mercredi, 22 mai 2013
Récapitulons : le sonnet, c'est quoi ?
« Sonne-moy ces beaux sonnets, non moins docte que plaisante invention italienne, conforme de nom à l'ode, et différente d'elle seulement, pour ce que le sonnet a certains vers réglés et limités ; et l'ode peut courir par toutes manières de vers librement, voire en inventer à plaisir... Pour le sonnet doncques tu as Pétrarque et quelques modernes Italiens. Chante moy d'une musette bien résonnante et d'une flûte bien jointe ces plaisantes églogues rustiques, à l'exemple de Théocrite et Virgile, marines à l'exemple de Sennazar gentil homme Néapolitain.»
Joachim Du Bellay
Défense et IIlustration de la Langue Française
Livre I, IV
Selon le Trésor de la langue française informatisé
SONNET, subst. masc.
VERSIF. Poème de 14 vers, composé de 2 quatrains aux rimes embrassées, suivis de 2 tercets dont les 2 premières rimes sont identiques tandis que les 4 dernières sont embrassées (sonnet italien) ou croisées (sonnet français).
REM. Sonnettiste, subst. masc. Poète qui écrit des sonnets. De Heredia, ce sonnettiste inférieur à Soulary, lui fait des crasses (RENARD, Journal, 1899, p. 549).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1536 (Cl. MAROT, Sonnet à Madame de Ferrare [titre; comp. en Italie] ds Œuvres, éd. C. A. Mayer, t. 4, p. 267). Empr. à l'ital. sonetto, att. dep. le XIIIe s. (GUITTONE D'AREZZO; le genre a été inventé par G. da LENTINI dans la 1re moit. du XIIIe s.; v. DEI et U. RENDA, P. OPERTI, Dizionario storico della letteratura italiana, s.v. Lentini et Sonetto), lui-même empr. à l'a. prov. sonet « chanson, mélodie chantée » (2e moit. XIIe s., GUIRAUT DE BORNELH ds LEVY Prov.); cf. a. m. fr. sonet « id. », att. dep. ca 1200 (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke, P. Rasch, 8306), encore att. en 1570 (J. DORAT, Novem cantica de pace [...] Neuf Cantiques ou Sonetz de la paix [titre]), dér. de son « air de musique » (son2*). Le genre du sonnet a cependant été introd. en France sous l'infl. de Pétrarque, très à la mode à l'époque de la Renaissance.
Le sonnet, dans l'une des dispositions les plus classiques, se compose de deux quatrains aux rimes embrassées et répétées, et de 2 tercets sur 2 ou 3 rimes à disposition variable que l'on trouve parfois en un seul sizain ; les formes les plus courantes en français sont :
ABBA ABBA CCD EED
ou
ABBA ABBA CCD EDE
Cela s'écrit en octosyllabes, décasyllabes, alexandrins. Et plus tard en toute liberté d'une syllabe à plus de douze
La mise en valeur du dernier vers est appelé la chute du sonnet.
Jacques Roubaud dans son incontournable Anthologie du sonnet français de Marot à Malherbe reconnaît à la forme sonnet:
six caractères qui lui donnent une position exceptionnelle parmi les formes poétiques attestées.
1. Il s'agit d'une forme savante, écrite et récente.
2. Sa durée de vie est très grande. Les premiers sonnets datent du premier quart du XIIIe siècle. Il s'en compose encore aujourd'hui. C'est une forme poétique contemporaine.
3. Le sonnet est présent dans la tradition poétique d'un nombre considérable de langues. La forme sonnet n'est pas universelle, mais quasi universelle... *
4. Le sonnet a une qualité spectaculaire (par « qualité » je n'entends pas donner un jugement de valeur), qui apparaît pratiquement : une immense productivité. On peut désigner ce trait comme un pouvoir multiplicateur. Il s'est écrit beaucoup, énormément de sonnets... Et ce pouvoir de multiplication semble récurrent, presque indépendant des époques et des lieux.
5. Le sonnet a ceci de remarquable qu'il a été composé dans cette forme certains des poèmes considérés comme les plus beaux de la poésie universelle. Il n'est pas possible de ne pas tenir compte du fait esthétique dans une discussion de la forme. La forme sonnet est une forme poétique de valeur exceptionnelle. Dans leurs langues respectives, certains sonnets comptent parmi les monuments les plus élevés de l'art de poésie. Ce trait est un trait de reconnaissance...
