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mardi, 20 février 2007

une tant belle phrase

Revenant d'un entretien avec MT pour mettre la dernière main — finaliser, dit-on aujourdh'hui — à la parution d'un bouquin qui fêtera en août le centenaire de la Société coopérative des Pêcheurs de Passay sur le lac de Grand'Lieu, je m'arrête rue de la Fosse chez Coiffard — toutes les encres numériques, papiers électroniques et les fosses à bitume ne me feront point abandonner cette halte hebdomadaire entre de vieux rayons traditionnels, inaccessibles sans échelle parfois — j'échange contre un Zao-Wou Ki déjà offert à Nicléane, un Manchette plein de romans noirs et pour combler mon avoir ainsi obtenu, je me dégotte en me mettant à genoux — harmonie des contraires avec la nécessité de l'échelle —, un "Michon" de bas de rayon qui est d'une haute prose : L'empereur d'Occident, aussitôt feuilleté dans le tramway du retour et je glisse dans l'une de ces phrases qui comble de félicité un vieux lecteur marin :


Dès ce premier jour, je m'assis auprès de lui sur le petit banc de pierre ; et comme je contemplais aussi les voiles, nous parlâmes naturellement de navigation des amis de la rame et des vaisseaux noirs, de navigation et de poésie grecque : car l'une ne peut être dite sans l'autre, à tel point qu'on ne sait laquelle est le texte de l'autre, et si d'abord on jeta de frêles charpentes goudronnées, ou des mètres de juste syntaxe, sur le pur hasard de la mer et des langues.


Tout y est inclus, et les siècles antiques et les rives de ces jours, l'Homère implicite et le linguiste dissimulé, la juste balance des propositions du grammairien et le Chant II de l'Iliade qui dénombre à perte d'horizon les flottes des cités grecques.
Demeurent, immuables, le banc de pierre et l'amitié, les voiles, l'océan et le poème.

Pierre Michon — ne fut-ce que pour cette phrase, rédigée bien avant son choix de résider dans "ma" ville — affirme bien son droit d'être devenu Nantais : Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j'ai l'impression que... où certains regards brûlants... et cætera** .

* Pierre MICHON, L'empereur d'Occident, Verdier poche, 2007.
** André BRETON, Nadja, Gallimard, réédition en Livre de poche, 1964.

Commentaires

Je viens de lire "L'empereur d'Occident". J'ai retrouvé le plaisir de la belle langue française de Michon et de l'atmosphère particulière de ses écrits, parfois difficiles j'en conviens, mais , relire deux fois la même phrase n'a jamais fait de mal à personne... et c'est alors qu'on apprécie vraiment chaque mot qu'il cisèle à merveille, chaque rythme de sa phrase poétique, et que l'image qui pénètre l'esprit du lecteur se déploie dans toute sa splendeur. J'ai connu l'écriture de Pierre Michon par hasard, en bibliothèque, avec "Vies Minuscules". Ce livre a été le chemin qui m'a conduite vers bien d'autres écrits de cet auteur, et presque tous m'ont enchantée. J'ai même regretté qu'il ait, paraît-il, " amputé" La Grande Beune d'un texte qui s'intitule "L"origine du Monde"....
Si Pierre Michon devait lire peut-être ce présent commentaire, qu'il sache que je pense souvent à son cassoulet des Cards... Il comprendra.
Marie-Odile

Écrit par : DESPONTS Marie-Odile | samedi, 24 mars 2007

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