lundi, 11 février 2013
lectures de salle d'attente
Michel Onfray est très méchant dans son pavé libertaire sur la vie philosophique d'Albert Camus ; il y parle de ce qui "traîne dans les revues crasseuses accumulées sur les tables des dentistes et des coiffeurs", page 17.
Samedi, chez mon médecin de famille qui est aussi mon voisin, les séquelles trop durables d'une complexité rhume-grippe-bronchite — ou l'inverse — m'ont obligé à une assez longue attente, n'étant qu'un parmi mes nombreux concitoyens qui éternuent, éructent, toussent, mouchent et crachent sous les pluies qui inondent nos vallées.
J'y ai donc lu passionnément dans un vieux GÉO non crasseux de 1999, retrouvant ou découvrant :
• la vallée du Dadès quelque part dans le Haut-atlas marocain — mon benjamin y fut vers 2005 ;
• la remontée en 1805/1806 du Missouri et la descente de la Columbia par deux américains, Lewis et Clark, guidés par Sacajawéa, la compagne autochtone d'un trappeur canadien-français, Toussaint Charbonneau — j'ignorais ;
• La Nouvelle-Calédonie, la luxuriante forêt, les collines érodées par l'exploitation du nickel, l'île des Pins, le bagne des Communards et, à Nouméa, le labeur humaniste de Louise Michel, la grotte d'Ouvéa et les espoirs Canaques.
Mon attente s'acheva sur le feuilletage d'un tout aussi ancien Sciences et Avenir fin 2000 qui évoquait la vie et la mort d'un vieux maître du Désert qui enchanta en mon adolescence rêveuse mes soirées hivernales dans la salle d'étude tiède de l'internat à un point tel que je l'inventai pour de vrai cet "oncle saharien" à l'instar des oncles de Blaise Cendrars.
Quelles Méharées en ces jours de rapines, de narco-trafic, de violences, mais d'aussi douteuse "libération", écrirait Théodore Monod ?
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jeudi, 01 novembre 2012
pour saluer la Toussaint Rouge
Cette Toussaint de 1954, je venais d'entrer en classe de Philo. On ne nous parlait pas encore de cette guerre qui allait être, quatre ans plus tard, "mes" années de merde et de feu.
Étonnament, d'amour aussi !
Trente ans passent ; paraît ce livre, trop ignoré à l'époque — 1984 —, quiavec lucidité et sereinement, parle un langage qui n'est ni celui de l'apologie, ni celui de la déception.
Mohammed Harbi nous réintroduisait, hors du culte des morts et des héros-martyrs, dans les tensions et souffrances des vivants d'aujourd'hui. L'invite à devenir "des hommes libres" est, ce 1er novembre 2012, toujours actuelle.
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vendredi, 12 octobre 2012
de retour
Les contreforts du Mondarrain et de l'Artzamendi qui dominent Itxassu sont plutôt démunis en wifi.
La lassitude d'une cure trop matinale et la paresse aidant, voilà pourquoi même le huitième anniversaire du blogue de "grapheus tis" n'a pas vu la trace de la moindre note et un silence débordant largement la durée du mois.
Mais en Pays Basque, les lectures y furent, cependant, rares et fécondes.
Quelques vers de Francis Jammes :
Le coteau est comme un sang noir et, du haut,
les montagnes nagent au ciel doux, simple et beau.
De l'autre côté des coteaux sont les villages
doux qui dorment au soleil comme des haches.
Là, il y a des tonnelles tristes au vieux jardin
où les poules grattent près des buis, des ricins.
La tonnelle en lauriers luisants est verte et noire.
Il y a un banc, au fond, en bois couleur de soir,
et qui est un peu humide, à cause de l'ombre,
même l'été quand le soleil est en bleu plomb.
Viens-y ! L'après-midi sera luisant.
