Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 26 juillet 2010

à nouveau, nous larguons

 

P1050928 - copie.JPG

« Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d'autres rives ! »

 

Saint-John Perse,

Oiseaux, I.

dimanche, 25 juillet 2010

les biographies lézardent-elles l'œuvre ?

 

Je ne témoigne, ici, que de mes aventures dans les biographies. Et encore me faut-il préciser qu'il y a lecture de biographie  et lectures des biographies...!

Celles d'auteurs jusque là non lus et celles de ces auteurs que je fréquente depuis longtemps. Les premières ont souvent été des incitations à l'approche de l‘œuvre ; les secondes, certaines du moins, dans leur recherche d'archives privées, lettres, notes, je les ai vécues plus comme des enquêtes aux limites du voyeurisme, sinon de la fouille-merde...

Mais si le voyeur, c'était le lecteur. Moi donc !

 

Dernière mésaventure : avec Nicolas Bouvier, l'œil qui écrit d'un certain François Laut.

Devais avoir un certain pressentiment — j'avais noté dans l'exergue manuscrit qui marque la page de titre de toutes mes livresques acquisitions (ma manière d'ex libris) : « Bouvier ne me serait-il point assez évident ? »—.

 

Le mesquin du quotidien ébranlerait-il l'Usage du Monde ?

 Deux mésaventures précédentes, — un René Char par Laurent Greilsamer, Un Henri Michaux par Jean-Pierre Martin — ont paru ainsi dans la mémoire du lecteur ébranler la lecture de L'effroi, la Joie et d'Écuador.

"Paru ébranler" : un retour à l'œuvre atténue vite la lézarde.

 

Il n'en demeure pas moins que vive est la lecture vierge de tout commentaire, de toute recension, de toute critique, de toute notice biographique.

C'est le premier poème de Cadou lu sur un banc du Jardin des Plantes au sortir d'un oral catastrophique du bac 1e partie, c'est le premier aphorisme des Feuillets d'Hypnos, planqués derrière le Bailly, c'est le premier combat souterrain de Qui je fus, dissimulé dans le casier à chaussures...

 

 

Post-scriptum bibliographique :

• François LAUT, Nicolas Bouvier, L'œil qui écrit, Petites Bibliothèque Payot, 2010.

• Laurent GREILSAMER, L'éclair au front, la vie de René Char, Fayard, 2004.

• Jean-Pierre MARTIN, Henri Michaux, NRF Biographies, Gallimard 2003.

 

Second post-scriptum :

Aucune donnée biographique, ni bribe d'histoire littéraire ne m'ont soutenu dans la lecture de De l'Amour, les avatars amoureux de Henri Beyle, dit Stendhal : je me suis fait profondément chier. Et je pensais pallier mes manques ?

L'Amour fou des surréalistes était passé bien avant. Trop tard pour apprécier les "cristallisations" de monsieur le Consul.

 

 

Je retiendrai de François Laut ce précepte d'Asie centrale qui m'est une lueur dans ces pérégrinations littéraires :

 

« Garde-toi de demander le chemin à qui le connaît, tu risquerais de ne pas t'égarer. »

vendredi, 23 juillet 2010

quelques mots et des images


Quand je vas en mer, ma plus grande urgence est de rêver !

driasker.jpg

 

« — Toutes choses dites dans le soir et dans l'adulation du soir

beniguet.jpg
« Et toi qui sais, Songe incréé, et moi créé, qui ne sais pas, que faisons-nous d'autre, sur ces bords, que disposer ensemble nos pièges pour la nuit ?

westquiberon.jpg
« Et Celles qui baignent dans la nuit, au bout des îles à rotondes, leurs grandes urnes ceintes d'un bras nu,

nuitquiberon.jpg
«  que font-elles d'autre, ô pieuses, que nous-mêmes ?...

Ils m'ont appelé l'Obsur et j'habitais l'éclat… »

Saint-John Perse,
Amers, II Du Maître d'Astres et de navigation.

©Images de Nicléane

jeudi, 15 juillet 2010

retour à terre

à MauMau vieux compagnon d'éduc pop et de mer qui fut de ce périple

 

Sur un ponton du Crouesty.

À hauteur de quai, aux aurores, j'ai dialogué avec une mésange charbonnière qui s'ébrouait de la petite pluie nocturne qui venait de tomber. Annonce du retour dans le "petit jardin".

 

...Nous reviendrons un soir d'Automne, avec ce goût de lierre sur nos lèvres ; avec ce goût de mangles et d'herbages et de limons au large des estuaires.


... Nous reviendrons avec le cours des choses réversibles, avec la marche errante des saisons, avec les astres se mouvant sur leurs routes usuelles.

 

Saint-John Perse,

Vents, IV,4

samedi, 10 juillet 2010

à Groix

à Colette et Jo

 

L'ile aux sources, fontaines et lavoirs nombreux et restaurés.

