samedi, 08 novembre 2008
prière d'insérer
Voilà que ces jours derniers, dans la tête du blogueur, se mêlent et l'atelier de Grec ancien et le VendéeGlobe et la littérature. Ce ne sont qu'histoires de mer !
Tout a commencé jeudi matin avec un travail de reprise en douceur sur le texte rebattu de l'Anabase de Xénophon : Thalassa ! Thalassa !
Je passe, rue de la Fosse, chez Coiffard, je dois y retirer Les quatre saisons de Ronsard, et de Mallarmé, Divagations, en Poésie/Gallimard, je cherche en vain les Carnets d'un vieil amoureux, je tombe sur Boutès, déjà feuilleté en octobre et qui m'avait frappé par un pré-texte que je pensais être une introduction ou un exergue, qui s'avère être un prière d'insérer, un vrai, feuillet encarté — ainsi jadis adresse de l'éditeur au critique —, Boutès narré par Pascal Quignard, ce lecteur fasciné et fascinant des Latins et des Grecs — je me demande si ce n'est pas sous l'influence de mes lectures de Quignard que j'ai repris l'étude du Grec ancien.
Un prière d'insérer qui concentre en quinze lignes le mythe des Sirènes, les Argonautes et Ulysse et qui s'achève dans la concision d'une chute :
« Seul Boutès sauta.»chute paradoxale qui ne ferme pas, mais ouvre en surprenant le lecteur ignorant. Ce prière d'insérer comme une vie pré-natale du texte qui nous est offert dans les pages suivantes — Quignard explorateur de notre vie "ante". N'en déplaise à Gérard Genette*, cette page est bien adresse non au critique, mais au lecteur;
Boutès**, l'un des cinquante Argonautes, me relance vers ces trente Argonautes contemporains qu'entre deux phrases de version grecque, quelques poèmes de Mallarmé et les dix chapitres du Boutès de Quignard, je vais suivre passionnément, trois mois durant.
* Gérard Genette, Seuils, coll. Poétique, au Seuil, 1987 : un merveilleux bouquin sur l'alentour du livre, le "paratexte", tout ce qui enserre le texte et lui fait référence, mais qui n'est pas le texte?
** Apollodore dans La Bibliothèque, I, 9, 25.
20:53 Publié dans Les antiques, les lectures, les marines, quelquefois Quignard | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 06 novembre 2008
Les chantiers de construction navale — introduction à "Corsaires et Marins Nantais"
LES CHANTIERS DE CONSTRUCTIONS NAVALES
Dans la Description de la Ville de Nantes... par un des habitants de cette Ville imprimée en 1646, on peut lire cette phrase :
« ... Aussi sçavons-nous que de tous tems on y a bâti très grand nombre de vaisseaux, et les plus beaux de la France. »Dès l'occupation Romaine, en effet, l'embouchure de la Loire possédait des chantiers de constructions navales ; et nous savons, par les Commentaires, que César donna l'ordre à son lieutenant Crassus d'y construire des galères, lui recommandant de choisir des formes fines et élancées, afin d'éviter plus sûrement les bancs de sable : Naves longuas œdificari in flumine Ligeri. II semble difficile, toutefois, de placer à Nantes ces chantiers de constructions, si l'on observe que les galères ordonnées par César étaient destinées à combattre la flotte des Venètes, et que les Namnètes étaient alors les alliés de cette vaillante peuplade. Aussi serait-il plus vraisemblable de les supposer sur une rive favorable aux Romains, par exemple à Ratiatium, déjà occupé par leurs cohortes.
Jusque vers la fin du XVIe siècle, les chantiers de constructions navales nantais furent situés au Port-au-Vin (place du Commerce). Transférés en 1583 sur le quai de l'Ile-Gloriette, ils se trouvaient en 1738 à l'embouchure de la Chézine, comme en témoigne l’Arrest du Conseil d'Etat du Roy en date du 18 juillet 1738, relatif à la construction des vaisseaux à la Chézine. Ces chantiers étant devenus insuffisants, les constructeurs en établirent un autre au pied des carrières de Miseri, et l'Apollon (1), le premier navire construit sur ces nouvelles cales, y fut lancé en 1745, Enfin, en 1780, les derniers chantiers de la Chézine furent transférés à la Piperie, en Chantenay. Notons également que, tant que Paimbœuf servit d'avant-port à Nantes, les constructeurs nantais y établirent des chantiers, et qu'un grand nombre de navires de guerre et de commerce y furent mis à l'eau. On pourrait en dire autant de Vertou et de Basse-Indre, où nos constructeurs possédaient également des cales et des chantiers.
