samedi, 22 décembre 2012
quand va remonter la lumière
©Nicléane
Le solstice d'hiver approchait.
Nous sortions de l'estuaire de la Vilaine, la mer était déserte, la houle atténuée, le vent quasi nul, nous arrondissions le plateau des Mâts, cap au 270 sur la pointe de Grand'Mont. Surgi de la brume laiteuse et froide, le Roi Gradlon, le navire-baliseur de la baie, venait pour entretien relever la bouée cardinale Sud qui pare le plateau.
Il est passé en vitesse lente sur notre arrière. Nous avons salué ces hommes de dur labeur qui veillent en tout temps sur les rives et les chenaux de mer. Ils ont répondu à notre salut.
Ils ouvrent l'horizon de nos courses et nous sommes assurés de retours sereins.
Celui qui peint l'amer au front des plus hauts caps, celui qui marque d'une croix blanche la face des récifs ; celui qui lave d'un lait pauvre les grandes casemates d'ombre au pied des sémaphores, et c'est un lieu de cinéraires et de gravats pour la délectation du sage; celui qui prend logement, pour la saison des pluies, avec les gens de pilotage et de bornage — chez le gardien d'un temple mort à bout de péninsule (et c'est sur un éperon de pierre gris-bleu, ou sur la haute table de grès rouge); celui qu'enchaîne, sur les cartes, la course close des cyclones; pour qui s'éclairent, aux nuits d'hiver, les grandes pistes sidérales; ou qui démêle en songe bien d'autres lois de transhumance et de dérivation; celui qui quête, à bout de sonde, l'argile rouge des grands fonds pour modeler la face de son rêve; celui qui s'offre, dans les ports, à compenser les boussoles pour la marine de plaisance...
Saint-John Perse
Exil, VI.
17:17 Publié dans Les chroniques portuaires, les marines, "Poètes, vos papiers !" | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.