6. Dernier caractère : un mystère formel. Le sonnet est presque toujours présenté comme une forme fixe, étroitement contrainte. Cela est vrai à tout moment de son histoire et de ses migrations. Ce caractère est tantôt mis à son crédit, fait partie de son prestige, tantôt au contraire lui est reproché, le discrédite. Il est indéniable que, de siècle en siècle, et de langue à langue, les sonnets conservent un air de parenté (et la même désignation).
Pour clore, de celui qui est à l'ouverture de cette note, un sonnet à la forme rigoureuse et ajoutant la beauté formelle et les vertus de et l'élégie et de la satire au "vertige de la liste".
Sans oublier que le sonnet vient de "sonare", chanter, et qu'à défaut de chanter, il est fort agréable de se le "mettre en goule"
Ceulx qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceulx qui ayment l’honneur, chanteront de la gloire
Ceulx qui sont pres du Roy, publiront sa victoire
Ceulx qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront
Ceulx qui ayment les arts, les sciences diront
Ceulx qui sont vertueux, pour tels se feront croire
Ceulx qui ayment le vin, deviseront de boire
Ceulx qui sont de loisir, de fables escriront
Ceulx qui sont mesdisans, se plairont à mesdire
Ceulx qui sont moins fascheux, diront des mots pour rire
Ceulx qui sont plus vaillans, vanteront leur valeur
Ceulx qui se plaisent trop, chanteront leur louange
Ceulx qui veulent flater, feront d’un diable un ange
Moy, qui suis malheureux, je plaindray mon malheur.
Joachim Du Bellay
Les Regrets, V
*Dans les notes précédentes, quand s'est relancé l'intérêt du blogueur pour le sonnet : Michel-Ange, Shakespeare, Lorca, Rilke.
19:55 Publié dans Du Bellay mon voisin, glane de sonnets, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Voir
http://paysdepoesie.wordpress.com/category/sonnet/
Écrit par : Cochonfucius | dimanche, 09 février 2014
Le vertige de la liste (c'est très joli) justement ..en hommage à ..notre Cochonfucius __
Celui qui se travestit en abreuvoir |
Celui qui se déguise en buveur excessif |
Celle qui fait de son salon un campement rustique |
Celle qui arbore légitimement la tenue de "dame de mes pensées" |
Ceux qui sont des épouvantails |
Celles qui sont des femmes de charpentier |
Le groupe de petits malins déguisés en galerie de portraits |
Celui qui semble heureux comme une huître |
Ceux qui ont un habit de l'inframonde |
Celle qui incarne la joie et la tristesse |
Ceux qui imitent les licornes |
Celui qui incarne le maître Chevillard |
Celle qui mime le noircissement des pages |
Ceux qui semblent issus d'une peinture chinoise |
Celui qui a le regard de Saturne |
Celle qui comme Salomé tient un plateau dans ses mains |
Ceux qui incarnent les tournesols |
Celui des vocalisations, et tous les autres...
Celui qui pratique l’apnée à titre posthume |
Celui qui a la garde des jeux de mots subtils |
Celle qui le fait par courrier électronique et
demande à être prévenue quand le destinataire ouvre les messages |
Ceux qui militent contre la réfraction |
Celui qui est non seulement agrégé mais aussi désagrégé |
Celle qui s'endort avec un beau sourire |
Celui qui revisite l'intégrale des sonnets et leur associe des illustrations en couleur |
Celle qui encourage un animal anthropomorphe, et tous les autres
Celui qui dit sa prière à l’arc-en-ciel à travers la toile de l’araignée |
Celle dont les mots s’arrêtent dans les sainfoins et les clochettes mouvantes |
Ceux qui se cachent dans la pendule |
Celui qui tire les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures |
Celle qui s’exprime par adjonction de tolise de maîtres à des sonnets, et s'en sort bien |
Ceux qui préservent leur intimité en passant leur vie à l'estaminet |
Celui qui est compris des girouettes et des coqs des clochers de partout,
sous l’éclatante giboulée |
Celle qui établit un piano dans les Alpes |
Celui qui voit midi dans le chaos de glaces et de nuit du pôle |
Celle qui entend les chacals piaulant par les déserts de thym,
et les églogues en sabots grognant dans le verger |
Ceux qui vont s’enfouissant |
Celui qui allume sa braise dans le pot de terre, et ne voudra jamais nous raconter ce qu’il sait,
et que nous ignorons, et tous les autres...
