mercredi, 04 mars 2020
fallait-il donc publier "les terres du couchant" ?
Bizarre après-midi de lecture débutant par ce feuilletage critique des terres du couchant, Louis Poirier insérant dans les 258 pages d'un texte qui aurait sans doute dû demeurer au fond d'une malle les pages 75/93 qui sont pages anciennes d'un texte autrement plus mystérieux, les pages 14/31 de La Route, qui ouvre la Presqu'île, lue en 1970.
Premières lignes :
Ce fut, si je m’en souviens bien, dix jours après avoir franchi la Crête que nous atteignîmes l’entrée du Perré ; l’étroit chemin pavé qui conduisait sur des centaines de lieues de la lisière des Marches aux passes...
Dernières lignes :
...Je me souviens de leurs yeux graves et de leur visage étrangement haussé vers le baiser comme vers quelque chose qui l’eût éclairé — et le geste me vient encore, comme il nous venait quand nous les quittions, avec une espèce de tendresse farouche et pitoyable, de les baiser au front.
La Route, qu'en 2006, Louis Poirier avouait être "comme le vestige unique d’un livre mort parce qu’il n’avait “pas choisi, pour l’attaquer le ton juste...” Et pourtant quelle fascination dans cet incipit qui annonçait un immense western, une épopée à la Tolkien ou à la ...Homère.
Pourquoi, comment ai-je glissé de ce qui pour moi, avait été certes une déception, mais aussi une porte si largement ouverte à de fascinantes rêveries, vers ces pages odieuses de Lettrines II quand Louis Poirier, dit plus noblement (?) Julien Gracq, relate les leçons de piano, que tout enfant il prenait chez les demoiselles Quignard, demeurant rue Barème à Ancenis, dames esseulées d'une bourgeoisie exténuée, pages qui révolteront le neveu d'icelles, un certain Pascal Quignard ?
Pourquoi Gracq des années après, soixante-sept ans qprès, enfonçait-il le couteau dans la plaie d'un destin malheureux ?.. Il est possible que Gracq ait voulu répondre à la détresse de son enfance...
Le fils du mercier de Saint-Florent qui s'appelait Poirier, désira s'annoblir du nom de Gracq.
Moi, le neveu des musiciennes pauvres, je gardais le nom pauvre, le nom dédaigné par les riches autochtones de Saint-Florent-le-Vieil, des organistes Quignard...
Le fils du mercier de Saint-Florent portait monocle et se prenait pour un aristocrate...
Et le lecteur de rouvrir Leçons de solfège et de piano du susdit lequel en ce même bouquin, réglant ses comptes de descendant d'une bourgeoisie ancienne avec l'ascendant d'une nouvelle bourgeoisie de négoce, mentionne heureusement — le lecteur s'éloigne des aigreurs écrivaines (!) — en des pages d'un superbe pédantisme,
Paul Celan,qui l'incita à traduire du grec Alexandra, qui est aussi Cassandre, le poème de Lycophron,
Héraclite : φυσις κρυπτεσθαι φιλει — la nature aime à se cacher
et Zénon : φιλος αλλος εφη εγο — il dit que l'ami est un autre JE — Zénon qui en chutant se brisa le doigt et se précipita dans la mort....
Et me voilà donc pour la première fois dans Zénon par le truchement fort savant de Diogène Laërce qui écrivit, il y a quelques dix-sept cents ans en dix livres, Vies et doctrines des Philosophes illustres.
Abandonnant sans regret les terres du couchant, je reprends La Route.
de Julien GRACQ
La Presqu'île, José Corti, Paris 1970
Lettrines 2, José Corti, Paris 1974
Les terres du couchant, éditions Corti, Paris 2014
de Pascal QUIGNARD
Leçons de solfège et de piano, Arléa, Paris 2013
Lycophron et Zétès, Poésie/Gallimard, 2010
d'HÉRACLITE
Fragments, Presses Universitaires de France, Paris 1986
de DIOGÈNE LAËRCE
Vies et doctrines des Philosophes illustres, La Pochotèque, Le Livre de Poche, 1999
19:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 21 février 2016
un festival à reculons, et puis....
