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Rilke non lu

Rainer Maria RILKE ...ou le livre jamais lu. Il est partie de cette livraison qui me parvient à Rhardous entre Forêt-Affaïne et Djebel Bou-Maad, au printemps 1961. Un petit paquet des éditions Seghers : Rilke, Jouve, Reverdy, Pessoa, Desnos. Deux sont marqués d’un drôle de cachet rond SP, que je comprendrai que plus tard. Fin de stock ? Pourquoi cette marque ? Parce que vendus par correspondance ? Non : spécimen.

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Le Rilke doit être une réédition ; le bouquin est le numéro 14 de la collection, donc un des tout premiers de la collection qui date de 1945 ; l’achevé d’imprimer de l'exemplaire que j'ai est de décembre 1958. Le rédacteur de l’essai est un certain Pierre Desgraupes ; je dis “un certain” , car la télévision n’a pas encore pénétré dans tous les foyers français. Mais il s’agit bien du plus qu’excellent chroniqueur de “Lectures pour tous” avec Pierre Dumayet et Max-Pol Fouchet. Livre jamais lu, à peine entrouvert aujourd’hui encore. Par exemple, le mois dernier, il en est question dans l’approche littéraire du mythe d’Orphée, mais c’est Pierre Emmanuel que je vais réouvrir. Pierre Emmanuel dont la lecture du Tombeau d’Orphée de suite s’imposera sur les Sonnets à Orphée de Rilke écrits en 1922, inspirés au poète par la mort d’une jeune danseuse et musicienne. Un livre de la non-lecture, de ces livres dont parlait récemment François Bon dans son Tumulte , de ces « livres qu’on a achetés et pourtant pas lus, pour l’instant ou pour toujours ? » J’en ai quelques autres sur les étagères. Pourquoi l’avoir acquis ? Pour la réputation de l’auteur, la fascination des titres : les Élégies de Duino, les Cahiers de Malte Laurids Brigge ? Pour la renommée troublante, trouble, d’un nom de femme Lou Andréas-Salomé. Lecture “naïve”, lecture critique ? Quand la première est muette, la seconde peut ouvrir l’intérêt et le plaisir. Mais non, pas à chaque fois. Avouer n’avoir jamais lu et tenter de comprendre ce non lire. La “gueule, quand on la voit, de l’auteur qui ne vous revient pas ; c’est bête mais c’est le cas pour Rilke, les yeux globuleux, la bouche lippue, la moustache qui recouvre la lèvre supérieure. Les jeunes filles qui ne sont pas mes jeunes filles, le dieu si loin de mes dieux. La traduction, et là plus encore que dans les autres livres, les traducteurs multiples, j’en ai dénombré dix. L’effleurement des pages quand aucune accroche ne s’attarde aux mots. Fragile adhésion aux images, donc à la langue (difficulté rencontrée avec Essénine, mais pas avec Lorca) L’essai pourtant comme possible entrée ? Je ne les lisais que peu, et toujours après avoir découvert les textes du poète. Même encore ce jour. Mais alors quand le texte n’est qu’un mur lisse sans prise ? Georges Mounin dans la Communication poétique, Jean Onimus dans la Communication littéraire démontent bien ces mécanismes de lecture et de non-lecture. Faut-il à chaque page ouverte cette communauté d'expérience, même infime, pour que le lien s'établisse entre l'auteur et le lecteur ? Des années que je tourne et retourne cette question, qui, parfois, s'efface, qui d'autres fois, se fait abîme. Et voilà le livre qui se fane sur une étagère non vitrée, exposé aux poussières, le dos délavé et la tranche jaunie par la lumière du jour Dans une lettre à Lou Andreas-Salomé, Rilke écrit :
« L'art est, en effet, chose bien trop grande et trop lourde, et trop longue pour une vie, et les vieillards y commencent à peine leur chemin. »
Puis il cite Hokusaï :
« C'est à l'âge de soixante-treize ans que j'ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons et des plantes. »
Pour Rilke, pour d’autres, je n’ai pas encore trouvé de passeur !
L’esseulement qui t’assaillit te rend capable de mettre en équilibre la solitude des autres.
La lettre à Liliane
Sur la Toile, quelques sites : • Anthologie de la poésie • Sur le site de Jean-Michel Maulpoix • Rilke "l'Européen", en français, en allemand, en anglais

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lundi, 15 mai 2006 | Lien permanent | Commentaires (2)

