil
De cette face tant claire,
Dont l'un et l'autre soleil
À mes ténèbres éclaire.

Voyant ces rayons ardents,
Dessus le cristal de l'onde,
Qui frisent par le dedans
Le fond de l'arène blonde,

Je vois les ondes encor
De ces tresses blondelettes,
Qui se crêpent dessous l'or
Des argentines perlettes.

Le cep, qui étreint si fort
De l'orme la branche neuve,
Armant l'un et l'autre bord
Du long rampart de mon fleuve,

Ressemble ces nœuds épars,
Qui sur le front de ma dame
Enlacent de toutes parts
Mon cœur, mon corps et mon âme.

Ce vent, qui rase les flancs
De la plaine colorée,
À longs soupirs doux-soufflants,
Qui rident l'onde azurée,

M'inspire un doux souvenir
De cette haleine tant douce,
Qui fait doucement venir
Et plus doucement repousse

Les deux sommets endurcis
De ces blancs coteaux d'ivoire,
Comme les flots adoucis
Qui baisent les bords de Loire
..........................................

 


Joachim Du Bellay
Chant de l'Amour et du Printemps
Divers Jeux rustiques


* Le site des Rencontres du Fleuve.

jeudi, 29 décembre 2005

Visite chez Louïse

De mes rives bretonnes, je m'en vas, pour quelques jours, rendre visite à Dame Louïse Labé en sa bonne ville de Lyon.


En ces lieux où l'on voit tranquillement la Saône
se laisser entraîner entre les bras du Rhône
et où le mouvement du courant est si lent
qu'elle entre dans son lit sans trop savoir comment



Je me prends à rêver d'une rencontre, en avril 1553, entre Louïze et Joachim du Bellay en chemin vers Rome.

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Sans doute ne faudrait-il jamais oublier la parole d'Alexandre à Ptolémée, sur les crêtes glacées de l'Indu Kush ?

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« Les femmes ramènent toujours les hommes à leur patrie ! »

mardi, 06 septembre 2005

Allant à Liré

Nous allons passer quelques heures à aux bords de Loire, à la Maison-Cassée, près de l’Île-aux-Moines, en Liré.
Je pousserai, une fois de plus, jusqu’à La Turmelière, évitant la banale construction érigée à la fin du XIXe siècle, par un dénommé Charles Thoinnet, ancien chambellan de Napoléon III, pour aller rêver sur la colline qui surplombe le Doué de Lou.

Dans mes errances galiciennes, quand un peu m’étreignait le “regret” de mes rives, j’ai relu le Tombeau de Du Bellay ; Michel Deguy est sans doute le premier à assigner une juste place au Liréen et à souligner ce qui fait de celui -ci notre si proche contemporain.

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L’apparente et consciente humilité de la banalisation « autobiographique », qui quitte les grands genres et laisse les grandes cordes à la lyre de Ronsard, semble en contradiction avec le projet d’une grande poésie moderne française, et sans doute du Bellay la ressentit comme telle,accablé de son affaissement d’inspiration, mais à la faveur de cette profanation la poésie se rapproche de cette capacité qui sera pensée comme son « essence » : l’inquiétude de l’interrogation de ce qu’elle est. Le passage, de la fureur stéréotypée, qui se réserve aux grands thèmes, au désenchantement annonce l’expérience du plus grand nombre. Le sujet de la langue et le sujet de l’histoire s’identifient. ....Comme un qui, désespérant de construire ou de reconstruire en marbre, inventerait de travailler avec le bois, matériau innombrable, et retourne ainsi le manque contre lui : prend le vide à rebours et le change en élément, donne l’eau à boire et à préférer — au risque, qui ne cessera de s’aggraver, de ruiner les différences jusqu’à celle de la prose et de la poésie et, au matin de Cendrars, du poème et du journal.

