Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 24 avril 2013

bâter un âne sur le flanc nord du Mundarrain


 Dans le quartier de BasseBourg*, à Itxassou, devant un verre d'Irouléguy 2008, accompagné d'un fromage de brebis de Kukululuia et d'un soupçon de confiture de cerises noires, lire un des rares sonnets de ce paisible et sensuel Françis Jammes, "mon" voisin d'Hasparren — tout cela fait plutôt folklore basque à touristes, mais c'est bon.

De ce pays, à venir encore deux sonnets d'Edmond Rostand et Paul-Jean Toulet. Et même un parmi les vingt-neuf de La Boétie, que, neuf années durant, l'ami Montaigne édita au chapitre XXI de ses Essais en les dédiant à la belle Corisande d'Andoins, riveraine de la Bidache proche. Le parcours de lecture inspiré par le parcours géographique autorise la traversée des siècles littéraires.

 

Bâte un âne qui porte une outre d'eau de roche,
   
à son flanc, car dans le pays des améthystes
   
qu'il te faut longuement traverser l'eau n'existe
  
pas, ni le pain que tu clôras en ta sacoche.


Or c'est à Bassora, dans la boutique, à gauche
   
de chez Aboul Hassan Ebn Taher le droguiste.
   
Devant le souk un dromadaire laisse triste-
   
ment pendre de sa lèvre une espèce de poche.


C'est là que Tristan Klingsor, l'enchanteur, compose
   
de doux lieds auprès d'un bassin. Et les roses
   
l'approuvent en penchant la tête, et son rebec


se plaint comme un vent doux et précieux avec
   
l'inflexion d'une jeune fille qui pose
   
sa main dessus son coeur pour un salamalec.


De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir
(édition de 1913)



Francis Jammes prend ici de belles libertés avec les règles du sonnet et de l'alexandrin, mais je tiens à souligner ce que j'apprécie dans le second quatrain, ce rejet du  "-ment" du "triste-ment" au vers suivant pour obtenir la rime avec "le droguiste". Je ne pense point que les mânes de Joachim Du Bellay en frémissent. Il doit sourire, notre Angevin, de cette anarchie littéraire — licence, dirait le lettré.

L'âne bâté annonçait le Basque ou le Béarnais et voila que le poète nous emmène dans le chromo d'un orientalisme auquel rien ne manque, ni le souk et son droguiste, ni le dromadaire, ni le bassin et ses roses, ni la plainte du rebec. Le salamec nous ramène notre panthéiste barbu à ses songeries habitées de jeunes filles légères dans les brises adoucies.
Mais pourquoi Jammes a-t-il tenu à ajouter à la réédition de 1913 ce sonnet qui dénote un orientalisme dont il est peu coutumier ? Un tableau ? Un rêve ? une  lecture ?

 

* Traduction française édulcorée du Quartier "Basa Burru", selon mon logeur Basque, "Gueules de Sauvages".

Commentaires

L'âne qui doit porter une provision d'eau
Demande à celui qu'on a chargé de bouteilles
S'il a goûté le vin, éprouvé la merveille
De l'ivresse qui fait qu'on roule sur le dos.

Ami, je n'en bois point. Ce ne m'est qu'un fardeau
Qui en moi, par ailleurs, aucun désir n'éveille ;
Ma boisson à la tienne est strictement pareille
Et je mange du foin, non pas du tournedos.

Puis nos ânes parlants à l'ombre se reposent ;
Je les vois grignoter des lilas et des roses
(Car cela rafraîchit, lorsque le temps est sec).

Esope, en les voyant, eût composé, avec
Ces deux héros, un texte en excellente prose
Dont se fût embelli son joli corpus grec...

Écrit par : Cochonfucius | mardi, 07 janvier 2014

Les commentaires sont fermés.