jeudi, 12 janvier 2017
Péguy "emballe" le sonnet
Il y a 104 ans.
Ça peut paraître ne pas être d'hier, mais notre langue est un long fleuve...
Un été, Péguy découvrit, ému et ravi, le Sonnet quand une femme lui lut quelques vers de Sagesse de Verlaine qui est une suite de sonnets. Il s'empressa de s'y adonner et quand il commença de tisser ses Tapisseries, ce fut la forme sonnet qu'il choisit pour écrire beaucoup des poèmes du recueil .
La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc fut conçue comme une neuvaine, cet exercice de piété catholique que l'on répète pendant neuf jours consécutifs pour obtenir une grâce particulière ou pour honorer Dieu, un de ses saint, ici, en l'occurence, deux de ses saintes.
Donc, un sonnet par jour, du vendredi 3 janvier au samedi 11 janvier 1913. Les deux premiers sonnets furent écrits dans le respect scrupuleux de la forme : deux quatrains, deux tercets et alternance des rimes masculines et féminines.
Première entorse à la règle, le troisième jour de la dite neuvaine : Péguy ajoute un quinzième vers —mais cet accroc, d'autres parmi ses prédécesseurs européens l'ont déjà pratiqué — les sonnets de certains jours suivants poursuivent dans l'irrespect : un troisième tercet, le quatrième jour ; idem, le sixième jour avec un alexandrin qui s'ajoute au tercet supplémentaire.
Le vendredi 13 janvier, Péguy n'en peut plus du carcan ; le sonnet achevé, ce n'est plus un, deux tercets qui s'ajoutent, c'est un torrent qui va dévaler avec les Armes de Jésus ; l'affrontement avec les Armes de Satan décuplera le lyrisme fou et litanique. Trente-cinq pages, trois cent onze tercets, neuf tercets par page, le tout donne un sonnet de neuf-cent-soixante neuf vers.
Le tumulte s'apaisera sur un dernier vers qui célèbre Jeanne d'Arc, plus grande sainte après la Vierge Marie.
La neuvaine ne s'achèvera pas sur un sonnet, mais sur un poème de vingt-neuf quatrains que concluent deux tercets.
À lire et relire, croyant ou incroyant, athée ou pas, jusqu'à s'en sommeiller dans cette transe langagière.
PREMIER JOUR
POUR LE VENDREDI 3 JANVIER 1913
FÊTE DE SAINTE GENEVIÈVE
QUATORZE CENT UNIÈME ANNIVERSAIRE
DE SA MORT
I
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre,
On la mit à garder un bien autre troupeau,
La plus énorme horde où le loup et l'agneau
Aient jamais confondu leur commune misère.
Et comme elle veillait tous les soirs solitaire
Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l'eau,
Du pied du même saule et du même bouleau
Elle veille aujourd'hui sur ce monstre de pierre.
Et quand le soir viendra qui fermera le jour,
C'est elle la caduque et l'antique bergère,
Qui ramassant Paris et tout son alentour
Conduira d'un pas ferme et d'une main légère
Pour la dernière fois dans la dernière cour
Le troupeau le plus vaste à la droite du père
DEUXIÈME JOUR
POUR LE SAMEDI 4 JANVIER 1913
II
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre
Et qu'on était content de son exactitude,
On mit sous sa houlette et son inquiétude
Le plus mouvant troupeau, mais le plus volontaire.
Et comme elle veillait devant le presbytère,
Dans les soirs et les soirs d'une longue habitude,
Elle veille aujourd'hui sur cette ingratitude,
Sur cette auberge énorme et sur ce phalanstère.
Et quand le soir viendra de toute plénitude,
C'est elle la savante et l'antique bergère,
Qui ramassant Paris dans sa sollicitude
Conduira d'un pas ferme et d'une main légère
Dans la cour de justice et de béatitude
Le troupeau le plus sage à la droite du père
TROISIÈME JOUR
POUR LE DIMANCHE 5 JANVIER 1913
III
Elle avait jusqu'au fond du plus secret hameau
La réputation dans toute Seine et Oise
Que jamais ni le loup ni le chercheur de noise
N'avaient pu lui ravir le plus chétif agneau.
Tout le monde savait de Limours à Pontoise
Et les vieux bateliers contaient au fil de l'eau
Qu'assise au pied du saule et du même bouleau
Nul n'avait pu jouer cette humble villageoise.
Sainte qui rameniez tous les soirs au bercail
Le troupeau tout entier, diligente bergère,
Quand le monde et Paris viendront à fin de bail
Puissiez-vous d'un pas ferme et d'une main légère
Dans la dernière cour par le dernier portail
Ramener par la voûte et le double vantail
Le troupeau tout entier à la droite du père.
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HUITIÈME JOUR
POUR LE VENDREDI 10 JANVIER 1913
VIII
Comme Dieu ne fait rien que par pauvre misère,
Il fallut qu'elle vît sa ville endolorie,
Et les peuples foulés et sa race flétrie,
L'émeute suppurant comme un secret ulcère;
Il fallut qu'elle vît pour son anniversaire
Les cadavres crevés que la Seine charrie,
Et la source de grâce apparemment tarie,
Et l'enfant et la femme aux mains du garnisaire :
Pour qu'elle vît venir sur un cheval de guerre,
Conduisant tout un peuple au nom du Notre Père,
Seule devant sa garde et sa gendarmerie;
Engagée en journée ainsi qu'une ouvrière,
Sous la vieille oriflamme et la jeune bannière
Jetant toute une armée aux pieds de la prière;
Arborant l'étendard semé de broderie
Où le nom de Jésus vient en argenterie,
Et les armes du même en même orfèvrerie;
Filant pour ses drapeaux comme une filandière,
Les faisant essanger par quelque buandière,
Les mettant à couler dans l'énorme chaudière;
Les armes de Jésus c'est sa croix équarrie,
Voilà son armement, voilà son armoirie,
Voilà son armature et son armurerie;
Rinçant ses beaux drapeaux à l'eau de la rivière,
Les lavant au lavoir comme une lavandière,
Les battant au battoir comme une mercenaire;
Les armes de Jésus c'est sa face maigrie,
Et les pleurs et le sang dans sa barbe meurtrie,
Et l'injure et l'outrage en sa propre patrie;
Ravaudant ses drapeaux comme une roturière,
Les mettant à sécher sur le front de bandière,
Les donnant à garder à quelque vivandière;
Les armes de Jésus c'est la foule en furie
Acclamant Barabbas et c'est la plaidoirie,
Et c'est le tribunal et voilà son hoirie;
Teignant ses beaux drapeaux comme une teinturière,
Les faisant repasser par quelque culottière,
Adorant le bon Dieu comme une couturière;
Les armes de Jésus c'est cette barbarie,
Et le décurion menant la décurie,
Et le centurion menant la centurie;
Les armes de Jésus c'est l'interrogatoire,
Et les lanciers romains debout dans le prétoire,
Et les dérisions fusant dans l'auditoire;
