Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 16 avril 2013

quelques années auparavant, en Europe centrale

Quelques années auparavant, en 1922, quelque part au centre de l'Europe, préfigurant le nouvel intellectuel Européen, d'origine austro-hongroise, de langue allemande, né à Prague, mort en Suisse, et qui à la fin de sa vie écrivit en français, Rainer Maria RILKE compose, après avoir découvert et lu Paul Valéry, ces Sonnets à Orphée, avec ce sous-titre " Écrit comme monument funéraire pour Vera Oukama Knoop”.

Sonnet XIII


Voller Apfel, Birne und Banane,

Stachelbeere… Alles dieses spricht

Tod und Leben in den Mund… Ich ahne…

Lest es einem Kind vom Angesicht,


wenn es sie erschmeckt. Dies kommt von weit.

Wird euch langsam namenlos im Munde ?

Wo sonst Worte waren, fließen Funde,

aus dem Fruchtfleisch überrascht befreit.


Wagt zu sagen, was ihr Apfel nennt.

Diese Süße, die sich erst verdichtet

um, im Schmecken leise aufgerichtet,


klar zu verden, wach und transparent,

doppeldeutig, sonnig, erdig, hiesig – :

O Erfahrung, Fühlung, Freude – , riesig !




POMME RONDE.

Pomme ronde, poire, banane
et groseille... Tout cela parle
de vie, de mort, dans la bouche. Je sens...
Lisez plutôt sur le visage de l'enfant

Lorsqu'il mord dans ces fruits. Oui, ceci vient de loin.
Sentez-vous l'ineffable dans votre bouche ?
Là où étaient des mots coulent des découvertes,
comme affranchies soudain de la pulpe du fruit.

Osez dire ce que vous nommez pomme.
Cette douceur qui d'abord se concentre,
puis, tandis qu'on l'éprouve, doucement érigée,

se fait clarté, lumière, transparence.
Son sens est double : terre et soleil.
Expérience, toucher : ô joie immense !

 

Les Sonnets à Orphée
Trad. M. Betz.


in Rainer Maria Rilke
par Pierre Desgraupes
Coll. Poètes d'aujourd'hui
Pierre Seghers éditeur
Reçu par le lecteur au SP. 88363 de                             Rhardous, mars 1961





Voilà posé, en quelques sonnets — Du Bellay, Michel-Ange, Shakespeare, Lorca, Rilke — et quatre siècles, un chant né en Sicile au XIIIe siècle qui devint la forme littéraire quasi européenne.

SONNET ! Soleil du soleil, titre Jacques Roubaud.

Je poursuis la quête au hasard des humeurs, des contrées, des siècles et des rencontres.

Commentaires

Celui-ci est très beau. Je ne sais plus si Roubaud le donne dans son excellente anthologie :

Ô Nuit où je me perds, ténèbre affreux et sombre,
Pourquoi durez-vous tant ? Faites place aux flambeaux
Que vous tenez là-bas arrêtés sous les eaux,
Pour rendre à mon malheur plus obscure votre ombre.

J'aime mieux demeurer pour jamais en encombre
Entouré de silence, entre ces deux tombeaux,
Que d'être en rien tenu à ces deux Soleils beaux,
Deux Soleils, mais deux nuits, semblables à vous, Ombre.

Je veux mourir plutôt qu'invoquer la lumière
De tes yeux trop luisants, en frappant la chaudière
Du Prêtre au sacrifice en la nuit étonné.

Mais je désire bien publier leur rudesse,
Et la peine qu'ils m'ont pour leur plaisir donné,
Feignant de m'acquérir une douce maîtresse.

(Christofle de Beaujeu, "Les Amours", 1589 - "Entouré de silence", Orphée/La Différence, 1995)

Écrit par : C.C. | samedi, 20 avril 2013

Les commentaires sont fermés.