dimanche, 18 mars 2012
la fin d'une guerre
à Jobic, à Christian,
aux femmes de paix
aux côtés de qui nous nous tenons
Ce 19 mars 1962
C'est la veille que la radio a annoncé pour ce jour la fin des opérations de maintien de l'ordre. Ça n'aurait donc jamais été une guerre.
La guerre pour moi, elle se termina ce matin de juin 1961 quand, descendant du poste de Rhardous pour la dernière fois, quatre hommes, au milieu de la piste, m'arrêtèrent à la porte sud de Tamloul.
L'un après l'autre, ils me donnèrent l'accolade.
Tamloul, village de regroupement, décembre 1960
Eux et moi, depuis peu, nous nous étions écartés du sang, de la violence, du soupçon.
Aurions-nous donc commencé à rebâtir ?
N'en demeurait pas moins l'indélébile de traces comme déchirures nocturnes.
Et c'est le premier cadavre en travers de la piste dans la nuit du Zaccar et sa puanteur infâme
et c'est la paysanne hurlant son désespoir dans la cour de cette ferme abandonnée du Chélif
et c'est la morgue du lieutenant parachutiste, appelé, qui, devant sa bière, raconte froidement le fuyard poursuivi, abattu,
et c'est le premier sang, celui de Renaud notre "radio" et celui des trois maquisards d'en face,
et ce sont les soubresauts du corps de Hocine, adolescent "fell" prisonnier assassiné,
et c'est le ventre ouvert de Slama, le jeune harki,
et ce sont les nuits de Tamloul dans la tension, les désirs inassouvis, les veilles incessantes,
et ce sont les cris de douleur du rebelle au genou broyé enlacé dans les barbelés du camp,
et c'est ce corps, à quelques pas de moi, qui dans la nuit s’abat, brisé dans la sonorité de pierre creuse du crâne qui heurte l’angle aigu du trottoir.
C'est dans le fracas des nuits algéroises la belle et brune rebelle du Zaccar, sa douceur, le baiser, une étreinte.
Et quelques jours après ce cessez-le-feu,
dans cette petite palmeraie au sud de l'Aurès,
ce sont, armés encore, ces hommes d'en face
nos regards étonnés qui se croisent sans haine
et sous l'olivier, le visage émacié et souriant de Si Salah, vieux maquisard,
devenu le temps si bref des quelques pas qui me séparent encore de lui
l'homme de justice et paix
Oui, nous rebâtissons déjà. S'annoncent quelques soleils possibles, mais aussi des temps obscurs et brutaux.
14:41 Publié dans la guerre, les civiques, Les graves | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
aux côtés...une pensée...merci
Écrit par : noelle | lundi, 19 mars 2012
Voilà qui mériterait d'être publié dans un livre et encore plus en cette période anniversaire !...
cordialement
alainB
Écrit par : BARRE Alain | lundi, 19 mars 2012
En souvenir de mon frère, merci.
Écrit par : Fanchon | mardi, 20 mars 2012
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