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lundi, 30 avril 2012

suite aux listes précédentes

 

Et les listes électorales, alors ?

penseront de nombreux citoyens !

listes de Leiris

"Autofictions,etc.", cycle de conférences que donne ce printemps, Philippe Forest* à l'Université Permanente, relance mes intérêts... intermittents pour de vieilles lectures de Michel Leiris : L'âge d'homme et Le ruban au cou d'Olympia.

Et voilà que revient me titiller mon vieux démon pour l'amour des listes, ces litanies, ces catalogues, ces dénombrements, ces définitions, ces descriptions qui font de la seule énumération un écrit jamais anodin, mais situant dans le temps ou dans l'espace, mais classant ou même hiérachisant, mais mettant en problème, mais anarchique ou désordonné, valorisant ou destructeur, etc. Liste vertigineuse — selon Umberto Eco — même en sa brièveté.

Tirée du Ruban, voici une litanie amoureuse :

Mon amante,
mon amie,
ma mascotte,
mon totem,
mon talisman,
ma manne,
mon chanvre indien,
ma mie,
ma mère,
ma mare aux fées,
mon murmure,
ma musique,
ma mire,
ma vigie,
ma terre,
mon rubis,
mon ruban,
ma rebelle,
ma lumineuse,
mon éclaircie,
mon embellie,
ma ribambelle,
ma moitié,
mon unique,
mon immédiate,
ma millénaire!

p.44

 

Voici encore descriptions, teintées de pessimisme, du jeu d'échecs et du jeu de cartes :


Roi sans arroi,
reine sans arène,
tour trouée,
fou à lier,
cavalier seul.

p.83



Cœur aux deux anses jumelées, qu'on ne sait de quel côté prendre.
Carreau ni stable ni carré, debout sur l'une de ses pointes.
Trèfle sorti des mains d'un habile ferronnier.
Pique qui saigne noir.

p.124

Voilà une anthologie littéraire, rigoureuse en sa chronologie, avec accessoires, costumes et mobiliers, colorée d'un soupçon d'humeur critique :



Orphée et sa lyre.
Homère et sa canne blanche.
Dante et le chaperon qui le distingue de Virgile.
Ronsard au front lauré.
Cyrano et son nez légendaire.
Racine et sa perruque bouclée.
Buffon et ses manchettes de dentelle.
Voltaire dans son fauteuil Voltaire.
Mirabeau à la face grêlée.
Balzac et sa robe de chambre.
Gautier et son gilet rouge.
Mallarmé sous son plaid.
Rimbaud en costume de bagnard plus que de trafiquant.
Tolstoï en blouse de moujik.
Wilde aux lys bientôt changés en orties,
Jarry en culotte cycliste.
Max Jacob porteur de l'étoile jaune.
Roussel à bord de sa roulotte.
Apollinaire à la tête bandée.
Joyce et ses grosses lunettes.
Kafka coiffé d'un melon magrittien.

p.158

 

 

* Interventions de Philippe Forest, professeur de littérature comparée à l'Université de Nantes, chez les "vieux" de l'Université Permanente, au printemps 2012, sur le thème qu'il intitula : Autofictions, etc.

• La faute à Rousseau
• Fiction et vérité
• Quand l'auteur était mort
• Sur Michel Leiris ou "le taureau et l'ombre de sa corne
• Témoigner

La conférence sur "le taureau et l'ombre de sa corne" est audible  en cliquant ci-dessous :

Il est possible d'accéder aux conférences de l'Université permanente en cliquant sur le lien de son site. Forest, c'est le mardi !

lundi, 23 avril 2012

bonne pluie

 

une belle pluie lente et dense, c'est sans doute la seule bonne nouvelle "ensoleillée"du matin. Et pourtant le dicton annonce :

Quand il pleut à la Saint-Georges
sur cent cerises, on en récolte quatorze.

mardi, 17 avril 2012

écrasé par l'érudition et redressé par la Toile

J'ai longtemps été abasourdi, ahuri, baba, ébahi, ébaubi, éberlué, épaté, estomaqué, interloqué, médusé, pantois, sidéré par les accumulations érudites de Borgès.
Bon ! Quand il ne voyageait pas, il était bibliothécaire et avait accès à tout moment à toute œuvre. N'a-t-il pas écrit qu'il s'imaginait le Paradis sous l'espèce d'une Bibliothèque, l'Univers lui étant aussi bien le Livre.

