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jeudi, 06 novembre 2008

Les chantiers de construction navale — introduction à "Corsaires et Marins Nantais"


lettrine2001.jpgLES CHANTIERS DE CONSTRUCTIONS NAVALES


Dans la Description de la Ville de Nantes... par un des habitants de cette Ville imprimée en 1646, on peut lire cette phrase :

« ... Aussi sçavons-nous que de tous tems on y a bâti très grand nombre de vaisseaux, et les plus beaux de la France. »
Dès l'occupation Romaine, en effet, l'embouchure de la Loire possédait des chantiers de constructions navales ; et nous savons, par les Commentaires, que César donna l'ordre à son lieutenant Crassus d'y construire des galères, lui recommandant de choisir des formes fines et élancées, afin d'éviter plus sûrement les bancs de sable : Naves longuas œdificari in flumine Ligeri. II semble difficile, toutefois, de placer à Nantes ces chantiers de constructions, si l'on observe que les galères ordonnées par César étaient destinées à combattre la flotte des Venètes, et que les Namnètes étaient alors les alliés de cette vaillante peuplade. Aussi serait-il plus vraisemblable de les supposer sur une rive favorable aux Romains, par exemple à Ratiatium, déjà occupé par leurs cohortes.

Jusque vers la fin du XVIe siècle, les chantiers de constructions navales nantais furent situés au Port-au-Vin (place du Commerce). Transférés en 1583 sur le quai de l'Ile-Gloriette, ils se trouvaient en 1738 à l'embouchure de la Chézine, comme en témoigne l’Arrest du Conseil d'Etat du Roy en date du 18 juillet 1738, relatif à la construction des vaisseaux à la Chézine. Ces chantiers étant devenus insuffisants, les constructeurs en établirent un autre au pied des carrières de Miseri, et l'Apollon (1), le premier navire construit sur ces nouvelles cales, y fut lancé en 1745, Enfin, en 1780, les derniers chantiers de la Chézine furent transférés à la Piperie, en Chantenay. Notons également que, tant que Paimbœuf servit d'avant-port à Nantes, les constructeurs nantais y établirent des chantiers, et qu'un grand nombre de navires de guerre et de commerce y furent mis à l'eau. On pourrait en dire autant de Vertou et de Basse-Indre, où nos constructeurs possédaient également des cales et des chantiers.

Les navires construits à Nantes avaient une réputation justement méritée de vitesse et de bon marché. Une lettre de la Cour, adressée le 1er janvier 1786 à l'Administration de la Marine à Nantes, nous marque, en effet, que les navires construits dans cette ville coûtaient un tiers moins cher que ceux construits en Angleterre ; il est vrai, par contre, qu'ils ne duraient en moyenne que de douze à quinze ans, tandis que ceux de nos rivaux fournissaient une carrière d'à peu près vingt-et-un ans.

En 1793, le ministre Monge, auquel le commerce nantais s'était adressé pour demander qu'il soit construit à Nantes trente bâtiments de guerre, répondait, à la date du 22 février, qu'il pensait en effet :
« que pour augmenter nos forces navales, la rivière de Nantes offrait des avantages trop réels pour les négliger. J'ai donne ordre en conséquence, — ajoutait-il, — d'y construire des frégates et des corvettes, et il va être incessamment envoyé des plans sur lesquels on opérera. »

De fait, durant la Révolution et l'Empire, les chantiers nantais firent preuve d'une activité intense ; et, d'après un état nominatif de l'Administration de la Marine, nous constatons que de 1797 à 1846, les frères Crucy construisirent, à eux seuls, cinquante-sept bâtiments pour le compte de l'Etat, dont dix vaisseaux de 74; quatorze frégates; cinq corvettes ; deux flûtes et douze bricks ; et radoubèrent 382 bâtiments de toute espèce.

A l'avènement de Louis XVIII cependant, les chantiers de Nantes, en ce qui concerne la marine militaire du moins, avaient été supprimés ; « il semble inutile, — écrivait le ministre, — de conserver à Nantes un chantier de navires ». À ce moment, quatre bâtiments destinés à la marine militaire étaient en construction ; deux bricks : le Huron et le Silène, qui furent lancés peu après, et deux frégates : l'Armide et l'Astrée, qui furent démontées et transportées dans un port de guerre pour y être achevées.

Parmi les navires les plus célèbres sortis des chantiers nantais, nous signalerons rapidement :

Les deux grandes carraques de 1.000 tonneaux chacune, construites en 1496 par ordre de Charles VIII.

Le vaisseau la Nonpareille, construit sous François Ier, et appelle ainsi « pour sa démesurée grandeur ».

Les vaisseaux le Grand-Henry et le Grand-Carraquen, « les plus grands qu'on n'ait point vus en nostre Océan », construits sous Henri II.

L'Apollon, lancé en 1745 aux chantiers de Miséri.

Le navire La Rosière d'Artois, lancé en 1777 aux chantiers de la Chézine, en présence du Comte d'Artois, depuis roi de France sous le nom de Charles X.

La corvette la Jacobine, lancée à Basse-Indre en 1794.

La frégate la Loire, donnée à la République par le commerce nantais, et lancée en 1796.

La frégate la Méduse, mise à l'eau à Paimbœuf, en juin 1810, et dont tout le monde connaît la fin tragique.

Les frégates l'Aréthuse et le Rubis, lancées en 1812 ; l'Étoile et la Sultane, en 1813.

Le Fils-de-France, lancé en 1818, et dont le duc d'Angoulême, grand amiral de France, avait posé la quille l'année précédente.

L'Arche-d'Alliance, lancée en 1845.

La frégate blindée le Castelfidardo, construite en 1862 pour le compte du gouvernement italien.

Les frégates la Belle-Poule, l'Andromaque, la Créole, l'Heureuse, la Chiffonne, la Renommée, la Flèche, la Curieuse, la Pallas, la Minerve, la Néréide, la Gloire, etc., construites à différentes époques, et qui fournirent des carrières brillantes dans nos Annales maritimes.

L'aviso l'Épervier, commandé d'abord par le capitaine Halgan, plus tard vice-amiral ; puis par le lieutenant de vaisseau Jérôme Bonaparte.

Enfin, les corsaires le Duc-de-Bourgogne, le Saint-Adrien, la corvette Actéon, le brick l'Oiseau, le Vautour, le Duguay-Trouin, le Barbier-de-Séville, l'Eugénie et la Nouvelle-Eugénie, le Voltigeur, le Chéri, etc, en un mot, toute une flotte d'intrépides corsaires, spécialement construits pour la Course sur nos chantiers, et dont nous aurons maintes fois l'occasion de raconter les prouesses.

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(1) Au cours de cette étude, tous les noms de navires nantais, construits ou armés à Nantes, ainsi que ceux commandés ou montés par des Nantais seront écrits en caractères gras, ceux qui luttèrent contre les navires nantais, furent amarinés par eux, ou, au contraire, les enlevèrent, seront indiqués en CAPITALES ; enfin, tous les autres navires que nous aurons à mentionner incidemment, français ou étrangers, seront désignés par des caractères italiques.

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