Tombeau de Du Bellay
de Michel Deguy,
pp.110-111





Un autre jour, il faudra bien poursuivre le chemin jusqu'à Saint-Florent-le-Vieil.
Surplombant le fleuve, près de l'île Batailleuse, réside un très vieil homme, qu'au temps de ma jeunesse folle, j'avais envisagé de visiter ; à l'époque, il était très difficile de se procurer ses livres. Il m'a fallu attendre le début des années 60 pour avoir entre les mains Le Rivages des Syrtes.
J'avoue que je n'oserais plus aller toquer à la porte de monsieur Louis Poirier. J'irais cependant visiter la bibliothèque municipale à laquelle il a fait don d'une première partie de sa "librairie". Manière de pénétrer dans les fondations de ce grand œuvre, que je vis comme très ancien et plus contemporain de ces plates proses que nous offrent les hommes (...et femmes) qui "managent" les appareils éditoriaux.

Ô cendres de José Corti !

lundi, 13 juin 2005

Joachim Du Bellay

Ce n’est sans doute pas fortuit si j’achetai le même mois, en juillet 1958, François Villon et Joachim Du Bellay dans la collection “Poètes d’hier et d’aujourd’hui”. Certes, il y avait de ma part le projet de déscolariser les lectures de deux poètes que j’aimais et que l’approche de mes contemporains, Cadou, Char, Michaux tendaient à me faire lire autrement.
Mais plus souterrainement, il y avait le creusement d’un thème qui m’est intime : le désenchantement nécessaire à celui qui trop rêve l’utopie.

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Le bouquin est signé d’un certain Frédéric Boyer ; l’iconographie est abondante - entre autres, un beau portrait de Dorat, le maître de Coqueret. C'est le troisième de la collection et il est édité au cours du deuxième trimestre 1958.
Le commentaire de Boyer suit, sans originalité, la chronologie des œuvres ; il abonde même dans l’idée d’un Du Bellay toujours second de Ronsard, copieur de Speroni, d’un poète, agréable pétraquisant, mais dont la poésie aurait un “aspect quelque peu décharné”, lecture au premier degré d’un œuvre que seul lira sans doute en profondeur, mais pourquoi avec tant d’obscurités, Michel Deguy, en son Tombeau pour Du Bellay, quinze ans plus tard en 1973.
Bref, pour Boyer comme pour ses prédécesseurs, avec plus de nuances, là où passe Joachim, d’autres sont déjà passés. Mais pour le "jeune" lecteur d'alors, l'avancée critique est certaine et Boyer souligne bien l'importance de "Défense et illustration de la langue fançaise", même s'il souligne fortement les talents de copiste de Joachim. À l'époque,...celle de Joachim, le concept d'auteur n'est pas encore assorti de droits inaliénables et le terme "plagiat" a-t-il quelque sens ? Le TLFI atteste l'usage entre 1680 et 1690.

Montaigne, lui, ne mesura point l’un à l’aune de l’autre

...depuis que Ronsard et Du Bellay ont donné crédit à notre poésie française, je ne vois si petit apprenti qui n’enfle des mots, qui ne range les cadences à peu près comme eux. Pour le vulgaire, il ne fut jamais tant de poètes... (mais) ils demeurent bien court à imiter les riches descriptions de l’un et les délicates inventions de l’autre.
livre I, ch. XXVI
...aux parties en quoi Ronsard et Du Bellay excellent , je ne les trouve guère éloignés de la perfection ancienne.
livre II, ch XVII



Donc, après Villon, le blogueur de la fuite et du don, voilà le blogueur nostalgique du voyage, mais aussi le chroniqueur acerbe - en avril de cette année, le billet n’eût point déparé de la une de certains quotidiens :

LXXXI
Un conclave
Il fait bon voir (Paschal) un conclave serré,
Et l'une chambre à l'autre egalement voisine
D'antichambre servir, de salle, & de cuisine,
En un petit recoing de dix pieds en carré :

Il fait bon voir autour le palais emmuré,
Et briguer là dedans ceste troppe divine,
L'un par ambition, l'autre par bonne mine,
Et par despit de l'un, estre l'autre adoré :

Il fait bon voir dehors toute la ville en armes,
Crier le Pape est fait, donner de faulx alarmes,
Saccager un palais : mais plus que tout cela

Fait bon voir, qui de l'un, qui de l'autre se vante,
Qui met pour cestui-cy, qui met pour cestui-la,
Et pour moins d'un escu dix Cardinaux en vente.