Relisant, avant-hier Funès ou la mémoire, ma stupéfaction ne s'est point dégonflée ; assainie plutôt. Le narrateur de cette Fiction rencontre donc cet Irénée Funès au visage taciturne d'indien, singulièrement lointain derrière sa cigarette. Notre narrateur, qui souhaite étudier le Latin, a dans sa valise quatre bouquins — des livres anormaux, avouera-t-il — le De viris illustribus de Lhomond, le Thesaurus de Quicherat, les Commentaires de Jules César et un volume dépareillé de la Naturalis Historia de Pline. Il laissera ce dernier volume à Irénée et quelques jours plus tard, souhaitant récupérer son bouquin, il aura... mais je laisse la suite du texte au narrateur, ou plutôt à Borgès lui-même :

La mère de Funes me reçut dans le ranch bien entretenu. Elle me dit qu'Irénée était dans la pièce de fond, et de ne pas être surpris si je le trouvais dans l'obscurité, car Irénée passait habituellement les heures mortes sans allumer la bougie. Je traversai le patio dallé, le petit couloir, j'arrivai dans le deuxième patio. Il y avait une treille ; l'obscurité put me paraître totale. J'entendis soudain la voix haute et moqueuse d'Irénée. Cette voix parlait en latin ; cette voix (qui venait des ténèbres) articulait avec une traînante délectation un discours, une prière ou une incantation. Les syllabes romaines résonnèrent dans le patio de terre ; mon effroi les croyait indéchiffrables, interminables ; puis, dans l'extraordinaire dialogue de cette nuit, je sus qu'elles constituaient le premier paragraphe du vingt-quatrième chapitre du livre VII de la Naturalis Historia. Le sujet de ce chapitre est la mémoire ; les derniers mots furent : ut nihil non iisdem verbis redderetur auditum.

 

Eh oui ! naguère, j'en serais demeuré pantois. Comme bluffé.

Aujourd'hui, je puis accéder de ma modeste "librairie" en quelques clics de souris à Pline l'Ancien, à son Histoire Naturelle, au Livre VII, au chapitre XXIV. Et je puis même affirmer que les derniers mots de ce chapitre sont ceux-ci : Somno quoque serpente amputatur, ut inanis mens quaerat ubi sit loci.

Il suffit de cliquer sur ce chapitre XXIV ; latiniste ou non, Pline l'Ancien vient à vous.

 

Post-scriptum : Et pas seulement Pline l'Ancien, mais quasiment toute l'Antiquité Grecque et Latine. Je suppose que les Anglophiles, les Germanophiles, les Slavophiles, les Arabophiles, les Sinophiles, les....., les... peuvent s'ébattre dans de tels Paradis littéraires. La double interrogation demeurant toujours :

qu'est-ce que je cherche ? pourquoi je cherche ?

Deux sources : l'Itinera Bibliotheca de l'UC de Louvains et le site de l'Antiquité grecque et latine créé par Philippe Remacle. Cliquez, vous-dis-je !

dimanche, 15 avril 2012

le plus terrible de la mémoire

Cest de Borgès, dans Fictions qui enferme le récit de Funes ou la mémoire.

C'est Avant de Pontalis qui m'a fait réouvrir ces Fictions. Je demeure dans le froid venteux de ce dimanche avec deux phrases :

... de même Irénée percevait les crins embroussaillés d'un poulain, quelques têtes de bétail sur un coteau, le feu changeant et la cendre innombrable, les multiples visages d'un mort au cours d'une longue veillée.

Plus loin,

Il pensa qu'à l'heure de sa mort il n'aurait pas fini de classer tous ses souvenirs d'enfance.



lundi, 09 avril 2012

Pâques à Noël

Merdre ! Je serais donc né en 1903.

Du point de vue certainement amusant d'un historien médiéviste, Patrick Boucheron, dans son bouquin L'Entretemps qui est une des belles et bonnes recensions du dernier LibéLivres. Et cette variation dans l'écoulement des jours, des ans et des siècles par la décision d'un moine dit Denys le petit, au VIe siècle — mais tous comptes faits, est-ce bien le VIe siècle ?.

Et France Cul de nous resservir, ce matin avec sérieux, ce qui aurait pu permettre un autre regard sur la grande et les petites histoires.

Même si je m'égare dans les calculs des calendriers qui partent de la Ière Olympiade, du livre de la Genèse, de la Fondation de Rome, de l'Hégire, de la prise de la Bastille ou du jour premier de la Commune de Paris,— et je ne mentionne ni les Coptes, ni les Chinois, ni les Atzèques et autres Persans — et encore ne me faudrait-il point quêter les dates chez les Inuits, les Peuhls, les Hurons, les Mélanésiens, les Ashantis et leurs cousins, Agnis et Baoulés — je n'ai, en ce centième jour de l'an 2012, ni rajeuni, ni vieilli et m'en porte plutôt bien.

Sous les ponts de Nantes coule la Loire. En son estuaire, diurnes ou nocturnes, s'inversent et le flot et le jusant.

dimanche, 08 avril 2012

"Semana Santa" à Rota en Andalousie atlantique

Il y a dix ans. En baie de Cadix.

Dans l'obscur du vendredi au samedi. Comme une descente aux enfers.

