mardi, 03 mai 2011
joli mai sur Vilaine 2
Au matin s'ouvraient les chemins dans le coteau.
Allons, sérieusement qu'as-tu appris à la guerre?
- J'ai appris que la passion de gouverner est sans doute la source de tous les maux humains. Que le maître devient méchant par l’exercice du pouvoir absolu. Que la colère lui gâte l’estomac. Que les sentiments guerriers viennent de l’ambition, non de la haine. Que tout pouvoir aime la guerre, et qu'il faut réduire énergiquement les pouvoirs de toute espèce, quels que soient les inconvénients secondaires, si l'on veut la paix. »
Alain
Mars ou la guerre jugée
....ce sont (les) faibles détachements qui alimentent précisément le feu de l'insurrection. Il arrive que, de côté ou d'autre, la multitude les accable par le nombre ; le courage et le goût de la lutte s'en accroissent chez les insurgés, et dès lors l'intensité de ce combat ne cesse d'augmenter jusqu'à ce qu'elle arrive au point culminant qui doit décider de l'issue.
D'après la manière dont nous concevons la guerre d'insurrection, elle doit par sa forme ressembler à un gaz ou une vapeur, ne se condensant sur aucun point en corps de résistance.
Clausewitz
De la guerre
16:07 | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 01 mai 2011
joli mai sur Vilaine 1
Choisir le plus grand des petits fleuves, plutôt qu'un monastère.
Et le carré d'un voilier, de préférence à une cellule.
Emporter un petit Mac et quelques provisions de bouche pour quelques jours.
Des bouquins plutôt décalés dans le paisible du paysage :
Mars ou la guerre jugée d'Alain
De la guerre de Carl Von Clausewitz
La guerre comme expérience intérieure d'Ernst Jünger
L'art de la guerre de Sun Tzu, traduit par le père Amiot (en version numérique)
La guerre de guérilla de Che Guevara
Histoire de la guerre d'Algérie de Bernard Droz et Evelyne Lever
Écrire contre la guerre d'Algérie 1947-1962 de la revue Esprit
Il fallait bien pour la paix de l'écrivailleur des champs de colza finissants, des blés en belle herbe et des semis de maïs encore discrets pour faire resurgir un passé de merde et de feu et arpenter un présent de sérénité, qui ne veut être d'oublieuse mémoire.
Post-scriptum : Il m'eût été salubre d'emporter aussi en contre-point Le bonheur ou l'art d'être heureux par gros temps de Jean Salem. Il fut oublié sur un banc de jardin.
03:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 22 avril 2011
Tamloul au matin du 21 avril 1961
J'ai vaguement entendu Carbone et Tidjane, au retour de leur embuscade, s'entretenir avec Tardier qui était de garde dans l'angle de la cahute.
Les gars chargés de l'ouverture de la porte sud du regroupement et et de celle du parc à bestiaux sont déjà descendus. Les jeunes bergers qui mènent leurs troupeaux de moutons et de chèvres paître jusqu'au soir aux limites de la zone interdite sont des matinaux.
Sept heures. Machinalement, j'allume le "transistor" règlé sur France V, l'ancienne Radio-Alger. Bizarre ! de suite le fameux chant, la Marche des Africains, repris très vite en boucle.
De suite, le souvenir des barricades de janvier 60. « Merde ! Ils remettent ça ! »
Qui ça, "Ils" ? Les mecs de l'Algérie française, ceux de mai 58, ceux de janvier 60. Les cons !
Et la Marche des Africains toujours reprise en boucle, suivie de tout le "folklore" des musiques militaires, chants "paras" et airs en fanfare des conquêtes coloniales.
Merde. Les gars dans la cahute sont réveillés. On s'interroge. Et lancinante, la foutue Marche.
À sept heures trente, lors de la vacation du matin qui relie les postes de la IIème Compagnie et le Bataillon, je décide de demander à parler à Willy et à Jean, le toubib, qui, là-haut à Rhardous, sont les copains sous-lieutenants appelés.
Très vite Willy au "bigophone". Lui aussi écoute et s'interroge. Très vite aussi : « Si "ils" nous préparent un nouveau 13 mai, on ne marche pas ! C'est clair. » Nous décidons de mettre en alerte tous les appelés.
À huit heures trente, enfin une voix :
« Officiers, sous-officiers, gendarmes, marins, soldats et aviateurs, je suis à Alger...»
Ça dure deux minutes, c'est Challe et les autres. C'est un 13-mai sans De Gaulle. Contre de Gaulle. On a compris, tous les gars sont aux transistors et c'est « Merde ! Et la quille ? » Sans doute ces premières réactions sont d'un très bas niveau citoyen, mais elle seront le soubassement du refus.
Vite à nouveau, aux vacations radio de 9 heures, vacations assurées par les appelés, de postes de sections à postes de compagnies, jusqu'au bataillon, de piton en piton, jusque dans les hameaux des vallées, le message va passer : « Nous ne marchons pas ! » Je monte avec Launay à Rhardous, une grimpette d'un quart d'heure en petites foulées. La-haut, tous les copains appelés, simples bidasses et gradés, les métropolitains et les FSNA, les Français de souche nord-africaine, sont sur l'esplanade.
