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mercredi, 15 mai 2013

le faux sonnet de René Char

Ce n'est toujours pas un sonnet, mais les quatorze vers y sont, leur métrique est, pour la plupart d'entre eux, proche de l'alexandrin : douze pieds, — syllabes, disent désormais certains puristes. C'est un texte encore dans la quincaillerie surréaliste,— Char s'est récemmment séparé du mouvement, mais ne renie point son appartenance passée — avec des images superbes et un hermétisme certain, cette obscurité héraclitéenne, souvent revendiquée.


Le titre est, comme souvent chez Char en rapport subtil avec le texte, et même avec le recueil, Dehors la nuit est gouvernée. Il est le pénultième d'une mince brochure, parue en 1938, imprimée et rééditée bellement en 1949 par Guy Lévis Mano, augmentée d'un Placard pour un chemin des écoliers, dédié aux enfants d'Espagne.

Naguère, le lecteur était nu devant un tel écrit. C'était peut-être aussi bien pour la saisie émotionnelle. Désormais, les biographes se sont emparé du quotidien, jusqu'au plus trivial.
Entre 1936 et 1938, c'est la  la guerre d'Espagne, c'est le bond social et ambivalent du Front Populaire, c'est dans l'intime du poète une maladie grave et des soucis avec l'artisanat familial, c'est le pressentiment de ces annnées si sombres qui adviennent.
Les textes, hors Une Italienne de Corot et les casseurs de cailloux de Courbet, sont amers, tourmentés. Dans l'introduction qu'il écrit en 1948, Char le reconnaît :« J'étais parvenu à cette époque, avec mon tourment, sur ces crêtes où hauteur et profondeur n'échangent plus leur différence, sont inexorablement étales. »


Remise est donc bien le lieu écrit où, après un long et tortueux périple, on "laisse filer les guides" dans l'apaisement de la plaine et le lecteur crée le lien avec le premier vers.

La sérénité et la chaleur du compagnonnage sont retrouvées  quoique demeurent les images menaçantes de dangers qui exigent vigilance et attention. D'un vers à son suivant, on mesure cette nécessité de l'alliance des contraires d'où surgit la beauté du texte.


REMISE



Laissez filer les guides maintenant c'est la plaine

Il gèle à la frontière chaque branche l'indique

Un tournant va surgir prompt comme une fumée

Où flottera bonjour arqué comme une écharde

L'angoisse de faiblir sous l'écorce respire

Le couvert sera mis autour de la margelle

Des êtres bienveillants se porteront vers nous

La main à votre front sera froide d'étoiles

Et pas un souvenir de couteau sur les herbes




Non le bruit de l'oubli là serait tel

Qu'il corromprait la vertu du sang et de la cendre

Ligués à mon chevet contre la pauvreté

Qui n'entend que son pas n'admire que sa vue

Dans l'eau morte de son ombre.

René CHAR

Dehors la nuit est gouvernée, 1938

 

Les cinq derniers vers me sont indéchiffrables. Je n'ai comme seul recours à une amorce de compréhension que ce dicton Halpulaar que je tiens d'un sage très âgé du village de  Sébou sur les rives du fleuve Sénégal :

Les yeux voient ce qu'ils ne veulent pas voir, mais les pieds ne vont que là où ils veulent aller.

Mais là, ne se rapproche-t-on pas plus de Michaux ?


Et Remise n'était donc point un sonnet. Par contre, dans Placard pour un chemin des écoliers, Char se rapproche de François Villon et d'un genre très ancien de notre langue, il écrit une très belle ballade, Compagnie de l'écolière.

 





* Remise  (in Trésor de la langue française informatisé)
1. Vieilli. Local couvert destiné à abriter des véhicules. Synon. entrepôt, garage, hangar. Les remises à voitures sont toujours rectangulaires; les remises à machines sont, ou rectangulaires, ou en forme de secteur de cercle, ou entièrement circulaires (BRICKA, Cours ch. de fer, t. 1, 1894, pp. 253-254). J'avais une chambre à moi; elle donnait sur la cour, face au bûcher, à la buanderie, à la remise qui enfermait, périmées comme d'anciens carrosses, une victoria et une berline (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 82).

2. Dépendance, local où sont rangés des instruments, des objets. Remise aux outils. L'atelier de Labanne était si rempli de livres qu'on eût dit une remise de bouquiniste (A. FRANCE, Chat maigre, 1879, p. 217).

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