Caügt...1895
De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir
De François Bon, trois ou quatre autobiographies d'objets qui m'ont renvoyé avec délices et toute une cohorte d'humains côtoyés à quelques soixante années de moins : Le Toumelin, "mon" navigateur solitaire, la lessiveuse de ma grand'mère Gilais, "mon" Olympia, la première machine à écrire, mon premier Kodak Rétinette et ses diapos, le transistor d'Aïn N'Sour ! Déjà, quand l'homme du "tiers livre" rédigeait ses billets, il sollicitait les commentaires — et je ne m'en suis pas privé, — mais avec ce livre, l'invite à l'écriture se fait insistante.
« Comment croire que soi-même on provienne d'un tel monde ? »
Et puis, Pascale étant de passage, elle m'offre, sorti de la "librairie" de l'ami Étienne, un mince bouquin que je n'aurais jamais dû rater en 1984, tant j'étais en quête de ces informations et de cette analyse depuis mon retour en France, La guerre commence en Algérie de Mohammed Harbi.
Le mouvement de libération nationale n'était pas monolithique. A l'image des groupes sociaux, les familles politiques qui le composaient étaient dans des rapports conflictuels. Chacune d'elles, réformiste ou radicale, se présentait comme la détentrice par excellence de la vérité et recourait plus volontiers à l'exclusion qu'à la discussion. Toutes appartenaient cependant au camp anticolonialiste. Les affinités entre elles étaient nombreuses et le passage d'une organisation à l'autre courante... Les forces sociales emprisonnées ont été seulement contraintes de déguiser leurs actes.
...j'ai mis l'accent sur les données structurelles qui ont nourri les aspirations et façonné les mentalités. Sans une telle optique, il serait difficile de saisir pourquoi des hommes dont la résistance force l'admiration n'ont pas su devenir des hommes libres.
Les écritures ne furent que le laborieux et quasi monastique travail de remise du "blogue à l'endroit". J'achève à peine l'an 2006. Je ne cache point un certain plaisir à la relecture qu'oblige ce retour : ne fut-ce que parce, très involontairement, au fil de ces huit ans, c'est le projet de mon autobiographie de lecteur — modeste — qui s'écrit.
Vains dieux, au delà de ce mois de silence, je persiste en ce sillon en m'imposant plus grande assiduité.
À propos de dieux, parmi les recensions du Monde des Livres, un bouquin rare, bref, que je ressens hors-frontières : Il y a des dieux* de Frédérique Ildefonse.
Le philosophe chroniqueur du Monde, R.P. Droit, joue au chroniqueur philosophe de Libération avec un titre à la "Libé" : Trop poly pour être mono. Mais, c'est vrai où sont-ils donc passés, ces dieux.
Sans doute y en a-t-il encore dans les latrines d'Héraclite** ?
Voilà où mènent huit ans de brinquebales à travers les écrans et le papier. Aux dieux qui, c'est une évidence, n'existent pas, aux "chiottes" d'un Grec obscur, à une vieille lessiveuse et encore, et encore, à des mots, des mots, des mots.
* Aux Presses Universitaires de France, octobre 2012.
** Possible de relire ma note du 8 février 2008 sur les visiteurs d'Héraclite
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samedi, 30 juin 2012
...du temps perdu...
De Proust, c'est bien le seul bouquin que je réussis à lire. Il avait écrit ce texte comme préface à une traduction d'un écrivain britannique, John Ruskin.
J'étais censé me préparer ainsi à lire "avec bonheur" — ce que promettait la quatrème de couverture — À la recherche du temps perdu. Ou tout au moins son premier tome Du côté de chez Swann que j'avais acheté, le 22 mai 1960 dans la seule librairie de Miliana, la petite cité algérienne, pour quelque temps encore française, sur les flancs sud-est du Zaccar. Nous allions partir en "nomadisation" pour un long mois dans le djebel et comme par provocation, j'avais glissé le bouquin dans mon sac — cette guerre n'était-elle point la recherche d'un temps perdu ! — pensant occuper ainsi les temps immobiles et les attentes silencieuces du "chouff" et de l'embuscade.