Les navires construits à Nantes avaient une réputation justement méritée de vitesse et de bon marché. Une lettre de la Cour, adressée le 1er janvier 1786 à l'Administration de la Marine à Nantes, nous marque, en effet, que les navires construits dans cette ville coûtaient un tiers moins cher que ceux construits en Angleterre ; il est vrai, par contre, qu'ils ne duraient en moyenne que de douze à quinze ans, tandis que ceux de nos rivaux fournissaient une carrière d'à peu près vingt-et-un ans.
En 1793, le ministre Monge, auquel le commerce nantais s'était adressé pour demander qu'il soit construit à Nantes trente bâtiments de guerre, répondait, à la date du 22 février, qu'il pensait en effet :
« que pour augmenter nos forces navales, la rivière de Nantes offrait des avantages trop réels pour les négliger. J'ai donne ordre en conséquence, — ajoutait-il, — d'y construire des frégates et des corvettes, et il va être incessamment envoyé des plans sur lesquels on opérera. »
De fait, durant la Révolution et l'Empire, les chantiers nantais firent preuve d'une activité intense ; et, d'après un état nominatif de l'Administration de la Marine, nous constatons que de 1797 à 1846, les frères Crucy construisirent, à eux seuls, cinquante-sept bâtiments pour le compte de l'Etat, dont dix vaisseaux de 74; quatorze frégates; cinq corvettes ; deux flûtes et douze bricks ; et radoubèrent 382 bâtiments de toute espèce.
A l'avènement de Louis XVIII cependant, les chantiers de Nantes, en ce qui concerne la marine militaire du moins, avaient été supprimés ; « il semble inutile, — écrivait le ministre, — de conserver à Nantes un chantier de navires ». À ce moment, quatre bâtiments destinés à la marine militaire étaient en construction ; deux bricks : le Huron et le Silène, qui furent lancés peu après, et deux frégates : l'Armide et l'Astrée, qui furent démontées et transportées dans un port de guerre pour y être achevées.
Parmi les navires les plus célèbres sortis des chantiers nantais, nous signalerons rapidement :
Les deux grandes carraques de 1.000 tonneaux chacune, construites en 1496 par ordre de Charles VIII.
Le vaisseau la Nonpareille, construit sous François Ier, et appelle ainsi « pour sa démesurée grandeur ».
Les vaisseaux le Grand-Henry et le Grand-Carraquen, « les plus grands qu'on n'ait point vus en nostre Océan », construits sous Henri II.
L'Apollon, lancé en 1745 aux chantiers de Miséri.
Le navire La Rosière d'Artois, lancé en 1777 aux chantiers de la Chézine, en présence du Comte d'Artois, depuis roi de France sous le nom de Charles X.
La corvette la Jacobine, lancée à Basse-Indre en 1794.
La frégate la Loire, donnée à la République par le commerce nantais, et lancée en 1796.
La frégate la Méduse, mise à l'eau à Paimbœuf, en juin 1810, et dont tout le monde connaît la fin tragique.
Les frégates l'Aréthuse et le Rubis, lancées en 1812 ; l'Étoile et la Sultane, en 1813.
Le Fils-de-France, lancé en 1818, et dont le duc d'Angoulême, grand amiral de France, avait posé la quille l'année précédente.
L'Arche-d'Alliance, lancée en 1845.
La frégate blindée le Castelfidardo, construite en 1862 pour le compte du gouvernement italien.
Les frégates la Belle-Poule, l'Andromaque, la Créole, l'Heureuse, la Chiffonne, la Renommée, la Flèche, la Curieuse, la Pallas, la Minerve, la Néréide, la Gloire, etc., construites à différentes époques, et qui fournirent des carrières brillantes dans nos Annales maritimes.
L'aviso l'Épervier, commandé d'abord par le capitaine Halgan, plus tard vice-amiral ; puis par le lieutenant de vaisseau Jérôme Bonaparte.
Enfin, les corsaires le Duc-de-Bourgogne, le Saint-Adrien, la corvette Actéon, le brick l'Oiseau, le Vautour, le Duguay-Trouin, le Barbier-de-Séville, l'Eugénie et la Nouvelle-Eugénie, le Voltigeur, le Chéri, etc, en un mot, toute une flotte d'intrépides corsaires, spécialement construits pour la Course sur nos chantiers, et dont nous aurons maintes fois l'occasion de raconter les prouesses.