J'y allais vraiment à reculons à ce Festival Cable#9 qui en est donc à sa 9e année et que j'avais jusqu'à ce février 2016 totalement ignoré. Sans doute trop "in" et anglophile en ses éditions précédentes — c'est le dépliant de la Maison de la Poésie et l'annonce d'un concert "Gesualdo Madrigaux pour 5 guitares" au Lieu Unique qui m'ont rendu plus aigü le regard. Je choisis donc le "I am setting in a hotel room", pour écouter ce que pouvait me dire dans une chambre de l'Hôtel Pommeraye un homme qui, se disant poète, écrit à propos de son œuvre, entre autres, ceci :
Ces fragments, qu'il monte et lie, configurent un ensemble abusivement stable et non moins propre à laisser béant, parmi les mots, dans l'intervalle entre eux, dans le silence et le blanc, du vide indéfini. Il est par là question d'ouvrir à la rupture du rapport d'appartenance du texte à son genre, de l'écriture à son auteur, et du livre à lui-même.
Dans le hall de l'hôtel, suivant scrupuleusement les consignes du dépliant publicitaire — Présentez-vous à l'accueil pour vous voir attribuer de manière aléatoire la clé de l'une des chambres investies par un artiste pour 10 à 20 minutes : courtes performances, diffusions, concerts, surprises de chambre pour 1 personne uniquement — j'eus la chambre de repli que j'avais envisagée, la 108,
Depuis plus d’une vingtaine d’année, à l’écoute du paysage et de son environnement, Eric La Casa* interroge la perception du réel et élargit la question du musical aujourd’hui. Par son approche esthétique de la prise de son, et par ses processus in-situ d’écoute, il crée des formes (d’attention) qui active notre écoute et renouvelle notre relation à l’espace.
Les 30 minutes de notre rencontre m'ont fait sortir rasséréné ; j'ai oublié mon poète abscons ; Éric La Casa, "l'artiste" de la chambre 108, m'avait proposé deux écoutes : le boogie-woogie** d'un train qui m'a balancé dans la Prose du Transsibérien de Cendrars et une valse automobile à deux temps ; nous avions partagé nos lectures communes — le Paysage Sonore de Murray Schafer, le Traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer— évoqué nos écoutes anciennes — Luc Ferrari, ses Presque rien des années 60/70 et sa Promenade Symphonique dans un Paysage Musical ou Un jour de fête à El Oued en 1976 ; La Casa poursuit avec rigueur et passion les travaux entrepris par Schaeffer et Ferrari ; je me suis souvenu d'une bande magnétique enregistrée sur mon UHER 4000 avec un vieux micro Bayer, le nec plus ultra des années 70 ; j'avais recueilli, lors d'une session "Musique et Sons" à Marly-le-Roi, les bruits — non, les sons — du chantier naval du Confluent à Morecourt sur les rives de Seine ; je les avais agencés en sept séquences :
Séquence I : arrivée sur le chantier
Séquence II : Le siffleur à la perceuse
Séquence III : Sur l'eau et au bord
Séquence IV : Paroles d'ouvriers
Séquence V : Compresseur et gargouilles
Séquence : VI Duo pour deux machines
Séquence VII : Remembrances d'un vieux batelier,
j'avais nommé le tout Symphonie pour un Chantier de Batellerie.
Je suis sorti de l'hôtel par la rue Boileau, descendu la rue Crébillon, ré-écouté "MA" ville, un orphéon jouait Place Royale et il y avait encore des CRS, casqués, masqués, bottés, boucliers haut-levés, ils bloquaient l'Allée d'Orléans, ils m'ont laissé passer, quelques paysans manifestaient paisiblement, cours des Cinquante-Otages, leurs grandes affiches placardées à même le sol humide.
Oui, je ré-écoutais ma ville, ré-inventais son espace ; l'avertisseur sonore des tramways tintinnabulait dans le petit crachin qui n'avait cessé depuis le matin. Les.................... qui bloquaient l'Allée d'Orléans s'étaient évanouis.
Je me suis promis d'être plus attentif à l'annonce du Festival Cable#10 en 2017.
J'étais heureux.
*Le site d'ÉRIC LA CASA et sur YouTube. Il intervient aussi sur France Cul.
