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mardi, 06 avril 2010

histoires de tablettes

Je me suis précipité... un peu vite sur le dernier Quignard paru en Poésie/Gallimard,  Lycophron et Zétès*. Au hasard de ma première "pioche" dans l'obscurité des pages :

 

Fatigué, toujours malade, vieillissant, le matin, pour pouvoir se redresser et lire, il en était réduit à se tenir par les mains à une corde attachée à une poutre au-dessus de son lit sur laquelle il tirait pour se pencher sur la traduction du jour.


C'est ansi que Pascal Quignard évoque Jérôme, au désert, traduisant les Écritures depuis quarante-cinq ans. L'ermite très âgé, devenu plus tard, beaucoup plus tard, Père de l'Église, à l'instar d'Ambroise et Augustin, entretient une abondante correspondance avec les veuves et les vierges, donnant aux unes des règles pour passer chrétiennement le temps de leur viduité, aux autres des conseils de mortification pour ne point tomber dans les bonheurs de la chair (lire la Lettre à Eustochia).

 

Je ne suis pas loin de m'identifier, écrivant ce blogue, au grand ermite. Foi, génie et mortification en moins !

 

Mais il est vrai que l'arrivée de l'iPad m'évitera sans doute d'attacher une corde à la poutre qui domine ma couche. Du moins, si je m'en réfère aux lignes enthousiastes de FB, qui déroule minute après minute le dévoilement de la tablette extraordinaire à la pomme croquée.

Bienheureux retour aux tablettes du scribe mais qui devient bibliothécaire, cinéphile, vidéaste, mélomane.

 

* Une traduction de l'Alexandra de Lycophron en 1853, par F.D. Déhèque ne déchire point l'obscurité du texte, mais fournit un mince fil d'Ariane au lecteur quelque peu désemparé par les nocturnes beautés de la traduction de Quignard. Celle-ci date de 1971.

Ça me ramène en 1975 à ma première lecture d'un texte de Quignard sur Michel Deguy, chez Seghers. Les yeux, alors,  m'en tombent.

Heureusement, Les tablettes de buis d'Apronenia Avitia seront publiées en 1984.

 

Femme qui aime le son du buis. Femme d'une tablette. Femme qui joue sur la cire. Femme qui aiguise le tranchant du stylet. Femme qui cache une vulve trop large et flasque. Femme qui se sert d'un morceau de toile usagée. Femme qui essuie des petites flaques de temps répandu.

 

Jérôme est au désert, tirant au petit matin sur sa corde pour mieux lire les versets traduits de la veille. Et je me demande si Quignard ne se souvient pas des Notes de l'oreiller que Sei-Shonagon écrira dans un lointain archipel cinq cents ans après la Vulgate de l'ermite du désert.

Acceptons donc que la traduction de Lycophron ne soit qu'une erreur mallarméenne de jeunesse.

 

 

 

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