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©Dac'hlmat

 

Dans la gloire du dimanche. La mort sera-t-elle vaincue ?

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©Nicléane

 

Pour l'équipage de Dac'hlmat, ce furent des jours ardents. Ensuite nous attendimes plus de quinze jours pour saluer Trafalgar et passer le Détroit de Gilbratar.

samedi, 07 avril 2012

Thoreau puis Fourier par Breton

Ce fut une semaine "sainte" riche en promesses de lectures à venir. Un LibéLivres qui publie quelques recensions sur quelques livres qu'il faudra bien dévorer un jour — la semaine précedente, il y eut double page à propos du poète russe Ossip Mandelstam à travers les enfers staliniens :

• d'un certain Edward Berenson,"Les Héros de l'Empire. Brazza, Marchand, Lyautey, Gordon et Stanley à la conquête de l'Afrique". Voici pour assouvir les rêves d'une enfance coloniale et missionnaire que je ne renie point.

• De Simon Leys, "Le studio de l'inutilité", qui me semble un vrai livre de vrai lecteur — Michaux, Conrad, Orwell et... Segalen. Voilà pour concrétiser allègrement les sécheresses, théoriques et quelque peu délayées, mais certes intéressantes de Marielle Macé et de ses "Façons de lire, manières d'être".

• De Henry David Thoreau, la parution du premier tome de son Journal — quinze sont annoncés. Je n'ai qu'une mince anthologie par Kenneth White ; j'en tire ceci :

 Que le flot de chaque jour laisse un dépôt sur mes pages, comme il laisse du sable et des coquillages sur le rivage. Autant de terre ferme de plus. Ceci pourrait être le calendrier des marées de l'âme; et, sur ces pages, comme sur une grève, que les vagues jettent leurs perles et leurs algues.

.............................................................................................................................................

Que notre vertu ne soit pas nettoyée, comme le faisaient les hommes il y a bien longtemps avec tout un apparat de lin propre, mais qu'elle reste en l'état, sans être lavée, comme une fleur fraîche. Qu'elle ne soit pas un vêtement du dimanche bien propre, mais plutôt une tenue de travail usagée.

Henry David Thoreau
Journal, 1840.

 

Et ce matin, sur France Cul, pour remonter en deçà de Jaurès, Proudhon, Marx, et — prendre ici quelque distance par rapport aux résonances historiques de nos émotions électorales, dixit J.N. Jeanneney — une heure autour du grand Charles Fourier, dans Concordance des temps.

Donc relire l'Ode à Fourier d'André Breton — certains citent bien Victor Hugo à tours de bras, fort sympathiques d'ailleurs — :

Je te salue...
Des plus lointaines ondes de l'écho
qu'éveille le pied frappant impérieusement
le sol pour sceller l'alliance avec les puissances qui font lever la graine

Fourier tranchant sur la grisaille des idées
et des aspirations d'aujourd'hui
ta lumière

Filtrant la soif de mieux-être et la maintenant
à l'abri de tout ce qui pourrait la rendre moins pure
quand bien même et c'est le cas je tiendrais pour avéré
que l'amélioration du sort humain ne s'opère
que très lentement par à coups au prix de revendications
terre à terre et de froids calculs
le vrai levier n'en demeure pas moins la croyance irraisonnée
à l'acheminement vers un futur édénique
et après tout c'est elle aussi le seul levain des générations
ta jeunesse


Bref ! une "semaine sainte" comme désormais je les aime.

mercredi, 04 avril 2012

en écho

Avec la citation du texte de René Char, publiée dans la note précédente du 2 avril :

 « l'éternel mouvement du rêve, lançant ses serpentins des profondeurs de la nuit passionnelle pour faire surgir d'entre leurs dessins notre improbable avenir ».

 Annie Le Brun
dans sa préface au Promontoire du songe
de Victor Hugo

lundi, 02 avril 2012

dénombrant "mes" îles

 Lisant Avant de J.B. Pontalis, ce chapitre intitulé Îles, lieux d'attachement et de détachement : « Me détacher sans me perdre », énonce son patient analysé. Je suis très loin de ces analyses.

Néanmoins,"mes" ÎLES !

Plus de soixante abordées, arpentées, entre îles de Loire de l'enfance et de l'adolescence, celles de Bretagne et de Biscaye, les Méditérranéennes, peu de Caribéennes et les Pacifiques lointaines.
Celles aperçues, entrevues, jamais foulées et encore rêvées.

À écrire.

 

Et pour me maintenir dans ces jours de remugle :

Dès lors que les routes de la mémoire se sont couvertes de la lèpre infaillible des monstres, je trouve refuge dans une innocence où l'homme qui rêve ne peut vieillir.

René Char,
Envoûtement à la Renardière,
Seuls demeurent, 1938-1944.