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jeudi, 15 avril 2010

silence volontaire pour quelques jours

grapheus tis sera muet pendant quelques dix jours.

Mise sur ber de la vieille coque: il s'avère qu'avant l'été elle a besoin d'un sérieux carénage.

nul lieu

Il y a un lieu dans le monde, à la limite du monde, où un mot n'est pas. Il n'est pas visible, il n'est pas prononcé, il n'est pas inscrit mais il fait écho. Quelque chose qui appelle dans les vents, quelque chose qui appelle dans les oiseaux. Quelque chose appelle dans tous les cris qui est beaucoup plus ancien que les mots, les verbes, les lexiques, les grammaires.

 

Pascal Quignard,

Lycophron et Zétès

 

brume2.jpg

lors d'une lecture de Zétès entre silence et obscur.

 

Pasacal Quignard ! J'ai dû le croiser à Ancenis au début de l'été 1968, entre la rue Barême, où je crois, habitaient ses deux tantes et l'Église dont il fut quelques mois l'organiste.

Nous revenions d'Algérie.

Et le nom de Quignard n'était alors — sans doute — que le nom de ces deux respectables vieilles dames de la petite bourgeoisie ancenienne.

 


 


 




 

samedi, 10 avril 2010

le Menaa d'Anna Gréki

NeF m'a demandé de proposer des parcours qui pourraient être faits dans les pas de Germaine Tillion.

Dès le temps de paix, il est vrai qu'avec mon bon vieil Er Klasker, nous avons arpenté les vallées de l'Oued Abiod et de l'Oued Abdi et leurs flancs encore désertés.
Cette fin de semaine, ainsi, les Aurès me sont remontés en plein visage.

Et ce village de Menaa, si belle colline de neige, parfois, de soleil plus souvent, et cette silhouette d'une femme que j'ai sans doute côtoyée, l'ignorant encore, dans ce immense camp de merde et de boue qu'était le camp de Beni-Messous, dissimulant ce qu'on nommait hypocritement CTT, "camp de transit et de triage", où quittant  l'odieuse prison de Barberousse, Anna Gréki "séjourna" avant d'être expulsée.

Je ne savais rien encore de cette Algérie qui me ferait naître une seconde fois. Plus tard, je lus ceci :


Même en hiver le jour n'était qu'un verger doux
Quand le col du Guerza s'engorgeait sous la neige
Les grenades n'étaient alors que des fruits - seule
Leur peau de cuir saignait sous les gourmandises
On se cachait dans le maquis crépu pour rire
Seulement. Les fusils ne fouillaient que gibier.
.....................................................................
Aucune des maisons n'avait besoin de portes
Puisque les visages s'ouvraient dans les visages.
Et les voisins épars, simplement voisinaient.
La nuit n'existait pas puisque l'on y dormait.


C'était dans les Aurés
A Menaâ
Commune mixte Arris
Comme on dit dans la presse
Mon enfance et les délices

Naquirent là
A Menaâ - commune mixte Arris
Et mes passions après vingt ans
Sont les fruits de leurs prédilections
Du temps où les oiseaux tombés des nids
Tombaient aussi des mains de Nedjaï
Jusqu'au fond de mes yeux chaouias


Frileux comme un iris
Mon ami Nedjaï
Nu sous sa gandoura bleue
Courait dans le soir en camaïeu
Glissant sur les scorpions gris
De l'Oued El Abdi


Anna Gréky

Menaa des Aurès

mardi, 06 avril 2010

histoires de tablettes

Je me suis précipité... un peu vite sur le dernier Quignard paru en Poésie/Gallimard,  Lycophron et Zétès*. Au hasard de ma première "pioche" dans l'obscurité des pages :

 

Fatigué, toujours malade, vieillissant, le matin, pour pouvoir se redresser et lire, il en était réduit à se tenir par les mains à une corde attachée à une poutre au-dessus de son lit sur laquelle il tirait pour se pencher sur la traduction du jour.


C'est ansi que Pascal Quignard évoque Jérôme, au désert, traduisant les Écritures depuis quarante-cinq ans. L'ermite très âgé, devenu plus tard, beaucoup plus tard, Père de l'Église, à l'instar d'Ambroise et Augustin, entretient une abondante correspondance avec les veuves et les vierges, donnant aux unes des règles pour passer chrétiennement le temps de leur viduité, aux autres des conseils de mortification pour ne point tomber dans les bonheurs de la chair (lire la Lettre à Eustochia).

 

Je ne suis pas loin de m'identifier, écrivant ce blogue, au grand ermite. Foi, génie et mortification en moins !

 

Mais il est vrai que l'arrivée de l'iPad m'évitera sans doute d'attacher une corde à la poutre qui domine ma couche. Du moins, si je m'en réfère aux lignes enthousiastes de FB, qui déroule minute après minute le dévoilement de la tablette extraordinaire à la pomme croquée.

Bienheureux retour aux tablettes du scribe mais qui devient bibliothécaire, cinéphile, vidéaste, mélomane.

 

* Une traduction de l'Alexandra de Lycophron en 1853, par F.D. Déhèque ne déchire point l'obscurité du texte, mais fournit un mince fil d'Ariane au lecteur quelque peu désemparé par les nocturnes beautés de la traduction de Quignard. Celle-ci date de 1971.

Ça me ramène en 1975 à ma première lecture d'un texte de Quignard sur Michel Deguy, chez Seghers. Les yeux, alors,  m'en tombent.

Heureusement, Les tablettes de buis d'Apronenia Avitia seront publiées en 1984.

 

Femme qui aime le son du buis. Femme d'une tablette. Femme qui joue sur la cire. Femme qui aiguise le tranchant du stylet. Femme qui cache une vulve trop large et flasque. Femme qui se sert d'un morceau de toile usagée. Femme qui essuie des petites flaques de temps répandu.

 

Jérôme est au désert, tirant au petit matin sur sa corde pour mieux lire les versets traduits de la veille. Et je me demande si Quignard ne se souvient pas des Notes de l'oreiller que Sei-Shonagon écrira dans un lointain archipel cinq cents ans après la Vulgate de l'ermite du désert.

Acceptons donc que la traduction de Lycophron ne soit qu'une erreur mallarméenne de jeunesse.