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mercredi, 28 décembre 2005

« Le soleil noir de la mélancolie »

Pat m'a rapporté "mon" Nerval édité en Pléiade.
J'y retrouve, enserrés dans les pages, trois feuillets qui m'inclinent tout autant que ma récente lecture d'Aurélia à une douce mélancolie.

Une amie, plus que très chère à qui j’avais prêté ce livre, acheté à Ancenis en août 1961, a laissé deux notes manuscrites dont j’ignore l’ordre, je commencerai donc par la plus brève :


Et mon regard
errant sur les filles du feu
qui naguère, m’enchantèrent
balaie un Pompéi italique

Angélique, Sylvie, Isis, Émilie...
les filles du feu s’égrènent
leur i est la constante
du feu qui anime,celui qui s’embrase et les embrase.
Trouble ancien des étoffes froissées,
de l’effeuillage chaste et sensuel
de la “fée des légendes éternellement jeune !...”


Le troisième feuillet est tapé à la machine ; je reconnais les caractères de ma vieille Olympia que je trimbalai de Côte d'Ivoire en Algérie ; elle me fut volée rue Ben M'hidi, un samedi après-midi de mars 1967 alors qu'à la Cinémathèque, je devais suivre un cycle "Kurosawa". Alger était alors la capitale africaine du cinéma !
Six ans auparavant, sur les conseils de JC, mon cousin quasiment frère, j'avais plongé dans Cendrars ; je sortais du merdier de la guerre et j'allais cependant retourner en Algérie pour y vivre l'amour. Cet été 61, je louai un gîte dans les gorges du Tarn et tout un juillet, entre deux randonnées sur le Causse Méjean pour me rincer des djebels, je me suis enivré du formidable Blaise : Moravagine, Bourlinguer, L'homme foudroyé, L'or, à goulées, à nuits blanches !

Dans Gênes, sous-titré L’épine d’Ispahan, le plus long récit (170 p.) de BOURLINGUER, Cendrars vient de citer en son entier la sixième Chimère, Artémis, illustrant son deuxième péché capital, la Luxure (fornicatio) ; il renvoie par un astérique à la note 9.

« 09. Cher Gérard de Nerval, homme des foules, noctambule, argotier, rêveur impénitent, amant neurasthénique des petits théâtres de la capitale et des grandes nécropoles d’Orient, architecte du temple de Salomon, traducteur du Faust, secrétaire intime de la reine de Saba, druide et eubage, tendre vagabond de l’Ile-de-France, dernier des Valois, enfant de Paris, bouche d’or, tu t’es pendu dans une bouche d’égout après avoir projeté au ciel de la poésie, devant lequel ton ombre se balance et ne cesse de grandir entre Notre-Dame et Saint-Merry, les Chimères de feu qui parcourent ce carré du ciel en tous sens comme six comètes échevelées et consternantes. En faisant appel à l’Esprit nouveau, tu as troublé pour toujours la sensibilité moderne : l’homme d’aujourd’hui ne pourra plus vivre sans cette angoisse :

L’aigle a déjà passé, l’esprit nouveau m’appelle...
(Horus, str. III, v. 9.)


Qu’il me soit permis de citer encore une strophe qui, avec d’autres vers épars dans les Chimères, est une des clefs secrètes du présent récit :

Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé
Et la treille où le pampre à la rose s’allie.

(El Desdichado, str. II, v. 5 à 8.)

Bourlinguer
Gênes

(Notes pour le lecteur inconnu, pp. 267-268.) »


Cendrars me renvoya à mes lectures adolescentes de Nerval.
J'ignorais que, dans les années qui allaient suivre, les Chimères me seraient incantations pour tenter de lire l'indéchiffrable énigme de l'Aimée morte !

Ce soir, j'ai bien envie de reprendre mes "Cendrars" !
Et pour de longues et lentes, très lentes relectures !

Commentaires

merci pour cette belle note - on a tous retrouvé de ces traces - ai lu aussi message précédent, on veille - mais pour "allumer le feu" on laisse le concept à Johhny H !

Écrit par : FB | mardi, 03 janvier 2006

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