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vendredi, 15 mai 2009

vous avez dit « Floralies » ?

à F instigatrice sans doute de l'incongruité postcitée

à A vieux copain d'adolescence qui m'accompagnait

 

Après avoir visité pour la première fois de ma vie de né Nantais, un lieu devenu une espèce de mondialisation de l'ikabéna, pratique florale certes honorable mais devenue logique universelle jardinière qui vous fait contempler comme une incongruité une modeste colline du val de Loire et quelques ceps de vigne, égarés sur une "planète" artificielle.

 

Toi dont la jambe traîne un peu comme une brume
D'été et comme si la douleur te tirait
Lentement vers la terre ô compagnon que j'ai
Choisi pour les yeux, enfin voici que s'allume

Toute ma vie et que je vois l’éternité
Pareille à ce pays mouvant où tu t'enfonces
Avec ta jambe un peu trop lasse dans l'été
Sous les sourcils trop bleus de la nuit qui se froncent

Ils marchent près de nous les amis de haut bord,
Grands couturiers de la saison, veneurs des villes
Eteintes, des couchants désolés, vers le port
Au pavillon de clair soleil inaccessible

Entre nous deux celle que j'aime et que tu prends
Pour un pommier sauvage, et toujours aussi belle
La poésie comme une graine dans le vent
Qui s'ouvre et se referme aux battements des ailes

Des maisons sont couchées sur des enfances basses
Pleines de géraniums et de bouquets chanteurs
Au creux de la vallée ce sont des trains qui passent
Et le convoi des solitudes sans chaleur

Mais près d'ici la bonne auberge, la tonnelle
Où volètent les mains fluviales les prénoms
Aimés ; et sur la table ronde qui chancelle
Un verre vide avec des larmes dans le fond.

 

René Guy CADOU

La Haie-Longue : 1 km

 

Le modeste jardinier et vieux matelot pour une quinzaine de jours,  s'en va vers le Sud. Ce n'est pas sûr qu'il y trouve la chaleur. Ce qui, d'ailleurs, n'a aucune importance.

mercredi, 13 mai 2009

une remontée fluviale et Pierre Michon


La flemme d'aller en mer dans les successions des grains !

On remonte la Vilaine de Foleux jusqu'à Redon, en lisant Pierre Michon.

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Et au retour dans le petit "jardin de curé de devant, la soie sensuelle offerte d'une énorme pivoine.
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Et Michon, et ses Onze, dans tout cela.
Relisant mes notes de remontée de Vilaine :
Acagnardé dans ma couchette de navigateur, je lis dans les sinuosités de Michon, dans ses invariables et ses adverbes, dans l'afflux de ses particules conjonctives, — ainsi, mes vieux" Grecs — je m'égare dans ses écarts.
J'ai musardé entre les quarante premières pages, si peu pressé de rencontrer les Onze. Il y a si longtemps que le liseur n'a point été interpellé si poliment « Puisque vous m'en priez, Monsieur...» à la page 17 jusqu'à cette dernère adresse « C'est Lascaux, Monsieur. Les forces. Les puissances. Les Commissaires. » à l'avant-dernier paragraphe de la dernière page.
Merci, monsieur Pierre, de tant d'égards.
Je continuais de lire et le plus grand des petits fleuves était paisible. Les grains point trop menaçants. La musique était de printemps : célébré dans les poèmes de Guardini sur des airs de Luzzasco Luzzaschi et de Claudio Monteverdi.

J'ai enfin rencontré les Onze à la page 43. Mais les effluves d'herbes fraîchement coupées dans les prairies d'amont m'ont troublé quand ceci était lu :