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(1) Au cours de cette étude, tous les noms de navires nantais, construits ou armés à Nantes, ainsi que ceux commandés ou montés par des Nantais seront écrits en caractères gras, ceux qui luttèrent contre les navires nantais, furent amarinés par eux, ou, au contraire, les enlevèrent, seront indiqués en CAPITALES ; enfin, tous les autres navires que nous aurons à mentionner incidemment, français ou étrangers, seront désignés par des caractères italiques.
14:06 Publié dans Les chroniques portuaires | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 05 novembre 2008
embellie automnale
Dac'hlmat ventilé par la légère brise de suet, soleil à profusion, silence à peine troué par l'aboiement lointain d'un chien : bonheur d'une sieste philosophe en bouquinant Le Christianisme hédoniste d'Onfray, tome II de sa Contre-histoire de la philosophie .
J'avais achevé ma journée de lundi sur la prééminence du juste sur le vrai ; Onfray me fait découvrir, dans le capharnaum sectaire des Gnostiques qui suit l'effacement des Antiques et accompagne l'avènement du Christianisme, Épiphane qui, à peine âgé de dix-sept ans au commencement du IIe siècle de notre ère, écrit un traité De la Justice qu'Onfray qualifie de brûlot qui semble pouvoir être dit anarchiste tant il voue aux gémonies les dieux de papier, d'argent et de fumée célébrés par la plupart des vivants.
Un Père de l'Église, Clément d'Alexandrie, peu enclin à l'indulgence face aux Gnostiques, sauvera quelques-unes des idées du traité d'Épiphane, que Jacques Lacarrière nomme un "Rimbaud gnostique"*.
Me voilà renvoyé dans la douceur de l'après-midi à ma sentence de la veille au soir. Y a-t-il si grand écart entre Épiphane et ma "grande vieille" des Aurès, Germaine Tillion ?
Le Juste serait-il valeur moins pérenne que le Vrai ?
Nicléane est revenue de sa promenade dans les collines avec un plein cageot de pommes de Chailleux qu'elle a ramassées dans un pré laissé en friche.
Le soir, après avoir longé la côte de Piriac, nous sommes passés par Guérande, GwenRan, le Pays blanc. Des années, que nous n'étions pas entrés dans l'enceinte des remparts. La petite ville d'été des Ducs est devenue un clinquant lacis de rues à touristes en mal de celtitude. Seuls, les chocolatiers échapperaient à ma rogne.
* Les Gnostiques de Jacques Lacarrière. Je ne cite ce site (!!!) que pour la seule lecture de l'extrait concernant Épiphane.
19:14 Publié dans les lectures, les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 03 novembre 2008
le vrai et le juste
Cet apès-midi, je déroge à mon principe de n'acheter que chez mes libraires, je suis tombé, au Centre culturel du Leclerc de la route de Pornic, sur le tome II de la Contre-Histoire de la philosophie de Onfray, ...en poche évidemment. Trop onéreux en broché. J'avais enregistré en 2004 les six cours sur Montaigne. Précieusement. Le rendu écrit est ponctué de sous-titres rapportés au corps qui, déjà, me font salivé le "mens" : l'étrangeté à soi-même, une parole couchée, le corps aéré de la voix, avoir dans la bouche une langue morte, excréments, fagotage et fricassée, une pensée du fleuve, des baisers dans la moustache...
J'avais entendu, je vais lire.
Plus tard, j'ai glissé dans mon dossier Lectures de Toile, de Delaume, la belle guerrière, S'écrire, mode d'emploi et de FB, Exercice de la littérature. Mais n'ayant point encore de "liseuse", je suis astreint au déroulement vertical du volumen que m'impose le fomat PDF ; je ne suis guère à l'aise dans cette espèce de régression que m'imposent et la numérisation d'un texte et mon impécuniosité. Certaine me dirait : ou le bateau ou la littérature !
Avant le sommeil, je lis ceci sur un papier, glissé du sous-main :
Dire le vrai ne suffit pas, il faut dire le juste.De Germaine Tillion.
Demain, je fais un tour du côté de la Vilaine pour ensoleiller Dac'hlmat, mon bon voilier. Voilà pourquoi je n'ai pas encore de liseuse".
Une pensée du fleuve, quoi !
23:58 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (3)
dimanche, 02 novembre 2008
le cœur des arbres : dialogue
Dialogue entre Ruth Stégassy et Francis Hallé, botaniste, un samedi passé dans "Terre à terre"* :
— Si on creuse un arbre pour en trouver le cœur, le cœur de l'arbre c'est déjà lui. C'est déjà l'arbre qu'il était quand il était jeune.