Je ne pus jamais en ces heures guerrières poursuivre au delà du premier point-virgule de la troisième ligne :
Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » Et, une demi-heure après la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil;
Mais voilà qu'hier au soir, une vieille maligne petite... et grande dame de télévision, Nina Companeez, a peut-être réalisé partie infime de son ambition — moins par ses images, que par le choix et la diction du texte — me donnant envie de dépasser ce point-virgule de la troisième ligne. J'étais devant l'écran d'Arte par hasard après avoir erré dans les images stambouliotes, anatoliennes, cappadociennes, saturées de miel, d'huile et d'or de Faut pas rêver*.
Companeez ne conclut-elle point son adaptation par cette courte phrase de Proust : « Il est temps de commencer. »
À lire bien sûr !
* Un titre horrible de vulgarité : le bref de l'oral ne sied pas toujours à l'écrit.
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lundi, 26 mars 2012
retour de mer
Quand le MAL agit un homme : des enfants morts.
Sur les vasières de l'estuaire, les Tadornes s'accouplent. Passée l'écluse, aux rives de la Vilaine bourgeonnent, roux, les saules, les hêtres et les peupliers.
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dimanche, 18 mars 2012
la fin d'une guerre
à Jobic, à Christian,
aux femmes de paix
aux côtés de qui nous nous tenons
Ce 19 mars 1962
C'est la veille que la radio a annoncé pour ce jour la fin des opérations de maintien de l'ordre. Ça n'aurait donc jamais été une guerre.
La guerre pour moi, elle se termina ce matin de juin 1961 quand, descendant du poste de Rhardous pour la dernière fois, quatre hommes, au milieu de la piste, m'arrêtèrent à la porte sud de Tamloul.
L'un après l'autre, ils me donnèrent l'accolade.
Tamloul, village de regroupement, décembre 1960
Eux et moi, depuis peu, nous nous étions écartés du sang, de la violence, du soupçon.
Aurions-nous donc commencé à rebâtir ?
N'en demeurait pas moins l'indélébile de traces comme déchirures nocturnes.
Et c'est le premier cadavre en travers de la piste dans la nuit du Zaccar et sa puanteur infâme
et c'est la paysanne hurlant son désespoir dans la cour de cette ferme abandonnée du Chélif
et c'est la morgue du lieutenant parachutiste, appelé, qui, devant sa bière, raconte froidement le fuyard poursuivi, abattu,
et c'est le premier sang, celui de Renaud notre "radio" et celui des trois maquisards d'en face,
et ce sont les soubresauts du corps de Hocine, adolescent "fell" prisonnier assassiné,
et c'est le ventre ouvert de Slama, le jeune harki,
et ce sont les nuits de Tamloul dans la tension, les désirs inassouvis, les veilles incessantes,
et ce sont les cris de douleur du rebelle au genou broyé enlacé dans les barbelés du camp,
et c'est ce corps, à quelques pas de moi, qui dans la nuit s’abat, brisé dans la sonorité de pierre creuse du crâne qui heurte l’angle aigu du trottoir.
C'est dans le fracas des nuits algéroises la belle et brune rebelle du Zaccar, sa douceur, le baiser, une étreinte.
Et quelques jours après ce cessez-le-feu,
dans cette petite palmeraie au sud de l'Aurès,
ce sont, armés encore, ces hommes d'en face
nos regards étonnés qui se croisent sans haine
et sous l'olivier, le visage émacié et souriant de Si Salah, vieux maquisard,
devenu le temps si bref des quelques pas qui me séparent encore de lui
l'homme de justice et paix
Oui, nous rebâtissons déjà. S'annoncent quelques soleils possibles, mais aussi des temps obscurs et brutaux.
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jeudi, 15 mars 2012
le 15 mars 1962
Toujours extraites des pages d'un journal du temps de guerre.