Chronique portuaire LVIII

Du Commencement du XVIIIe Siècle à la Révolution
1772. — SUPPRESSION DES "MARCHANDS FRÉQUENTANT LA RIVÈRE DE LOIRE". Un arrêt de Louis XV, en date de décembre 1772, supprimait la puissante « Communauté des Marchands fréquentant la rivière de Loire », vieille de plusieurs siècles et richement dotée par les Rois. Elle s'était chargée de tous les travaux d'aménagement et de balisage de la Loire fluviale depuis Roanne jusqu'à Nantes ; et c'est grâce à elle que la Loire possédait au XVIIIe siècle un mouvement maritime considérable, évalué par les ingénieurs cinq fois supérieur à celui du Rhin ; plus fort que celui du Rhône à son embouchure ; et au moins égal à celui de la Seine entre Paris et Rouen ; tandis que Nantes, clef de la rivière, où se réunissaient le commerce maritime et le commerce fluvial était alors le premier port du Royaume (1). LE " GRAND NARWHAL DES MERS " ATTAQUANT UN NAVIRE DE NANTES. Au cours d'une étude sur le grand-serpent-des-mers, le pesqbras, animal marin fabuleux, le grand-poisson, terreur des sardiniers ; et le grand-narwhal-des-mers, le Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure reproduisait en février 1819, le rapport de mer du capitaine T***, de la Sèvre, de Nantes, qui avait vu son navire sur le point de couler bas par suite de l’attaque d'un narwhal, en mai 1772. « Le 25 mai 1772, — affirmait-il, — le navire la Sèvre, de Nantes, se trouvait à 30 lieues de Wathelin dans le nord-ouest, par 20° de L. N. et 302° de L. Il voguait à pleines voiles par un très beau temps. Tout à coup, à onze heures du soir, il éprouva une secousse assez violente, comme s'il avait touché sur quelque récif ou banc de sable. Mais après avoir sondé, nous reconnûmes que les eaux étaient profondes ; ce qui causa une grande surprise et une alarme générale parmi l'équipage et les passagers. Nous restâmes jusqu'au jour dans une anxiété cruelle. Alors nous examinâmes les dehors du navire. Nous aperçûmes avec effroi du côté de basbord, au travers les haut-bans d'artimon, un poisson monstrueux qui paraissait avoir trente à quarante pieds de long, et qui était attaché au corps du bâtiment. Sans perdre de temps je fis amarrer ce poisson avec un fort cordage sur lequel on frappa un palan ; mais quelqu'effort que l'on fit, on ne put réussir à l'arracher du navire auquel il tenait fortement..... On fit de nouveaux efforts pour avoir le narwhal. Tout l'équipage se mit sur le palan et on parvint enfin à le détacher du navire en brisant la corne qui l'y tenait attaché. Les plongeurs vérifièrent que le bâtiment était percé à quatre pieds au dessus de la quille, et que le trou était resté bouché par la corne du poisson. On était occupé sans relâche à pomper l'eau qui entrait assez vivement par cette ouverture qui n'était pas fermée exactement. J'avais trente passagers et j'étais dans la plus grande crainte que la voie d'eau augmenta et nous mit en danger de périr.... »
Capitaine T***
La corne du narwhal avait percé vingt-huit pouces de bois extrêmement dur ; elle mesurait trois pieds de long sur six pouces et demie de large, et fut déposée dans le cabinet de Madame de Luynes. Dans le même article, le Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure publiait une lettre d'un marin nantais, relatant plusieurs épisodes relatifs aux serpents-de-mer, narwhals, grands-poissons, et autres monstres marins ; entre autres, l'aventure arrivée à cet aumônier de navire, qui descendu sur un îlot pour y célébrer la messe, n'eut que le temps de gagner précipitamment le bord pour voir le pseudo îlot disparaître sous les flots sous la forme d'un immense grand-poisson (2). ____________________________________________________________________________________________ (1) Conférence faite à Orléans, le 5 novembre 1896 par M. C. Bloch, « l'Ancienne navigation de la Loire ». (2) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 5 février 1819.
RAPPEL Ces chroniques sont tirées de Marins et Corsaires Nantais par Paul Legrand Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs 7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908
Post-scriptum : Le bon Paul Legrand semble ignorer l'écrit de Benedeit, Le voyage de Saint Brandan*, qui relate la fête de Pâques célébrée sur le dos d'une baleine — vers 435/479 —, l'épisode se renouvelant sept années durant au cours de la navigation :
Ses merveilles cum plus verrez En lui puis mult mielz crerrez
*Union Générale d'Éditions, Bibliothèque médiévale, 10/18 — Paris, 1984.

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jeudi, 30 août 2007 | Lien permanent

de retour

Les contreforts du Mondarrain et de l'Artzamendi qui dominent Itxassu sont plutôt démunis en wifi.

La lassitude d'une cure trop matinale et la paresse aidant, voilà pourquoi même le huitième anniversaire du blogue de "grapheus tis" n'a pas vu la trace de la moindre note et un silence débordant largement la durée du mois.

Mais en Pays Basque, les lectures y furent, cependant, rares et fécondes.

Quelques vers de Francis Jammes :

Le coteau est comme un sang noir et, du haut,
les montagnes nagent au ciel doux, simple et beau.
De l'autre côté des coteaux sont les villages
doux qui dorment au soleil comme des haches.
Là, il y a des tonnelles tristes au vieux jardin
où les poules grattent près des buis, des ricins.
La tonnelle en lauriers luisants est verte et noire.
Il y a un banc, au fond, en bois couleur de soir,
et qui est un peu humide, à cause de l'ombre,
même l'été quand le soleil est en bleu plomb.
Viens-y ! L'après-midi sera luisant.

Caügt...1895
De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir

 

De François Bon, trois ou quatre autobiographies d'objets qui m'ont renvoyé avec délices et toute une cohorte d'humains côtoyés à quelques soixante années de moins : Le Toumelin, "mon" navigateur solitaire, la lessiveuse de ma grand'mère Gilais, "mon" Olympia, la première machine à écrire, mon premier Kodak Rétinette et ses diapos, le transistor d'Aïn N'Sour ! Déjà, quand l'homme du "tiers livre" rédigeait ses billets, il sollicitait les commentaires — et je ne m'en suis pas privé, — mais avec ce livre, l'invite à l'écriture se fait insistante.

« Comment croire que soi-même on provienne d'un tel monde ? »

 

Et puis, Pascale étant de passage, elle m'offre, sorti de la "librairie" de l'ami Étienne, un mince bouquin que je n'aurais jamais dû rater en 1984, tant j'étais en quête de ces informations et de cette analyse depuis mon retour en France, La guerre commence en Algérie de Mohammed Harbi.

