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mardi, 01 février 2005

René Guy CADOU

L’histoire de ce livre commence sans doute quand naît le rédacteur de cette chronique :


À la devanture d’un libraire, une pauvre devanture, parmi des gravures de mode et gros in-folio, de petits livres de poèmes couverts de papier cristal et de grandes feuilles manuscrites.
Je n’ai pas honte de mes culottes courtes et j’entre. Il y a des colombes qui volètent dans le magasin, un long jeune homme nourri de cigarettes aux doigts brûlés.

 

Mon enfance est à tout le monde


Voici comment Cadou rend compte de sa première rencontre avec Michel Manoll. C’était pendant l’hiver 1936.

C’est à ce Prince que j’adresse aujourd’hui, ces signes de reconnaissance, dans la lumière pure et ardente de ce cœur partagé, qui n’eut de cesse de battre le silex pour que les ténèbres fussent vouées, à jamais, à la perdition et à l’oubli.


Voilà comment Michel Manoll achève le livre qu’il consacre à Cadou dans la collection “Poètes d’aujourd’hui”.

Entre 1936 et 1954 : une vie d’instituteur et poète qui s’achève en mars 1951 et un livre que le libraire, poète et ami consacre à celui qu’il guida, conseilla sans doute et accompagna.
Une biographie suivie d'un choix de textes, parmi les recueils déjà publiés et beaucoup d’inédits ; en hors-texte, des portraits, photographies, dessins et documents.
C’est un essai conforme à ceux publiés alors dans la collection concue par Pierre Seghers : rédigé par un poète où le fil conducteur de la biographie s’enrichit de nombreuses citations illustrant des commentaires littéraires.

C’est le dépliant publicitaire de ce livre que l’adolescent que je suis, a entre les mains, cet après-midi de juin 1954.
Acquis le 4 janvier 1955, le livre porte sur la page de garde en exergue : En un beau jour d’amitié...
La lecture de Cadou sera, pour moi et pour longtemps, du côté des amitiés, de l’amour, du pain quotidien, des campagnes d‘ouest, des pommiers à cidre et des vents d’ouest, des jeunes filles nues aux croisées de fenêtres, des balades dans la Nantes d’après-guerre, une “forme de la ville” pré-gracquienne, des auberges au vin frais et des gares perdues.


Laissez venir à moi tous les chevaux toutes les femmes et les bêtes bannies
Et que les graminées se poussent jusqu’à la margelle de mon établi
Je veux chante la joie étonnament lucide
D’un pays plat barricadé d’étranges pommiers à cidre
Voici que je dispose ma lyre comme une échelle à poules contre le ciel
Et que tous les paysans viennnent voir ce miracle d’un homme qui grimpe après les voyelles
...................................................................

 

Le chant de solitude



Anthologie sera la rose des vents pour les poètes à découvrir, à lire :

Max Jacob ta rue et ta place
Pour lorgner les voisins d’en face !

Éluard le square ensoleillé
Un bouquet de givre à ses pieds !

Jouve ! c’est mieux que Monsieur Nietzsche
Une effraie étudiant la niche

Léon-Paul Fargue ! La musique
D’un triste fiacre mécanique !

Blaise Cendrars ! Apollinaire !
Le bateau qui prend feu en mer

Reverdy ! la percée nouvelle
Les éléments comme voyelles !

Le remue-ménage cosmique
De Saint-Pol-Roux-le-Magnifique !

Boulevard Jules Supervielle
Noë la Fable et les gazelles !

Vladislas de Lubics-Milosz
Les clefs de Witold dans sa poche !

Le chemin creux de Francis Jammes
On y voit l’âne on y voit l’âme !

Aragon la ruelle à chansons
Et les yeux d’Elsa tout au fond !

Cocteau la neige la roulotte
L’ange amer qui se déculotte !

Paul Claudel ! filleul de Rimbaud
Cinq grandes odes cent gros mots !

Mais aussi mon Serge Éssénine
Ce voyou qui s’assassina

Et la grande ombre de Lorca
Sous la pluie rouge des glycines !

À qui s’en prendre désormais
pour célébrer le mois de mai ?

 

Hélène ou le règne végétal
(1949)



Ma vie, mes amitiés, mes amours, mes lectures, seront souvent de plain-pied dans le flux des métaphores accroissant émotions, suscitant regards neufs, libérant une parole autre.

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Aujourd’hui, mes lectures m’emmènent du côté du sang, des lampes, des corridors où rôde la camarde, de la sécheresse ardente de ces chroniques brèves : Burger, le Diable et son train, Pacifique Liotrot,

............................................................
Il est debout dans sa jeunesse et il s’habille
De velours vert avec des boutons qui brillent

Entendez-moi je suis Pacifique Liotrot
Je suis le garde-chasse du château !

