mardi, 28 avril 2015
« ...n'étant de nul accrédités...»
Ce soir-là, je l'ai croisé dans l'ouvert de l'estuaire de Vilaine. Il allait toutes voiles offertes, vent arrière, cap sur la nuit.
©Nicléane
Dac'hlmat achevait sa première navigation de printemps. Nous rentrions à terre. J'étais paisible, mais las. Je l'enviais, ce partant. Mais,
De nul office n'avons-nous charge, n'étant de nul
accrédités — ni princes ni légats d'Empire,
à bout de péninsules, pour assister en mer l'Astre royal
à son coucher ; mais seuls et libres, sans caution ni gage,
et n'ayant part au témoignage... Une trirème d'or navigue,
chaque soir, vers cette fosse de splendeur où l'on verse à l'oubli
tout le bris de l'histoire et la vaisselle peinte des âges morts.
Les dieux vont nus à leur ouvrage.
La mer aux torches innombrables lève pour nous splendeur nouvelle,
comme de l'écaillé de poisson noir.
Saint-John Perse
Strophe, IX
Étroits sont les vaisseaux, VI
18:57 Publié dans les marines, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 19 avril 2015
un Homme des livres : François Maspéro II
« Chaque ménagère doit apprendre à diriger l'État »
Lénine
C'est l'exergue que place Fadéla M'rabet en tête de son dernier chapitre la femme algérienne. C'est mon deuxième bouquin de "chez Maspéro".
Avril 1965. Le ciel s'obscurcit déjà. Les résolutions du Congrès de Tripoli (juin 1962) sur l'avenir des femmes algériennes demeurent dans l'ombre.L'auteure journaliste et animatrice d'un magazine féminin à Radio Alger s'appuie sur les témoignages qu'elle recueille, dresse un tableau de la situation des femmes en 1965, affirme leurs souhaits, décrit les perspectives qu'il faudrait, enfin, envisager.
Sans complaisance, sans acrimonie, avec lucidité :« L'Algérienne est à inventer. »
Rabéa s'en est allée par delà les horizons de la Terre. Nous avions quitté le climat trop dur de Biskra pour la douceur marine d'Annaba. Je suis atrocement seul dans mes nuits algériennes.
Mais les jours sont habités par la douceur et l'amitié tendre de quelques-unes. Avec Zohra, Mériem, Nadja, nous relançons la bibliothèque de l'ancienne Maison des Jeunes et de la Culture saccagée en 61 par l'OAS ; c'était la seule d'Annaba avant l'implantation du Centre culturel français. À l'aide du Cours élémentaire de formation professionnelle édité par l'Association des Bibliothécaires Français, nous nous autoformons.
C'est le compagnonnage de ces jeunes femmes qui va enrichir l'inclination féministe que les longues et amoureuses confrontations nocturnes avaient fait sourdre dans la touffeur des nuits éburnéennes, puis dans la séche aridité des Aurès.
Le Harem et les cousins doit être en cours d'écriture et le Deuxième Sexe encore d'une lecture inconcevable.
Le 13 mai 1968 — quelle date et quelle année ! — l'Algérie est quittée et dans le tohu bohu fécond des années post-soixante-huitardes, Maspéro va beaucoup éditer.
En 1970, paraît le numéro 54-55 de PARTISANS, Libération des Femmes annnée zéro. Extrait de l'introduction à la première édition :
Nous avons pris conscience qu'à l'exemple de tous les groupes opprimés, c'était à nous de prendre en charge notre propre libération. En effet, si désintéressés soient-ils, les hommes ne sont pas directement concernés et retirent objectivement des avantages de leur situation d'oppresseurs. Seule l'opprimée peut analyser et théoriser son oppression et par conséquent choisir les moyens de la lutte.
La lecure de ce gant de crin est rude.
Mais s'affirme un ancrage — est-il achevé, quarante-cinq ans plus tard ? — dans certains comportements féminisés.
Le lecteur est déjà engagé aux côtés des Femmes, dans le Planning Familial où militent — quels que soient les avantages de leur situation d'oppresseurs (!) — un nombre certain de "mecs".
Deuxième merci à l'Éditeur.
19:55 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 16 avril 2015
un Homme des livres : François Maspéro I
Je ne sais si l'autobiographie du lecteur qui n'est qu'une liasse d'une quinzaine de feuillets sera un jour un écrit ; ces notes du blogue jetées en vrac sur la Toile sont sans doute les traces toujours vives de cette nécessité du lire.
La mort de François Maspéro provoque un retour sur cette charnière de vie qui est la libération des obligations militaires - et quelles obligations : trente mois de guerre - et le retour au métier sur les lieux mêmes de cette guerre, l'Algérie.
Ce seront avant le cessez-le-feu du 19 mars 62, La Révolution Algérienne par les textes d'André Mandouze, emprunté dans la bibliothèque de Jobic ou de Christian, et puis passé l'enthousiasme de l'indépendance, quasi à sa parution, en novembre, le 7 exactement, acheté à cette si précieuse petite librairie de la place Ben M'hidi, anciennement place Béchut, Les damnés de la Terre de Frantz Fanon. La lecture de Fanon achèvera le grand lessivage inauguré dans les entretiens parfois vifs avec mes deux amis et la relation amoureuse avec Rabéa. Je découvrais alors la pensée politique des Français dits “libéraux” qui accompagnaient la lutte de libération. Se soulevait tout un univers inconnu de pensées, de points de vue, d’actes, se découvrait toute ma méconnaissance du mouvement de libération algérien. Je m’étonnais, m’irritais, défendais la victoire militaire française ; la rencontre dans le maquis des Aurès avait poursuivi le rinçage et l'essorage. L'enthousiasme de l'indépendance ouvrait l'horizon et, de Fanon, je prenais ma première leçon politique :
Nous ne voulons rattraper personne. Mais nous voulons marcher tout le temps, la nuit et le jour, en compagnie de l'homme, de tous les hommes... Il s'agit pour le Tiers-Monde de recommencer une histoire de l'homme...
J'y étais. Il aura fallu sept ans au jeune occidental qui, en octobre 55, s'en allait en rêvant enseigner les "petits noirs", pour accéder à ce nouveau monde. Curieusement, ce n'était pas la préface de Sartre — elle me laissait dubitatif — ce furent les quelques citations des poètes que je fréquentais depuis la fin de mon adolescence qui m'ancraient dans la pensée nouvelle : René Depestre, Aimé Césaire et... René Char. La lecture littéraire comme soubassement de la lecture politique et de l'action à engager.
Le poème émerge d'une imposition subjective et d'un choix objectif.
Le poème est une assemblée en mouvement de valeurs originales déterminantes en relations contemporaines avec quelqu'un que cette circonstance fait premier.
René Char
Partage formel
Premier merci à l'Éditeur.
15:29 Publié dans les lectures | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 04 avril 2015
Lisant Michel Zinc
Et si les "road movies" de notre temps n'étaient que les chevaliers errants de jadis ?
Le chevalier Calogrenant se prenant par exemple pour un Pierrot le Fou, et JeanLuc Godard pour un Chrétien de Troyes ?
Il avint, près a de VI ans,
Que je, seus comme païsan
Aloie qu'érant aventures
Armé de toutes armeüres
Si come chevaliers doit estre
Et trouvai un chemin à destre
Par mi une forest espesse
C'est la forêt de Paimpont de mon enfance. C'est encore l'aventure.
Ou une nouvelle Odyssée...
À propos comment dirait-on pour une "road movie" océane ?
17:32 Publié dans Parfois un film | Lien permanent | Commentaires (0)