**Le terme « boogie-woogie » vient d'une image se référant au rythme très caractéristique des trains (tadam...tadam....tadam...). Ce bruit vient des roues du train qui passent avec un petit à-coup d'un rail à un autre (les jointures étant très sommaires). Or les essieux sont groupés par deux au sein d'un bogie (boogie en anglais), supportant le wagon, d'où la double percussion répétitive (définition sur wikipédia)
Nota-Bene : je suis parfois trop héllénisant ou...latinisant, selon ; mais le dépliant du festival est d'une anglophilie surabondante et indigeste :
Festival CABLE#, something for everybody. Enjoy !
16:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 29 décembre 2013
"nous sortirons de ces contrées de ténèbres"
Pour clore cet an.
Le blogue s'est essoufflé tout au long de ces mois. Il l'est encore. Mais dans l'impétuosité des vents qui parcourent notre terre d'Ouest, peut-être un regain de mots s'annonce-t-il ?
Je reprends un vieil écrit : il dit l'Afrique, cette terre tant blessée, il dit une aube, il dit que nous sortirons bien un matin de ces contrées de ténèbres.
Ce n'est que dans l'instant qui précède le lever du soleil que ce pays est beau. Plus tard, l'incendie et la cendre !
Aux terrasses de Djimbé, l'aube y fut un instant de la naissance du monde.
Splendeur de la lueur qui ocrait le vaste paysage de la savane jusqu'aux lointaines collines bleutées du Mali et dans les méandres verts de la Falémé. Nous dominions une vallée d'une paix silencieuse, inouïe.
Les amis africains sortaient du sommeil abandonnant les nattes de la nuit pour les premières ablutions du matin. Ombres dans l'aurore, les mouvements des orants s'accordaient à la lente montée des lueurs surgies de l'est.
Assis sur la murette de terre, j'écoutais, pour la première fois depuis mon arrivée en ce pays, l'Officium defunctorum de Cristóbal de Morales, curieusement soutenu par l'improvisation poignante du saxophone de Jan Garbarek.
Le chant reprenait les paroles du prophète Isaïe :
Populus genuit qui ambulabat in tenebris,
vidit lucem magnam :
habitantibus in regione umbræ mortis
et lux orta est eis.
Sur la psalmodie funèbre, s'élevait la gloire de la lumière et nous sortions des contrées de ténèbres.
Aux visiteuses, aux visiteurs de ce blogue,
une invite à lire en cliquant sur
l'Officium Defunctorum de Morales
pour lancer le chant.
18:41 | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 13 janvier 2013
l'ostracisme de Thémistocle mène à tout
Foin de la panerée de lectures, promise par ce bon François Rabelais. Ce sera pour demain.
Cette nuit, c'était le grand Baroque avec ses volutes, ses vocalises, ses clusters, ses ornementations, ses ostinati.
J'ignorais tout de ce Leonardo Vinci, compositeur italien du commencement du XVIIIe siècle.
Artaserse, j'en savais davantage, sortant de trois ou quatre séances d'atelier de Grec ancien, sur la vie de Thémistocle par Plutarque, Thémistocle ostracisé par ses concitoyens d'Athènes étant allé proposer ses services à Artaxerxès, roi de Perse.
Un superbe délire avec six contre-ténors. Ouais ! Que des "mecs" ! Qu'il me faut nommer : Philippe Jaroussky, Max Emanuel Cencic, Daniel Behle, Franco Fagioli, Valer Bama-Sabadus, Yuriy Mynenko.
La grande Bartoli peut aller se rhabiller... en femme.
Ce serait réécoutable demain sur France MU - même visible sur YouTube
20:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 12 décembre 2012
l'intime, le lyrique et l'élégiaque
Il est dit que le lyrique, c'est un cri devenu chant.
Peut-on dire que l'élégie, c'est une plainte devenue chant ?
L'un et l'autre émergeant de l'intime.
Écoutant un andante de Mozart, lisant un poème de Cadou, je retourne aux profondeurs de l'intime.
... le lyrisme se conçoit parfaitement la tête froide. Je veux dire qu'il ne s'échauffe point au récit ou à la vision des reliefs de la fête, mais porte en lui une fête — ou bien une défaite bien autrement exaltante et surtout bien autrement contagieuse.