Celui qui accommode les ténèbres |
Celle dont l'éructation est signe d'humeur joyeuse |
Ceux qui ont avalé le fantôme du Petit Chaperon Rouge |
Celui dont l'odeur est fruitée, comme son Côtes-du-Rhônes de prédilection |
Celle qui déchire les références en fin d'ouvrage |
Ceux qui font passer le temps, attendant sans savoir quelle chose ils attendent,
suivant les longs trottoirs comme on suit un rivage |
Celui qui a l'air tout simplement remarquable et tout à fait réjouissant |
Celle dont les amis (beaucoup de gens frivoles) lisent la déclaration qu'elle grave sur un mur |
Ceux qui trouvent de l'humour au marionnettiste |
Celui qui reconnaît les gens élevés à une chose assez simple: ils lui parlent de ce qui l'intéresse |
Ceux qui appellent le silence un entrant seul sous l'arceau taciturne |
Ceux que leur bonne humeur fait venir ici |
Celle qui se débat avec les illustrations des sonnets |
Ceux qui se sont fait une règle de ne point retourner le crocodile comme une chaussette |
Ceux qui pratiquent une versification fluide mais glaciale, et tous les autres....
Celui qui se rappelle Gabriel après l'amour |
Celle qui disait: le temps n'est qu'illusion, selon les physiciens |
Ceux pour qui un an vient de passer, bref comme une semaine |
Celui qui relit Sur le Temps présent par Eustorg de Beaulieu |
Celle qui lit La Fin annoncée de l'Imparfait du Subjonctif |
Ceux qui contestent «Thermae Romae» de Mari Yamazaki
|Celui qui écrit une carte postale à Palamède de Guermantes, baron de Charlus |
Celle qui considère que les applications de la théorie cinétique
des gaz à la physique des plasmas et à la dynamique des galaxies peuvent attendre septembre |
Ceux qui remettent tout à plat y compris le contenu de certaines correspondances privées |
Celui qui n'a plus retourner danser chez Temporel, un jour ou l'autre |
Celle que ça reprend chaque fois que la spécificité de son état de vie est en fonction de son vécu contingent |
Ceux qui sont décidés à rechercher dans un intervalle mesurable, afin de construire de belles courbes |
Celui qui voit des arguments de méthode que certains lui opposent et qui sont exactement les siens |
Celle qui s'exclame qu'il est trop tard pour empêcher les cloches de sonner, et tous les autres...
Celui qui se rappelle les oreilles distraites de César et regimbe, comme un coursier, sous la main maladroite qui le flatte |
Ceux qu'on dit les lobbyistes du sonnet marotique en quête de subventions européennes |
Celui qui préfère les forêts aux casinos |
Celle qui te supplie de lui raconter ce que tu faisais avec tes premières amantes |
Ceux qui t'expliquent que la quasi-totalité des références au sujet de la Licorne Rose Invisible sont en anglais |
Celui qui te prie de répéter en chemin à tous les passants ce que tu as appris de bon en chemin |
Celle qui prétend qu'à travers Limonov,
c’est une nouvelle image du monde qui apparaît,
où les dissidents ne sont pas ceux que l’on croit, le monde respire,
on sent qu’il y a du jeu, il se crée des espaces
pour que le lecteur puisse imaginer en dehors des images imposées dans les médias |
Ceux qui ont constaté eux aussi la beauté de la pivoine, de la tubéreuse et du jasmin,
du lotus de Judée et du lys de l’Euphrate, des plus étranges fleurs et des plus disparates
et aussi de l’oiseau de paradis, de l’ibis, du flamant rose, du choucas, du toucan, de la pie et du pivert,
éployant tour à tour leurs plumages divers |
Celui qui affirme que Fabienne Verdier a commencé par des singes criant leur chagrin |
Celle qui a fait plus ample connaissance avec chacun des doctorants de son mari vieillissant |
Ceux qui vont se retrouver à l'inauguration des chrysanthèmes |
Celui qui se dit que tout homme doit découvrir quelque chose qui justifie sa vie |
Celle qui dit que les saisons ne sont point monotones |
Ceux qui repèrent les failles de la Toile, et tous les autres...
Écrit par : Celle | mercredi, 14 mai 2014
Ceci aurait bien sa place ici :
http://www.echolalie.org/wiki/
Écrit par : Patrice | mercredi, 10 décembre 2014
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