Les armes de Jésus c'est cette pénurie,
Et sa chair exposée à toute intempérie,
Et les chiens dévorants et la meute ahurie;
Les armes de Jésus c'est sa croix de par Dieu,
C'est d'être un vagabond couchant sans feu ni lieu,
Et les trois croix debout et la sienne au milieu;
Les armes de Jésus c'est cette pillerie
De son pauvre troupeau, c'est cette loterie
De son pauvre trousseau qu'un soldat s'approprie ;
Les armes de Jésus c'est ce frêle roseau,
Et le sang de son flanc coulant comme un ruisseau,
Et le licteur antique et l'antique faisceau;
Les armes de Jésus c'est cette raillerie
Jusqu'au pied de la croix, c'est cette moquerie
Jusqu'au pied de la mort et c'est la brusquerie
Du bourreau, de la troupe et du gouvernement,
C'est le froid du sépulcre et c'est l'enterrement,
Les armes de Jésus c'est le désarmement;
L'avanie et l'affront voilà son industrie,
La cendre et les cailloux voilà sa métairie
Et ses appartements et son duché-pairie ;
Les armes de Jésus c'est le souple arbrisseau
Tressé sur son beau front comme un frêle réseau,
Scellant sa royauté d'un parodique sceau
Les disciples poltrons voilà sa confrérie,
Pierre et le chant du coq voilà sa seigneurie,
Voilà sa lieutenance et capitainerie
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Les armes de Satan c'est le cœur mal guéri
De la vieille blessure et c'est le cœur tari
A force de saigner et le cœur mal nourri
A force de jeûner, c'est tout ce qui tarit,
C'est tout ce qui périt, tout ce qui dépérit,
Et tout ce qui surit et tout ce qui pourrit;
Les armes de Satan c'est la sève appauvrie,
C'est le sang répandu, la branche rabougrie,
Le rameau desséché, la prude renchérie;
Les armes de Satan c'est tout ce qui flétrit,
Rapetisse, avilit, injurie, amoindrit,
C'est tout ce qui méprise et tout ce qui meurtrit;
Les armes de Jésus c'est tout ce qui nourrit,
C'est tout ce qui boutonne et tout ce qui périt
Aux jardins de Touraine et tout ce qui mûrit;
Les armes de Jésus c'est un cœur tout fleuri,
Plus que le jeune cœur au printemps refleuri,
C'est le cœur à l'automne à jamais défleuri;
Les armes de Satan, c'est la paix et la guerre,
Les peuples éventrés, les sacrements par terre,
La honte, la terreur, la rage militaire;
Les armes de Jésus c'est la guerre et la paix,
Les peuples respectés et les derniers harnais
De guerre suspendus aux frontons des palais;
Les armes de Satan c'est l'horreur de la guerre,
Les peuples affolés, Jésus sur le Calvaire,
Le sang, le cri de mort, le meurtre volontaire;
Les armes de Jésus c'est l'honneur de la guerre,
Les peuples rétablis, Jésus sur le Calvaire,
Le sang, le sacrifice et la mort volontaire :
Pour qu'elle vît venir sous un tel étendard
De Jésus-Christ soldat contre Satan soudard,
Vers le vieux saint Etienne et le vieux saint Médard;
Pour qu'elle vît venir par un chemin de terre,
Comme une jeune enfant qui vient vers sa grand-mère
Par les bois de Puteaux, par les champs de Nanterre;
Pour qu'elle vît venir ardente et militaire,
Obéissante et ferme et douce et volontaire,
Sur Boulogne et Neuilly, sur Puteaux et Nanterre;
lHauturière et docile, alerte et droiturière,
Et prompte à la manoeuvre et peu procédurière,
Destinée à périr comme une aventurière;
Bien en selle en avant de sa cavalerie,
Masquant ses bombardiers et sa bombarderie,
Traînant comme un réseau sa lourde infanterie;
Ameutant ses tambours qui battaient pour la messe,
Gourmandant ces brigands qui couraient à confesse,
Déférente aux trois voix qui scellaient leur promesse;
Ayant mis les soldats au pas sacramentaire,
Ayant mis les curés au pas réglementaire,
Et logé les Vertus au train régimentaire;
Bien allante et vaillante et sans étourderie,
Bien venante et plaisante et sans coquetterie,
Bien disante et parlante et sans bavarderie;
Révérant les coffrets sertis de pierrerie
Où les reliefs des saints ouvrés d'orfèvrerie
Reposent sur l'autel et sur la broderie;
Sage comme une aïeule en sa tendre jeunesse,
Cadette ayant conquis le plus beau droit d'aînesse,
Grave et les yeux plus clairs que d'une chanoinesse
La sainte la plus grande après sainte Marie.
Charles Péguy
La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc
(Librairie Gallimard, éditeur, 1912)*
* Pour lire en sa totalité
in Charles Péguy, les Tapisseries, préface de Stanislas Fumet, NRF, Poésie/Gallimard, 1957-1968
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mercredi, 30 mars 2016
Nerval en mars
Joseph Garoff, mon professeur de Lettres, était un grand prof. Je l'avais eu en IIIe, il m'avait entraîné à bicyclette vers la Turmelière humer l'enfance de Joachim Du Bellay ; en 1953/1954, il plaçait déjà Gérard de Nerval dans le quintette des grands Romantiques, aux côtés de Lamartine, Hugo, Vigny et Musset. J'ai toujours mon cahier de littérature des XVIII et XIXèmes siècles. Où avait-il puisé ce qu'il nous enseignait ? Dans ces années-là, le Lagarde et Michard de l'enseignement public n'était pas plus en avance sur le "gentil Gérard" que le Manuel de littérature du chanoine Des Granges qui sévissait dans l'enseignement dit "libre".
La mise en mineur du grand Romantique aurait sévi jusqu'à la fin de la décade des années 60.
Où Garoff avait-il donc puisé le matériau pour son cours ?
EL DESDICHADO est le seul sonnet tant murmuré dans les songeries adolescentes, qu'aujourd'hui encore je puis le dire de mémoire — un des plus grands sonnets de notre langue :
Je suis le ténébreux, — le veuf, — l’inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.
Suis-je Amour ou Phœbus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène…
Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Dans Gênes, sous-titré L’épine d’Ispahan, le plus long récit (170 pages) de BOURLINGUER, Cendrars vient de citer en son entier la sixième Chimère, Artémis, illustrant son deuxième péché capital, la Luxure (fornicatio) ; il renvoie par un astérique à la note 9.
La Treizième revient... C’est encor la première ;
Et c’est toujours la seule, — ou c’est le seul moment ;
Car es-tu reine, ô toi ! la première ou dernière ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?...
Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement :
C’est la mort — ou la morte... Ô délice ! ô tourment !
La rose qu’elle tient, c’est la rose trémière.
Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule,
As-tu trouvé ta croix dans le désert des cieux ?
Roses blanches, tombez ! vous insultez nos dieux ;
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle ;
— La sainte de l’abîme est plus sainte à mes yeux !
Voici la note :
....Cher Gérard de Nerval, homme des foules, noctambule, argotier, rêveur impénitent, amant neurasthénique des petits théâtres de la capitale et des grandes nécropoles d'Orient, architecte du temple de Salomon, traducteur du Faust, secrétaire intime de la reine de Saba, druide et eubage, tendre vagabond de l'Ile-de-France, dernier des Valois, enfant de Paris, bouche d'or, tu t'es pendu dans une bouche d'égout après avoir projeté au ciel de la poésie, devant lequel ton ombre se balance et ne cesse de grandir entre Notre-Dame et Saint-Merry, les Chimères de feu qui parcourent ce carré du ciel en tous sens comme six comètes, échevelées et consternantes. En faisant appel à l'Esprit nouveau tu as troublé pour toujours la sensibilité moderne : l'homme d'aujourd'hui ne pourra plus vivre sans cette angoisse :
L'aigle a déjà passé, l'esprit nouveau m'appelle...
Horus, str. III, v. 9
Qu'il me soit permis de citer encore une strophe qui, avec d'autres vers épars dans les Chimères, est une des clefs secrètes du présent récit :
Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé
Et la treille où le pampre à la rose s'allie
El Desdischado, str. II, v. 5 à 8
Blaise CENDRARS
BOURLINGUER — "Gênes"
Notes pour le lecteur inconnu
p. 267-268, 9.
Et voilà que plus de soixante après, lors des Mardis littéraires de l'Université Permanente de Nantes débarque Agnès Spiquel, qui en quatre leçons magistrales nous a ouvert des perspectives très neuves portées par une parole passionnée sur un Nerval révolté, fils de Cain, retiré dans les entrailles en flamme de la Terre, dont la filiation est la cohorte de ceux qui refusent et le dieu et le roi, enfants du feu opposés aux enfants du Limon,les fils d'Abel.
• Nerval ? la quête de l'étoile (1) - le "gentil" Nerval.
L'itinéraire personnel et littéraire de celui en qui ses contemporains ont vu un doux rêveur, un poète de second plan, sans percevoir combien il était marqué au sceau de l'incandescence - rêve, désespoir, folie.
• Nerval, la quête de l'étoile (2) - à travers l'espace et le temps
Comment Nerval explore passionnément les « ailleurs » de l'espace et du temps : les bas-fonds et les environs de Paris, le Valois, l'Italie, l'Orient - et aussi les coutumes du passé, les mythes et croyances des civilisations anciennes ; comment son écriture rend limpide le déchiffrement de ce réel travaillé par le rêve.
(Promenades et souvenirs ; Nuits d'octobre ; Voyage en Orient)
• Nerval, la quête de l'étoile (3) - les enfants du feu.
Comment le mythe des enfants du feu, établi dans l'un des contes du Voyage en Orient, se déploie dans les nouvelles des Filles du feu et quels en sont les enjeux pour l'humanité et pour le poète.
• Nerval, la quête de l'étoile (4) - des Chimères à Aurélia.
Comment le bref recueil poétique des Chimères, qui vient clore Les Filles du feu, retrace à la fois l'itinéraire d'un « je » marqué par le deuil et la révolte, et celui d'une humanité en quête de sens ; et comment on peut le faire dialoguer avec Aurélia (qui le suit de près) où Nerval retrace une expérience de descente aux enfers de la folie, la quête d'un féminin salvateur et les voies mystérieuses du salut pour celui qui a tout perdu, le déshérité, « El Desdichado ». »
Je relis enfin les cinq sonnets du Christ au Mont des Oliviers, abandonnés depuis soixante-trois ans, peut-être parce que ils m'étaient illisibles, embrumés par je sais trop quelle espérance,
En cherchant l'œil de dieu, je n'ai vu qu'un orbite
Vaste, noir et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le monde, et s'épaissit toujours...
S'éloignant de la folie et du deuil, revient la douce nostalgie d'une adolescence amoureuse,
Puis une dame à sa haute fenêtre,
Blonde* aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue... et dont je me souviens !
Fantaisie, in Odelettes
En quittant l'amphi Kernéis, hier soir, je n'ai pu m'empêcher de remettre à Agnès Spiquel — elle avait sollicité nos réactions de lecteurs : je n'ai pas osé la questionner sur la filiation entre Nerval et Théophile de Viau, autre fils de Caïn — auteur des dix Odes de la Maison de Sylvie, écrites lors de son incarcération à la Conciergerie en 1623 —, la Note au lecteur inconnu de Cendrars, citée plus haut, et naguère dans ce blogue à la date du 28 décembre 2005.
Je lui ai glissé, quasi en catimini, un "pos-it" gauchement rédigé sur ce qui m'intrigua toujours de ces deux premières phrases d'Aurélia :
Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible.
et dont je n'ai trouvé la source que ces dernières années en reprenant Homère lors un atelier de Grec Ancien,
δοιαὶ γάρ τε πύλαι ἀμενηνῶν εἰσὶν ὀνείρων·
αἱ μὲν γὰρ κεράεσσι τετεύχαται, αἱ δ᾽ ἐλέφαντι·
Il est deux portes dans le vacillement des Rêves,
l'une étant de corne, l'autre est d'ivoire.
C'est au Chant XIX de l'Odyssée : Pénélope s'entretient du rêve d'un Retour, avec Ulysse qu'elle n'a pas encore reconnu.
À l'instar de Virgile — Énéide, VI, 894 — Gérard avait attentivement lu Homère.
*Ma liberté de lecteur licencieux m'aurait bien fait substituer à "Blonde" le qualificatif "Brune" ; le décasyllabe en eût été respecté.
Brune aux yeux noirs en ses habits anciens.
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mardi, 03 novembre 2015
une si grossière erreur
Elle a duré plus de soixante-cinq ans.
Depuis les premiers émois amoureux et les premières lectures de Joachim.
Après le petit Lyré et la douceur angevine, entre les Ceux qui sont amoureux et les Messer non ou bien les Messer si, entre un conclave enserré et dix cardinaux en vente, il y avait ceci, tout ceci :
Ô beaux cheveux d’argent mignonnement retors !
Ô front crêpe et serein ! et vous, face dorée !
Ô beaux yeux de cristal ! Ô grand’bouche honorée,
Qui d’un large repli retrousses tes deux bords !
Ô belles dents d’ébène ! Ô précieux trésors,
Qui faites d’un seul ris toute âme enamourée !
Ô gorge damasquine en cent plis figurée !
Et vous, beaux grands tétins, dignes d’un si beau corps !
Ô beaux ongles dorés ! ô main courte et grassette !
Ô cuisse délicate ! et vous, jambe grossette,
Et ce que je ne puis honnêtement nommer !