— C'est admirable, ça, en effet.
— Un arbre garde en lui toutes le étapes de sa croissance ; donc, le cœur de l'arbre , c'est l'arbre le plus jeune qui est en même temps le plus ancien.
— L'arbre qui est à la fois le plus jeune et le plus vieux. L'artiste italien, Giuseppe Penone **, en retirant le vieil arbre, retrouve le jeune arbre avec ses branches au cœur du vieux tronc.
Je n'envie point l'immortalité des plantes et des arbres, telle qu'elle fut envisagée, précédant et suivant ce dialogue, un vrai dialogue pour un jour des Morts — tous ces cadavres passés et à venir, le vôtre et le mien entre autres, qui nourrissent et nourriront l'immensité végétale.
Cependant, je me satisferais bien de cette étonnante métaphore pour justifier de l'inévitable vieillissement allié à la jeunesse pérenne et du cœur et du mental.
* À propos de la parution de l'ouvrage collectif Aux origines des plantes, sous la direction de Francis Hallé, chez Fayard,
Tome 1 : Des plantes anciennes à la botanique du XXIe siécle
Tome 2 : Des plantes et des hommes.
Dommage que le prix....!
** Sur Penone, visiter le site du Centre Pompidou.
Post-scriptum :
Je m'étais avisé d'aller bidouiller dans ma feuille de style pour rétablir des couleurs qui s'affadissaient et des polices qui s'engraissaient.
Je me suis si bien "paumé" que le dérèglement fut général et que je n'ai pu retrouver le petit équilibre que Ya m'avait aidé à établir trois années durant.
Je souhaitais une meilleure lisibilité ; j'ai opté d'abord pour un fond "noir" estimé trop pompeux, je me retranche dans le gris. Mais ces barres verticales qui soulignent le retrait (ou rentrée ou renfoncement) dit "citation en exergue" mise en œuvre par le "blockquote" m'horripilent, je crains de retomber dans la pétaudière si j'efface des balises qui sont innocentes de ces vilaines barres verticales. Une barre, ça passe, deux, ça casse !
15:23 Publié dans les autres... arts | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 01 novembre 2008
temps de Toussaint
Vrai temps de Toussaint : vent de Nordet et battant les vitres, une pluie froide.
Temps de Toussaint ne réjouit point le marin
Un temps à mouiller l'ancre de Dac'hlmat dans l'anse d'Er Salus, mer plate et gréément hurleur, j'aime. Mais aujourd'hui ce sera temps à se calfeutrer dans la "librairie" avec de bons livres et des musiques — temps à écouter du Wagner et son Vaisseau Fantôme !
Temps des saints, temps des morts, de mes morts, de ma morte.
Me reviennent souvent en ces jours de novembre ce que j'ai appris — naguère ? jadis ? — lors d'un trop bref séjour chez les Dogons : par des rites funéraires, qui entraînent le mort hors du domaine terrestre, les Dogons vont rompre les dernières attaches du défunt avec sa vie passée ; de son état de "mort", il passe, par la rupture de ses outils d'homme, au statut d'ANCÊTRE vivant.
Ancêtre qui vient du latin "antecessor", celui qui précède, d'abord attesté, non comme lointain aïeul, mais comme terme commun au sens de « éclaireur ».
Les ancêtres comme des éclaireurs !
Les Dogons ne sont pas loin de nous proposer une amorce de réponse, incertaine certes comme toutes les réponses, qu’elles soient celle du croyant, avec la foi et l’espérance en un au-delà, plus juste, qu’elles soient celles de l'incroyant — ce que je suis devenu — dans le désespoir et la béatitude de l’épicurien ou du stoïcien, une réponse donc à l’au-delà de cette vie, à notre interrogation sur l'immortalité .
Ce que les Dogons nous disent, c’est cette exhortation fraternelle : « Et si c'était de notre ressort à nous, les encore vivants, de continuer nos morts bien au delà du simple et pieux souvenir ? D’entretenir à travers nos enfants et les enfants de nos enfants, la force vitale et les vertus qui animaient les actes du mort ! »
René Char rejoignait les Dogons écrivant ceci qui pour moi, dans la lumière de la mort des aimées et des vieux copains, prend encore davantage sens :
Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. Qu’en est-il alors ? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s’ouvre pour lui livrer passage. Le voici à notre hauteur, puis loin, devant.
11:56 Publié dans les diverses, Les graves, les marines | Lien permanent | Commentaires (0)