Le mouvement de libération nationale n'était pas monolithique. A l'image des groupes sociaux, les familles politiques qui le composaient étaient dans des rapports conflictuels. Chacune d'elles, réformiste ou radicale, se présentait comme la détentrice par excellence de la vérité et recourait plus volontiers à l'exclusion qu'à la discussion. Toutes appartenaient cependant au camp anticolonialiste. Les affinités entre elles étaient nombreuses et le passage d'une organisation à l'autre courante... Les forces sociales emprisonnées ont été seulement contraintes de déguiser leurs actes.
...j'ai mis l'accent sur les données structurelles qui ont nourri les aspirations et façonné les mentalités. Sans une telle optique, il serait difficile de saisir pourquoi des hommes dont la résistance force l'admiration n'ont pas su devenir des hommes libres.


Les écritures ne furent que le laborieux et quasi monastique travail de remise du "blogue à l'endroit". J'achève à peine l'an 2006. Je ne cache point un certain plaisir à la relecture qu'oblige ce retour : ne fut-ce que parce, très involontairement, au fil de ces huit ans, c'est le projet de mon autobiographie de lecteur — modeste — qui s'écrit.

Vains dieux, au delà de ce mois de silence, je persiste en ce sillon en m'imposant plus grande assiduité.

À propos de dieux, parmi les recensions du Monde des Livres, un bouquin rare, bref, que je ressens hors-frontières : Il y a des dieux* de Frédérique Ildefonse.

Le philosophe chroniqueur du Monde, R.P. Droit,  joue au chroniqueur philosophe de Libération avec un titre à la "Libé" : Trop poly pour être mono. Mais, c'est vrai où sont-ils donc passés, ces dieux.

Sans doute y en a-t-il encore dans les latrines d'Héraclite** ?

Voilà où mènent huit ans de brinquebales à travers les écrans et le papier. Aux dieux qui, c'est une évidence, n'existent pas, aux "chiottes" d'un Grec obscur, à une vieille lessiveuse et encore, et encore, à des mots, des mots, des mots.

 

* Aux Presses Universitaires de France, octobre 2012.

** Possible de relire ma note du 8 février 2008 sur les visiteurs d'Héraclite

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vendredi, 12 octobre 2012 | Lien permanent

chant contre-chant II

En inversant le "kan an diskan" I

 

Lacomblez et sa Clé Sarrazine

 

Nous irons ensemble à la chute de tes reins où les raies sablières aux plumes de volcan accomplissent le premier raid immobile de mémoire maritime. Tu m'as donné la croix du Sud qui fleurit sur tes jambes un jour de grand partage des ombres.

Une heure est née pour la vénération des envols. C'est l'échelle des nuages sur ta poitrine de gazelle coursée, c'est ton sexe éveillé par l'étoile de la fin du monde, c'est ce qui tremble encore du soir dans tes yeux fermés.




Mon voyage soudain suit une courbe de morsure. Je donne au feu la terre cultivée, tes cheveux partout brisent le mouvement  des armées. On parle dans la pierre, on parle de toi dans nos étreintes, on parle de nous à même l'impossible.


Tu viens nue parmi les meutes de ronces comme une île où l'on vit les épaules lourdes de paradisiers et le regard perdu pour les vaisseaux de transhumance. Totale et nue, tu renverses sur leur faîte les conifères de la brume pour une prière de racines élevée vers le fond des lacs. Tu retiens entre tes jambes de vase à braises et de selle de chameau l'Andalousie de mon dernier regard.


Mille mains blanches comme la soif et précises comme l'absence se glissent entre nous avec des ruses de voilier traquant le seul récif gouverné par l'oiseau-tempête, que l'on nommera peut-être l'Amour dans une langue de Jamais et d’Ailleurs.


Je meurs avec lenteur dans les bas-quartiers de la ville invisible, une lenteur morne de blessure privée du glaive. Une lenteur de bijou nomade sur le plein champ de ta gorge, à la lueur des grêles amassées par la caravane qui t'emporte.


Je meurs cette fois vêtu d'une poussière de montagne.

 



Blaise Cendrars et Moravagine

 

Mulier tota in utero, disait Paracelse ; c'est pourquoi toutes les femmes sont masochistes. L'amour, chez elles, commence par la crevaison d'une membrane pour aboutir au déchirement entier de l'être au moment de l'accouchement. Toute leur vie n'est que souffrance; mensuellement elles en sont ensanglantées. La femme est sous le signe de la lune, ce reflet, cet astre mort, et c'est pourquoi plus la femme enfante, plus elle engendre la mort. Plutôt que de la génération, la mère est le symbole de la destruction, et quelle est celle qui ne préférerait tuer et dévorer ses enfants, si elle était sûre par là de s'attacher le mâle, de le garder, de s'en compénétrer, de l'absorber par en bas, de le digérer, de le faire macérer en elle, réduit à l'état de fœtus et de le porter ainsi toute sa vie dans son sein ? Car c'est à ça qu'aboutit cette immense machinerie de l'amour, à l'absorption, à la résorption du mâle.