Ô beau corps transparent ! ô beaux membres de glace !
Ô divines beautés ! pardonnez-moi, de grâce,
Si, pour être mortel, je ne vous ose aimer.
Tout ceci : qui rassemblait ce qui était visible et ce qui était invisible, connu et inconnu, su et seulement deviné et, ce qui ne pouvait être honnêtement nommé... L'enrobage litanique, ces Ô et ces ! à chaque vers, sinon même à chaque hémistiche, aggravait l'émotion. Aucune laideur n'était envisageable.
Le "prof" pouvait bien parler de pétrarquisme, de préciosité, demeurait le mystère de la gorge damasquine, des grands beaux tétins — Ô ces tétins ! — de la délicate cuisse ; sur la chose innomée, étaient posés des mots lus ailleurs, dans la clandestinité des poèmes non autorisés ou dans la banalité triviale du dictionnaire de langue française : le mont de Vénus, le sadinet, la vulve.
Quand la plus Belle et Première dévoila ses secrets, le poème, n'étant que littérature, fut mis de côté.
Plus tard repris et relu, il prit rang dans la poésie érotique de qualité. Le Pétrarquisme masquait toujours les "laideurs" (!) que ce diable de Joachim, dans son mépris pour toutes les pompes romaines et vaticanes, avait subrepticement glissées.
Me souviens que seules m'avaient longtemps interloqué les belles dents d'ébène.
* Le sonnet est le 91e (XCI) des Regrets.
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samedi, 31 octobre 2015
quand Joachim peut initier à l'histoire maritime
Hors les tous derniers Regrets platoniquement — soi-disant ? — adressés à Marguerite, les sonnets — plus de cinquante — écrits, après le retour de Joachim en France, me semblaient être trop sonnets de courtisan, sans être de "lèche-bottes", pour m'inciter à une lecture autre que de survol.
Mais voilà que la règle du jeu que le curiste s'est imposée, a donné à lire, dès l'entrée au vestiaire, le CLXVI. Lu avec étonnement, une heure plus tard, entre illutation et douche pénétrante.
Combien que ta vertu, Polin, soit entendue
Partout où des Français le bruit est entendu,
Et combien que ton nom soit au large étendu
Autant que la grand’ mer est au large étendue :
Si faut-il toutefois que Bellay s’évertue,
Aussi bien que la mer, de bruire ta vertu,
Et qu’il sonne de toi avec l’airain tortu
Ce que sonne Triton de sa trompe tortue.
Je dirai que tu es le Tiphys du Jason
Qui doit par ton moyen conquérir la toison
Je dirai ta prudence et ta vertu notoire :
Je dirai ton pouvoir qui sur la mer s’étend,
Et que les dieux marins te favorisent tant,
Que les terrestres dieux sont jaloux de ta gloire.
Etonné oui, et ravi, parce que le poète courtisan qui n'est pas mon Joachim préféré me dévoile un pan totalement ignoré de l'histoire maritime de la France.
Qui donc est ce Polin ?
Une note de bas de page, s'ajoutant à quelques recherches : voici Antoine Escalin des Aimars, dit Polin, seigneur de Pierrelatte, Général des Galères du Roi de France, né et mort à La Garde-Adhémar (1498 ?-1578). Il fut l'envoyé de François Ier près de Soliman le Magnifique à Constantinople, s'allia à Kheireddine, le Barberousse algérois, pour contrer la flotte de Charles-Quint.
François Ier jusqu'à ce sonnet : c'était le vainqueur de Marignan, le prisonnier de Pavie, l'admiration pour le Grand Logis du Château des Ducs de Bretagne, l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts légiférant sur la langue française. J'ignorais tout de sa politique maritime.
Et Joachim de me faire réouvrir les Argonautiques d'Apollodore d'Athènes pour vérifier que nous avons bien, à cinq bons siècles d'écart, les mêmes sources grecques — à moins que ce ne soit celles de Diodore de Sicile ou d'Apollonios de Rhodes :
Τῖφυς Ἁγνίου, ὃς ἐκυβέρνα τὴν ναῦν,
Tiphys, fils d’Hagnius, qui tient le gouvernail du vaisseau
Tiphys est bien le skipper d'Argo, le vaisseau de Jason et sa cinquantaine de héros, Jason évoqué sans être nommé par le poète dans son plus célèbre sonnet, le XXXI :
pourquoi
Ou comme cestuy là qui conquit la toison.
Et non
Ou comme ce Jason qui conquit la toison
qui nous aurait valu deux beaux hémistiches.
Me faut-il réécrire Du Bellay ? J'y vas : par passion pour l'océan, la chute du fameux sonnet serait
Et plus que l'air romain la douceur angevine
J'aime trop le Joachim de mon adolescence pour ne pas lui être sacrilège. J'en veux sans doute au courtisan...
20:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 octobre 2015
quand Joachim a peut-être le mal de mer
à Roger Morel, celui des bords de Vilaine
qui est un Morel plus récent que celui des REGRETS,
pour cette belle passion partagée : la mer et le vent,
un même port nous ayant rapprochés.
Au mitan de cette cure aux Thermes de Barbotan, la numérotation de mes salles de soins me fait rejoindre un Du Bellay triste et mélancolique dont, depuis son fameux « Heureux qui comme Ulysse… » (XXXI), toujours de la maison le doux désir (le)point. (XXX).
Le secrétaire-intendant depuis le XVII accumule le lexique et les métaphores du voyage maritime et de ses aléas, de l’errance et de l’exil étranger :
erré sur le rivage — vers le Nautonier sourd — pour payer le naulage — tirant à la rame — la rive latine — hausser les voiles, dresser le gouvernail, épier les étoiles — être ancré désormais — le vent à gré — des flots marins, lourdement outragé — sauvé du naufrage — en cette mer, nagé — cette mer romaine, de dangereux écueils et de bancs toute pleine — si tu ne sais nagé d’une voile à tout vent — aller de port en port — et voyage toujours sans penser au retour — perdre en voyageant le meilleur de (son) âge.
Le poète parvient au seuil du XXXIV avec cette métaphore désabusée qui clôt le dernier tercet du XXXII :
Ainsi le marinier souvent pour tout trésor
Rapporte des harengs au lieu de lingots d’or,
Ayant fait, comme moi, un malheureux voyage
Ce sonnet XXXIV est entièrement marin et, curieusement d'actualité, quand on songe à ces voiliers de la Transat du Café (laidement dite transat Jacques-Vabre) lancés depuis Le Havre vers les Amériques et qui depuis ce matin affrontent, — non pas une tempête, les média, toujours, exagèrent pour entretenir le suspense — mais une belle dépression qui génère un avis de grand frais avec des vents Sud de 30 à 35 nœuds.
