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mercredi, 02 février 2005

Un homme dru

À propos de René Guy CADOU
encore

C’est à ce Prince que j’adresse aujourd’hui, ces signes de reconnaissance, dans la lumière pure et ardente de ce cœur partagé, qui n’eut de cesse de battre le silex pour que les ténèbres fussent vouées, à jamais, à la perdition et à l’oubli.


Les dernières lignes du livre de Manoll, consacré à Cadou et cité avant-hier, sont un raccourci de l’ouvrage : un poète écrivant sur un poète ; et surgit souvent un trop poétique qui peut vite glisser du côté des petits oiseaux des fleurs et des récitations d’école primaire. Un trop poétique et un lyrisme métaphysique qui longtemps vont coller aux écrits de Cadou.

Les chapelles, conjugale et amicale, qui l’entourent et veillent sur l'héritage, ne contribueront-elles point à façonner la légende d’un poète trop diaphane ? L’on sait que, pendant des années, ne pas être conforme aux discours de l’une ou l’autre chapelles vous faisait écarter des sources et archives.

Entre l’adhésion communiste et le lyrisme célébrant le Divin, il y eut quelques silences, suivis de débats feutrés.
D’une intense sensualité dans de nombreux textes, le corps de Cadou se tait dans les approches critiques qui suivront sa mort.
Madame Cadou n’est certes point une veuve abusive : on peut, cependant, se demander si, dans sa vigilance de légitime légataire, elle ne souhaita point une sorte de béatification pour son diable de mari.

L’anonyme lecteur n’a sans doute que faire de ces maigres interdits, de ces censures inavouées. Une longue et solitaire lecture du poète lui est une provende abondante.
Mais vient un temps où des éclairages biographiques autour d’écrits non publiés - ébauches romanesques, correspondances - favorisent une compréhension plus intime, sans tenir du voyeurisme : le vin, la nudité, les bêtes de la terre s’épanouissaient dans les horizons de l’homme Cadou.

Un premier colloque en 1981, celui de novembre 1998 indiquent que l’entr’ouvert s’élargit. Mais fallait-il donc attendre le sérieux (!) et l’autorité de l’Université pour ce faire ?

Cadou était lyrique, tendre et dru.

Je pense à toi qui me liras dans une petite chambre de province
Avec des stores tenus par des épingles à linge
Bien entendu ce sera dans les derniers jours de septembre
Tu te seras levé très tôt pour reconduire
Une vieille personne qui t’est chère avec son vieux sac de cuir
Tu auras peur soudain et tu rentreras dare-dare
« Mon Dieu pardonnez-moi d’être sans volonté
« Je suis malade de luzerne et je fréquente les cafés
« J’ai bu bien davantage que de coutume des absinthes
« Mais Bernadette et Sœur Chantal sont mes Saintes »
Tu t’assiéras dans le jour maigre et tu liras
Mes vers « O mon Dieu se peut-il que ce poète
« Me mette des douleurs de ventre dans la tête
« Que je m’enfante et que je vive en moi comme un posthume enfant
« Qui souffre de rigueur et renifle en plein vent »
Et le Seigneur dira : Bénis soient de la gare
Les bistrots pour t’avoir redonné la mémoire.

 

Pour plus tard
in “Hélène ou le règne végétal” - 1948

Commentaires

merci pour cette revue de poètes qui chantent plutôt le bonheur dans une époque pleine de bruits et de fureur !
La forme même de la poésie confère de la grâce aux choses les plus banales.

Écrit par : alain barré | jeudi, 03 février 2005

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