L'amour n'a pas d'autre but, et comme l'amour est le seul mobile de la nature, l'unique loi de l'univers est le masochisme. Destruction, néant, que cet écoulement intarissable des êtres ; souffrances, cruautés inutiles que cette diversité des formes, cette adaptation lente, pénible, illogique, absurde de révolution des êtres. Un être vivant ne s'adapte jamais à son milieu ou alors, en s'adaptant, il meurt. La lutte pour la vie est la lutte pour la non-adaptation. Vivre c'est être différent. C'est pourquoi toutes les grandes espèces végétales et zoologiques sont monstrueuses. Et il en est de même au moral. L'homme et la femme ne sont pas faits pour s'entendre, s'aimer, se fondre et se confondre. Au contraire, ils se détestent et s'entre-déchirent; et si, dans cette lutte qui a nom l'amour, la femme passe pour être l'éternelle victime, en réalité c'est l'homme qu'on tue et qu'on retue. Car le mâle c'est l'ennemi, un ennemi maladroit, gauche, par trop spécialisé. La femme est toute puissante, elle est mieux assise dans la vie, elle a plusieurs centres érotogènes, "elle sait donc mieux souffrir, elle a plus de résistance, sa libido lui donne du poids, elle est la plus forte. L'homme est son esclave, il se rend, se vautre à ses pieds, abdique passivement. Il subit. La femme est masochiste. Le seul principe de vie est le masochisme et le masochisme est un principe de mort. C'est pourquoi l'existence est idiote, imbécile, vaine, n'a aucune raison d'être et que la vie est inutile.




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lundi, 14 juin 2010 | Lien permanent

addiction à Sollers ?

Dès qu'un Sollers paraît en poche, j'achète. Je poursuis donc l'emplissage de mon rayon "Sollers"*.

Et toujours je commence ma lecture du "dit" avec un mélange de réticence et d'allégresse. J'y guette les petites leçons de littérature de monsieur Sollers. J'y redoute les miroirs un peu trop narcissiques de monsieur Joyaux.

Les voyageurs du Temps ont failli m'entraîner du côté de Énard et de La perfection du tir. Mais non, nous n'allons point être embarqués dans la psychè d'un sniper fou.

Il s'agit, ici et sans doute, comme souvent quand Sollers débute ce qu'il annonce être un roman, d'un homme qui dit "je", qui appartient à un "Service" plus ou moins secret, qui dans les premières pages fait l'amour à une femme et dans les dernières à une autre femme, qui réside souvent, solitaire, à l'île de Ré et fréquente, accompagné, assidument les hôtels de Venise, les gratte-ciel de New-York, qui travaillerait parfois dans l'édition, qui pratique le soliloque où affleurent des vestiges catholiques romains et de multiples incises avec force citations sur Baudelaire, Lautréamont, Nietztche, Rimbaud, Céline. Cette fois, on y rencontre aussi Kafka, Bataille et Breton.

Mais toujours et surtout Rimbaud !

Dans les Voyageurs du Temps, le héros — Sollers ou son héros ? de l'autofiction à l'autobiographie fictionnelle, je ne sais jamais où il me perd ? — le héros donc est vieillissant, il fréquente un centre de tir et son "corps le freine"... Il y a aussi une "Bête" et ses "Parasites".

Ça déborde d'érudition : un vrai guide du Routard parisien. La rue du Bach, la rue Sébastien-Bottin, l'église Saint-Thomas d'Aquin, etc. Je ne savais que peu par exemple de Raspail et de son boulevard.

 

Mais Rimbaud encore.

Ça tient de l'incantation chez Sollers et ce n'est point pour me faire fuir — ( dans Studio, plus de soixante pages nommant  le poète sur deux cents soixante  et audacieusement le rapt pour un essai, du titre  "Illuminations", mais sans article)**

Donc à la page 67, le "je" de Sollers entend des phrases et le lecteur, quand il arrive au milieu de la page " loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, loin des charniers indescriptibles" se surprend à murmurer  : « Merde, mais c'est du Rimbaud, ça ! ».

Eh oui ! C'est bien du Rimbaud "sur ondes ultracourtes, une écoute numérique des Illuminations", lui suggérera le "je" de Sollers.

Alors le lecteur saute sur son vieux Pléiade, celui de 1954 et lit et relit Les Illuminations. Relit encore. Déchiffre le "cut-up" de Sollers et se promet de relever le défi : « Qui fera mieux le dira et ça se saura. »

 

Il est juste qu'une fin fastueuse répare les
âges d'indigence, et qu'un jour de victoire nous
fasse oublier la honte. Il est bon de marcher sur
le sable rose et orange qu'a lavé le ciel vineux .
Il est normal que survivent de féeriques aristocraties
ultra-rhénanes, japonaises, guaranies
propres à recevoir la musique ancienne  (XXVIII) . L'Europe
s'éveille a peine après le déluge, loin des
vieilles fanfares d'héroïsme, loin des meurtriers
sans nom, loin des vieilles retraites et des vieilles
flammes, loin de ses charniers indescriptibles,
comme si une voix féminine arrivait enfin au
fond des volcans et des grottes arctiques (XXIX).

Quant à cet hôtel, dont je ne dirai pas le nom, ses
fenêtres et ses terrasses sont pleines d'éclairages,
de boissons et de brises riches, ouvertes à l'esprit
des vovageurs et des nobles (XXX). Certes, il v a un
moment d'étuve, de mers enlevées et d'embrasements
souterrains, et la planète est emportée
dans des exterminations conséquentes,(XXXII) mais
cette catastrophe n'empêche pas les voyageurs
d'éprouver la nouveauté chimique et de trouver
en elle leur fortune personnelle. C'est un Vaisseau
s'éclairent sans fin des stocks d'études.
Sur cette Arche, chassés par l'extase harmonique,
un couple de jeunesse s'isole, chante et se poste (XXXIII).


Les Voyageurs du Temps, p. 67.


Les chiffres romains renvoient aux Illuminations "cutées".