Ne pas oublier ce que sont ces textes : un projet d'écriture, un labeur sur la langue qui s'énonce et s'affine tout au long des trente premiers sonnets, selon les situations évoquées et la relation que le poète entretient avec ses interlocuteurs : les "copains" de la Pléiade — Ronsard, Peletier, Belleau...—, les amis — Morel, Magny, Gordes...
Ainsi, Joachim "touitte" à Magny dans le XII :
Vu le soing mesnager dont travaillé je suis,
Vu l’importun souci qui sans fin me tourmente,
Et vu tant de regrets desquels je me lamente,
Tu t’esbahis souvent comment chanter je puis.
Je ne chante, Magny, je pleure mes ennuis :
Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les chante,
Si bien qu’en les chantant, souvent je les enchante :
Voilà pourquoi, Magny, je chante jours et nuits.
Ainsi chante l’ouvrier en faisant son ouvrage,
Ainsi le laboureur faisant son labourage,
Ainsi le pèlerin regrettant sa maison,
Ainsi l’avanturier en songeant à sa dame,
Ainsi le marinier en tirant à la rame,
Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.
Dans le Sonnet XXIV, Joachim se retrouve donc comme "le marinier tirant à la rame", et pis même, comme l'énonce, avec une belle dose d'humour noir, la clôture dans le dernier vers du second tercet :
Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage,
Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
Des vagues ni des vents, les ondes écumer :
Et quelqu’autre bien loin, au danger d’abîmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage :
Ainsi, mon cher Morel, sur le port arrêté,
Tu regardes la mer, et vois en sûreté
De mille tourbillons son onde renversée :
Tu la vois jusqu’au ciel s’élever bien souvent,
Et vois ton Du Bellay à la merci du vent
Assis au gouvernail dans une nef percée.
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mercredi, 21 octobre 2015
à Rome point de thermes (?) pour Joachim
L’entrée aux Thermes s’est faite, ce matin, par le n°545.
Joachim a clos ses Regrets, sur le cent-quatre-vingt onzième sonnet ; j’ai dû me contenter d’additionner les trois chiffres de mon vestiaire et je suis entré au sonnet XIV dans le vif du sujet : "de quoi" des vers servent-t-ils ? En ces temps de déprime, de harcèlement, de syndrome d’épuisement professionnel — je bannis le « burn-out », cet anglicisme si laid qui dans sa brièveté ne fait que s’amplifier dans la détresse — ces neuf raisons d’écrire des vers et leurs conséquences devraient pallier les antidépresseurs.
Sonnetisons donc. Ou plutôt, « touittons » — je ne refuse point, ici, l’anglicisme refrancisé, puisqu’il s’agit bien, n’est-ce pas, d’un mot surgi d’une onomatopée !
Après ceux à Panjas et Bailleul, voici le "touitt" à Boucher
XIV
Si l’importunité d’un créditeur me fasche,
Les vers m’ôtent l’ennui du fâcheux créditeur :
Et si je suis fasché d’un fascheux serviteur,
Dessus les vers, Boucher, soudain je me défasche.
Si quelqu’un dessus moi sa colère délasche,
Sur les vers je vomis le venin de mon cœur :
Et si mon faible esprit est recru du labeur,
Les vers font que plus frais je retourne à ma tasche.
Les vers chassent de moy la molle oisiveté,
Les vers me font aymer la douce liberté,
Les vers chantent pour moi ce que dire je n’ose.
Si donc j’en recueillis tant de profits divers,
Demandes-tu, Boucher, de quoi servent les vers,
Et quel bien je reçois de ceux que je compose ?
Pour accéder au trente-cinquième sonnet, je n’ai que déposé mon peignoir et mes socs pour affronter un quart d’heure durant un tiède contre-courant à 35 °et achever mon parcours en descendant cinq marches qui me plongèrent dans une eau à 20° fort revigorante.
XXXV
La nef qui longuement a voyagé, Dillier,
Dedans le sein du port à la fin on la serre :
Et le bœuf, qui longtemps a renversé la terre,
Le bouvier à la fin lui ôte le collier ;
Le vieux cheval se voit à la fin délier,
Pour ne perdre l’haleine ou quelque honte acquerre ;
Et pour se reposer du travail de la guerre,
Se retire à la fin le vieillard chevalier ;
Mais moi, qui jusqu’ici n’ai prouvé que la peine,
La peine et le malheur d’une espérance vaine,
La douleur, le souci, les regrets, les ennuis,
Je vieillis peu à peu sur l’onde ausonienne,
Et si n’espère point, quelque bien qui m’advienne,
De sortir jamais hors des travaux où je suis.
Certains critiques — professeurs… certifiés…, agrégés…, autres… — prétendent que, dans les Regrets, Du Bellay n’est qu’un poète-stratège qui tient à capter la bienveillance du lecteur sur son pénible sort de larbin exilé ; en réthorique latine, ça aurait nom captatio benevolentiæ.
Mon droit de lecteur me fait lire son recueil comme une autobiographie et son expérience romaine très charnellement vécue dans la tristesse, la désespérance, l’ironie mordante, la rage parfois, ne fait que hausser le lyrisme de sa langue.
La douleur, le souci, les regrets, les ennuis
Dans les années 1550, l’avenir des retraites se poserait donc déjà ? et Du Bellay ignore que lors de sa future installation au cloître de Notre-Dame de Paris, il bénéficiera de 3 000 francs et de menus (?) bénéfices ecclésiastiques.
XI
Bien qu’aux arts d’Apollon le vulgaire n’aspire,
Bien que de tels trésors l’avarice n’ait soin,
Bien que de tels harnois le soldat n’ait besoin,
Bien que l’ambition tels honneurs ne désire :
Bien que ce soit aux grands un argument de rire,
Bien que les plus rusés s’en tiennent le plus loin,
Et bien que Du Bellay soit suffisant témoin
Combien est peu prisé le mestier de la lyre :
Bien qu’un art sans profit ne plaise au courtisan,
Bien qu’on ne paye en vers l’œuvre d’un artisan,
Bien que la Muse soit de pauvreté suyvie,
Si ne veux-je pourtant délaisser de chanter,
Puisque le seul chant peut mes ennuis enchanter,
Et qu’aux Muses je doy bien six ans de ma vie.
Le onzième sonnet qui n’est pour le lecteur que le hasard de la cabine pour douche pénétrante affirme à nouveau le projet d’écriture d’un homme sans illusions sur l’utilité de son art.
Mais pour soi, quel réconfort quand on est au fond du trou. Si loin du val de Loire, de Ronsard, de Baîf, de Belleau, de Magny, de Peletier, de son Olive angevine et sans doute plus secrètement de Marguerite.
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lundi, 19 octobre 2015
des sonnets en cure thermale
Après plus de deux mois de silence qui furent de petites errances marines, de rêvasseries et surtout de paresse, mais qu'il me fallait bien rompre pour fêter les onze années de ce blogue.