Qu’est-ce qu’il porte là dans ses deux mains brisées ?
Un cor de cuivre noir comme un poulet vidé.



de ces autres encore : Rue du sang, Sainte Véronique, Mourir pour mourir, Saint Thomas,

Poète ! René Guy Cadou ?
Mais montrez-moi trace des clous !

Montrez l’eau vive où il s’abreuve
Montrez rabots et planches neuves !

Montrez-le-moi sur le sentier
Larron avec le fer aux pieds !

....................................................................

Bègue à moitié navré transi
Montrez-le-moi quand il écrit

Ces mots à tort et à travers
Pareils aux vagues de la mer



Ce n’est que depuis quelques années qu’une des rares obscurités de Cadou, désormais, pour moi fait sens :

J’écris pour des oreilles poilues, d’un amour obstiné qui saura bien, un jour, se faire entendre.

Usage interne 1946-1949



Post-scriptum en guise de bibliographie :

RENÉ GUY CADOU, Poésie la vie entière, Œuvres poétiques complètes, préface de Michel Manoll, Paris, Éd. Seghers, 1997, 475 p.
Christian MONCELET, René Guy Cadou - Les liens de ce monde, collection Champ poétique, Éd. Champ Vallon, 1983, 246 p.
Colloque René Guy CADOU, un poète dans le siècle, novembre 1998, Université de Nantes, Éd. Joca Seria, 1999, 300 p.

Un DVD
René Guy CADOU, de Louisfert à Rochefort-sur-Loire, film de Jacques Bertin, distribué par Velen

Commentaires

Comme le gentil bossu ajoutait des paroles à la chanson des farfadets, j'ajoute un petit couplet à ton anthologie qui n'en a pas besoin :

Comme nous pardonnons à ceux qui nous enfoncé
Dans la poitrine ce goût de vivre comme un clou rouillé.
RG Cadou - Après Dieu, le déluge
glané dans le livre passionnant de Christian Moncelet

Écrit par : Mj | mardi, 01 février 2005

Eh...oui je déblogue....facture télécom qui atteind des cîmes n'ayant pas de forfait...Free par télécom toujours aux abonnés absents...est-il vrai que Free-box dispense de payer ses communications téléphoniques ?......ma derniére réponse à grapheus s'est perdue dans les nimbes des chemins numériques et les brouillards informatiques...et le tic-tac de l'horloge s'écoule sans remédier à cet inconvénient, tout occupé à finaliser le derniére Lettre du réseau de la BDLA.
Suite ton propos poétique, as-tu le n°31 d'Encres de Loire de janvier 2005, consacré à la poésie en Pays de la Loire?
Es-tu informé de la 2éme édition des rencontres de la Ducherais ( Jean Rouaud) en mai prochain?
Concernant Bouguenais sans frontiéres, quelle est la difficulté actuelle? Je crois que l'hypothèse de travail autour de l'écriture et du 15éme anniversaire ne recueille pas de retour positif, je vais plutôt m'orienter vers les mangroves du Siné Saloum et de la Casamance, histoire de parler avec les oiseaux
A+
François Jost

Écrit par : jost | mercredi, 02 février 2005

Comment ceux que Cadou aide à vivre,dont je suis,peuvent-ils apprécier Char?
J'avoue que cela me dépasse tant la simplicité,l'humour,la dose juste d'auto-com
plaisance du premier me semblent à l'opposé de la vacuité prétentieuse,gonflée
d'auto-suffisance du second...peut-être ai-je davantage besoin d'ami que de gourou
...??? En tout cas je ne comprendrai sans doute jamais la place que Char (et Ponge
entre autres) tiennent dans notre poésie. Sinon merci pour ce blog que je viens de découvrir par poezibao (j'ai moi-même une belle collection de "Poètes d'aujourd'hui")
Gilles RUEL

Écrit par : RUEL | samedi, 19 février 2005

En réponse à Gilles Ruel, mais c'est tout autant un questionnemen, sur ces fréquentations, oh combien, antithétqiues (!).
À voir du côté de l'artisanat de la langue et de la métaphore, de l'enracinement dans des terroirs qui semblent s'opposer.
Je n'ai aucune prétention à un panorama exhaustif de "LA" poésie franaçise. Je témoigne de mes vagabondages, de droite, de gauche, au nord, au sud, vers l'est,et retour à l'ouest.
J'entends bien que la lecture de l'un peut être fermeture à la lecture de l'autre. C'est une expérience que sans doute beaucoup d'entre nous, nous vivons. Je la vis avec une certaine nostalgie dans la mesure où il m'est alors difficile d'entrer en relation avec un autre lecteur qui se sent de plain pied avec ce que je vis comme m'étant étranger, inaudible, illisible.

Merci de votre intervention sincère !

Écrit par : grapheus tis | samedi, 19 février 2005

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