vendredi, 04 février 2005
Petite chronique d’un vendredi ordinaire
C’est le vendredi matin qu’au bourg, sur la place de l’Église, s’installe le marché.
Je ne déroge point à mes habitudes, je monte au bourg, c’est le jour de la brioche et du Monde des Livres.
Un tout petit marché ! Le charcutier, les poissonnières, le marchand des “quatre-saisons”, le crèmier, la fleuriste et le marchand de brioches.
Ce matin, odeur chaude et beurrée de la galette qui s'étale sur la tuile de fonte brûlante : s’est installé un nouveau marchand de galettes. Tiendra-t-il ?
On s’y rencontre et on cause.
Vu Jd.
Nous évoquons le riche week-end nantais passé : la Folle Journée, Debray à l’espace LU, le savoir, la croyance et l’Europe, le concours hippique de la Beaujoire, nos élus municipaux et la vie associative, l’avenir de notre coopération avec nos amis baalinkés.
J’achète trois boudins et échange propos de saveurs avec le charcutier sur l'art du boudin ; je trouve que trop de viande et pas assez de sang assèchent. Il en convient, me disant que naguère : "C’était un tiers de sang, un tiers d’oignon, un tiers de gras".
À l’étal des “quatre-saisons”, propos sur une poire métisse : demi-Comice, demi-Passe-Crassane, ça donne l’Angélys, le juteux de l’une, le fondant de l’autre sans le grain. J’en prends six. À goûter !
Trois galettes pour voir si la pâte n’a pas trop de froment ajouté !
Le marchand de brioche me piège avec un sachet au contenu brun indécis ; il me dit que ça me rappellera des souvenirs : je tâte, soupèse, j’opte pour de la semoule de millet.
Nul ! C’est du sable du désert nigérien !
Je lui décris mes quinze jours dans un épais brouillard de sable rouge ; c'était à Biskra au printemps 1963 : la fine poussière sur les meubles à l’intérieur des demeures, les vêtements rosis, les dents qui crissent, les cils épaissis !
Dans le Monde des livres, où, c’est vrai, sévit de moins en moins madame Josyane Savigneau, la “chèvre-émissaire” de certains intellectuels blogant sur la Toile - ils en font un Saint-Just littérateur en jupons -, Catherine Bédarida présente “Un duo d’amour et d’écriture”, Jocelyne et Abdellatif Laâbi, qui, ce matin, étaient les invités de France Cul. Lui, interrogé sur l’absence de haine dans ses écrits de prison, répond sobrement : « La haine, elle est dans l’autre ! »
Plus bas, un entretien de Patrick Kéchichian avec une dame philosophe, Catherine Malabou, auteur(e !) d’un livre au titre qui me laisse dans un beau songe, La Plasticité au soir de l’écriture. À beau titre, belle notion : la Plasticité !
Je crains l’ardu d’une lecture qui me renvoie à un autre titre qui gît sur ma table, La parole muette, essai sur les contradictions de la littérature, de Jacques Rancière. Faudra du temps pour saisir la faille !
De ce même Rancière, j’ai tant aimé l’utopie de l’émancipation intellectuelle dans le Maître ignorant et la nostalgie de l’union avec le Peuple dans Courts voyages au pays du peuple.
Quand je passerai par la rue des Olivettes, je me mettrai en quête de l’enseigne “MeMo", passage Douard : on y fait de la belle ouvrage pour les enfants. Depuis dix ans, ça a beaucoup bougé dans l’édition nantaise. Mais je ne suis plus guère dans le circuit du livre. "La lecture et les bébés" fut mon chant du cygne en littérature de jeunesse dans les années quatre-dix commençantes !
16:40 Publié dans les diverses | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Cher Grapheus, l'auteure philosophe dont vous parlez est Catherine MalAbou, qui a co-signé "La Contre-allée" avec Jacques Derrida, il y a quelques années. Très beau texte (qui mériterait une thèse à lui seul !) sur les "voyages" de Derrida.
Écrit par : Au fil de l'O. | dimanche, 06 février 2005
La plasticité au soir de l'éciture est un texte écrit dans une langue volontaierment peu conceptuelle, qui est assez accessible à l'intuition, à condition d'avoir une écoute "d'artiste" disons. C'est un texte qui ouvre un certain nombre de choses, à la suite et aussi en divergence avec Derrida, qui donne vraiment un peu d'avenir à une manière qui se sédimentait.
Antérieure et initiatrice de ce mouvement, l'oeuvre de Jean-Luc Nancy, avec en particulier Le sens du monde, grand beau livre.
Écrit par : Etranger | mardi, 29 mars 2005
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