Voyez là-haut à deux pas la robe d'or, et au-dessus de la robe un regard posé sur vous. Et sous la robe d'or, avec plus de fulgurance, voyez le corps nu de la belle dame. Vous sentez dans vos braies l'émotion immédiate, la divine, l'intense, la seule ?
Imaginez ceci encore : quoique limousin vous avez vingt ans et la beauté d'un dieu, et dans les bras la vigueur qui vous a permis de respirer jour après jour dans des nuées de moustiques la carpe mûre et n'en pas mourir, comme sont morts la moitié de vos congénères, tombés d'une échelle, étouffés dans la boue, secoués par les fièvres, pas plus que vous n'êtes mort petit, à trois ans dans le puits, à huit ans sous la charrette, à quinze d'un couteau, comme sont morts vos dix frères et sœurs.
Sentez votre vigueur, votre beauté, votre chance d'une certaine façon.
Car ceci se passe : la belle dame privée d'homme longtemps vous regarde avec, dans le regard, l'aveu qu'elle a dans ses jupes l'émotion que vous avez dans vos braies. Mais soudain elle regarde ailleurs et ne vous regardera plus, parce que la loi est de fer et que le Père universel veille, et parce que Dieu est un chien.

Comme un rêve de toison odorante de fenaison à venir, quand fleuriront les châtaigniers au long des rives !

Cette note sera trop longue, mes Dames, mais Michon m'a presque réconcilié avec une profession — un métier, plutôt, non ? —

Il était, François Corentin, du nombre de ces écrivains qui commençaient à dire, et sûrement à penser, que l'écrivain servait à quelque chose, qu'il n'était pas ce que jusque-là on avait cru ; qu'il n'était pas cette exquise superfluité à l'usage des Grands, cette frivolité sonnante, galante, épique, à sortir de la manche d'un roi et à produire devant des jeunes filles plus ou moins vêtues dans Saint-Cyr ou dans le Parc-aux-Cerfs ; pas un castrat ni un jongleur; pas un bel objet plein d'éclat enchâssé dans la couronne des princes ; pas une maquerelle, pas un chambellan du verbe, pas un commis aux jouissances ; rien de tout cela mais un esprit - un fort conglomérat de sensibilité et de raison à jeter dans la pâte humaine universelle pour la faire lever, un multiplicateur de l'homme, -une puissance d'accroissement de l'homme comme les cornues le sont de l'or et les alambics du vin, une puissante machine à augmenter le bonheur des hommes. On appelle ce coup de pouce les écrivains des Lumières, vous l'avez dit. Monsieur. Et réellement ils étaient du côté de la lumière, même et surtout s'ils avaient la pénible certitude d'être une taupe sortant le nez d'une cour de cave : car quels que soient l'illusion ou l'imposture fondatrice, le truquage pour mettre Dieu dans le nid que lui préparaient leurs pages, l'appétit limousin qui les tenait debout, ils furent le sel de la terre à leur façon. À leur façon ils furent ce levain qu'ils voulaient être: parce que l'appétit limousin, ils avaient réussi à le transmuer au fond d'eux-mêmes, comme magiquement, mais très véridiquement, en générosité.

Vous l'avez dit, Monsieur Michon. Et bien dit.
Comme sont si bien écrits :

" Géricault l'a peint quand il avait la mort sur l'épaule. "

"Aussi soyons bas un instant : parlons politique."

"...tremblant de vin, de joie et de terreur..."

terrible phrase répétée en deux pages pour le plumet de Carrier à Nantes sur les rives de Loire et pour le plumet de Collot d'Herbois dans la plaine des Brotteaux à Lyon.

Mais ce Michon, est-ce un conteur ? Ou un peintre ?
Ne serait-il point ce Corentin, peintre sollicité pour ce tableau des Onze qui confond la grande table de chêne autour de laquelle se négocia l'œuvre des Onze en l'église Saint-Nicolas et la grande table de chêne et la lanterne de corne sur la table qui est celle de la cène où officient figés, les Onze. Je crois entendre toujours les chevaux dans leurs stalles de souffre, d'or et des basalte, pourtant je n'entends plus les cloches.
Est-ce Corentin de la Marche qui n'exista point ? Est-ce Jules Michelet qui certainement exista ? N'est-ce pas Pierre Michon qui existe sûrement ?

L'autre soir à la brune, rue de la Fosse, j'ai entrevu un homme qui s'éloignait vers la Loire, un homme au manteau couleur de fumée d'enfer.
Je vous l'écrit ainsi, Mes Dames, Messieurs et Pierre Michon grommellerait que Dieu est un chien.








la nichée s'est envolée

Floués, les chats ! Ce matin, ils passaient sous le nichoir sans s'arrêter.