« C'est non ! »
Ils nous délèguent pour aller voir Marcadot, le capitaine qui n'est pas encore sortit de sa "piaule". Soucieux, lui aussi, mais qui tente de temporiser et minimiser. Nous le savons vélléitaire. Et lui affirmons, tout à trac que nous ne sommes pas sûrs du comportement de Fromont, notre commandant de bataillon qui a "toute la gueule" à se rallier aux mecs du coup d'état. Ni même du sien, d'ailleurs. À bon entendeur...
Nous "bigophonons" à Bultat au poste de commandant ; c'est notre ancien patron du Commando de chasse ; sur lui, nous faisons fond pour, éventuellement, neutraliser Fromont.Et tant que nous y sommes, nous demandons liaison avec le PC du secteur de Cherchell, manière d'avertir le colonel du secteur qui est aussi le commandant de l'École d'appplication de Cherchell de notre position. Je me suis naguèrement durement affronté à lui à propos de Tamloul, mais notre relation est très vite devenue chaleureuse. Au-delà d'une relation de supérieur à subordonné; de colonel d'active à "sous-bit" appelé. Il est proche de De Gaulle.
Nous avons Corme de Saint-Aubin lui-même. Il nous remercie de la rapidité de notre appui et affirme sa détermination à s'opposer à cette fronde. Marcadot n'a pipé mot.
Le lendemain à 20 heures, De Gaulle lancera son appel à l'obéissance citoyenne du contingent, "ces cinq cent mille gaillards munis de transistors", il ne l'a point provoquée.
Nous l'avions précédé.
Il a confirmé notre refus.
Post-scriptum :
Sur cette rébellion d'avril 1961, on peut lire:
La Fronde des Généraux, Jacques Fauvais, Jean Planchais, chez Arthaud, 1961.
C'est relaté par le "haut". Quelques lignes entre les lignes pour... les appelés.
Pour celles et ceux qui auraient oublié ou qui ignoreraient, manière d'apprendre ou de se remettre en mémoire sur Wikipédia : Le putsch des généraux.
Cette note a été rédigée entre quatre heures et sept heures du matin, heure pour heure, jour pour jour, après ces événements qu'elle relate, vécus, il y a cinquante ans, dans l'obscur.
Mais dans le corps, c'est encore hier.
Les prénoms et noms des appelés ont été respectés ; modifiés, les noms des officiers d'active qui sont cités.
Pour le contexte, il est possible de lire dans les "pages" de ce blogue, Tamloul I.
06:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 21 avril 2011
ne pas oublier ce matin d'avril 1961
Tamloul, depuis le début avril, serait donc devenu un paisible village de regroupement.
Paisible, est-ce trop dire ? Pour ces deux cents familles paysannes parquées dans des huttes de branchages, si loin de leurs douars abandonnés sur les flancs du Bou Maad ?
Un printemps tiède qui ne fait pas croire à la guerre.
Pourtant, nous "ne relâchons point la garde". À 23 heures, ce vendredi 21 avril 1961, Carbone et Tidjane sont allés en embuscade dans le quartier nord-est du regroupement. Ils reviendront vers 2 heures.
La nuit s'annonce belle. Sera-t-elle calme ?
22:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 04 décembre 2009
lire "une" guerre d'Algérie
La peur au ventre. Mais elle est où, la peur au ventre ?
Pas sur les photos.
Aucune d'elles ne parle de ça.
C'est quoi alors, seulement, ce qui reste ?
Moi, je me disais, je suis là, j'ai soixante-deux ans et
dans ce salon, là, à presque quatre heures du matin, je
regarde des photos et mes yeux, les larmes, la gorge
nouée, je me retiens pour ne pas tomber, comme si les
sourires et la jeunesse des gars sur les photos c'était
comme des coups de poignard, va savoir, qui on a été,
ce qu'on a fait, on ne sait pas, moi, je ne sais plus.
Laurent Mauvignier
Des hommes, pp. 259-260
Trop de pages à feuilleter sur la table. Dix, quinze bouquins à lire, à relire, à annoter, et ce brûlot rapporté hier, Livres en feu, avec sur sa couverture comme un incunable passé au napalm.
Puis, vers 15 heures, dans le peu de lumière que le ruissellement interminable de la pluie nous consent, cet autre, emprunté à JC comme une urgence, retardée. À la nuit tombée, je scanne les quelques lignes qui ouvrent cette note.
C'est cette guerre et ce n'est pas cette guerre. C'est sans doute porté à son extrême le soliloque taiseux de milliers de "gus" : tout y est et c'est peut-être trop.
Est-ce encore assez ? Sans doute un texte fort par son écriture parmi les 500 titres et plus— fiction, histoire, journal, mémoire, correspondance, pamphlet, tous genres confondus — qui relatent chacun, "leur" guerre d'Algérie.
Mais que peut écrire, face à un qui fait profession d'écrivain, un témoin obscur qui tenta de maintenir la parole ?
19:09 | Lien permanent | Commentaires (0)