Un jour de février, Chris Van Der Meulen, mon collègue, débarqua à Star-Melouk : son centre de Fort-Turc avait été plastiqué dans la nuit. Peu de dégâts, des vitres brisées : la charge avait été placée près du portail d'entrée sur la route qui menait à l'aéroport. Ça semblait bien être dans les actions un peu lâches du réseau extrémiste de Biskra où les forts en gueule se faisaient plus entendre sur les terrasses des cafés de la place Béchut que dans les ruelles de la palmeraie ou dans le labyrinthe jugé malfamé de Star-Melouk
Brégardis avait été menacé, mais, sur le même palier que lui, résidait un policier véreux. Les forts en gueule n'allaient pas attenter à la vie de l'un des leurs.
Depuis janvier, quand je m'attardais un peu trop tardivement en ville, je ne reprenais le volant de ma 2 CV qu'après avoir soulevé le capot et deux fois, je dus débrancher de méchants bricolages de bâtons de dynamite reliés à un détonateur rudimentaire qui cependant au premier quart de tour de la clé de contact, nous auraient volatilisés, Rabéa, la voiture et moi.
Le 15 mars en fin d'après-midi, ce fut plus sérieux. Je m'étais rendu à Fort-Turc pour préparer une rencontre avec le responsable de la Sidérurgie Bônoise qui accompagnait l'action de formation que nous dispensions dans nos deux Centres aux chômeurs qui avaient postulé à ces futurs emplois.
Le téléphone sonne. Chris décroche et, de suite, je perçois une voix altérée dans l'écouteur. Le visage de Chris se fige. Le téléphone raccroché, c'est à peine si Chris peut articuler un mot.
« Ils ont assassiné nos "patrons" ! C'était Brossard, notre responsable de Batna. Il était présent à la réunion de Château-Royal. Un commando OAS ! Brossard passera nous voir la semaine prochaine. »
Nous ne reverrons plus jamais Brossard.
Nous apprendrons quelques jours plus tard par des collègues de Constantine, les circonstances odieuses de l'assassinat.
Le surgissement brutal d'une bande armée de huit hommes en civil à bord de deux Peugeot au tout début de la réunion qui regroupe nos responsables départementaux, l'appel de six noms par ordre alphabétique :
Eymard,
Basset,
Feraoun,
Hammoutene,
Marchand,
Ould Aoudia.
Leur alignement dos à un mur d'angle, le fracas des rafales intenses, brèves, de deux fusils-mitrailleurs, les six détonations d'une arme de poing comme coup de grâce. La fuite de la bande.
En vain, Chris et moi, nous rencontrerons les délégués syndicaux des écoles et du collège de la Palmeraie pour que soit organisée une protestation silencieuse avec les jeunes sur la place Béchut. Nous ne nous faisions guère d'illusion sur cette proposition, sachant les comportements timorés de beaucoup d'enseignants métropolitains de Biskra. Seuls, le collège et deux écoles primaires de la Palmeraie, Star-Melouk et le Village-Nègre, où les écoliers étaient en totalité d'origine algérienne, observeront la minute de silence recommandée par les instance nationales syndicales et par le ministère de l'Éducation.
La haine et le mépris.
Le 12 décembre 2001, au ministère de l'Éducation Nationale, une stèle était dévoilée à l'entrée d'une salle nommée "Max Marchand - Mouloud Feraoun". Jean Luc Mélenchon, alors ministre de l'Enseignement professionnel disait :
Nous avons le droit aujourd'hui, nous avons la passion à présent d'y voir plus clair.
Les nôtres, décidément, ceux que la République tient pour tels, les nôtres sont ceux
qui s'aimaient et non ceux qui se haïssaient. Il en est ainsi parce que cet amour ne
pouvait faire ses liens qu'en adhésion aux valeurs républicaines.
Les maîtres de l'école républicaine ont préféré la règle de leur principe, plutôt que
les séductions de l'abandon aux enfermements de leur temps.
