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samedi, 30 janvier 2010

entre nocturne et sône **

J'aurais voulu célébrer la tombée d'une chevelure qui voile un visage de femme au dernier accord du septième Nocturne, le halètement d'une madone des steppes quand ses longues mèches enroulent leur noirceur dans les chevilles et la volute de son violoncelle.

Et son profil aigu se retourne à demi vers le visage de la pianiste pour clore le largo de la sonate en sol mineur de Chopin*.

 

La Beauté s'écoutait ainsi, hier matin, dans la seizième des Folles Journées.

 

Mais cet après-midi, la gueule ravagée d'un ange a éclaboussé les écrans : Xavier Grall, ses cinq filles et sa femme, l'homme des contre-chants, aux bronches lourdes de crachins, le nostalgique des oliviers, des argiles berbères, le célébrant des errances marines et des laminaires échouées.

L'une des cinq, Catherine, me fut compagne de labeur au service des lectures ouvrières. Elle m'offrit de son père, à mon départ, Cantique à Mélilla.

Ce soir, j'ouvre le Rituel breton à l'audacieuse dédicace :

 

"Pour Ulysse, s'il revient en Armorique"

 

 

...j'ai pleuré sur la splendeur
des mers sarrazines désertées.
Et j'ai rêvé de toi, gardienne
de l'extrême Ouest.
Ah quand allierai-je à tes noroîts
le miel des aurores africaines ?
Ah quand allierai-je la vigueur de tes chênes
à la sensualité des figuiers ?

Et ceci sera mon testament
à mes parents je lègue
ce rituel résidence de ma poésie
et ceci sera mon testament
à mes parents je lègue ma souvenance
des navires trépassés
qui s'en venaient comme des filles
d'Islande ou de Mauritanie

Et ceci sera mon testament
à mes Berbères je lègue
les oiseaux des Glénan
et le sourire de Concarneau
à mes Berbères je lègue
l'allégresse des fontaines
et les printemps du pays Gallo

Et ceci sera mon testament
à mes amis je lègue
l'alliance de l'Ouest et du Sud
le mariage des dolmens
et des mosquées
et les fiançailles des roses
d'avec les oliviers.

 

 

* Nocturne en ut dièze mineur par Claire Désert, sonate pour violoncelle et piano en sol mineur par Jingh Zhao et Claire Désert.

** Quant à la "sône" : une balade ? Une complainte ?

mardi, 26 janvier 2010

l'amour en liste

Je viens de quasiment achevé Vertige de la liste, le bouquin de Umberto Eco que m'a offert, pour l'an 2010, FV.

 

Je suis assez fier d'avoir publié, tirée de Augustin d'Hippone et non citée, la liste des hérésiarques qu'il combattait. Certes, nous en avions quelques-unes en partage: L'union libre de Breton, le Cortège de Prévert et la plus vertigineuse, celle  des animaux de Borges.

 

Pensant au cinquantenaire de Camus et écrivant qu'en octobre, il ne faudra point oublier Giono, ma fringale de commémorer m'a porté jusqu'en 2011, me souvenant que le 21 janvier 1961, mourait un homme qui a bouleversé et mon sentiment amoureux et ma conception de la littérature ; j'étais dans ma sale petite guerre et dans un jeûn affectif radical ; entre deux opérations, un "chouf" et un "ratissage", j'avais tapé — j'y mis  sur mon Olympia quelques heures avec deux doigts, scanner et OCR étant encore inconnus — quatre pages serrées de Moravagine. Et le texte commence par une sacrée énumération des avatars amoureux.

Liste poétique ? chaotique ? Selon la classifcation de Éco, j'opterais pour une liste pratique à l'usage des grands souffrants souhaitant se diagnostiquer leur mal d'amour:


L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes, cet état d'angoisse des amants, cet état d'attente, cette souffrance latente, sous-entendue, à peine exprimée, ces mille inquiétudes au sujet de l'absence de l'être aimé, cette fuite du temps, ces susceptibilités, ces sautes d'humeur, ces rêvasseries, ces enfantillages, cette torture morale où la vanité et l'amour-propre sont en jeu, l'honneur, l'éducation, la pudeur, ces hauts et ces bas du tonus nerveux, ces écarts de l'imagination, ce fétichisme, cette précision cruelle des sens qui fouaillent et qui fouillent, cette chute, cette prostration, cette abdication, cet avilissement, cette perte et cette reprise perpétuelle de la personnalité, ces bégaiements, ces mots, ces phrases, cet emploi du diminutif, cette familiarité, ces hésitations dans les attouchements, ce tremblement épileptique, ces rechutes successives et multipliées, cette passion de plus en plus troublée, orageuse et dont les ravages vont progressant, jusqu'à la complète inhibition, la complète annihilation de l'âme, jusqu'à l'atonie des sens, jusqu'à l'épuisement de la moelle, au vide du cerveau, jusqu'à la sécheresse du cœur, ce besoin d'anéantissement, de destruction, de mutilation, ce besoin d'effusion, d'adoration, de mysticisme, cet inassouvissement qui a recours à l'hyperirritabilité des muqueuses, aux errances du goût, aux désordres vaso-moteurs ou périphériques et qui fait appel à la jalousie et à la vengeance, aux crimes, aux mensonges, aux trahisons, cette idolâtrie, cette mélancolie incurable, cette apathie, cette profonde misère morale, ce doute définitif et navrant, ce désespoir, tous ces stigmates ne sont-ils point les symptômes mêmes de l'amour d'après lesquels on peut diagnostiquer, puis tracer d'une main sûre le tableau clinique du masochisme ?

 

Blaise Cendrars
Moravagine, p.61
Le Livre de Poche, n° 275, Paris, 1960

 

C'est le premier paragraphe ; quatre autres suivent, du même tonneau.

Je pense être, à l'époque, sorti de cette lecture récuré, rincé, allègé, bien décidé à tomber plus que jamais amoureux.

Ce qui peut paraître un oxymore !

lundi, 25 janvier 2010

Haïti, presque comme un silence

Quinze jours de fracas, les paroles, les images, les appels, l'argent, la plainte, les enfants, les adoptants...

 

Est-ce bien dans tout ce fatras que se situe le sentiment humain d'être proche de la femme désincarcérée des tôles de sa cabane, du jeune qui, onze jours, a survécu à coup de cocacola, celles et ceux qui ont cesser de respirer ces dernières heures, sous des tonnes de fatras  ? — À sept ans, remontant la rue du Calvaire qui n'est plus qu'un amas de décombres après le bombardement du 23 septembre 1943, j'entends les hurlements assourdis. Huit jours plus tard, les décombres toujours et le silence — .

 

L'adoption, les adoptants ? M'inquiètent cette propension à adopter, cette aisance dans l'abandon ?

Gens d'Haïti, que faites-vous ?

 

Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
dans les entrailles de ma race dans
le gisement musculaire
de
l'homme noir.
Voilà de nombreux siècles
que dure l'extraction
des merveilles
de cette race,
Oh couches métalliques de mon peuple
mînerai inépuisable de rosée humaine
combien de pirates ont exploré de leurs armes
les profondeurs obscures de ta chair
combien de flibustiers se sont frayés leur chemin
à travers la riche végétation de
clartés de ton corps
jonchant tes années de tiges mortes
et de flaques de larmes

Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
comme une terre
en labours
peuple défriché pour l'enrichîssement des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
nul n'osera plus couler des canons
et des pièces d'or dans le noir métal de ta colère en crues !



René Depestre
Minerai noir
Anthologie de la Belle Jeunesse

 

Oui, Haïti, presque comme un silence ! Ou un long cri ?

samedi, 23 janvier 2010

après Camus, Gainsbarre

Et pourquoi pas !

Les commémorations ont du bon. Les nostalgies s'épanouissent.

De nouveaux regards, de nouvelles oreilles nous ouvrent à des écoutes et des lectures qui nous élargissent.

On parle peu des films de Gainsbourg. Je tiens Équateur pour l'égal du Coup de torchon de Tavernier, et Je t'aime moi non plus pour

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une approche certes "hard", mais si rare de l'androgynie !

 

Que la machine à commémorer n'oublie point en octobre Giono ?

jeudi, 21 janvier 2010

ce jour où nos ancêtres ont guillotiné un roi

...et deux mois après, soit ils le regrettent, soit ils en ont déjà marre des "bourgeois" et vont se mettre en route pour en massacrer quelques-uns, façon de  signifier à ceux qu'ils épargnent leur désaccord devant l'accaparement des terres soustraites à leurs anciens maîtres, les comtes, marquis et autres ducs.

 

Ce matin, non, je n'ai point assisté en la Cathédrale, à la messe célébrée en l'honneur du ci-devant Louis Capet, messe suivie d'un dépôt de gerbe à la colonne Louis XVI toute proche. C'est ainsi chaque année.

