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jeudi, 29 octobre 2009

lors d'une insomnie et pour un quarantième annniversaire

C'était l'autre nuit, en son milieu, quand le sommeil, pour une heure ou deux, quitte le dormeur :

 

Tu dis « moi » et tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grand, c'est - ce à quoi tu ne veux pas croire - ton corps et son grand système de raison : il ne dit pas moi, mais il est moi.
Ce que les sens éprouvent, ce que reconnaît l'esprit, n'a jamais de fin en soi. Mais les sens et l'esprit voudraient te convaincre qu'ils sont la fin de toute chose : tellement ils sont vains.
Les sens et l'esprit ne sont qu’instruments et jouets : derrière eux se trouve encore le soi. Le soi, lui aussi, cherche avec les yeux des sens et il écoute avec les oreilles de l'esprit.
Toujours le
soi écoute et cherche : il compare, soumet, conquiert et détruit. Il règne, et domine aussi le moi.
Derrière tes sentiments et tes pensées, mon frère, se tient un maître plus puissant, un sage inconnu - il s'appelle soi. Il habite ton corps, il est ton corps.
Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse. Et qui donc sait pourquoi ton corps a précisément besoin de ta meilleure sagesse ?
Ton soi rit de ton moi et de ses cabrioles. « Que me sont ces bonds et ces vols de la pensée ? dit-il. Un détour vers mon but. Je suis la lisière du moi et le souffleur de ses idées. »


Plus tard, l'éveillé qui s'ensommeille à nouveau, saura qu'Ainsi parlait Zarathoustra.

Au matin, il n'aura nul besoin d'aller à la Médiathèque. Il lui suffira avec Google, ou Excite, ou Exalead, ou encore Clusty de saisir les trois mots et d'importer, sur le disque dur, le bouquin de Nietzsche et de retrouver Les contempteurs du corps aux pages 42-43.

Facile, dirait Noémie ! Fastoche, ajouterait Célia !

 

Ce matin du 29 octobre, le bruit court que l'Internet a quarante ans parce que, ce jour-là d'octobre 1969, un certain Kleinrock et son équipe ont fait communiquer deux ordinateurs entre eux. C'est peut-être plus complexe que cette simple énonciation d'un fait.

Je ne me suis embarqué sur l'Internet que vingt-sept ans plus tard, j'en suis heureux. Nous avons emprunté aux Grecs — tiens ! les revoilà encore ceux-là ! — le nom de cybernaute. J'en suis encore plus heureux :  "kubernètès"  veut dire pilote, timonier.

La Toile est un océan.

 

Et mon corps est "la lisière de (mon) moi et le souffleur de (mes) idées", même — peut-être bien surtout — quand il est aux bords de l'ensommeillement ou de l'océan.

vendredi, 23 octobre 2009

Mais, Carla, qu'attendez-vous pour le quitter ?

 

Et faites vôtre, si vous en avez encore la capacité, cette assertion qu'Euripide met dans la bouche de Mélanippe la philosophe* :

 

Eg≈ gunÆ m°n eimi noËw d'§nesti moi

Certes je ne suis qu'une femme, mais l'entendement aussi est mien !

 

 

* Moins facile à trouver en librairie que la Princesse de Clèves ; il est possible, cependant, de lire quelques fragments de cette tragédie sur la Toile. C'est écrit plus de quatre siècles avant notre ère ; nous nous situons donc dans ce que Séverine Auffret nomme l'archéologie du féminisme.


mercredi, 21 octobre 2009

un adolescent poli

« Pourquoi tenir un site ?

— Par politesse ! »


C'était une bribe du dialogue entre Régis Debray et Marc Voinchet sur le France Cul de ce matin. J'ai apprécié !

En écho "papier" — décidément, je suis en pleine médiologie, — Ouest-France ouvrait ainsi sa rubrique "Ados" : Pourquoi se raconter sur Internet ?


Bon, je me sens plus près de l'adolescence que de la médiologie, bien que j'aie eu quelqu'accointance, ancienne, avec l'homme Debray en notre jeunesse de l'année 1963 — les CinéPop dans l'Algérie indépendante, quand René Vautier transportait, dans ses valises à caméras, un jeune futur révolutionnaire encore normalien — et que l'aphorisme de Mac Luhan, « le médium est le message », fût longtemps objet de mes préoccupations de métier.

 

Ouest-France* n'écrit pas sur la politesse des adolescents, mais sur leur capacité à utiliser la Toile (blogues, forums) comme arme du virtuel pour affronter le réel. Et d'ajouter — et c'est là que j'ai eu quelques frémissements de sympathie :

 

...ce qui pousse de nombreux ados à éditer plusieurs blogues sous des identités distinctes, parfois radicalement différentes. Une façon de vérifier qu'ils pourraient aussi exister autrement.


