dimanche, 30 janvier 2011
addiction à Sollers ?
Dès qu'un Sollers paraît en poche, j'achète. Je poursuis donc l'emplissage de mon rayon "Sollers"*.
Et toujours je commence ma lecture du "dit" avec un mélange de réticence et d'allégresse. J'y guette les petites leçons de littérature de monsieur Sollers. J'y redoute les miroirs un peu trop narcissiques de monsieur Joyaux.
Les voyageurs du Temps ont failli m'entraîner du côté de Énard et de La perfection du tir. Mais non, nous n'allons point être embarqués dans la psychè d'un sniper fou.
Il s'agit, ici et sans doute, comme souvent quand Sollers débute ce qu'il annonce être un roman, d'un homme qui dit "je", qui appartient à un "Service" plus ou moins secret, qui dans les premières pages fait l'amour à une femme et dans les dernières à une autre femme, qui réside souvent, solitaire, à l'île de Ré et fréquente, accompagné, assidument les hôtels de Venise, les gratte-ciel de New-York, qui travaillerait parfois dans l'édition, qui pratique le soliloque où affleurent des vestiges catholiques romains et de multiples incises avec force citations sur Baudelaire, Lautréamont, Nietztche, Rimbaud, Céline. Cette fois, on y rencontre aussi Kafka, Bataille et Breton.
Mais toujours et surtout Rimbaud !
Dans les Voyageurs du Temps, le héros — Sollers ou son héros ? de l'autofiction à l'autobiographie fictionnelle, je ne sais jamais où il me perd ? — le héros donc est vieillissant, il fréquente un centre de tir et son "corps le freine"... Il y a aussi une "Bête" et ses "Parasites".
Ça déborde d'érudition : un vrai guide du Routard parisien. La rue du Bach, la rue Sébastien-Bottin, l'église Saint-Thomas d'Aquin, etc. Je ne savais que peu par exemple de Raspail et de son boulevard.
Mais Rimbaud encore.
Ça tient de l'incantation chez Sollers et ce n'est point pour me faire fuir — ( dans Studio, plus de soixante pages nommant le poète sur deux cents soixante et audacieusement le rapt pour un essai, du titre "Illuminations", mais sans article)**
Donc à la page 67, le "je" de Sollers entend des phrases et le lecteur, quand il arrive au milieu de la page " loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, loin des charniers indescriptibles" se surprend à murmurer : « Merde, mais c'est du Rimbaud, ça ! ».
Eh oui ! C'est bien du Rimbaud "sur ondes ultracourtes, une écoute numérique des Illuminations", lui suggérera le "je" de Sollers.
Alors le lecteur saute sur son vieux Pléiade, celui de 1954 et lit et relit Les Illuminations. Relit encore. Déchiffre le "cut-up" de Sollers et se promet de relever le défi : « Qui fera mieux le dira et ça se saura. »
Il est juste qu'une fin fastueuse répare les
âges d'indigence, et qu'un jour de victoire nous
fasse oublier la honte. Il est bon de marcher sur
le sable rose et orange qu'a lavé le ciel vineux .
Il est normal que survivent de féeriques aristocraties
ultra-rhénanes, japonaises, guaranies,
propres à recevoir la musique ancienne (XXVIII) . L'Europe
s'éveille a peine après le déluge, loin des
vieilles fanfares d'héroïsme, loin des meurtriers
sans nom, loin des vieilles retraites et des vieilles
flammes, loin de ses charniers indescriptibles,
comme si une voix féminine arrivait enfin au
fond des volcans et des grottes arctiques (XXIX).
Quant à cet hôtel, dont je ne dirai pas le nom, ses
fenêtres et ses terrasses sont pleines d'éclairages,
de boissons et de brises riches, ouvertes à l'esprit
des vovageurs et des nobles (XXX). Certes, il v a un
moment d'étuve, de mers enlevées et d'embrasements
souterrains, et la planète est emportée
dans des exterminations conséquentes,(XXXII) mais
cette catastrophe n'empêche pas les voyageurs
d'éprouver la nouveauté chimique et de trouver
en elle leur fortune personnelle. C'est un Vaisseau
où s'éclairent sans fin des stocks d'études.
