samedi, 28 juillet 2012
lectures en mer et "petite poucette"
au port du Crouesty, à l'entrée du golfe du Morbihan, là, où sans doute, il y a plus de 2000 ans, les Vénètes et César se livrèrent une parmi les belles batailles navales de ce coin de mer*.
Toujours, dans la bibliothèque du bord, il y a à portée de langue un verset des Amers.
Guide-moi, plaisir, sur les chemins de toute mer; au frémissement de toute brise où s'alerte, l'instant comme l'oiseau vêtu de son vêtement d'ailes... Je vais, je vais un chemin d'ailes, où la tristesse elle-même n'est plus qu'aile...
Saint-John Perse, Amers
Mais il y a plus terrien. Comme L'art de vieillir de John Cowper Powys qui recommande, entre autres conseils de longévité, de traduire pour soi-même Homère et de se référer au dictionnaire grec, le Liddell-Scott, l'équivalent de notre Bailly, et plus souvent encore à la grammaire grecque :
cette "laisse de la marée, entre le rivage sablonneux et la mer infinie, éparpillée avec ses magiques trésors, coraux, étoiles de mer et toutes les coquilles de nacre possibles et imaginables... Et ces merveilles de la laisse de marée qui craquent ou se brisent sous des pas insouciants, qui gisent sur les strates des rivages de l'esprit des personnes âgées ne proviennent pas seulement d'événements extérieurs. Elles ont dérivé depuis ces mers paradisiaques que sont les livres".
Dac'hlmat a aussi embarqué un autre livre de terrien, d'un vrai "glaiseux" de Corrèze, le Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux, comme un contre-point aux "laisses de mer" d'Homère, de Perse et de Powys. J'en reparlerai.
Comme à bord, depuis une semaine, vit, manœuvre et barre quand elle ne dort point et que ses pouces ne s'agitent pas avec agilité sur les claviers, la seconde de mes "petites poucettes", j'ai glissé le mince mais fécond bouquin d'un qui fut jadis marin, de Michel Serres, Petite Poucette, au long mais explicite sous titre, le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer : une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître...
Bouquin qui m'a permis, tout vieux "geek" que je suis pourtant, de réaccorder mon mental à celui de mes deux "petites poucettes", Célia et Noémie.
Les sciences cognitives montrent que l'usage de la Toile, la lecture ou l'écriture au pouce des messages, la consultation de Wikipédia ou de Facebook n'excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l'usage du livre, de l'ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants. Ils n'ont plus la même tête.
Et ça n'empêche point de nous aimer !
Note-bene : la photo prise, hier matin, par Nicléane, dans le léger gris-bleu que nous accordait la Bretagne-Sud, est la Goué Vas Est, bouée rouge, latérale babord qui balise l'entrée du passage de la Teignouse quand nous venons du large.
* César, La guerre des Gaules, Livre III, 13 à 16. Sensible au trop grand effort exigé par le Grec, Cowper Powys déconseille la pratique du latin : « Le Latin s'arrogera bien entendu la deuxième place » même s'il estime que cette langue « ne saurait cependant jouer un dixième du rôle joué par le Grec losrqu'il s'agit d'apporter aux Occidentaux que nous sommes de l'eau au moulin de leurs sens et des leur esprit ».
12:02 Publié dans les lectures, les marines | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 20 juillet 2012
pour un départ
Le vent se lève. Hâte-toi. La voile bat au long du mât. L'honneur est dans les toiles; et l'impatience sur les eaux comme fièvre du sang. La brise mène au bleu du large ses couleuvres d'eau verte. Et le pilote lit sa route entre les grandes taches de nuit mauve, couleur de cerne et d'ecchymose.
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... Et la mer, de partout, nous vient à hauteur d'homme, pressant, haussant l'essaim serré des jeunes vagues, comme mille têtes d'épousées...
Saint-John Perse, Amers, IX, 6.
16:54 Publié dans les marines, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 14 juillet 2012
Le matin du 14 juillet
"Comme d'habitude",
"Et pendant ce temps-là".... Finkielkraut dans ses Répliques geint à propos de la Toile, des livres numériques et de ces écoles qui ont des micro-ordinateurs. Heureusement, son interlocuteur matinal, le "bonhomme" Chartier et ses adorables chuintements sur les labiales, quand il évoque les supports antiques, médiévaux, renaissants et actuels des écrits, quand il précise la Lecture et LES lectures, me met du baume au cœur !
10:39 Publié dans les civiques, les lectures, Les musiques | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 07 juillet 2012
Kurun au Croisic
C'était le 7 juillet 1952, il y a soixante ans, Le Kurun achevait son périple. Je me souviens de la première page de notre quotidien familial, la Résistance de l'Ouest : elle enchanta mon adolescence. Le Toumelin, un caractère de cochon, mais un fieffé marin !
Une parmi de bonnes raisons d'avoir un jour écarté le quai du pied ?
Et arpenter, à mon tour, ces traces qu'il ramenait dans ses flancs.
...Des terres neuves, par là-bas, dans le très haut parfum d'humus et de feuillages
Des terres neuves, par là-bas, sous l'allongement des ombres les plus vastes du monde...
Saint-John Perse
Vents, II, 1.
09:10 Publié dans les marines, les voyages, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (2)
lundi, 02 juillet 2012
« il lui suffira de couper le courant »
Je lis dans le bonheur "On achève bien d'imprimer", la chronique hebdomadaire d'Édouard Launet dans le LibéLivres du jeudi — le vendredi c'est le Monde des Livres — et ainsi depuis plus de trente ans, l'un et l'autre appréciés avec des plaisirs souvent et des fureurs parfois. Selon.
Mais Launet avec ses verdeurs, ses salacités, ses vitupérations, ses acidités et son ample érudition — deux titres parmi les derniers : comme un cochon, la branlette à Josette — n'oublie jamais qu'il se doit de traiter de littérature, d'édition, de langue. J'y perfectionne mon vocabulaire : par exemple "autoniépophilie" et "dystopie" que j'ai d'ailleurs estimé être une coquille, ma dyslexie me faisant lire "dystrophie".
Cette fois, dans l'autodafé du logis, évoquant Ray Bradbury qui, début juin, s'en est allé avec son Fahrenheit 451 sous le bras — ou dans son iPad ! — il évoque ces impasses de la Toile que sont Error 404 File not found et Error 403 Forbidden qui me sont désolation : où "ça" n'existe plus, ou "ça" m'est interdit.
Et Launet de pousser jusqu'au noir complet mon désespoir numérique qui ne serait plus le fait des pompiers pyromanes mais le geste d'un régime totalitaire. Cette phrase radicale, immense d'un possible néant écranique :
« il lui suffira de couper le courant ».
Certains diront, et j'en serai, : « Rallumons la bougie et reprenons nos bouquins. » Mais est-il besoin d'un dictateur imbécile ? Et si, à l'échelle du monde, survenait une tout banale panne d'électricité ?
Toujours la bougie, le coin de l'âtre dans la nuit, et, de jour, l'angle d'une fenêtre ensoleillée.
19:18 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)