Suit de près le CXXXIII, mais nous allons de Rome à Venise,


Il fait bon voir (Magny) ces Couillons magnifiques,
Leur superbe Arcenal, leurs vaisseaux, leur abbord.
Leur sainct Marc, leur palais, leur Realte, leur port,
Leurs changes, leurs profitz, leur banque, & leurs trafiques :

Il fait bon voir le bec de leurs chapprons antiques,
Leurs robbes à grand' manche, & leurs bonnetz sans bord,
Leur parler tout grossier, leur gravité, leur port,
Et leurs sages advis aux affaires publiques.

Il fait bon voir de tout leur Senat balloter,
Il fait bon voir par tout leurs gondolles flotter,
Leurs femmes, leurs festins, leur vivre solitere :

Mais ce que lon en doit le meilleur estimer,
C'est quand ces vieux coquz vont espouser la mer,
Dont ilz sont les maris, & le Turc l'adultere.



Il y a quelques saveurs à parcourir ces billets adressés à l’un ou l’autre de ses amis. N’y reconnaîtrait-on point certaines brèves que s’adressent sur la Toile certains compagnons de blogues ?

Deux scénarios surgissent dans l’imaginaire du lecteur.
L’impossible rencontre du théoricien de la langue et du philosophe & les folles(!) nuits d’amour de la Princesse et de son poète !

Quand Du Bellay écrit ce qui suit dans “Deffence et illustration”, c’est en 1549, Montaigne a seize ans. La camarde lui en aurait-elle laissé temps et loisir, trente-et-un ans après, Joachim eût pu lire la première édition des ESSAIS et son vœu eût été comblé :

Mais le temps viendra par aventure (et je supplie au Dieu très bon et très grand que ce soit de notre âge) que quelque bonne personne, non moins hardie qu'ingénieuse et savante, non ambitieuse, non craignant l'envie ou haine d'aucun, nous ôtera cette fausse persuasion, donnant à notre langue la fleur et le fruit des bonnes lettres.


Demeure encore la merveilleuse énigme des amours de l’Angevin.


DIALOGUE D'UN AMOUREUX ET D'ECHO
Piteuse Echo, qui erres en ces bois,
Repons au son de ma dolente voix.
D'où ay-je peu ce grand mal concevoir.
Qui m'oste ainsi de raison le devoir ? De voir.
Qui est l'autheur de ces maulx avenuz ? Venus.
Comment en sont tous mes sens devenuz ? Nuds.
Qu'estois-je avant qu'entrer en ce passaige ? Saige.
Et maintenant que sens-je en mon couraige ? Raige.
Qu'est-ce qu'aimer, et s'en plaindre souvent ? Vent.
Que suis je donq', lors que mon coeur en fend ? Enfant.
Qui est la fin de prison si obscure ? Cure.
Dy moy, quelle est celle pour qui j'endure ? Dure.
Sent-elle bien la douleur, qui me poingt ? Point.
O que cela me vient bien mal à point !
Me fault il donq' (o debile entreprise)
Lascher ma proye, avant que l'avoir prise ?
Si vault-il mieulx avoir coeur moins haultain,
Qu'ainsi languir soubs espoir incertain.

 

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Quand un recueil s’achève sur plus de dix-huit sonnets qui mentionnent un prénom de femme, un titre royal ou princier, que l’expression en soit platonique et pétraquisante, soit !
S’il ne s’agit pas là d’une passion ?


Au goust de l'eau la fievre se rappaise,
Puis s'evertue au cours, qui sembloit lent :
Amour aussi m'est humble, et violent,
Quand le coral de voz levres je baise.

L'eau goute à goute anime la fournaize
D'un feu couvert le plus etincelant :
L'ardent desir, que mon coeur va celant,
Par voz baisers se faict plus chault que braize.

D'un grand traict d'eau, qui freschement distile,
Souvent la fievre est etainte, Madame.
L'onde à grand flot rent la flamme inutile.

Mais, ô baisers, delices de mon ame !
Vous ne pouriez, et fussiez vous cent mile,
Guerir ma fievre, ou eteindre ma flamme.


