Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 04 novembre 2009

« vertige de la liste » II

à MJ, pour nos ateliers de naguère

 

Quand l'invective s'éructant dans des onomatopées qui dans la désespérance vont glisser dans la langue — on aurait pu attendre l'inverse — est-on encore dans la "liste" ?

Oui, si la liste est énumération, et quelle énumération !

Dans l'énumération révoltée d'un monde qui révulse jusqu'à effacer celui qui pousse jusqu'à l'exténuation un tel cri.

 

Quand les mah,
Quand les mah,
Les marécages,
Les malédictions,
Quand les mahahahahas,
Les mahahaborras,
Les mahahamaladihahas,
Les matratrimatratrihahas,
Les hondregordegarderies,
Les honcucarachoncus,
Les hordanoplopais de puru paru puru,
Les immoncéphales glossés,
Les poids, les pestes, les putréfactions,
Les nécroses, les carnages, les engloutissements,
Les visqueux, les éteints, les infects,
Quand le miel devenu pierreux,
Les banquises perdant du sang,
Les Juifs affolés rachetant le Christ précipitamment,,
L'Acropole, les casernes changées en choux,
Les regards en chauves-souris, ou bien barbelés, en boîte à clous,
De nouvelles mains en raz de marée,
D'autres vertèbres faites de moulins à vent,
Le jus de la joie se changeant en brûlure,
Les caresses en ravages lancinants, les organes du corps les mieux unis en duels au sabre,
Le sable à la caresse rousse se retournant en plomb sur tous les amateurs de plage,
Les langues tièdes, promeneuses passionnées, se changeant soit en couteaux,soit en durs cailloux,
Le bruit exquis des rivières qui coulent se changeant en forêts de perroquets et de marteaux-pilons,
Quand l'Épouvantable-Implacable se débondant enfin,
Assoira ses mille fesses infectes sur ce Monde fermé, centré, et comme pendu au clou,
Tournant, tournant sur lui-même sans jamais arriver à s'échapper,
Quand, dernier rameau de l'Être, la souffrance, pointe atroce, survivra seule,croissant en délicatesse,
De plus en plus aiguë et intolérable... et le Néant têtu tout autour qui recule comme la panique...
Oh! Malheur! Malheur!
Oh! Dernier souvenir, petite vie de chaque homme, petite vie de chaque animal, petites vies punctiformes ;
Plus jamais.
Oh! Vide!
Oh! Espace! Espace non stratifié... Oh! Espace, Espace!

Henri Michaux

L’Avenir in Mes Propriétés, 1929

 

Note-bene : cette "liste" fut déjà publiée en février 2005 dans une note sur le livre de René Bertelé" Henri Michaux",  paru chez Seghers, dans la collection "Poètes d'aujourd'hui".

Commentaires

merci - (je n'ai pas lu "mes propriétés")

Écrit par : brigetoun | mercredi, 04 novembre 2009

Les commentaires sont fermés.