Sur les gouffres du temps, que la mort creuse si vite et si fort entre les êtres et les
générations, je passe le fil de la mémoire. Je vous nomme, ombres de lumière.
Max Marchand, présent !
Mouloud Feraoun, présent !
Marcel Basset, présent !
Robert Eymard, présent !
Ali Hammoutene, présent !
Salah Ould Aoudia, présent !
Vous voilà parmi nous.
La poussière des fureurs de la guerre est tombée. Et voilà que vos assassins n'ont plus de nom. Ils n'ont aucun visage qui se distingue dans la cohorte sanglante des bourreaux de tous les âges et de toutes les guerres. Vous voici, maîtres de l'école publique,
passeurs de savoirs et de savoir être. Vous êtes uniques et singuliers comme le sont les visages de ceux qui donnent la vie.
La vie!
Celle de l'esprit que le savoir construit, faisant de chaque jeune individu une
personne.
La vie!
Celle du temps profond de l'Algérie comme rive de la Méditerranée, que ponctuent
nos tombes emmêlées et nos enfants communs.
Post-scriptum :
Jean-Philippe OULD AOUDIA, L'assassinat de Château-Royal, Alger : 15 mars 1962 - éditions Tirésias, 1992 (avec une préface de Germaine Tillion)
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mercredi, 07 mars 2012
tirées d'un journal de guerre, ces quelques lignes
Un certain 19 mars 1962.
Il ne s'agit pas de commémorer.
Il importe d'humblement garder mémoire vive.
Un après-midi, alors qu’en patrouille, ils traversent un bois plus dense de chênes-lièges, des ombres, une course sinueuse, des cris aigus de femmes, puis des rires d’hommes, des pleurs d’enfants. Launay et son équipe ont débusqué d’un taillis d’arbousiers deux femmes et trois gosses. Étonnante, cette présence ; le village de regroupement le plus proche est à plus de vingt bornes dans le sud au voisinage de Littré.
Les mômes ont quatre ou cinq ans, les femmes sont jeunes, les haillons qu’elles portent sont grisâtres de poussière, leur teint est terreux, elles se serrent en un cercle apeuré, recouvrant le corps des enfants. Elles sentent le charbon de bois et la fumée. Abder leur parle doucement d’une voix presque tendre ; elles demeureront deux jours dans un total mutisme, amas humain quasi immobile.
Au bivouac, elles n’accepteront que de l’eau et encore faudra-t-il boire à la gourde devant elles ; les gars donneront aux trois enfants les pâtes de fruit des rations. Il n’y aura aucune réflexion graveleuse ; Jaqez surprendra souvent leurs regards étonnés quand ils passeront près du petit groupe.
Mais que font donc ces jeunes femmes dans ces djebel déserts ? Naguère elles auraient été ces belles Berbères aux cuisses nues qui foulaient le linge dans le creux de l’oued ; la guerre a réduit leur beauté à cette peur sombre accroupie parmi les tenues léopard du commando.
Il n’y aura aucune menace de quiconque.
Il y a plus de cinquante ans .
Que sont ces enfants, ces femmes, devenus ?
Dans leur liberté tant douloureusement conquise.
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samedi, 10 décembre 2011
L'un est mort avant-hier, l'autre mourra demain
Je parle de Franzt Fanon. Je parle de Xavier Grall.
Au début de cet an, j'avais pensé, non pas célébrer, non pas commémorer, mais au moins relire ceux qui naquirent ou décédèrent, il y a deux cents, cent ans, cinquante ans, trente ans...
Je n'ai réouvert ni Cendrars, ni Hemingway, ni Céline. À peine Saint-Pol-Roux. Un peu Armand Robin. Feuilleté Bougainville, parce que, dans le bras de la Madeleine, est à quai depuis plusieurs mois la réplique contemporaine de sa frégate La Boudeuse, et que naguère deux cents ans après elle, l'étrave d'un voilier a recoupé son sillage. J'étais à bord de ce voilier.