 

 

* Sollers en Folio, c'est enrichir son Musée personnel portatif dont parlait Malraux dans Le Musée imaginaire. Quel portrait de quel peintre illustrera Trésor d'amour — on y attend Stendhal, le roman récemment paru quand il sera édité en poche?  dans six mois, dans un an ? Choix du maquettiste ou de l'auteur ?

** Il renouvelle ce genre d'emprunt avec "la Divine Comédie". Mais ce n'est pas du plagiat, n'est-ce pas ! c'est un livre d'entretiens.

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dimanche, 30 janvier 2011 | Lien permanent

Allons-y donc de notre rentrée littéraire

Il en était question dans Masse critique, hier matin, Frédéric Martel avait invité Olivier Bétourné, directeur littéraire d'Albin Michel. Je n’ai point trop d’estime habituellement pour les grands “managers” de l’édition lettrée. Cette fois, je suis demeuré attentif. Ce n’était point parole de bois. Il y fut question de la dignité de tous les lecteurs. De best-sellers dont les noms d’auteurs ont été parfois entendus par ci par là, de madame Amélie Nothomb dont je n’ai lu qu’un seul livre qui traînait sur une étagère de libre échange à la capitainerie du port galicien de Sada, Métaphysique des tubes ; c'était en juste adéquation avec le lieu de lecture, la laverie du port ; j’ai lu, le temps d’un plein de machine à laver ; c’est dire l’épaisseur, l’intensité, la profondeur ! Il y fut aussi question de Pierre Michon et de François Bon ; Bétourné en est aussi l’éditeur ; j’ai mieux compris mon attention première.On s’entretint de la rentrée littéraire romanesque, de l’importance du rite dans les petits cercles lettrés. L’an dernier, j’avais ressorti de mes étagères Théo Lésoualc'h ; cet an, je demeure chez les Celtes. PLUME, le magazine qui substitue Hélène à Pénélope dans le lit d’Ulysse, a consacré quelques pages à l’exposition des Champs-libres de Rennes consacrée au roi Arthur, une légende en devenir. La rédaction de ladite revue ne met point encore Merlin dans le lit de Guenièvre. Mais sait-on jamais ?Je ressors donc “ma” matière de Bretagne ; enfin la mince matière que j’ai dans mes rayons. Qui dit rentrée littéraire dit roman et qui dit matière de Bretagne dit bien naissance du roman occidental. Non ?Je ne sors pas encore mes Markale et autres Loth... je ressors un roman, écrit qui dans les années 70 continuait à sa manière le devenir de la légende comme le titre si bien l’expo de Rennes.D’Yves Élléouêt, le Livre des Rois de Bretagne. Il fut peintre, époux de Aube et donc gendre d'André Breton !À la suite de Masse critique, les incontournables— à contourner parfois — Répliques : une ré-émission sur Joseph Conrad et Au cœur des ténèbres, la colonisation en interrogation.Chose à lire ! Mais je devrais probablement sous-titrer mon blogue “un auditeur en son jardin”. Avec les iPods et autres, tout est possible.Ah, si ! en conclusion de Masse Critique, fut évoqué l’arrivée de la nouvelle “liseuse électronique” de Sony. FB, toujours en pointe, l’évoquait déjà en juillet, en élargissant, et ce depuis quelques rubriques, à la situation de cette fameuse lecture numérique.Post-scriptum : Jardins* peut se lire comme un entretien dans son jardin, par petites planches. J’en suis au savoureux — il le sont quasi tous — chapitre sur l’histoire du jardin de Boccace, qui me renvoie au Décaméron qui nous renvoie au film de Pasolini, à Masetto, le jardinier faussement benêt du couvent et aux sexes si joliment velus de ses religieuses de tous âges.

(Masetto) est le pendant exact de l'architecte du jardin où est contée l'histoire. Je veux dire qu'il commence par planifier son action avant de l'exécuter en la mettant au service de la nature. Ce faisant, il imite le jardinier qui sème ses graines à l'avance et récolte les fruits de son travail en temps et en heure.Si la présence de Masetto introduit maintes perturbations dans la vie spirituelle et érotique du couvent, son intrusion ne provoque ni désordre ni anarchie. Au contraire, à la fin de l'histoire, les énergies libidinales du couvent, parfaitement régulées et équitablement réparties, s'épanouissent sans miner les fondations de l'ordre institutionnel. L'histoire exalte finalement l'inventivité des protagonistes pour donner une forme ordonnée au plaisir.
* Ma note du 11 septembre ; on fête les anniversaires des catastrophes comme on peut.

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lundi, 29 septembre 2008 | Lien permanent | Commentaires (1)

