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samedi, 22 juin 2013

retour de mer

 

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« J'avais, j'avais ce goût de vivre sans douceur, et voici que les Pluies... » (La vie monte aux orages sur l'aile du refus.)

Saint-John Perse
Pluies, VI 

dimanche, 16 juin 2013

sur un voilier "silencieux"

Les minces caprices météorologiques nous font prolonger les escales, favorisent le silence et la lecture. Ce n'est point métaphore mais j'ai "embarqué" La barque silencieuse de Pascal Quignard.

Entre le chapitre XXXI, "La liberté" — eleutheria — et le XXXIII, "L'autarkès", au XXXII, Quignard, comme souvent dans ses passions étymologiques, propose "une définition du mot élargissement" :

Qu'est-ce qu'une autre vie sinon une autre intrigue  linguistique ?
Le large existe.
.........................................................................

Le large a inventé une place partout sur cette terre. Ce sont les livres. La lecture est ce qui élargit.

 

J'élargis au sens marin le "large". Dac'hlmat est un voilier silencieux qui prend souvent le large.

 

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lundi, 10 juin 2013

matin d'estuaire

 

Au petit matin, lever du jour d'un gris dense très doux.
Nous avons passé l'écluse, hier au soir.
Le ponton d'attente, en aval, était quasi désert.

La brume épaisse. On distingue à peine les deux premières bouées vertes de Brouel dans le premier méandre après le barrage.

Une heure de jusant, seules quelques traces d'écume sur la surface grise du fleuve indiquent la puissance du courant.
 Nous larguons. Moteur au ralenti, nous glissons pour ne pas troubler le silence de cette beauté grise qui confond le fleuve et le ciel.

À peine arrondie la n°1 de Brouel, deux couples de Tadornes de Belon prennent leur envol.
Avant même d'atteindre le second méandre à un demi-mille, un héron cendré qui sort des roseaux, des sternes qui plongent, un vol de Cols-verts, et passée la bouée rouge de Kerdavid, sur notre arrière, deux cygnes, taches blanches et sonores qui tracent parallèle vivante à effleurer le fleuve.

L'estuaire, ce matin, est une grande volière sauvage qui s'éveille.

Au large de l'estuaire, entre la tourelle de Kervoyal et la pointe du Halguen, des Fous de Bassan. Depuis plus de vingt ans, c'est la première fois que je les vois, proches de terre, pénétrer si profondément dans l'Estuaire.
En cette fin de printemps, ce sont oiseaux que l'on rencontre au large, dans le sud des îles, venant des côtes de la Bretagne-Nord. Les eaux, cette année, sont encore trop froides et malgré leur capacité de pêcheurs — quand ils ont repéré leurs proies, ils s'élèvent à trente mètres de hauteur et plongent comme pierres, les ailes en V, jusqu'à sept ou huit mètres de profondeur, leur pêche est vaine. Les eaux de l'estuaire sont tièdes, peu profondes et sans doute les bancs de poissons plus atteignables.

Le vent de Suet s'est levé. Dans la brume, la côte n'est qu'un gris plus sombre. De la bouée des Mâts, au portant, nous faisons cap à l'ouest sur la pointe de Grand-Mont qui nous ouvrira la baie de Quiberon. Persiste en nous comme une légèreté d'oiseaux.



Aile falquée du songe, vous nous retrouverez, ce soir, sur d'autres rives.


Saint-John Perse,
Oiseaux, I.

dimanche, 09 juin 2013

à bord de Dac'hlmat

 

À bord de Dac'hlmat, Grapheus tis, ce quelconque écrivant largue pour la fin du printemps et un début d'été espéré.

Au gré des bornes "ouifi", désormais, et des balises cardinales, pour quelques sonnets !

Nous reviendrons, un soir d'Automne, sur les derniers roulements d'orage, quand le trias épais des golfes survolés ouvre au Soleil des morts ses fosses de goudron bleu...


Et soudain, devant nous, sous la haute barre des ténèbres, le pays tendre et clair de nos filles, un couteau d'or au cœur.

Saint-John Perse,
Vents, IV,4 

dimanche, 02 juin 2013

Pascal Quignard blessé, aigre mais heureusement "pédant"

C'est méchanceté pour Pascal Quignard, mais son dernier opuscule, Leçons de solfège et de piano, est un règlement de compte entre bourgeoisie lettrée appauvrie et bourgeoisie commerçante nouvellement enrichie.


Que Louis Poirier dit "Julien Gracq" n'ait point été tendre avec les tantes de Quignard, et ce, soixante-sept après, avoir suivi des leçons de piano chez les dites tantes 
« mortellement impécunieuses et solitaires, petits fantômes noirs et muets, la guimpe haute autour du cou... gardant jusqu'à la fin une dernière apparence de rang : des demoiselles toujours... un couple de vieilles filles ruinées au fond d'une ruelle de sous-préfecture », fait comprendre la blessure de la famille de Quignard. 
Qui ajoute « Cela révolta même un certain nombre d'habitants d'Ancenis ».
Cette phrase me laisse songeur ; j'aimerais savoir combien de lecteurs lettrés anceniens lurent, en 1974, Lettrines 2 de Julien Gracq. 
En mon adolescence, j'ai côtoyé de près, par filles et fils interposés, cette bourgeoisie ancenienne, redoutablement hiérachisée en haute bourgeoisie d'industrie — les cartonnages G., la briquetterie A. la fonderie B.,— en moyenne bourgeoisie  — les médecins, les pharmaciens, les notaires, — en petite bourgeoisie commerçante — transports L., Bois, bières et charbons B., vaisselle et porcelaine M. — en bourgeoisie vieillissante et déclinante, mais portant guimpe et dentelles aux messes de dix heures et de onze heures, dites "messes des riches".
C'était très catholique d'apparence, dans le dédain, la sournoiserie et le qu'en dira-t-on.


J'ai donc côtoyé, comme les rares fils d'ouvriers et de laboureurs d'alors qui s'insinuaient dans les Humanités classiques et les classes de Réthorique par le biais des écoles normales, des cours complémentaires, des petits séminaires et des bourses d'État, les jeunes gens de cette classe sociale très diversifiée. 
Moins, ses jeunes filles : elles ne se haussaient plus le col avec des guimpes, elles excellaient dans la plus haute suffisance. Pas toutes. Certaines, clandestinement, ne détestaient point faire ôter le "bleu" de l'ouvrier ou dégrafer la "blouse" du paysan.


Ce qui me navre c'est que dans Leçons de solfège et de piano, le Quignard douloureux, déboulonnant la statue de Julien Gracq en un Louis Poirier, fils de merciers à Saint-Florent-le-Vieil, se rehausse dans les draperies fanées d'un jeune et pauvre "lettré", "appelé" convoqué au Cercle militaire de Paris par un, le Poirier, qui « portait monocle et se prenait pour un aristocrate, un Germain, un Celte, un Wagnérien, un dandy ».


Le fils d'ouvrier, modeste liseur de Gracq et de Quignard, sourit de l'une — Quignard — et l'autre — Gracq — de ces bourgeoises diatribes. Querelles de bourgeois ne font guère avancer la langue !

J'ai une nette préférence, mais cette inclination doit tenir de mes Humanités chez les Bons Pères, pour le Pascal Quignard qui revendique, haut et fort, dans le troisième texte de cet opuscule, qui est hommage à Paul Celan,  :


« Je vais encore faire le pédant. Tout le monde sait que je suis profondément pédant. Et c'est très bien ainsi. Personne  ne l'est jamais assez dès l'instant où il s'agit de sonder le mur, afin de pouvoir le renverser. »