À Barbotan, barbotons allègrement dans de bonnes eaux tièdes, barbotons dans de bonnes boues tout aussi tièdes, douces et molles. Et quand les premières gelées matinales étoilent le pare-brise, le barbotant que, trois semaines durant, je suis, depuis cinq jours, devenu, barbotera dans le bonheur.
Mais entre les six soins qui me sont proposés — douche sous immersion, piscine de mobilisation, couloir de marche, illutation* générale, douche pénétrante et bain actif — il faut passer le temps. J'ai donc mis en poche Les Regrets de mon Joachim Du Bellay et me suis aidé de cette abondante "numérotation" — et non numéralogie — à laquelle m'astreint mon parcours de soins : du vestiaire à la douche, barbotant et pataugeant dans eaux et boues, de la douche au bain, pataugeant et barbotant dans boues et eaux, et du bain au vestiaire, pour le choix des sonnets à lire ou... relire.
Mais dès ce commencement, mon inclination à la dissidence m'a fait rompre cette règle de numérotation et opter pour le Sonnet XV, manière de rendre hommage à ce pays d'accueil qu'est Barbotan-les Thermes en... Armagnac qui n'est point seulement terre d'eaux thermales, mais aussi de vins frais, de grasses nourritures et de bel alcool d'or.
Or, en grand "blogueur" de Renaissance qu'est Joachim, il adresse ce texte à un sien compagnon et ami, Jean de Pardeillan, dit "Panjas" qui est lui aussi poète, lui aussi secrétaire d'un cardinal, un certain Georges d'Armagnac. D'où ce quinzième sonnet pour inaugurer ma cure.
C'est Du Bellay l'intendant, l'économe, le trésorier, le secrétaire de l'ambassadeur du roi de France près du Saint-Siège, un cardinal qui est son oncle. Mais comment fait-il pour être aussi poète ?
XV
Panjas, veux-tu savoir quels sont mes passe-temps ?
Je songe au lendemain, j’ai soin de la despense
Qui se fait chacun jour, et si faut que je pense
À rendre sans argent cent créditeurs contents.
Je vais, je viens, je cours, je ne perds point le temps,
Je courtise un banquier, je prens argent d’avance :
Quand j’ay despesché l’un, un autre recommence,
Et ne fais pas le quart de ce que je prétends.
Qui me présente un compte, une lettre, un mémoire,
Qui me dit que demain est jour de consistoire,
Qui me rompt le cerveau de cent propos divers,
Qui se plaint, qui se deult, qui murmure, qui crie :
Avecques tout cela, dis, Panjas, je te prie,
Ne t’esbahis-tu point comment je fais des vers ?
Le numéro 4 fut, ce matin, mon vestiaire d'entrée : donc
le IV
Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs,
Je ne veux retracer les beaux traits d’un Horace,
Et moins veux-je imiter d’un Pétrarque la grâce,
Ou la voix d’un Ronsard pour chanter mes regrets
Ceux qui sont de Phoebus vrais poètes sacrés,
Animeront leurs vers d’une plus grand’ audace :
Moy, qui suis agité d’une fureur plus basse,
Je n’entre si avant en si profonds secrets.
Je me contenteray de simplement escrire
Ce que la passion seulement me fait dire,
Sans rechercher ailleurs plus graves argumens.
Aussi n’ay-je entrepris d’imiter en ce livre
Ceux qui par leurs escrits se vantent de revivre
Et se tirer tout vifs dehors des monuments.
Joachim entre dans son projet romain d'écriture ; modeste, très humble, il souhaite "simplement écrire" en choisissant une forme brève mais contrainte, comme un "touitt" d'une certaine corpulence en 14 vers — à l'époque, on aurait écrit "épître" ou "lettre" — avec un destinataire qui fréquemment sera un de ses pairs et que l'on entretient de ses humeurs, de ce vécu "étrange" qui est l'ailleurs romain et qui laisse sourdre la nostalgie.
Le sonnet IV comme un vestiaire littéraire !
La nostalgie ? Voilà le sonnet 30 qui précède le ...31, ce 31 qui fit et accompagne toujours et encore la gloire de Joachim, de son petit Lyré, de son Loir gaulois, de la douceur angevine.
Comme un prélude...
Quiconques, mon Bailleul, fait longuement séjour
Soubs un ciel incogneu, et quiconques endure
D’aller de port en port cherchant son adventure,
Et peut vivre estranger dessous un autre jour ;
Qui peut mettre en oubly de ses parens l’amour,
L’amour de sa maistresse, et l’amour que nature
Nous fait porter au lieu de nostre nourriture,
Et voyage tousjours sans penser au retour ;
Il est fils d’un rocher, ou d’une ourse cruelle,
Et digne que jadis ait sucé la mamelle
D’une tigre inhumaine : encor ne voit-on point
Que les fiers animaux en leurs forts ne retournent,
Et ceux qui parmy nous, domestiques, séjournent,
Tousjours de la maison le doux désir les poingt.
Le numéro 30 n'est pour moi, très trivialement, que mon emplacement pour la douche sous immersion : la poésie est quotidienne et roborative !
* Illutation : terme utilisé dans les Thermes, de l'ancien français lut « boue, fange ». En maçonnerie, action d'enduire un mur de boue, d'argile. Em médecine on illute un patient en l'enduisant de boue...
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mercredi, 18 mars 2015
au hasard d'un marché, un poète gascon
un poète gascon lu
trois cents ans plus tard
par un breton de souche linguistique gallèse,
mâtiné d'un quart de bas-poitevin,
manière de marquer la semaine de la Francophonie en 2015
Il suffit d'une flèche de signalisation, pour que se remue la curiosité. Ainsi, à la mi-février, au marché d'Aiguillon, petite ville au confluent de Garonne et du Lot : elle n'était pour moi jusqu'alors que la ville de naissance d'un certain duc d'Aiguillon, lieutenant général de Bretagne nommé par Louis XV pour mater les Bretons et envahir l'Angleterre, et dont les démêlés avec le vice-amiral de Conflans et les marins de ladite province ne furent pas pour rien dans le désastre de la bataille navale des Cardinaux en 1759.
Une simple signalétique urbaine donc, lettres blanches sur fond bleu, "salle Théophile de Viau" ! Vague mémoire d'un poète baroque qui "sonnettisa", entre Mathurin Régnier, Racan, D'Urfé et Saint-Amand.
Je néglige l'office du Tourisme et plonge dans la Toile avec ma tablette —mon iPad, comme on disait naguère "mon frigidaire" ——, j'y apprends qu'il est né à Boussères. Je chercherai et sur la rive gauche du Lot et sur la rive droite de Garonne, car il y a deux Boussères et les "connaisseurs" s'affrontent, les uns pour celui de Clairac, les autres pour d'Aiguillon (ou de Port-Sainte-Marie ?).
À lire Théophile, j'opterai pour celui de Garonne ; il tint fort à y convier Cloris, sa Belle d'alors.