On pourrait épiloguer longtemps sur le lyrisme contemporain qui peut paraître au prime abord un contre-lyrisme. C'est qu'il fait fi justement des grandes périodes, de toute rhétorique comme de tout développement. On peut le confondre avec le style en ce sens qu'il est une respiration adéquate de l'âme et pour cela propre à chaque individu. Bien plus qu'un contre-lyrisme je vois dans notre époqueles signes d'un lyrisme à rebours, éminemment cruel certes, mais tellement plus vrai, tellement plus circonscrit à l'objet même de la poésie.
René Guy Cadou,
12 décembre 1948.
Notes inédites.
Œuvres poétiques complètes, p. 433.
Et l'élégie ?
...La parole m'a été accordée par sucroît, afin de retransmettre quelques-unes de ces étonnantes vibrations, quelques-unes de ces mystérieuses palabres qu'il nous est donné d'intercepter, parfois, dans les couloirs de la détresse...
...Je ne cèle point que ces poèmes m’arrivent de bien plus loin que moi-même et que, vous autres, je vous entretiens d’un monde fugace, inaccessible comme un feu d’herbes et tout environné de maléfice...
du même
Préface à Hélène ou le règne végétal.
14:28 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 09 décembre 2012
écoutant Mozart
Dans la grisaille de ce dimanche déjà hivernal.
Je n'aurais jamais eu l'idée d'acheter un étourneau. Je les chasse même avec une constance exaspérée, buté que je suis contre ces oiseaux dont la voracité éloigne mésanges, rouges-gorges et autres verdiers des mangeoires dissimulées dans le jardin blanc des gelées matinales.
Je subis naguère quelques insomnies dans un hôtel lyonnais, sis sur une placette dont les arbres abritaient chaque soir un dortoir d'étourneaux. Le vacarme piaillant était assuré pour la nuit.
Voilà qu'écoutant le concerto en sol majeur K 453, je me prends à relire mon gros et vieil "Jean-Victor Hocquard" qui, illustrant ses commentaires, cite l'achat en 1783, par Mozart d'un étourneau-sansonnet qu'il garda trois ans. L'oiseau mourut et Mozart l'enterra lui-même dans son jardin et lui composa une épitaphe :
Ci-git un bien cher fou, un petit étourneau.
Dans ses meilleures années il dut éprouver de la mort l’amère douleur.
Saigne mon coeur à cette seule pensée.
Lecteur! Verse toi aussi une petite larme pour lui.
Il n’était pas méchant mais peut-être trop bruyant,
Et parfois même un petit espiègle vilain, sans être toutefois un gredin.
Sans doute est-il déjà là-haut pour me louer de ce service d’ami, absolument gratuit.
Car lorsqu’à l’improviste il s’est évanoui,
il n’eut pas de pensée pour celui qui sait si bien rimer.
Après l'andante apaisant et serein du concerto, s'ourle un allegro délicat et parfois grave que le chant de l'oiseau aurait inspiré à Mozart.
Papageno s'approche !
Je ne chasserai plus les étourneaux.
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jeudi, 06 décembre 2012
lire Aragon
Ça commence par une chanson : "Il n'y a pas d'amour heureux". C'est donc avec Brassens que tout commence entre Aragon et le lecteur. En 54 ou 55. Le poème d'Aragon est chanté sur le même air que la Prière de Jammes. Ou l'inverse si j'en crois l'ordre de parution de mes "45 tours" : Aragon est sur le n° 1, Jammes sur le n°3. Il y a trois ans quasi jour pour jour je me posais la même question. Qu'importe !
J'ai dû fredonner la Prière d'abord, j'étais bon chrétien et les communistes étaient très mal vus dans la famille. Alors Aragon ? Mais l'hiver 1960, il y eut une nuit, un départ en "opé", dans le brinquebalement du GMC sur la petite route de Miliana à Levacher qui contourne le Zaccar par le sud-ouest, comme une irrépressible nostagie et la mélodie de Brassens m'est venue aux lèvres, fredonnée jusqu'au petit matin et les mots — tous les mots d'Aragon, un à un, murmurés, mâchés, remâchés — comme brûlure. C'était sur la même mélodie. Ce n'était plus Jammes, c'était Aragon.