Sur cette Arche, chassés par l'extase harmonique,
un couple de jeunesse s'isole, chante et se poste (XXXIII).
Les Voyageurs du Temps, p. 67.
Les chiffres romains renvoient aux Illuminations "cutées".
* Sollers en Folio, c'est enrichir son Musée personnel portatif dont parlait Malraux dans Le Musée imaginaire. Quel portrait de quel peintre illustrera Trésor d'amour — on y attend Stendhal —, le roman récemment paru quand il sera édité en poche? dans six mois, dans un an ? Choix du maquettiste ou de l'auteur ?
** Il renouvelle ce genre d'emprunt avec "la Divine Comédie". Mais ce n'est pas du plagiat, n'est-ce pas ! c'est un livre d'entretiens.
19:49 Publié dans les lectures, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 24 janvier 2011
ne pas célébrer, ne pas commémorer, mais...
... relire, lire, voir, écouter, visiter.
Le cinquantenaire de la mort de Cendrars, la polémique au sujet de Louis-Ferdinand Céline pour le centenaire de sa naissance m'ont entraîné à me redéployer un horizon pour 2011.
Et je me suis aidé de ces célébrations que préconisent, parfois, malencontreusement les Archives Nationales dont j'ignorais le site. Merci donc à monsieur Louis Ferdinand Auguste Destouches et à ceux qui sont contre cette célébration — ceux-ci ont de très bonnes raisons de s'insurger. Célèbre-t-on les salauds ?
Centenaires, cinquantenaires, ou de naissance, ou de mort ! Livres à réouvrir, musiques à écouter, films à revoir : le tout à commenter
En 1661, Marie-Angélique de Sainte-Madeleine, dite Mère Angélique Arnauld, abbesse cistercienne de Port-Royal des Champs, admirée non pour son dieu, mais pour sa force de résistance aux pouvoirs, meurt le 6 août. Célébrée par Montherlant dans Port-Royal, note de théâtre II (1954).
En 1711, Clipperton, îlot désertique par 10°18 Nord et 109°13'01 Ouest est découvert le 4 avril, par Michel Dubocage, corsaire normand.
En 1811, Louis Antoine de Bougainville meurt le 31 août. Il appareilla de Nantes, le 5 novembre 1766 pour son Voyage autour du monde à bord de la frégate La Boudeuse. Un certain Denis Diderot commentera la relation de ce voyage, dans un Supplément au voyage de Bougainville, étant l'un des premiers à donner mauvaise conscience à l'Occident dans ses rapports avec le reste du Monde.
La même année, naît, le 22 octobre, Franzt Liszt. Dans une semaine, à l'occasion de la Folle journée de Nantes, je vais replonger avce délices dans ses Années de Pélerinage.
En 1861, le 18 janvier, naît Saint-Pol Roux qui s'exila sur les landes de Camaret, battues par les vents pour y bâtir le manoir de Cœcilian et y écrire les Reposoirs et les Fééries intérieures.
La même année, naît le 8 décembre, un drôle de loustic, Georges Méliès, qui chaussa les bottes des frères Lumière et nous proposa Un voyage dans la Lune.
Le même jour, la même année — décidément, un grand crû ! — naissance de Aristide Maillol, l'homme qui donne aux femmes, belles hanches, petits seins, belles cuisses et beaux culs.
Un saut de cinquante ans, en 1911, Patrice de la Tour du Pin naît le 16 mars. Je suis désormais très éloigné de ses horizons catholiques. Mais je garderai précieusement ses Enfants de Septembre.
En 1961, il y a cinquante ans, c'est une rubrique nécrologique :
Le 21 janvier, Cendrars. Il est Au cœur du Monde de cette année-là. Je n'en écrirai pas davantage dans cette note ; il bourlinguera dans le blogue tout au long de l'an.
Le 30 mars 1961, Armand Robin, fils de paysans bretons, poète qui, sachant je ne sais combien de langues, écouta le Monde. En mourut peut-être. Sa vie sans lui, il l'écrit dans Ma vie sans moi.
