lundi, 20 mars 2006
de mort et de printemps
Mais non, mais non ! Ça peut être "beau de mourir au printemps".
Moi, j'aimerais bien cette année-là - enfin l'année où ça me viendra - que mon cerisier soit enfin fleuri.
Il a tant de retard cette année !
Aujourd'hui, du moins cette nuit, entre le 20 et le 21 mars, c'est mon poète d'adolescence qui s'en alla, l'an 1951.
Peut-être l'ai-je croisé quand j'étais un petit enfant, du côté de la rue Jean Jaurès, de la rue du Marchix ou de la place Bretagne, un jour où il allait rendre visite à son copain le libraire.
J'ai rencontré ses mots sur un banc du Jardin des Plantes, trois ans trop tard pour reconnaître son visage.
Ce matin, j'ai mis du vin en bouteille, de ce dernier vin d'une vigne massacrée parce qu'il importe plus de construire des "airbus" que d'élever de bons et simples vins.
Il n'y a plus un cep vivant.
Il n'y a plus que des monstres qui nivellent, trouent, aplanissent dans un vacarme immonde.
je ne suis pas nostalgique pour autant. Le blogue d'Al m'a suggéré des poèmes printaniers.
Mettant mon vin en bouteille, j'ai pensé à lui, à "mon" Cadou dont le nom "demeure comme un bruissement d'eau claire sur les cailloux". Sans doute, s'attardait-il trop aux tables des bistrots !
Ô vieilles pluies souvenez-vous d'Augustin Meaulnes
Qui pénétrait en coup de vent
Et comme un prince dans l'école
À la limite des féeries et des marais
En un pays mené de biais par les averses
Et meurtri dans son cœur par le fouet des rouliers
Le lit défait du garde-chasse
Les chemins creux du monde entier
C'est là que je t'attends c'est là que je te veille
Printemps comme un chanteur des rues printemps pareil
À la petite lumière d'un vélo sur la route
Voici que le plus simple entre nous s'émerveille
D'avoir entre les mains un bouquet de jnquilles
Et l'oiseau qui dormait encore se souvient
D'une fenêtre au bout du monde
Peut-être que là-bas dans les terres perdues
Une jeune fille de famille toute nue
Se dresse à la croisée ouverte et se regarde
Dans un morceau de lune triste comme un parc
Peut-être bien que c'est ainsi dans les romans
Une grosse cloche avec le printemps dedans
Mon amour tu es là comme une herbe qui penche
Sa longue écriture douce sur la page
Et je lis dans tes yeux et tu peux bien baisser
Ta paupière pareille à du genêt mouillé
J'épelle à haute voix comme un enfant qui dort
La chaude et mesurée syllabe de ton corps.
Hélène ou le règne végétal, 1948
Rentre vite, René ! Hélène va s'inquiéter.
18:05 Publié dans Cadou toujours, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
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