Ainsi chante l’amant de celle qui tient “le rameau d’olivier aux deux serpents entrelacés”.
À chacun de résoudre l’énigme!

L’Olive de la jeunesse, pour moi, a un nom.

Post-scriptum :
Ne souhaitant guère clore, ici, la chronique sur le poète de mes adolescences,
j’emporte, pour le périple maritime de ce été, le “Tombeau pour Du Bellay” de Michel Deguy et “L’amour du nom” de Martine Broda, sous-titré “essai sur le lyrisme et la lyrique amoureuse”.
S’approfondira bien l’énigme !
Mais surtout qu’elle demeure “voilée” !

mercredi, 08 juin 2005

Lectures de guingois

Belle insomnie.
Je suis dans le "Tombeau de Du Bellay", érigé en 1973 par Michel Deguy en une langue obscure mais qui zèbre l'œuvre de l'Angevin de beaux éclairs.
Hier soir, "Bouguenais bouquine" confronte ses lectures. S'ébauchent des idées intéressantes, comme celle de reprendre sur un Dazibao les brèves chroniques des blogues. Voilà une belle imbrication du virtuel et du charnel de la parole lectrice. Ça me plait bien cette idée de "mettre en mur" de petits écrans blogueurs.

J'ai lu Du Bellay : l'épitaphe du chat Belaud et le sonnet CXXXI sur le Conclave : il n'eut point dépareillé en avril dans la chronique d'un grand quotidien.
Le CXXXIII qui le suit, non plus, lors la soirée "référendaire"du 28 mai dernier :

Mais ce que l'on en doit le meilleur estimer,
C'est quand ces vieux cocus vont espouser la mer,
Dont ilz sont les maris, & le Turc l'adultere.



Je repousse de quelques jours la fin de chronique sur Joachim : il mérite mieux que le simple commentaire chronologique de Frédéric Boyer, l'auteur du "Seghers" qui reprend les banalités de l'éternel second de Ronsard, du copieur de Spéroni et du "pétrarquisant" de l'Olive.

Il y a quatre ans, j'avais durement "planté" Dac'hlmat sur les méchants cailloux oubliés du Petit Sécé. Le départ pour un périple ibérique en fut reporté de plus d'un mois. C'est ainsi qu'on pratique l'humilité marine entre l'île du Pilier et l'Herbaudière.
Rien n'est jamais acquis en mer !
Vigilance requise, la semaine à venir : je rêve d'une belle entrée dans une ria galicienne !

dimanche, 05 juin 2005

En feuilletant Joachim Du Bellay

Du plus loin que je me souvienne entre récitations et premières approches de la poésie, il y a, s’ajoutant aux fables de La Fontaine, ce fameux sonnet

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage...


Et curieusement, lecture après lecture, silencieuse, à haute voix, souvent ou parfois, en chacun des voyages quand un rien de nostalgie effleurait le pérégrin, rien de la “scie” poétique. La beauté élégiaque des versets bercait et berce encore jusqu’au tercet final

Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin,
Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur Angevine.



Mais peut-être la séduction inépuisable vient-elle du second vers où est mentionné l’INNOMÉ : “cestuy là”, pan mystérieux du sonnet que renforce la forme vieillie du démonstratif ?
Longtemps dans mes récitations, j’ai enchaîné le premier et le troisième vers, glissant sur cette énigme de “cestuy là qui conquit la Toison” ; car elle marche bien, en tercet, cette première strophe

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
.........................................................................................
Et puis est retourné, plein d’usage & raison
Vivre entre ses parents le reste de son âge !



La rupture joue tout à la fois sur le rythme élégiaque mais tout autant sur l’énigme mythologique. Étonnant que Joachim n’ait point nommé le héros et difficile d’imaginer que l’érudit féru de grec et de latin ignorait Jason.
Pour moi, jeune lecteur c’est ainsi que ne s’épuisera pas le sens de ce sonnet, parce que et la scansion et l’histoire butent à chaque lecture, à chaque profération, depuis des années, sur ce vers étrange

ou comme cestuy-là qui conquit la Toison


Il aurait pu tout aussi bien écrire sans nuire ni au rythme, ni à la rime - il y gagnait même un savoureux hémistiche

ou comme ce Jason qui conquit la Toison.