Le 25 juin, une belle parenthèse cinématographique, L'année dernière à Marienbad d'Alain Resnais et ...Alain Robbe-Grillet. Après Les quatre cents coups et À bout de souffle, le cinéma ne sera plus tout à fait comme avant.
Le 1er juillet, Louis Ferdinand Céline, abject sans doute, mais quelle langue ! Le Voyage au bout de la nuit n'est pas "interdit", que je sache ? Ni Mort à crédit.
Le lendemain, 2 juillet, Ernest Hemingway quitte sa machine à écrire et s'éclate la tête dans les étoiles. Ce matin-là, le soleil se lève aussi. Sur la table de chevet sont empilés L'adieu aux armes, Mort dans l'apès-midi, En avoir ou pas, Le vieil homme et la Mer.
En toute fin de cette année 61, quand se prolonge pour une sixième année encore la guerre d'Algérie, celui qui a écrit L'an V de la Révolution Algérienne, Frantz Fanon, "psychiâtre en Algérie et anticolonialiste partout", meurt le le 6 décembre. Il souhaitait recommencer une histoire de l'homme, il écrit Les Damnés de la Terre.
En juin 1961, je suis libéré de mes obligations militaires. J'essaie modestement dans l'ombre de Franzt Fanon de "recommencer une histoire de l'homme".
18:56 Publié dans Cendrars en bourlingue, les marines, Les musiques, Parfois un film, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 15 janvier 2011
« Les Modernes, et après ? »
Voilà belle manière de décentrer — ou peut-être bien recentrer — la question des PostModernes.
C'est ce qu'en janvier, offre Philippe Forest* en trois interventions aux vieux Nantais qui fréquentent l'Université permanente.
Il ouvre avec La Bruyère, au début des Caractères (1688):
« Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent... L'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes »,
poursuit dialectiquement avec Isidore Ducasse à la fin de ses Poésies (1870):
« Rien n'est dit. L'on vient trop tôt depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes... Nous avons l'avantage de travailler après les anciens, les habiles d'entre les modernes.
Il prolonge avec Jacottet et Aragon qui relancent Ducasse.
Je pense qu'il ne tient pas à résoudre le problème à l'usage des manuels de littérature à venir et je m'autoriserai à dégager mes horizons de lecteur quelque peu embrumés par "anti" et "post".
Baudelaire resurgit :
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Et ça me va bien, que ce soit dans le lire, que ce soit dans l'écrire : osciller de l'enthousiasme à la nostagie. Cendrars n'est pas loin.
* L'homme d'un Philippe Sollers au Seuil, de L'enfant éternel, et dernièrement du Siècle des nuages, chez Gallimard.
Post-scriptum : Hautetfort, plateforme qui héberge ce blogue, offre la possibilité de publier des textes sur un autre mode que les notes : ce sont les "Pages" ; elles se trouvent dans la colonne des rubriques, à droite de cette note et peuvent être aussi occasions de commentaires..
18:57 Publié dans les lectures, Sollers d'autres fois | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 08 janvier 2011
toujours en 2011 à minuit saluer Cendrars
Depuis le solstice, à minuit, Orion dans le sud, encore au méridien.
C'est mon étoile
Elle a la forme d'une main
C'est ma main montée au ciel
Durant toute la guerre je voyais Orion par un créneau
Quand les Zeppelins venaient bombarder Paris ils venaient toujours d'Orion
Aujourd'hui je l'ai au-dessus de ma tête
Le grand mât perce la paume de cette main qui doit souffrir
Comme ma main coupée me fait souffrir percée qu'elle est par un dard continue !
Orion
Feuilles de route
Le 21 janvier 1961, enfin il laisse aller !
2011 sera-t-elle l'année de Cendrars ?
Ant(e)Modernes*, PostModernes et autres de tous crins, poètes, romanciers, autobiographes, essayistes, blogueurs, ne l'oublions point.
N'a-t-il pas ouvert les voies !
*AntEModernes ou AntIModernes : j'ai préférence pour le premier terme, moins agressif, à l'image de certains littérateurs que l'on — mais qui "on" ? — classe avant ou contre les Modernes.
Post-scriptum : À propos, qui sont les Modernes ?
16:17 Publié dans Cendrars en bourlingue, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)