lundi, 10 juin 2013
matin d'estuaire
Au petit matin, lever du jour d'un gris dense très doux.
Nous avons passé l'écluse, hier au soir.
Le ponton d'attente, en aval, était quasi désert.
La brume épaisse. On distingue à peine les deux premières bouées vertes de Brouel dans le premier méandre après le barrage.
Une heure de jusant, seules quelques traces d'écume sur la surface grise du fleuve indiquent la puissance du courant.
Nous larguons. Moteur au ralenti, nous glissons pour ne pas troubler le silence de cette beauté grise qui confond le fleuve et le ciel.
À peine arrondie la n°1 de Brouel, deux couples de Tadornes de Belon prennent leur envol.
Avant même d'atteindre le second méandre à un demi-mille, un héron cendré qui sort des roseaux, des sternes qui plongent, un vol de Cols-verts, et passée la bouée rouge de Kerdavid, sur notre arrière, deux cygnes, taches blanches et sonores qui tracent parallèle vivante à effleurer le fleuve.
L'estuaire, ce matin, est une grande volière sauvage qui s'éveille.
Au large de l'estuaire, entre la tourelle de Kervoyal et la pointe du Halguen, des Fous de Bassan. Depuis plus de vingt ans, c'est la première fois que je les vois, proches de terre, pénétrer si profondément dans l'Estuaire.
En cette fin de printemps, ce sont oiseaux que l'on rencontre au large, dans le sud des îles, venant des côtes de la Bretagne-Nord. Les eaux, cette année, sont encore trop froides et malgré leur capacité de pêcheurs — quand ils ont repéré leurs proies, ils s'élèvent à trente mètres de hauteur et plongent comme pierres, les ailes en V, jusqu'à sept ou huit mètres de profondeur, leur pêche est vaine. Les eaux de l'estuaire sont tièdes, peu profondes et sans doute les bancs de poissons plus atteignables.
Le vent de Suet s'est levé. Dans la brume, la côte n'est qu'un gris plus sombre. De la bouée des Mâts, au portant, nous faisons cap à l'ouest sur la pointe de Grand-Mont qui nous ouvrira la baie de Quiberon. Persiste en nous comme une légèreté d'oiseaux.
Aile falquée du songe, vous nous retrouverez, ce soir, sur d'autres rives.
Saint-John Perse,
Oiseaux, I.
23:46 Publié dans les voyages | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Je sors de ma lecture clandestine car intriguée par Tardone. Une licence pour ralentir le vol ou ce sont bien des Tadornes ?
Merci, encore pour cet article.
Écrit par : Sev | mercredi, 12 juin 2013
Ce sont bien des Tadornes. Désolé pour l'erreur de frappe. Dyslexie, mon souci ! Ou peut-être une houle trop accentuée qui agita le clavier.
« Tadorne — tadorna tadorna — grand canard noir et blanc de loin. Tête et cou noir verdâtre, corps blanc avec large bande rousse entourant le devant du corps... Niche dans les terriers de la pins ...et sous les broussailles. » Tiré du "Peterson".
Merci, Sev, pour l'acuité visuelle !
Écrit par : grapheus tis | mercredi, 12 juin 2013
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