Joachim me fut, donc dès l’enfance, poète familier.
À l’adolescence, cette familiarité se mua en passion quand, pour des raisons professionnelles, mon père quitta les Chantiers nantais pour une briqueterie ancenienne. Les vacances d’été, les premières amours se bercèrent de douceur ligérienne, des sonnets de l’Olive et d’escapades sur les rives blondes de Loire.

Le fort sommeil, que celeste on doibt croyre,
Plus doulx que miel, couloit aux yeulx lassez,
Lors que d'amour les plaisirs amassez
Entrent en moy par la porte d'ivoyre.

J'avy' lié ce col de marbre : voyre
Ce sein d'albastre, en mes bras enlassez
Non moins qu'on void les ormes embrassez
Du sep lascif, au fecond bord de Loyre.

Amour avoit en mes lasses mouëlles
Dardé le traict de ses flammes cruelles,
Et l'ame erroit par ces levres de roses,

Preste d'aller au fleuve oblivieux,
Quand le reveil de mon ayse envieux
Du doulx sommeil a les portes decloses.

 

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Ancenis honorait son voisin liréen avec un beau bronze en pied, contemplatif qui domine le fleuve. Les collégiens quelque peu rustauds de la bourgeoisie ancenienne, plus intéressés par les petits commerces que par les échanges poétiques, surnommaient la sculpture bêtement - du moins c’est ainsi que je l’estimais à l’époque - “Curverville” !
Pour moi, les petites désespérances adolescentes trouvaient langue dans L'OLIVE et Lamartine pointait dans ce romantisme....

Ô belles filles de Loire ! D’Olive en Voile et Viole, l’émoi ruisselait dans les gorges amoureuses.

Ces cheveux d'or, ce front de marbre, et celle
Bouche d'oeillez, et de liz toute pleine,
Ces doulx soupirs, cet' odorante haleine,
Et de ces yeulx l'une et l'autre etincelle,

Ce chant divin, qui les ames rapelle,
Ce chaste ris, enchanteur de ma peine,
Ce corps, ce tout, bref, cete plus qu'humeine
Doulce beauté si cruellement belle,

Ce port humain, cete grace gentile,
Ce vif esprit, et ce doulx grave stile,
Ce hault penser, cet' honneste silence,

Ce sont les haims, les appaz, et l'amorse,
Les traictz, les rez, qui ma debile force
Ont captivé d'une humble violence.


Mais la belle était brune !
Dans les années cinquante, il n’était guère aisé de se procurer les textes de Du Bellay ; il fallait se contenter des Classiques Larousse. Et les plus beaux vers ne s’y lisaient point toujours - enfin, les plus beaux pour le lecteur amoureux :

D'une liqueur céleste emmïellée,
Quand sa rougeur de blanc entremeslée
Qui a peu voir la matinale rose
Sur le naïf de sa branche repose



Souvent il suffisait de suivre le conseil du poète lui-même :

«....Les uns aiment les fraîches ombres des forêts, les clairs ruisselets doucement murmurant parmi les près ornés et tapissés de verdure. Les autres se délectent du secret des chambres et doctes études. Il faut s’accomoder à la saison et au lieu. Bien te veux-je avertir de chercher la solitude et le silence ami des muses...»



Cette dernière recommandation ne fut pas toujours suivie à la lettre et les culs de grève de certaines îles de Loire furent, par quelques nuits d’été, favorables à de tendres étreintes.

Amour aussi m'est humble, et violent,
Quand le coral de voz levres je baise.
L'eau goute à goute anime la fournaize
D'un feu couvert le plus etincelant :
L'ardent desir, que mon coeur va celant,
Par voz baisers se faict plus chault que braize.


Qui a parlé de Pétrarque ? Quand amants du Rhône et de Loire se côtoient, c'est plus l'ardente Louîse LABÉ qui s'approche !
À demain ou après demain !

mardi, 31 mai 2005

Pour rien, comme ça

.........................................................................