Revenait l'ombre de l'homme aux soixante-treize — et sans doute plus — hétéronymes**, Fernando Pessoa, alias Alberto Caeiro, alias Ricardo Reis, alias Alavaro de Campos, alias Bernado Soares, alias..., alias... , un vrai vaisseau des Argonautes, qui descendrait le Tage, à lui seul.

 

Allez, ami(e)s blogueuses et blogueurs, combien d'hétéroblogues tenez-vous ?

 

Quant à moi, je suis du côté des adolescents. L'ai-je quitté d'ailleurs cet âge ? Peut-être y suis-je revenu ?

Marcel Détienne, dans l'invention de la mythologie, traduisant, en tordant quelque peu Platon, n'écrit-il point :

 

παῖδες πρεσβῦται
les enfants du vieil âge

in Lois, IV,712.***

 

* Hélas ! la rubrique qui se tient en collaboration avec Phosphore et Okapi (!!!) ne peut s'achever qu'en eau de boudin moralisatrice, avis de psychanalyste à l'appui.

 

** Certains amis blogueurs citeraient plus volontiers Volodine.

 

*** Je n'y échappe plus. Le Grec ancien revient en force chez le vieil adolescent ? Qu'au moins ce ne soit point marque d'impolitesse !

 

 

mardi, 13 octobre 2009

il est des matins

Il ne faudrait point penser qu'écrire sur la littérature, le jardin, la mer, dispense le blogueur d'être certains matins dans des rages citoyennes.

 

Et comme notre si fameuse démocratie représentative ne nous donne l'occasion que trop rarement d'exprimer nos choix — si, si, même en vivant une modeste activité civique dans son village et dans quelques réseaux, les élus gouvernants nous "bourrent le mou" avec ce concept républicain qui commence à dater, non — il est des matins trop fréquents de rogne.

 

Mais, ce matin, ma rogne a trouvé sa porte-parole : en ce pays d'oublieuse mémoire, nécessité serait de telles chroniques  !


podcast

 

Nota-bene :

Ouais ! je sais : Churchill disait que la démocratie n'est pas le meilleur des systèmes, mais le moins mauvais. Est-ce suffisant pour satisfaire  l'intelligence de la citoyenne et du citoyen ?

 

ξυνόν ἐστι πᾶσι τὸ φρονέειν.
La pensée est commune à tous.


Héraclite


Pour une fois, "l'était" bien optimiste, mon philosophe préféré !


samedi, 10 octobre 2009

cinq ans déjà ! ou de trop ?

Cinq ans à parsemer la Toile de petits cailloux, joyeux ou tristes, selon les vents, les pluies, les lectures, les pensers, un chant, des musiques, un regard.


Pour inaugurer cette sixième année — peut-être à suivre —, en voici trois :

• Μηδὲν ἄγαν σπεύδειν *

Théognis de Mégare, poète didactique et élégiaque, vers 540 avant notre ère.

 

Il aimait placer son bonheur dans le foulard parfumé d'une femme ou sous une pierre oubliée au bord du chemin.

Amin Zaoui, auteur algérien de La chambre de la vierge impure.**



• à René Guy Cadou


De bas brouillards tremblaient aux vallées de l'automne
Les chiens jappaient sans fin sur le bord des ruisseaux
On entendait rouiller leurs abois dans l'écho
A des lieues et des lieues, sur des pays sans borne.

Le vent sentait la pierre rêche et le gibier
II était dur et vif à nous trancher la gorge.
Nous nous hâtions vers quelque grange, dont le porche
Offrait déjà l'abri à des coqs qui chantaient

Lorsque, sur le revers d'un coteau, nous trouvâmes
La jaune apaisante caresse des raisins.
Bien à l'écart du vent, des grappes plein les mains
Nous bûmes longuement, renversés sur la flamme.


Luc Bérimont, Le vin mordu***

 


* Les latins auraient écrit : "In medio stat virtus".

François de Sales aurait traduit : "La vertu se tient au milieu".

Le bon (?) sens populaire, au choix : "Point trop n'en faut !"  ou "Ni trop, ni trop peu !"

Et pour revenir aux Grecs qui ont l'art de la plus grande concision, ils font, parfois, sauter le "σπεύδειν" et vous livrent ainsi un bref "Μηδὲν ἄγαν".


 ** Une lecture de ces jours-ci.


*** Une lecture d'il y a plus de cinquante ans, quand je découvrais la poésie contemporaine d'alors, que je découpais des poèmes dans le Figaro littéraire (???), un poème relu dans Les Cahiers Cadou et de l'École de Rochefort-sur-Loire, parus dans l'été 2009, aux éditions du Petit Véhicule.

 

 


 

lundi, 05 octobre 2009

land art à Passay

Passay de nouveau !