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
À quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désœuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
09:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 14 juillet 2012
Le matin du 14 juillet
"Comme d'habitude",
"Et pendant ce temps-là".... Finkielkraut dans ses Répliques geint à propos de la Toile, des livres numériques et de ces écoles qui ont des micro-ordinateurs. Heureusement, son interlocuteur matinal, le "bonhomme" Chartier et ses adorables chuintements sur les labiales, quand il évoque les supports antiques, médiévaux, renaissants et actuels des écrits, quand il précise la Lecture et LES lectures, me met du baume au cœur !
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mercredi, 29 février 2012
j'étais seul
... au théâtre Graslin, ce soir.
Pour l'Orphée de Gluck.
Mais pourquoi n'a-t-il pas plongé jusqu'au profond de la désespérance que dit le mythe ? Sans doute la musique dément-elle le chœur béat qui clôt l'opéra ?
Illusion d'un "Trionfi Amore" ! La musique sous l'apparente douceur ne chante que la mort.
23:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 05 février 2012
vox clamantis
Lors d'une Folle Journée qui prétendait célébrer la musique russe de Rimski-Korsakov à Chostakovitch, j'ai cherché en vain la moindre symphonie du dernier nommé. À croire que ses quinze symphonies ne sont que collusion avec le régime stalinien.
Pourquoi pas la IIe ? parce que c'est "Octobre ?
Pourquoi pas la IIIe ? parce c'est "Premier Mai" ?
La VIIe parce qu'elle célèbre Léningrad ?
Et la XIe, "l'Année 1905" ?
Et la XIIe, "l'Année 1917" ?
Mais, la XIVe, sur des textes de Lorca ?
Comme est évitée la Cantate "Alexandre Newsky" de Prokofiev ? Par contre, pléthore de Tchaïkovsky, Scriabine, Rachmaninov, tous les en -sky, en -ov, en -iev, abondance de Chœurs, de Grandes Liturgies et privilège accordé aux formations de chambre avec sonates, quatuors, quintettes. Programmation économique ? Rareté des interprétations symphoniques ? Choix idéologique en concordance avec le titre de cette Folle Journée, Sacre de la musique Russe.
Difficile d'accorder Sacre et Révolution !
Si en 2013, c'est la musique française de Berlioz à Boulez et que le même chemin de programmation soit pris, il sera clair que la Folle Journée devient une belle machine à sous, populaire en diable, satisfaisant la bonne moyenne des mélomanes et exportable en toutes contrées. L'audace de la Folle Journée Mozart est devenue, seize ans plus tard, scène mollassonne.
Dans tout ce brouhaha musical, je ne boude point mon plaisir du vendredi soir ayant découvert Vox clamantis, nous donnant des extraits du Kanon Pokojanen pour chœur à capella. Ce n'était pourtant pas pour la Révolution, loin de là. Ça pouvait faire même croire que nous nous enfoncions toujours plus dans le Sacre. Nous étions entraînés bien au-delà. Ou en-deçà ? C'était du Arvo Part, un contemporain à la barbe fleurie. C'était Esthonien, donc surtout pas Russe.
Un des rares écarts dans le bien-chantant, comme on dit le "bien pensant" du programme, avec — il me faut le reconnaître — une sonate de Chostakovitch, l'opus 40 en ré mineur, par une violoncelliste aux si belles épaules nues — Tatjana Vassiljeva — et une pianiste, Shani Diluka, non moins belle.
Demeurent ces huit femmes et ces neuf hommes de la Vox Clamantis, que je ne peux que traduire à l'aide du participe présent, la voix du Criant*, une longue, lente incantation montant du fond des âges, qui renvoie le Chœur du Patriarcat russe de Moscou, la Capella de Saint-Pétersbourg, le Chœur symphonique de l'Oural à de très bonnes interprétations folkloriques .
Envoûté !
* Youtube ou DailyMotion ne donnent pas encore le Kanon Pokojanen ; il s'agit là de "Très sainte Mère de Dieu", un motet de Part ? Vox clamantis possède un site qui donne d'autres extraits d'œuvres qu'ils interprêtent.
12:41 | Lien permanent | Commentaires (0)