Si je passe plus outre, et de la Rome neuve
Entre en la vieille Rome, adonques je ne trouve
Que de vieux monuments un grand monceau pierreux

 

Joachim Du Bellay
Les Regrets, LXXX



J'ai simplement lu ce tercet, ce soir, après le journal de l'A2.

lundi, 30 mai 2005

Non ou oui ? - Et alors ? - Non !


............................ô mondaine inconstance !
Ce qui est ferme est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance



Joachim du BELLAY
Les Antiquités de Rome

mardi, 04 janvier 2005

Zoroastre, grammairiens et fabrique de littérature

Il est des réveils sur France Cul qui m’étourdiront de plaisir étonné. Encore heureux que j'étais encore allongé sous la couette.
Ce matin, 6 heures, je perçois le tracé d’une craie sur un tableau qui doit être noir, des mots étranges qui, pour moi, s’apparentent à de l’indou, prononcés par une voix savoureuse qui mâche ces mots avec sensualité.
Il est question d’Immortelles bienfaisants, de philologues et de grammairiens à lubies, de l’hypertrophie de la catégorie de l’infinitif : se mêlent des dieux et des fonctions grammaticales dans des lectures "à suffocation" - Dumézil aurait parlé de lecture “sous une cloche à fromage”.
Une heure durant les dieux et la philologie s’entremêlent ; j’écoute fasciné.

Je sais que c’est l’heure de “l’éloge du savoir”; reviennent des problèmes de titulatures, de génitif et super-superlatif.
Émergent des bribes du Mazdéisme.
L’homme qui parle de dieux et de grammaire est Jean Kellens. Il ne cache ni les difficultés, ni les doutes, ni les obscurités que recèlent les études zoroastriennes. La craie s’anime toujours sur le tableau noir et chante la voix sur les noms de divinités indo-iraniennes.

Ce matin, j’ai abordé un “continent” quasi inconnu. Oh ! Zarathoustra, ça me disait bien quelque chose.
Irai-je y voir de plus près. Je ne sais.
Les dieux, je m’en fous, mais cette grammaire avec des “immortels bienfaisants", des infinitifs hypertrophiés et des aoristes effacés ! Ça, alors ?

Depuis quelques jours, j’ai entrepris deux lectures parallèles : La fabrique de la langue de Lise Gauvin et Ces voix qui m’assiègent d’Assia Djebar.
Je suis servi dans mes interrogations ; depuis des années, le mot “littérature” m’incommode ; du moins dans les acceptions qui nous sont servies dans les revues, les magazines, les sites, les blogues.
Je ne sais plus de qui je tiens l’idée d’un artisanat de la langue.
Quand je me réfère à mon trio de fin d’adolescence, Cadou tenait du menuisier, Michaux - ça coule de source - du peintre, Char, du sculpteur - son père était dans les plâtrières, non ?.
Ça rejoint Kellens qui mentionne dans le Mazdéisme, un menuisier qui fabrique une déesse !
Quand mon poète d’enfance, - Lise Gauvin lui consacre son premier chapitre - Joachim Du Bellay se réapproprie son dialecte angevin, Assia Djebar n’est pas loin avec la ténacité qu’elle déploie à s’emparer de la langue de l’ancien oppresseur. Les mânes de Kateb Yacine doivent en frémir de bonheur linguistique.

Voilà où mènent, pour une journée, des grammairiens à lubies et des “immortels bienfaisants”.
Il s’agissait aussi de digérer les agapes du nouvel an, d’aller aérer Dac’hlmat - belle, la Vilaine dans les brumes ! - d’explorer le programme des Folles journées qui célèbrent Beethoven, de régler ce fichu accès au blogue de Jobic, “Er Klasker”.

Demain matin, à 6 heures, encore rendez-vous avec Kellens, ses “immortels bienfaisants”, le bruit de sa craie sur le tableau noir !

Post-scriptum :
Précédant Zoroastre, il y avait, de 1 heure à 6 heures, le Pays Dogon. C’est écoutable encore pour la semaine. qui est consacrée au Mali...

.

Sur France Cul, naturellement.