Et Grand'Lieu, le lac au plus bas de son étiage en ce commencement d'automne. Quand les gens viennent au bord du lac, ils y viennent pour les oiseaux, pour les légendes. Mais le lac est aussi autre qu'une immensité d'eau et de végétal.

C'est aussi une communauté humaine, la seule de ces rives incertaines : des hommes et des femmes qui y travaillent depuis des siècles.

 

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Nicléane
a choisi de montrer sur des douelles de barrique, récupérées dans un fossé, les engins de travail, ces dessous lacustres qu'on ne voit plus que sécher dans le secret des hangars et jardins des pêcheurs.


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Le grand-père Thanas, il faisait des filets à longueur d'année. Il y avait une grande cheminée et, toujours, le filet y était pendu. À ce moment-là, c'était les pêcheurs qui les faisaient eux-mêmes, parce qu'ils pêchaient beaucoup à la louve et c'était du coton ; alors tous les ans il fallait les refaire. Dans leur hiver, ils faisaient soixante, soixante-dix, quatre-vingt louves  il fallait les faire pour le printemps d'après. Étant petite fille, j'ai appris à faire les filets. Quatre-vingt louves, ça ne se faisait pas comme ça. C'est le grand-père Thanas qui m'a appris. À chaque instant, j'étais dessus. Je me faisais disputer parce que je faisais des "grandes mailles", comme il disait et, souvent, on était obligé de les couper. Ce nétait pas toujours bien, mais j'ai appris comme ça.

Marcelle Surget, épouse de Francis Albert, dit "Pêchou".

À Grand-Lieu, un village de pêcheurs,
Passay se raconte.
Siloë, 2000.

©Nicléane

samedi, 03 octobre 2009

un caleçon contre "l'institutionalisation de l'islam"

J'y suis donc allé.

Chez mon libraire de la Fosse.

Revenu avec deux livres dans ma besace.

 

L'incendie du Hilton de FB et d'Amin Zaoui — ce  conservateur de la Bibliothèque nationale d'Alger qui s'est fait "jeté" il y a un an à peine, par la ministre algérienne de la Culture, Khalida Toumi — La chambre de la vierge impure. À lire La razzia et quelques autres de ses bouquins, je me demande comment il avait pu être nommé à un tel poste. Sa mise à l'écart serait due à l'invitation d'Adonis, le grand poète syrien.

Je ne citerai qu'un bref passage de la chambre de la vierge impure. Mais il est vrai qu'à lire Amin Zaoui ou Boualem Sansal, je me suis repris à espérer en ma troisième terre d'élection. J'espère que leurs bouquins, bien entendu interdits, circulent dans une belle et et saine clandestinité.

 

De Zaoui, donc, dès la seconde page de son récit :

Quand on a eu fini de faire l'amour, allongée sur un faux tapis persan imprimé de deux magnifiques paons, liesse de couleur, Sultana, encore nue, m'a lancé un regard perplexe et malin, le désir se reflétant dans le charbon de ses yeux, et m'a dit : « Je veux savoir comment tu ranges ton zizi dans ton caleçon. »

Sa voix douce et délectable me paraissait appartenir à une race d'oiseau en voie de disparition. Une race qui n'existait qu'au paradis ou dans l'imaginaire fou de Ziryab (789-857), célèbre musicien luthiste et chanteur bagdadien installé à Grenade la musulmane. En me lançant cette requête, Sultana n'était ni souriante, ni moqueuse, ni taquine. Elle avait l'air sérieux, méditatif et réfléchi. Toute une poésie d'enfant animait l'eau de son regard !

Je ne sais pas pourquoi, mû par une force extraordinaire, le superbe charbon de ses yeux s'est métamorphosé en jade.

J'ai paniqué.

L'eau n'est pas dormante !

J'étais en train de me rhabiller. Je scrutais le ciel du village à travers une lucarne, je l'ai aperçu très haut, enseveli dans un bleu fantastique.
Je ne m'attendais pas à une telle requête, et pourtant je l'ai trouvée intelligente, pertinente !
Et embarrassante.
Je ne m'étais jamais demandé comment je faisais pour ranger mon trésor dans mon caleçon ou dans mon slip.
« Mon oiseau édénique est là. On apprend comme ça, à ranger son zizi sans la prescription d'un maître, sans leçon de quiconque, sans grande difficulté, sans gêne. C'est une autre pédagogie. Une pédagogie divine. C'est un geste intuitif et illuminé, un don d'Allah le Miséricordieux, Lui qui octroie aux hommes le génie et l'intelligence de savoir ranger leurs fortunes dans leurs slips et apprend aux belles femmes comment cacher le sang de l’erreur dans des mouchoirs en coton. »

 

Ces quelques lignes peuvent faire tout autant que le plaidoyer d'Adonis contre "l'institutionalisation de l'islam" !