Chronique portuaire de Nantes C

Du Commencement du XIXe Siècle à 1830
1823. — VAPEURS NANTAIS EN 1823.Au début de la belle saison les vapeurs la Loire et la Maine, les deux premiers vapeurs construits à Nantes, partant de la cale du Port-Maillard et remontant jusqu'à Angers, et le vapeur le Courrier, desservant Paimbœuf et Saint-Nazaire, reprirent leur service. En réponse à certains bruits qui couraient dans le public, les directeurs firent publier dans le Journal qu'aucun d'eux n'était Anglais ou Américain, ainsi que leurs adversaires le prétendaient.Une société rivale s'était en effet fondée sous le nom d' « Entreprise Française », et ses vapeurs , l'Angevin et le Nantais, partant de la cale de la Poissonnerie, desservaient également la Haute-Loire et Angers.La première société fut incapable de soutenir la concurrence ; et dans les premiers jours d'août ses trois vapeurs étaient mis en vente et cessaient leur service. Tous ces vapeurs étaient munis de « bons restaurateurs » et ne manquaient pas d'un très grand confort (1).LES DERNIERS NÉGRIERS : LA "PETITE BETZY", LA “VIGILANTE" & L’ ”AGOBAR”.Le 5 mars 1823, le tribunal correctionnel de Nantes prononçait la confiscation de deux navires nantais : la Petite-Betzy, capitaine P***, armateur M. Julien D"', et la Vigilante, capitaine B***, armateur M. M*** , pour contravention à la loi prohibitive de la Traite des Noirs.Ces deux navires chargés, le premier de 218 et le second de 345 nègres et négresses, avaient été surpris dans la rivière de Calaar, près de Boni, par les embarcations armées de la frégate anglaise I'IPHIGÉNIE et de la corvette de même nationalité le MIRMYDON,Après un combat d'une demi-heure, pendant lequel un grand nombre de nègres furent tués ou dévorés par les requins, tandis qu'ils tentaient de gagner la côte à la nage, le lieutenant Mildmay, commandant les chaloupes anglaises, parvint à s'emparer des deux Nantais qui furent conduits en Angleterre et de là en France où ils furent condamnés et confisqués (2).En dépit de l'étroite surveillance des Anglais qui, avant de se constituer les gendarmes de la Traite, avaient assuré l'avenir de leurs colonies par une importation formidable de noirs, et avaient organisé pour la conservation de leurs esclaves de véritables « haras » de nègres, — le mot fut maintes fois employé, comme la chose, — un certain nombre de négriers nantais continuaient encore au début du XIXe siècle leur hideux trafic.Quelques mois, en effet, après la capture de la Petite-Betzy et de la Vigilante, un autre négrier nantais, l'Agobar, capitaine M***, était également saisi et sa confiscation prononcée par la cour spéciale d'appel de la Guyane Française (3).Toutefois, les derniers négriers que Nantes pouvait encore posséder, ainsi d'ailleurs que Bordeaux, La Rochelle et le Havre, disparurent peu après cette date. L'on peut affirmer, semble-t-il, qu'en 1830, la Traite des Noirs était définitivement abolie, en fait comme en droit.(1) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° des 11 avril, 29 avril et 2 août 1823.(2) VATTIER d'AMBROYSE, Le Littoral de la France. Côtes Vendéennes, pp. 409 et suiv.(3) Journal de Nantes et de la Loire-Inférieure, n° du 1er juillet 1824.
RAPPEL Ces chroniques sont tirées de Marins et Corsaires Nantais par Paul Legrand Héron - J. Mesnier & C° - Éditeurs 7, Rue de Strasbourg - Nantes - 1908 Pages scannées par grapheus tisCommentaires du “scanneur” : Pudique, notre bon chroniqueur ; sans doute, se doit-il, encore en 1908, de ménager quelques familles d’armateurs et de capitaines nantais.D’où, les *** suivant les initiales des noms propres !

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jeudi, 26 juin 2008 | Lien permanent

Chronique Portuaire de Nantes LXXV & bons vents !

BLOAVEZ MAD XA KEBIÉRÉ WAGA
(la Bonne année en breton et en soninké)
Bons vents à toutes et tous !
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et pour la commencer, trois minces histoires de Corsaires Nantais.
Période Révolutionnaire
1797.— LE CORSAIRE " LE VOLTIGEUR " ET LE CHIRURGIEN CARON. Spécialement construit pour la Course sur les chantiers de Nantes, le corsaire le Voltigeur, de 200 tx. et 10 can., sortait de la Loire le 4 octobre, sous les ordres d'Alexandre Giraud, avec un équipage de 110 marins et soldats. Après d'heureuses prises et de brillants combats, il fut lui-même amariné par la frégate anglaise la NYMPHE, après douze heures de chasse et un abordage dont il ne put se défendre, toutes ses munitions étant épuisées et ses matelots n'ayant plus que des barres d'ansept pour continuer la lutte. Plusieurs officiers et quinze marins anglais vinrent à bord de leur prise, ne conservant de son équipage que le chirurgien Caron, le chef de timonerie Granaud, et les blessés enfermés dans la cale ; le reste avait été transféré sur le navire capteur. Le lendemain, la NYMPHE et sa prise, qui voyageaient de conserve, furent séparées par un fort grain. Le chirurgien Caron conçut alors le projet audacieux de reprendre le Voltigeur avec l'aide des matelots valides. Une première fois, il échoua ; ses complices furent enfermés à fond de cale, et lui seul fut laissé sur le pont pour soigner les blessés. Malgré la présence de la NYMPHE, qui rejoignait à ce moment sa prise, Caron ne perdit pas l'espoir de reprendre le navire et prépara son plan. Pour réussir plus sûrement, il fit monter sur le pont le cuisinier Berranger et le boulanger Pavageau, qui feignirent de préparer le repas ; puis il se fit amener quatre des blessés les plus vigoureux, soi-disant pour faire de la charpie, et chargea son infirmier Jean-Jean de lui amener le plus fort gaillard de l'équipage enfermé dans la cale sous le prétexte de soigner ses blessures. Au signal donné, les neuf hommes bondirent sur les officiers attablés, les désarmèrent, ficellèrent les hommes de l'équipage anglais partout où ils les rencontrèrent, délivrèrent leurs camarades, et, prenant la direction du Voltigeur, le couvrirent soudain de toile et prirent chasse devant la NYMPHE qui se lançait à leur poursuite. Ils furent assez heureux pour se réfugier sains et saufs à Audierne et revinrent de là à Nantes, où le Voltigeur et le brave Caron furent reçus avec enthousiasme (1). LE CORSAIRE LE " VENGEUR ". Par jolie brise maniable, le corsaire nantais le Vengeur courait grand largue le long des côtes anglaises, lorsque la vigie, perdue dans l'amoncellement des cordages et des manoeuvres, signala une voile par tribord, puis une autre, puis d'autres encore ; tout un convoi de soixante voiles escorté par un vaisseau de ligne, deux frégates, et plusieurs cutters. La proie était alléchante, sans doute, mais bien gardée ; néanmoins, le corsaire nantais s'attacha à sa poursuite, fuyant dès qu'un des navires de protection lui donnait la chasse, pour revenir aussitôt rôder sur les flancs du convoi dès que la surveillance se relâchait. Dès le soir même, il amarinait les TROIS-FRÈRES, de 250 tx. ; le lendemain, trois autres prises venaient se ranger successivement le long de ses flancs, et tandis qu'il rentrait au port, il réussit encore à s'emparer d'un trois-mâts suédois de 6 à 700 tx. (2). LE CORSAIRE LE " FÉLIX ". Le 10 octobre 1797, le fin cutter nantais, le Félix, corsaire de 200 tx,, 8 can. et 120 h., sortait de la Loire sous le commandement du brave capitain André Viaud, l'un des meilleurs Corsaires de la rivière. Après avoir amariné plusieurs prises, il s'emparait de la JANE qu'il envoyait à Nantes en novembre ; ce furent les dernières nouvelles que l'on reçut jamais du corsaire nantais et de son équipage. La tradition rapporte qu'il se fit couler lui-même pour ne pas se rendre, après un combat contre une corvette anglaise en vue des côtes d'Irlande (3). ____________________________________________________________________________ (1) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 231-236. (2) GALLOIS, Les Corsaires Français sous la République et l'Empire, t. II, p. 417. (3) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, pp. 354-5