Île veilleuse aux approches des rades qui dans ses replis ombragés et frais pourrait bien abriter une femme qui donne sens à nos modestes errances marines.

 

Que si la source vient à manquer d'une plus haute connaissance,
L'on fasse coucher nue une femme seule sous les combles —
Là même où furent, par milliers les livres tristes sur leur claies comme servantes et filles de louage...
Là qu'il y ait un lit de fer pour une femme nue, toutes baies ouvertes sur la nuit.
Femme très belle et chaste, agréée entre toutes femmes de la Ville
Pour son mutisme et pour sa grâce et pour sa chair irréprochable, infusée d'ambre et d'or aux approches de l'aine,
Femme odorante et seule avec la Nuit, comme jadis, sous la tuile de bronze,
Avec la lourde bête noire au front bouclé de fer, pour l'accointement du dieu,
Femme loisible au flair du Ciel et pour lui seul mettant à vif l'intimité vivante de son être...
Là qu'elle soit favorisée du songe favorable comme flairée du dieu dont nous n'avons mémoire,
Et frappée de mutisme, au matin, qu'elle nous parle par signes et par intelligence du regard.
Et dans les signes du matin, à l'orient du ciel qu'il y ait aussi un sens et une insinuation.


Saint-John Perse,

Vents, V.

mercredi, 07 juillet 2010

long et paisible bord de près, babord amures

 

Dans l'anticyclone, les vents thermiques de noroît ont atténué leur agressivité qui bloquait Dac'hlmat dans la quiétude de la baie de Quiberon.

 

ce qui pourrait être extrait du livre de bord :


La Teignouse fut passée contre deux heures de flot, de manière chaotique. La navigation du jour s'est achevée sur un long bord de près, babord amures, dans une mer belle, à peine ridée, un temps de demoiselle. Un sentiment d'effleurer le monde.

 

Si vivre est tel, qu'on s'en saisisse ! Ah ! qu'on en pousse à sa limite,
D'une seule et même traite dans le vent, d'une seule et même vague sur sa course,

Le mouvement !...

 

Saint-John Perse,

Vents


Beau déboulé dans le goulet de la rade de Lorient entre la haute tour rouge de la Petite Jument et la tourelle verte de la Citadelle : Dac'hlmat, grand'largue, à plus de cinq nœuds contre deux heures de jusant !

 

Accueil à l'espagnol avec "marinero" qui vous prend les aussières, à Port-Louis, tout neuf de son port de plaisance.

 

Et dans le calme des escales quelques bouquins qui seront parfois ouverts, le regard se levant des pages pour accueillir les ciels.

 

DSC_8656.jpg

© Nicléane

 

Les bouquins ont été rangés dans le petit équipet qui fait usage de bibliothèque. Les uns pour combler les carences littéraires  — la censure était rude chez les Bons Pères — : Stendhal et son "De l'amour", Flaubert et son "Éducation sentimentale".

 

Les autres pour creuser et la philosophie avec "Le miel et l'absinthe " de Comte-Sponville sur Lucrèce, et le voyage lié au poème avec une biographie sur Nicolas Bouvier, sous-titrée L'œil qui écrit.

Bouvier, sur un chantier archéologique en Bactriane où se métissent des écritures grecques, karoshti indienne et chinoise, note : « Moi qui pensais être ici au bout du monde, j'étais en son centre. »

 

Moi, sur mon Dac'hlmat, glissant sur des eaux paisibles, quand s'effacent les rivages de Bretagne Sud, je pense être nulle part.

 

 

* François Laut, Nicolas Bouvier, l'œil qui écrit, Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, 2010.

dimanche, 04 juillet 2010

la justesse d'une voix

Escale à Port-Haliguen, dans le bel anticyclone des Açores.

 

Avant la météo marine, l'annonce de sa mort.

Terzieff !

Récemment, j'avais écouté Philoctète. Bien des années auparavant, aux temps vifs de notre jeunesse, c'était Tête d'or.

Y eut-il plus juste scansion du poème ?

 

index-philoctete1.jpg

 



Ce matin, de loin, de trop loin, je l'entends encore "me" dire la Commune Présence de René Char.


Tu es pressé d'écrire

Comme si tu étais en retard sur la vie

S'il en est ainsi fais cortège à tes sources

Hâte-toi

Hâte-toi de transmettre

Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance

Effectivement tu es en retard sur la vie

La vie inexprimable

La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir

Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses

Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés

Au bout de combats sans merci

Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière

Si tu rencontres la mort durant ton labeur

Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride

En t'inclinant

Si tu veux rire

Offre ta soumission

Jamais tes armes

Tu as été créé pour des moments peu communs

Modifie-toi disparais sans regret

Au gré de la rigueur suave

Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit

Sans interruption

Sans égarement


Essaime la poussière

Nul ne décèlera votre union.



René Char

Commune présence

Le Marteau sans maître, 1934