Si tu fais ce voyage, et mon amour te prie
D'y ramener tes yeux, car c'est là ma patrie :
Là tu verras un fonds où le paysan moissonne
Mes petits revenus sur le bord de Garonne
Le fleuve de Garonne où des petits ruisseaux
Au travers de mes prez vont apporter leurs eaux,
Où des saules espais ; leurs rameaux verd abaissent
Pleins d’ombre et de frescheur sur mes troupeaux qui paissent.
Cloris, si tu venais dans ce petit logis
Combien qu'à te l'offrir de si loin je rougis
Si cette occasion permet que tu l'approches,
Tu le verras assis entre un fleuve et des roches,
Où sans doute il fallait que l'Amour habitât
avant que pour le ciel la terre il ne quittât
Dans ce petit espace une assez bonne terre
Si je puis la sauver du butin de la guerre,
Nous fourniras des fruits aussi délicieux
Qui sauraient contenter ou ton goût ou tes yeux.
Mais afin que mon bien d'aucun fard ne se voile,
Mes plats y sont d'estain et mes rideaux de toile ;
Un petit pavillon dont le vieux bastiment
Fut massonné de brique et de mauvais ciment,
Monstre assez qu’il n’est pas orgueilleux de nos tiltres
Ses chambres n’ont plancher, toict, ny porte, ny vitre,
Par où les vents d’hyver s’introduisans un peu,
Ne puissent venir voir si nous avons du feu...
Élégie II
"Souverain qui régis l’influence des vers"
La vie de Théophile de Viau est pour moi innénarable: ce premier quart du XVIIe siècle était plutôt tumultueux. Viau fut de ceux qu'on nomma "libertins", de mœurs et de langue. J'aime bien qu'il y ait en lui du Joachim Du Bellay dans l'attachement à son terroir natal, du Pierre de Ronsard en ses amours, du Michel de Montaigne en ses amitiés ; il ne suivit pas Malherbe, mais ne le dénigra point non plus.
Fut calomnié, amoureux, sans doute bisexuel et sodomite, ne se fiant ni à dieu ni à diable, dénoncé par des jaloux et condamné au bûcher pour ses licences, fausses ou avérées, ne fut brûlé qu'en effigie, mais vécu vingt-trois mois de cachot, à la Conciergerie entre autres lieux, si ardes qu'il commença l'an 1724 par une grève de la faim — c'est bien la première dont j'ai connaissance.
Ses textes : des odes, des stances, des élégies, une tragédie, des lettres en vers, en prose et en latin.
Je veux faire des vers qui ne soient pas contraints,
Promener mon esprit par de petits desseins,
Chercher des lieux secrets où rien ne me déplaise,
Méditer à loisir, rêver tout à mon aise,
Employer toute une heure à me mirer dans l’eau,
Ouïr comme en songeant la course d’un ruisseau,
Écrire dans les bois, m’interrompre, me taire,
Composer un quatrain, sans songer à le faire.
Après m’être égayé par cette douce erreur,
Je veux qu’un grand dessein réchauffe ma fureur,
Qu’un œuvre de dix ans me tienne à la contrainte,
De quelque beau Poème, où vous serez dépeinte :
Là si mes volontés ne manquent de pouvoir,
J’aurai bien de la peine en ce plaisant devoir.
En si haute entreprise où mon esprit s’engage,
Il faudrait inventer quelque nouveau langage,
Prendre un esprit nouveau, penser et dire mieux
Que n’ont jamais pensé les hommes et les Dieux.
Élégie à une Dame
Dans Première journée, récit mêlé de nombreuses digressions à la manière de Montaigne, il proclame également son exigence d’écrire à la moderne.
Il faut que le discours soit ferme, que le sens y soit naturel et facile, le langage exprès et signifiant ; les afféteries ne sont que mollesse et qu’artifice, qui ne se trouve jamais sans effort et sans confusion. Ces larcins qu’on appelle imitation des Auteurs anciens se doivent dire des ornements qui ne sont point à notre mode. Il faut écrire à la moderne ; Démosthène et Virgile n’ont point écrit en notre temps, et nous ne saurions écrire en leur siècle ; leurs livres quand ils les firent étaient nouveaux, et nous en faisons tous les jours de vieux.
Et puis des sonnets, s'immisçant entre Élégies et Odes, ce premier quand la guerre ravage son terroir natal :
Sacrés murs du Soleil où j'adorais Philis,
Doux séjour où mon âme était jadis charmée,
Qui n'est plus aujourd'hui sous nos toits démolis
Que le sanglant butin d'une orgueilleuse armée;
Ornements de l'autel qui n'êtes que fumée,
Grand temple ruiné, mystères abolis,
Effroyables objets d'une ville allumée,
Palais, hommes, chevaux ensemble ensevelis;
Fossés larges et creux tout comblés de murailles,
Spectacles de frayeur, de cris, de funérailles,
Fleuve par où le sang ne cesse de courir,
Charniers où les corbeaux et loups vont tous repaître,
Clairac, pour une fois que vous m'avez fait naître,
Hélas ! combien de fois me faites-vous mourir !
et cet autre, étrange, quand la femme aimée, Phyllis, remonte des enfers. Mais qui donc fut cette Phyllis ?
Je songeais que Philis des enfers revenue,
Belle comme elle était à la clarté du jour,
Voulait que son fantôme encore fît l'amour
Et que comme Ixion j'embrassasse une nue.
Son ombre dans mon lit se glissa toute nue
Et me dit : " Cher Tircis, me voici de retour,
Je n'ai fait qu'embellir en ce triste séjour
Où depuis ton départ le sort m'a retenue.
Je viens pour rebaiser le plus beau des amants,
Je viens pour remourir dans tes embrassements. "
Alors, quand cette idole eut abusé ma flamme
Elle me dit : " Adieu, je m'en vais chez les morts.
Comme tu t'es vanté d'avoir foutu mon corps,
Tu pourras te vanter d'avoir foutu mon âme. "
Plus rustique en amours, cette chanson dialoguée allègrement troussée. Mais est-elle de "notre" Théophile ?
Demande
Quelle fièvre avez-vous, Pâquette,
Qui vous rend le teint si défait ?
Répons
C'est le désir d'une brayette
Dont je ne puis avoir l'effet.
Demande
Certes vous êtes maigre et jaune,
Je ne sais pas que demandez.
Répons
Un gros vit long comme un quart d'aune.
Prêtez-le moi si vous l'avez.
Demande
Mais quoi ? vous n'êtes point honteuse
De dire ainsi votre appétit ?
Répons
Homme goulu, femme fouteuse,
Ne désirent rien de petit.
Demande
Si vous voyez quelque vit mince,
Voudriez-vous pas bien l'approcher ?
Répons
Quand ce serait celui d'un prince
Je ne voudrais pas le toucher.
Demande
De quelque valet l'accointance
Serait-ce bien votre désir?