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jeudi, 03 janvier 2008 | Lien permanent | Commentaires (1)

Chronique Portuaire de Nantes LXXVI

Période Révolutionnaire
1798. — SURCOUF À NANTES. Durant l'année 1798, le hardi Corsaire malouin Robert Surcouf commanda le navire nantais la Clarisse, de 14 can. et 140 h., armé en Course par Félix Cossin, et fit à bord de ce navire plusieurs croisières très fructueuses, avec son frère Nicolas Surcouf, comme second (1). LE CORSAIRE LE “CHÉRI”. Le 5 janvier 1798 vit la perte de l'un de nos plus célèbres corsaires nantais, le trois-mâts le Chéri, de 600 tx., 22 can., 10 pier. et 14 espingoles, monté par 193 h. d'équipage, et commandé par Jean-Simon Chassin, de l'Ile-d'Yeu, aïeul de l'historien de la Vendée Révolutionnaire. À la suite d'un épouvantable combat de plus d'une heure et demie avec la frégate anglaise la POMONE, de 64 can., le Chéri, écrasé par les forces de beaucoup supérieures de son adversaire, avait dû amener pavillon ; mais, au moment où les Anglais en prenaient possession, il coula à pic, entraînant avec lui les quelques survivants de cette lutte inégale. Le capitaine Chassin avait été tué sur son banc de quart. Le Chéri qui disparaissait ainsi sous les flots avait été lancé à Nantes en 1789, sous le nom de la Fleur-Royale, qu'il avait abandonné lors de la Révolution. Indépendamment de ses brillantes campagnes de Course, il avait accompli deux croisières avec la qualité de corvette de l'Etat ; une première sous Chassin, provisoirement promu au grade de lieutenant de vaisseau ; puis une seconde sous Pillet, capitaine de vaisseau, qui devint membre du Conseil des Cinq-Cents en 1799 (2). CORSAIRES NANTAIS EN 1798. En janvier 1798, le corsaire le Nantais, de 200 tx., 12 can. et 100 h,, cap, Pradeleau, amarinait l'Anglais le BORNHOLM. En février, le corsaire nantais l'Adonis, armateur Renou, cap. Fouché, s’emparait de l'Anglais le PRINCE-EDOUARD, de 120 tx. et 6 can. Le même mois, les Anglais amarinaient notre corsaire le Volage, de 22 can, et 195 h. Enfin, en avril, le corsaire nantais la Confiance, armateur Cossin, cap. Quirouard, s'emparait de l'Anglais la JUNON (3). LE CORSAIRE LE “VAUTOUR”. Le Moniteur du 28 germinal, an VI, rapporte le fait suivant : « Le corsaire de Nantes, le Vautour, cap. Jacques François, s'est emparé d'un navire portugais de 600 tx. et armé de 16 can. de gros calibre, qu'il a conduit à Sainte-Croix de Teneriffe où il a été vendu deux jours après son arrivée 450.000 livres, en gourdes. Avant de pouvoir amariner ce bâtiment, le Vautour a soutenu deux combats, l'un d'une heure et demie et l'autre de trois heures et demie. Le Portugais a eu 16 blessés et plusieurs morts, et il ne s'est rendu qu'à la vue des dispositions d'abordage. II y avait à bord six passagers moines, parmi lesquels il y en eut un de tué et deux grièvement blessés. L'acharnement avec lequel ces moines se sont battus, et le fanatisme dont ils avaient électrisé l'équipage, ont été cause que le navire ne s'est pas rendu plus tôt » (4). LE CORSAIRE L’ “HYDRE”. « On écrit de Nantes, — mentionne le Moniteur du 1er prairial, an VI, — que le corsaire l'Hydre, est rentré dans ce port faute de vivres, après avoir été chassé pendant 24 heures par la division anglaise, de laquelle il s'est sauvé par la supériorité de sa marche. Il a fait huit prises, dont trois ont été coulées par lui ; les cinq autres ont été expédiées mais on n'en a point encore de nouvelles... » (5). ______________________________________________________________________ (1) A. PÉJU, La Course à Nantes au XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe siècle, p. 71. (2) S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO, La Course et les Corsaires de Nantes, p. 264 et suiv. (3) LOUIS GUILLET, II y a cent ans ! 1798-1898, pp. 29, 33 et 62. (4) Moniteur, n° du 28 germinal, an VI. (5) Moniteur, n° du 1er prairial, an VI.

