mercredi, 07 mars 2012
tirées d'un journal de guerre, ces quelques lignes
Un certain 19 mars 1962.
Il ne s'agit pas de commémorer.
Il importe d'humblement garder mémoire vive.
Un après-midi, alors qu’en patrouille, ils traversent un bois plus dense de chênes-lièges, des ombres, une course sinueuse, des cris aigus de femmes, puis des rires d’hommes, des pleurs d’enfants. Launay et son équipe ont débusqué d’un taillis d’arbousiers deux femmes et trois gosses. Étonnante, cette présence ; le village de regroupement le plus proche est à plus de vingt bornes dans le sud au voisinage de Littré.
Les mômes ont quatre ou cinq ans, les femmes sont jeunes, les haillons qu’elles portent sont grisâtres de poussière, leur teint est terreux, elles se serrent en un cercle apeuré, recouvrant le corps des enfants. Elles sentent le charbon de bois et la fumée. Abder leur parle doucement d’une voix presque tendre ; elles demeureront deux jours dans un total mutisme, amas humain quasi immobile.
Au bivouac, elles n’accepteront que de l’eau et encore faudra-t-il boire à la gourde devant elles ; les gars donneront aux trois enfants les pâtes de fruit des rations. Il n’y aura aucune réflexion graveleuse ; Jaqez surprendra souvent leurs regards étonnés quand ils passeront près du petit groupe.
Mais que font donc ces jeunes femmes dans ces djebel déserts ? Naguère elles auraient été ces belles Berbères aux cuisses nues qui foulaient le linge dans le creux de l’oued ; la guerre a réduit leur beauté à cette peur sombre accroupie parmi les tenues léopard du commando.
Il n’y aura aucune menace de quiconque.
Il y a plus de cinquante ans .
Que sont ces enfants, ces femmes, devenus ?
Dans leur liberté tant douloureusement conquise.
18:49 Publié dans la guerre, Les graves | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
je pense bcp à Toi ces temps ci! L'immobilité obligée me penche à la lecture, entre autre celle d'un récent Nouvel Obs sur l'Algérie et la sortie de nombreux récits qui nous interpellent sur la sortie de celui d'un certain Jaquez?.....
L'image est belle et le souvenir dérangeant!
Bien à Toi
Écrit par : Hémon André | jeudi, 08 mars 2012
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