Répons
Oui s'il le fait d'obéissance
Et le refait pour le plaisir.
Demande
Vous avez la fesse soudaine
Alors qu'on vous presse le flanc ?
Répons
Le cul sans cesse me démène
Comme l'aiguille d'un cadran.
Demande
Qui vous voit la mine si froide
Ne vous croit point le cul si chaud.
Répons
C'est au cul qu'il faut un vit roide,
Ce n'est point au front qu'il le faut.
Chanson tirée de
Œuvres Poétiques. Appendice.
Poésies de Théophile
ou qui lui ont été attribuées
et qu'il n'a pas recueillies dans ses œuvres
D'aucuns écrivent qu'il influença La Fontaine et Nerval. C'est sûr, il séduisit Théophile Gautier. Et très près de nous, il inspira à Michel Chaillou un très savoureux chapitre libertaire, La Compagnie Théophile dans le Petit guide pédestre de la littérature française au XVIIe siècle".
Et comme belle épitaphe,
Il faudra qu'on me laisse vivre
Après m'avoir fait tant mourir.
Pour le lire,
• en Poésie/Gallimard, Après m'avoir fait tant mourir, œuvres choisies, édition de J.P. Chauveau. 2002.
Ce ne sont point œuvres complètes, mais on peut y parcourir cent pages d'un dossier bien touffu, sur vie et textes de Théophile.
• Les familiers des bouquins numérisés peuvent importer sur leur disque dur ou leur mémoire-flash :
Œuvres poétiques - Théophile de Viau, une œuvre du domaine public - ©2011 Norph-Nop Editions, d'où est tirée la Chanson. C'est diffusé gratuitement par ...Amazon ; ça paraît édité à la "va comme j'te pousse", mis en page à la diable à la limite de l'illisible et format Kindle... Consulter la critique d'un client de ces éditions ??? À charger pour voir et puis supprimer, selon !
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samedi, 11 janvier 2014
retour au sonnet
Avec cette glane nocturne, cueillie le temps que se chargent les Grandes Heures d'Anne de Bretagne, dans le premier écran de Gallica au rayon des nouveautés ePub.
Un Flamand inconnu avec son obstinance et son antiphonaire : c'est diablement symboliste et plus sombrement décadent. Artaud aurait parlé de « bric-à-brac ». Ezra Pound, pour qui le symbolisme était l'acte de naissance de la poésie moderne, de « l'odeur de talc » d'une époque qu'il estimait « glauque et nacre.»
Je suis nostalgique de ces soirées hivernales d'études, où lasse des versions grecques et latines, mon adolescence rêvassait dans ces luxuriances surannées.
Ah ! cette obstinance tant plus belle que l'opiniâtreté !
LES PEUPLIERS
Tels des moines de deuil en bures de silence,
Au long du canal glauque et ses bords sablonniers,
Cheminent deux par deux les rudes peupliers,
Les peupliers de Flandre, immobile obstinance.
Vers les horizons gris, péniches et chalands,
Et les oiseaux de mer et les mornes nuages
S'en vont, brouillant dans l'eau qui bouge, leurs visages
Et passent sur le flot d'invisibles courants.
Mais eux restent figés depuis des jours sans nombre,
Ils restent figés là, proches des berges d'ombre.
Immenses de l'essor des lointains entrevus,
Et que leurs bras d'espoir, obstinément tendus,
S'entêtent à vouloir étreindre en baiser sombre
Pour broyer on ne sait quels désirs inconnus !
L'ANTIPHONAIRE
C'est un antiphonaire à vieille reliure,
Avec des coins de cuivre, et des fermoirs usés;
Ses feuillets autrefois furent enluminés
Par un moine savant en l'art de la peinture.
Sur le velin rugueux, mais vierge de souillure,
Les onciales d'or aux gothiques clartés
Émargent la splendeur des poèmes sacrés,
Qu'un habile pinceau transcrivit sans rature.
Un jour, dans la beauté des pompes liturgiques,
On dut ouvrir le livre, et quelque abbé mitré
Y lut, mais aujourd'hui le livre est oublié,
Et nul ne tourne plus ses pages nostalgiques
Où dort, dans la poussière intime du Passé,
L'étrange floraison des défuntes musiques !
Marcel WYSEUR 1886-1950*
La Flandre Rouge, poèmes,
Préface d'Émile Verhaeren
*Source : BNF - Département Littérature et Art 8-YE-9363
Notice du catalogue : catalogue.bnf.fr./ark:/12148/cb316724775
Mise en ligne : 16.09.2013
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vendredi, 26 juillet 2013
un sonnet "allongé"
Samain, oublié ? Pas si sûr. Ce poète du Nord, classé chez les Symbolistes, puis rapporté aux Parnassiens pour finir chez les "Décadentistes", a commis dans ses premiers ouvrages — Le jardin de l'Infante, Au flanc du vase — du suranné, quelques mièvreries, des vers trop suaves. Il reconnaissait lui-même l'esthétisme et l'artificiel de « ces fleurs suspectes, miroirs ténébreux, vices rares ».
Il m'apporta bien des plaisirs dans les soirées songeuses de mon adolescence qui faisait de foin de ces critiques sorties des manuels de littérature.
Avec le Chariot d'or, il s'assagit, se simplifie, s'enracine dans sa terre natale. Il pratique le Sonnet ; à certains d'entre eux, il ajoute aux huit vers des quatrains, aux six vers des tercets, un quinzième vers. Avec le sonnet qui suit, et ce sera l'unique fois, il prolonge par un troisième tercet.
Il a abandonné l'ampoulé, le trop joli, il s'achemine dans la gravité des émotions et la sincérité des scènes familières, mais toujours avec un sens aigu de la mélodie de la langue.
Mort trop jeune, il avait quarante-deux ans.
Albert Samain ? Ne pas l'oublier, le relire.
MON ENFANCE CAPTIVE
Mon enfance captive a vécu dans les pierres,
Dans la ville où sans fin, vomissant le charbon,
L'usine en feu dévore un peuple moribond :
Et pour voir des jardins je fermais les paupières...
J'ai grandi, j'ai rêvé d'Orient, de lumières,
De rivages, de fleurs où l'air tiède sent bon,
De cités aux noms d'or, et, seigneur vagabond,
De pavés florentins où traîner des rapières.
Puis je pris en dégoût le carton du décor,
Et maintenant, j'entends en moi l'âme du Nord
Qui chante, et chaque jour j'aime d'un cœur plus fort
Ton air de sainte femme, ô ma terre de Flandre,
Ton peuple grave et droit, ennemi de l'esclandre",
Ta douceur de misère où le cœur se sent prendre,
Tes marais, tes prés verts où rouissent les lins,
Tes bateaux, ton ciel gris où tournent les moulins,
Et cette veuve en noir avec ses orphelins...
Albert Samain
Le Chariot d'or.
Édition du Mercure de France.
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