Nulle cavatine d'oisillons affamés. Hier, toute cette fébrilité des branches du bouleau aux arbustes du jardin, c'était donc l'envol !

 

Oiseau jamais intercepté

Ton étoile m'est douce au cœur

Ma route tire sur sa raie

L'air s'en détourne et l'homme y meurt.

 

René Char

Entre trente-trois morceaux, I

mardi, 12 mai 2009

je veille sur un nid de mésanges

 

Car les chats, et ils sont plus nombreux dans le voisinage, sont à l'affût.

La mésange qui annonça à René Char la mort de Pablo Picasso.

 

À sept reprises ce 8 avril, une toute bête mésange solliciteuse a heurté du bec le carreau de la fenêtre, me faisant filer de l'attention matinale à l'alerte de midi. Une nouvelle tantôt ? À quatre heures, je l'appris. Le terrible œil avait cessé d'être solaire pour se rapprocher plus encore de nous.


Picasso sous les vents étésiens,

in Fenêtres dormantes et porte sur le toit.

 

Je ne dis pas que la mésange est un oiseau du malheur.

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samedi, 09 mai 2009

8 mai 1945

Aller de commémoration en commémoration, d'année en année  ? Est-ce bien nécessaire ? Les uns exigent la repentance, les autres, à qui elle est demandée, se taisent. Et alors ?

 

Alors je me contente seulement de renvoyer, avec un jour de retard, et ce n'est pas un acte manqué,  mes visiteuses et visiteurs à ma note de l'an 2005 sur ce 8 mai.

Je n'ai point épuisé ma mémoire, mais je ne veux pas corroder mes mots par un usage commémoratif trop fréquent.

 

Ami(e)s, un clique sur la date en rouge suffira donc pour ce 8 mai 2009.

vendredi, 01 mai 2009

un premier mai, du muguet et pourquoi pas Lorca

J'étais bien décidé à rejoindre, ce matin, les cortèges de manifestants. Tout en ignorant sous quelle bannière — souvent entre deux bannières ! — j'allais défiler. Et puis ma bonne vieille fainéantise des 1er Mais de naguère m'a fait me lever pour cueillir du muguet — il a plus de cinquante ans et il me fut donné par la mère Guérin, ma si gentille voisine qui s'en est allée.
Et puis donc, je me suis recouché, ayant toujours pensé qu'il me fallait pratiquer la paresse pour fêter le Travail.

Mais j'ai eu l'heur d'aller visiter le blogue de celui que je nomme discrètement "mon infréquentable" — désormais, la discrétion n'est plus de mise — et j'y ai lu une fort belle charge sur les lecteurs ; mais allusion était faite d'un désaccord qu'il aurait eu avec un autre blogueur à propos de Lorca.

Et me voilà, repartant sous la couette avec mon tome II des Poésies de Lorca, moi qui pensais attaquer la page 16 des Onze de Pierre Michon.

J'y ai lu — relu à voix basse  — le Divan du Tamarit, songeant mélancolique


Te voir nue, c'est se rappeler la Terre,
la Terre lisse et vierge de chevaux,
la Terre sans aucun jonc, forme pure,
fermée à l'avenir : confins d'argent.

Te voir nue, c'est comprendre l'anxiété
de la pluie cherchant la fragile tige,
la fièvre de la mer au visage immense
sans trouver l'éclat de sa joue.

Le sang sonnera à travers les lits
et viendra tenant son fer fulgurant,
mais toi tu ne sauras pas où se cachent
le cœur de crapaud ou la violette.

Ton ventre est une lutte de racines,
tes lèvres sont une aube sans contour.
Sous les roses tièdes de ton lit
gémissent les morts, attendant leur tour.


Casida de la Femme couchée

Le Divan du Tamarit


Je suis un indéracinable adepte du "nostos" grec. Manière de me confronter à l'aporie "célébrer le travail sous la couette".

Le "petit Nicolas", ses gouvernants, ses banquiers et la grippe porcine sont à la fois trop proches et si lointains !

Revenons aux Casidas de Federico et laissons avec sympathie les Travailleurs défiler.


À quelques dames donc et à Constantin C.