Mais ce décembre 2011, demeurent, au profond des lectures bouleversantes, anciennes et toujours actuelles, ces deux-là, le Nègre et le Celte, pas si loin l'un de l'autre, qui me furent des cris, des ruptures et une refondation.
Allons, camarades, il vaut mieux décider dès maintenant de changer de bord. La grande nuit dans laquelle nous fûmes plongés, il nous faut la secouer et en sortir. Le jour nouveau qui déjà se lève doit nous trouver fermes, avisés et résolus. Il nous faut quitter nos rêves, abandonner nos vieilles croyances et nos amitiés d'avant la vie.
...............................................................................................................................................
Si nous voulons que l'humanité avance d'un cran, si nous voulons la porter à un niveau différent de celui où l'Europe l'a manifestée, alors, il faut inventer, il faut découvrir.
Si nous voulons répondre à l'attente de nos peuples, il faut chercher ailleurs qu'en Europe.
Davantage, si nous voulons répondre à l'attente des européens, il ne faut pas leur renvoyer une image, même idéale, de leur société et de leur pensée pour lesquelles ils éprouvent épisodiquement une immense nausée.
Pour l'Europe, pour nous-mêmes et pour l'humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf.
Frantz Fanon
Les damnés de la terre
quelques lignes de la conclusion.
Je vous salue mes grands oiseaux
qui couvez dans mon cœur des
élans maritimes
je vous salue brousse de houles
je vous célèbre forbans et paladins
..........................................................
J'ai vu, Amer,
des eaux pareilles au lait
des chamelles rieuses
féconder les vallées chérifiennes
ô vie, ô séguias, ô glèbe femelle!
A Témara, prés de Salé
j'ai pleuré sur la splendeur
des mers sarrazines désertées.
Et j'ai rêvé de toi, gardienne
de l'extrême Ouest.
Ah quand allierai-je à tes noroîts
le miel des aurores africaines?
Ah quand allierai-je la vigueur de tes chênes
à la sensualité des figuiers ?
Partir pour revenir à toi
voguer pour retrouver tes abers
te haïr pour férocement t'aimer
....................................................................
Et ceci sera mon testament
à mes Berbères je lègue
les oiseaux des Glénan
et le sourire de Concarneau
à mes Berbères je lègue
l'allégresse des fontaines
et les printemps du pays Gallo.
Et ceci sera mon testament
à mes amis je lègue
l'alliance de l'Ouest et du Sud
le mariage des dolmens
et des mosquées
et les fiançailles des roses
d'avec les oliviers.
Xavier Grall
Le rituel breton.
In memoriam :
Frantz FANON, mort le 6 décembre 1961.
Xavier GRALL, mort le 11 décembre 1981.
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lundi, 17 octobre 2011
17 octobre 1961
Une note déjà rédigée. Il suffit de mettre cinquante ans au lieu de quarante-cinq ! L'horreur et l'espoir sont identiques.
Ce soir, je souhaiterais une note quasi silencieuse, parce qu'il y a quarante-cinq ans, le 17 octobre 1961, un certain Papon, préfet de police, donne carte blanche aux forces de l'ordre pour la plus odieuse "ratonnade" de France.
Ce soir-là, je suis à Alger dans l'amour fou avec ma Belle du Zaccar parmi les explosions de l'OAS, les contrôles militaires, le couvre-feu, les rafales soudaines au coin des rues, mon entrée, par elle, dans une semi-clandestinité et les mares de sang sur les trottoirs.
Nous ignorons tout de cette immonde soirée parisienne.
Là où nous sommes, Elle et moi, c'est l'atroce depuis sept ans — pour elle, surtout — et nous vivons dans l'insouciance de l'amour et de l'espoir !
20:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 21 mai 2011
contre les "marées noires" bis
Sachant que quand se refermera ce déferlement, il ne soit ne pas oublier :
Dire le vrai ne suffit pas. Il faut dire le juste.