Enfin ! depuis que les ducs, marquis et autres comtes, accueillis par leurs valets, sont revenus quelques décades plus tard !

 

Je suis allé à la Médiathèque Jacques Demy lire quelques traces de ces méchants potaches d'En avant mauvaise troupe, qui avaient noms Vaché, Hublet, Sarment, suivis de plus jeunes qui emboitèrent le pas de Breton, entre autres Péret, Cahun, Baron, Viot.

J'ai noté du dernier nommé :

 

Il y a des magiciens chez nous comme il y a des poètes, et parmi les savants, certains qui ne savent rien.

 

Mes ancêtres ne m'ont point laissé Dieu et le Roi en héritage.

Je leur en sais gré.

 

 

 

 

 

samedi, 16 janvier 2010

mince matériau

 

Plus d'une semaine de silence alors même qu'il n'y avait aucune raison, et que le matériau pouvait s'avérer fructueux.

Négligence ? Flemme ?

Ou, ce qui serait plus optimiste, cette décision de remettre sur le métier — l'écran, désormais — "algériennes" et ses chroniques pour parvenir à son achèvement en cette année.

Tâche qui va accaparer γραφεὐς τις, cet  écrivant quelconque.

 

Quand même ! Il me faut citer ce qui pourrait être la conclusion de la semaine— la semaine seulement — Camus ;  il me faut évoquer la mort de Éric Rohmer qui m'est un cinéaste très cher, — à Noémie et Célia aussi ce qui n'a cesse d'heureusement m'étonner — et cité doublement Euripide pour une ou deux touches d'un féminisme certain.

 

Camus donc, par la voix de Jean-Baptiste Clamence, le non-héros de La Chute dans le long penser d'une nécessaire débauche :

 

Le jour venait doucement éclairer ce désastre et je m'élevais, immobile, dans un matin de gloire.


Tristes sont les saints et les purs de persister à repousser le désastre !


Rohmer ensuite, loin des débauches clamenciennes, et son inimitable écriture "blanche" cinématographique  qui pourrait glisser vers le plus sirupeux des pires séries "télé", mais pourtant s'étend à longueur de films dans une si légère — et dense à la fois — perversité :

Allez donc vous promener sur le sentier côtier en cliquant ici du côté du cap Fréhel.

 

Euripide enfin, qui par la voix de Mélanippe la philosophe, affirme :

 

Εγὠ γυνἠ μεν ειμι νοῢς δ' ένστι μοι

Certes moi, je ne suis qu'une femme, mais l'entendement est mien.


 

assertion qu'il reprend dans Les Suppliantes, que civiquement nous traduisons ces jours dans notre atelier de Grec ancien, quand Thésée s'adresse à Æthra, sa mère :

 

ὡς πολλά γ´ἐστὶ κἀπὸ θηλειῶν σοφά.

Souvent la sagesse a parlé par la voix d'une femme.


 

De quoi meubler le blogue lors de la semaine écoulée.

Mais...

 

Post-scriptum :


Camus, Rohmer, Euripide ? Débauche, perversité, sagesse ?

Oserais-je écrire : cherchez la femme.

Mais n'est-ce pas aussi cette quête même dans "algériennes".

Décidément le matériau n'était point si mince.

 


 

jeudi, 07 janvier 2010

"camusien", eh, oui !

Sans doute, est-il plus facile d'être "camusien" dans les brumes actuelles. Quoique tout ce tintamare peut conduire à la saturation !

 

Camus moraliste, Camus philosophe, Camus journaliste, Camus théâtreux, Camus romancier, Camus amant et cœtera.

 

Me souviens des ricanements, sourires en coin quand en 1970, nous avions, avec quelques-uns de mes bibliothécaires animateurs en formation, organisé des coins de lecture, aux quatre... coins d'une... caserne charentaise.

Me souviens de la voix de Taos Amrouche qui soutenait les lectures et éclairait des panneaux architecturés en masses blanches et noires, une espèce de plasticité austère que nous avions tirée de notre lecture de L'Étranger que nous avions aussi "mis en procès".

 

J'ai au moins en commun avec cet homme qui me fut une lanterne loin devant dans la fin des années cinquante, d'avoir été dans l'adolescence footballeur et gardien de but.

 

« Nous sommes quelques-uns qui ne voulons faire silence sur rien.»

réponse de Camus à Gabriel Marcel, à propos de l'État de siège.

 

Char est si proche !


vendredi, 01 janvier 2010

faut-il vous le souhaiter ? au moins en rêver !

astrolabe - copie.jpg

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