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jeudi, 10 janvier 2008 | Lien permanent

Des rites du lecteur

Dès le retour à la maison, ils ont été disposés en pile, là-haut, sur la table de la “librairie” gorgée de soleil. J’ai ouvert la fenêtre et entre la douceur hivernale de nos pays d’Ouest.
Au sortir du cours de grec ancien - nous avons “tiré les Rois”, “Bel olivier” offrait le Muscadet de la Chapelle-Basse-Mer, j’apportais la brioche couronnée de chez Bonnin, toute fraîche de la nuit, - je suis passé chez “Coiffard”, rue de la Fosse.

Depuis un certain temps, je “tournais” autour de deux ou trois titres, et Noël ayant été généreux en d’autres petits bonheurs : whisky “single islay malt” , Ran en dvd, le Sahara noir et blanc en images, je n’avais plus à craindre de doublons.

J’ai trouvé facilement l’Éthique de Morin, les Conversations de Borges et Sabato. J’eus plus de mal avec quartiers de on ! et j’écorchai le nom de son auteur qui serait presque un palindrome ou même la négation de tout nom, Onuma Nemon. La libraire m’a regardé, interloquée. J’eus beau lui dire qu’il y a trois semaines, il était là dans les parutions premières, mais que ça ne m’étonnait guère qu’il n’y soit plus... Renvoyé sans doute au second rayon ? Nous avons consulté “Électre” ; dans “Verticales”, nous allions forcément trouvé ce nom qui est nom sans nom ; nous avons trouvé “quartiers de on !”, le titre, et l’auteur nous fut donné par surcroît.

La cueillette n’était point achevée ; traversant la Fosse, je suis allé parcourir les rayons des “poches”. Ébène de Ryszard Kapuscinski me tentait depuis plus d’un an ; je n’ai précédé cet homme en Afrique que de deux ans ; le tout récent apaisement - jusqu’à quand ? - au Soudan m’a incliné sur le rayon le plus bas quand, voisins, se sont offerts à mes yeux les tomes II et III du Dernier Royaume. Ce n’était point prévu, mais je m’étais bien juré quand Quignard reçut le Goncourt d’avoir l’attente patiente jusqu’à la parution en poche ; en octobre, il y eut Les Ombres errantes, voilà Sur le jadis et Abîmes.
Oui, je sais, s’offrent, en repassant de l’autre côté de la Fosse, et ce depuis deux ou trois jours, Sordissimes et les Paradisiaques. Mais je retarderai de deux ans s’il le faut le plaisir de lire les Quignards “nouveaux”; depuis Les tablettes de buis d’Apronenia Avitia, mes “Quignards” s’alignent en poche sur un rayon : c’est une règle qui n’est point toujours... d’économie ! Vieille passion adolescentes pour les "poches".

Voilà ! C’est ainsi que depuis ce midi, ils sont là, à attendre en pile sage. Et dans la cuisine, je m’affaire au rangement de la vaisselle, à la mise en ordre des journaux et revues - du tri à faire -, je rince des bouteilles, je sors au jardin, je ramasse les branches que les bourrasques d’hier ont brisées. Des voisins bavardent dans le parc proche, je vais les saluer, le soleil adoucit l’humidité de l’herbe, je pense aux arbres fruitiers qu’il va me falloir faire tailler, je traîne mes sabots. De droite, de gauche.

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Sur la table, là-haut, la pile doit être en plein soleil. Je retarde le moment.

Le premier feuilletage, l’entrebaillé des pages, un mot par-ci, par-là, un paragraphe de-ci, de-là, la quatrième de couverture, la table des matières, l’achevé d’imprimer* - plus d’imprimatur, ni de nihil obstat, dommage parfois, naguère, double était le bonheur des lectures "à l'index" - encore des mots. La paume de la main sur le lisse de la couverture, le pouce qui fait chuinter/chanter la tranche des feuillets. Noms, noms propres, de lieux, de femmes, d’hommes, des phrases, encore des mots, des gros mots... des mots inconnus !

Le lecteur pose ses balises.

Tout à l’heure, stylo en main, entr’ouvrir et sur la page blanche de garde, apposer, l’ex-libris à ma manière, tous livres étant en cet endroit marqués du lieu et de la date de prise de possession.

À plat, sur la table, sur une étagère, sur un coin de meuble, dans la chambre, la cuisine, sur le manteau de la cheminée, aux ouatères, dans l’escalier, posé sur une chaise, sur le guéridon de l’entrée, près du petit ordinateur.
Ailleurs !
Mais jamais écorné, ni taché. Épousseté parfois. Jamais oublié - le drame de celui qui fut prêté et n’est jamais revenu !
Dans une heure, un jour, un mois, un an peut-être, le livre va être ouvert.

Commence l’aventure.


* La chose imprimée de François Richaudeau, aux éditions Retz : la référence pour s’assurer de l’exactitude des termes techniques concernant l’écrit en tous ses états. Pour les non-professionnels.

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jeudi, 06 janvier 2005 | Lien permanent | Commentaires (2)

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