Germaine TILLION
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contre les "marées noires"
En ces temps de marée noire quand à propos d'une femme, d'un homme, "on" dit tout et autre chose encore, dans un ressassement épais et nauséeux, reprendre cette citation du joli mai sur Vilaine
... le devoir de tout citoyen est d'abord de se renfermer, par discipline, en solitude et de tracer une ligne de douanes sévères contre les opinions sans auteur qui voltigent autour, comme des mouches. Un bon chasse-mouches d'abord, contre les journaux et revues.
Alain
Mars ou la guerre jugée
06:34 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 08 mai 2011
joli mai sur Vilaine 5
ces notes de Vilaine dédiées à Boualem Sansal qui illumina d'un courriel ce 8 mai
Pour clôre sept jours de relative solitude, quelques pages écrites, d'autres envolées parce que non sauvegardées et donc des pages réécrites.
Dieu sait si l'on s'était figuré ça autrement.
La lisière d'un bois dans sa verdure première, une prairie couverte de rieurs et des coups de fusil qui claquent dans le printemps. La mort qui va et vient comme papillon entre deux lignes de tirailleurs de vingt ans. Le sang noir giclant sur les tiges vertes, les baïonnettes aux feux du matin, les trompettes et les drapeaux, ballet de rutilante joie.
Ernst Jünger
La guerre comme expérience intérieure
Post-scriptum :
Héraclite aurait pu ouvrir ce "joli mai sur Vilaine". Il le conclut.
Πόλεμος πάντων μὲν πατήρ ἐστι, πάντων δὲ βασιλεύς, καὶ τοὺς μὲν θεοὺς ἔδειξε τοὺς δὲ ἀνθρώπους, τοὺς μὲν δούλους ἐποίησε τοὺς δὲ ἐλευθέρους.
Le Combat est père de tout, de tout il est le roi, il dévoile ceux-ci comme dieux et ceux-là comme hommes, les uns, il les fait esclaves et les autres, il les rend libres.
Héraclite
Fragment 53
(selon Hippolyte, Réfutation des toutes les hérésies, IX, 9, 4.)
17:28 | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 07 mai 2011
joli mai sur Vilaine 4
Marcher dans le parfum sucré des genêts, guetter bientôt l'odeur plus sexuée des châtaigners.
... le devoir de tout citoyen est d'abord de se renfermer, par discipline, en solitude et de tracer une ligne de douanes sévères contre les opinions sans auteur qui voltigent autour, comme des mouches. Un bon chasse-mouches d'abord, contre les journaux et revues.
Alain
Mars ou la guerre jugée
Maintenant, nous y sommes. Il n'est plus trop tôt pour le dire, la formule « force reste à la loi » tend à s'inverser et à devenir : « loi reste à la force ». Certes, jamais la loi n'est tout à fait ce qu'elle paraît, c'est-à-dire qu'elle n'a jamais comme seul but de maintenir les justiciables égaux devant elle. Elle est conservatrice et fournit par conséquent aux titulaires de privilèges le moyen de les exercer, elle défend une société dont elle est l'émanation ...
Casamayor
La Loi
Esprit, avril 1958
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jeudi, 05 mai 2011
joli mai sur Vilaine 3
Au hasard des pages comme au hasard du chemin.
C'est l'un des délices de la vie que de la voir, alors même que la mort se déchaîne en égorgements par guerres, révolutions et pestilences, passer légère, bigarrée et farceuse comme jamais.
Ernst Jünger
La guerre comme expérience intérieure
La disparité entre l'information que peuvent recueillir les forces rebelles et celle que possèdent les ennemis est l'un des points forts de guérilla. Tandis que ces derniers doivent traverser des régions hostiles où ils ne rencontrent que le silence impénétrable de paysans bourrus, les rebelles, eux, comptent un ami, voire un membre de leur famille dans chaque maison...
Che Guevara
La guerre de guérilla
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